En fait, ce texte nous permet de mieux avancer dans la lutte contre un tel fléau. La loi peut, en effet, devancer les mentalités et en accélérer l’évolution. Mais, je le reconnais, elle n’est pas la seule réponse à apporter pour éradiquer les violences conjugales : elle doit être relayée par d’autres dynamiques pour faire changer certains schémas profondément ancrés dans les mentalités.
Cela étant, je constate que les choses évoluent. Je note que le taux de réponse pénale augmente, passant de 69 % en 2003 à près de 84 % en 2008. Je note également que la prise en charge des victimes s’est améliorée. Je note encore que, depuis les débats qui ont conduit à l’adoption de nos propositions de loi, les faits de violences sont mieux recensés. Souvenez-vous, je l’avais dénoncé ici même, en 2005 : on connaissait en France le nombre de portables dérobés, celui des taille-crayons fabriqués, mais on ignorait le nombre exact de femmes qui décédaient chaque année des suites de violences qu’elles avaient subies.
Je crois savoir que cela a été en partie corrigé. Toutefois, certaines associations, comme Femmes solidaires, regrettent qu’il n’existe pas, d’une façon générale, de données établies selon le sexe. On déplore notamment « un glissement sémantique tendant à englober toutes les violences dans le terme général de “violences intra-familiales” ».
Je me demande aussi pourquoi les suicides consécutifs aux violences conjugales ne sont pas comptabilisés, mais je mesure la difficulté de la chose. Cela dit, force est de constater que, depuis trois ans, le voile du silence s’est déchiré, la parole s’est libérée : les victimes osent enfin dénoncer et porter plainte.
Les plaintes ont ainsi augmenté de 31 % en trois ans sur le plan national et de plus de 58 % dans le département de l’Aude. Ne vous méprenez pas ! Les violences ne se sont pas multipliées dans l’Aude. Vous l’avez compris : il y a une meilleure prise de conscience collective, une meilleure information sur ce type de violences, une meilleure connaissance des droits et, surtout, un travail important de la part des associations spécialisées et de la mission départementale aux droits des femmes.
Bref, les violences sont de moins en moins cachées et le phénomène de moins en moins tabou, ce qui ne signifie pas que la partie est déjà gagnée, loin de là !
L’ampleur et la gravité de ce phénomène sont telles qu’il faut accroître encore l’effort de prévention. J’ai eu l’occasion de dire ici, à plusieurs reprises, que nous avions besoin, avant tout, de mettre en œuvre une prévention massive, celle-là même que nous avions prévue dans notre proposition de loi initiale, en 2004, et que le Sénat et le Gouvernement n’ont pas souhaité retenir soit au nom de la séparation de la loi et du règlement, soit en raison du manque de volonté de débloquer les financements nécessaires à la mise en œuvre d’un tel dispositif préventif.
Certes, je connais le deuxième plan global triennal 2008-2010 qui est actuellement engagé pour combattre les violences faites aux femmes. J’ai bien noté, parmi les douze objectifs fixés, ceux qui visent à « accroître l’effort de sensibilisation de la société pour mieux combattre et prévenir les violences ». Mais je ne saurais trop insister sur la nécessité de campagnes de sensibilisation plus nombreuses et plus régulières par voie d’affichage et de presse, mais aussi à la radio, à la télévision, au cinéma, sans oublier internet, contre toutes les formes de violences envers les femmes, tant au sein des couples que sur le lieu de travail.
Il faut également faire porter plus fortement l’effort de sensibilisation sur les jeunes. Romain Rolland le disait : tout commence sur les bancs de l’école !