Madame la secrétaire d’État, avant d’aborder ce débat, je souhaite revenir sur l’interruption volontaire de grossesse d’une fillette victime d’un inceste au Brésil et sur la sanction féroce de l’église catholique, alors même que l’IVG est autorisée dans ce pays. Après la polémique sur les méthodes de contraception et la façon dont elles ont été mises en exergue, et à quelques jours de la conférence « Durban II » sur le racisme prévue à Genève, qui semble promouvoir des thèses sexistes, manifester une véritable hostilité à l’égard des droits des femmes et contester leur émancipation, notre débat sur la politique de lutte contre les violences faites aux femmes s’inscrit dans un contexte international où la dignité des femmes et la dynamique évolution de leurs droits rencontrent quelques « ratés ». Nous devons donc veiller à ce qui se passe à l’extérieur de nos frontières.
J’en viens au sujet qui nous occupe.
Nous avions légiféré, il y a trois ans, sur les violences familiales en adoptant la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, sur laquelle je souhaite apporter un éclairage et vous poser quelques questions, madame la secrétaire d'État.
Premièrement, cette loi est née d’une initiative parlementaire, sénatoriale, et a recueilli l’unanimité des suffrages au Sénat, comme à l’Assemblée nationale.
La « paternité » directe de cette loi revient, en grande partie, à notre collègue Roland Courteau, et je tiens ici à lui rendre publiquement hommage. Par la force et la profonde humanité de ses arguments, il avait convaincu ses collègues du groupe socialiste de se joindre à lui pour signer un texte que je qualifierai volontiers de « proposition de loi-programme ». En effet, non seulement cette proposition ciblait, de façon large et réaliste, les violences « au sein du couple », en dépassant la notion de violences conjugales stricto sensu, mais aussi et surtout elle prévoyait de traiter toutes les composantes du problème : la prévention, l’aide aux victimes et, bien entendu, la sanction.
Dans le même sens, notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres de son groupe avaient signé une proposition de loi qui avait notamment le mérite d’insister sur la nécessité de former tous les acteurs sociaux, médicaux et judiciaires – cela reste d’une très grande actualité – à la problématique des violences conjugales.
N’oublions pas non plus que le thème des violences faites aux femmes avait, bien entendu, constamment imprégné les travaux de la délégation aux droits des femmes présidée alors par notre collège Gisèle Gautier, et que les premières avancées législatives sur l’éloignement du conjoint violent ont été suscitées par les analyses de la délégation sénatoriale au moment des débats relatifs à la réforme du divorce.
Deuxièmement, on ne dira jamais assez à quel point la loi que nous avons adoptée a levé un peu plus l’un des tabous majeurs de la société française. Madame la secrétaire d'État, vous vous inscrivez dans la longue lignée de toutes ces femmes membres du Gouvernement chargées du droit des femmes, et vous poursuivez ce que j’avais commencé lors de la première campagne de 1989, lorsque j’étais moi-même à votre poste ; nous entrions alors dans un débat qui allait au-delà de la vie privée, avec toutes les craintes que cela inspirait à l’époque.
Depuis lors, je le constate, toutes les femmes qui ont occupé vos fonctions ont eu à cœur d’avancer sur une problématique qui constituait, je le répète, l’un des tabous majeurs de la société française. La complaisance constatée çà et là en la matière était même un facteur culturel ! C’est dire si nous revenions de loin et c’est encore le cas aujourd’hui.
Chacun sait combien il est difficile de parler des violences familiales. Il faudra que les historiens – mais dans combien de temps ? – et les sociologues nous expliquent un jour pourquoi il aura fallu attendre 2006 pour débattre de ce thème au sein des assemblées parlementaires d’un pays comme la France ! Comment expliquer ce silence législatif ? Nous avons pourtant toujours su combien étaient nombreux ces enfants et ces adultes à jamais traumatisés dans l’intimité du cadre familial. Tous, en effet, nous connaissions des victimes, des témoins et même des agresseurs, qui étaient, pour certains, rongés par le remords et, pour d’autres, dans le déni.
Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous avons rendu un très grand service à notre pays en faisant en sorte que la loi reconnaisse enfin les violences familiales, car il était important de pouvoir identifier ce problème.
L’impulsion législative était ainsi donnée, même si nous regrettions à l’époque qu’elle ne fût pas complète, car seul l’aspect pénal avait été pris en compte. Mais nous savons bien qu’il ne suffit pas de légiférer, même à l’unanimité – ce qui, convenons-en, est rare –, …