Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, depuis le temps où Valéry Giscard d’Estaing nommait Françoise Giroud première secrétaire d’État à la condition féminine, les politiques menées en faveur des femmes se sont largement développées afin de défendre leurs droits et de promouvoir l’égalité entre hommes et femmes. Bien sûr, dans les années soixante-dix, la question des violences subies par les femmes n’avait pas l’acuité qu’elle a aujourd’hui. Sans doute était-elle plus cachée, plus tue ; elle était en tout cas plus taboue.
L’ampleur du phénomène, qui ne peut être considéré comme un ensemble de faits divers et qui ne doit pas être une fatalité, est maintenant pleinement prise en compte par les pouvoirs publics. Je me réjouis d’ailleurs que cette cause ait reçu le label « campagne d’intérêt général » pour l’année 2009. Nous savons également le rôle absolument fondamental joué par les associations dans ce domaine et le travail de terrain qu’elles accomplissent.
De nombreuses mesures et dispositions ont été adoptées depuis quelques années, notamment des plans globaux. Le premier a donné lieu à une évaluation remise au Gouvernement en juillet 2008, évaluation dont il a été tenu compte pour améliorer le deuxième plan que vous avez lancé à l’automne dernier, madame la secrétaire d’État, accompagné d’une large campagne de communication rénovée et percutante.
Un certain nombre de lois ont pris en compte cette réalité, notamment celle du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, que nous avons longuement évoquée aujourd’hui. Je me félicite de ce que le rapport prévu à son article 13 soit disponible, car il nous fournit des éléments sur l’application de cette loi et les points à améliorer. Cette démarche s’inscrit pleinement dans le renforcement des droits et des prérogatives du Parlement, s’agissant notamment de son rôle de contrôle et d’évaluation des politiques publiques tel qu’issu de la révision de la Constitution de juillet dernier.
Au-delà de l’ensemble de ces dispositifs, je voudrais insister sur quelques points qui doivent constituer, me semble-t-il, le cœur de la politique de lutte contre les violences subies par les femmes.
Il est nécessaire de développer et de privilégier une approche transversale et globale, seule à même de permettre une lutte efficace contre ce fléau.
Cela implique de traiter l’ensemble des thématiques de façon articulée : prévention, éducation, information et sensibilisation, répression et suivi des auteurs de violences, accompagnement et réinsertion des victimes. Des acteurs du milieu associatif m’ont rapporté que la prise en charge et le suivi des hommes violents est un aspect insuffisamment pris en compte par les pouvoirs publics. Or, si une femme sur dix est violentée, combien d’hommes sont violents…
Cela suppose par ailleurs une coordination de l’ensemble des intervenants : gendarmerie, police, hôpital, justice, travailleurs sociaux, éducation nationale… Le deuxième plan triennal va dans ce sens et repose sur une démarche interministérielle.
Toutefois, nous savons – les témoignages des femmes ayant déposé plainte l’attestent – que le volet social et le suivi des victimes sont encore insuffisants. Or ces femmes doivent pouvoir être certaines qu’elles auront les moyens d’être autonomes pour trouver la force de dire « stop, ça suffit ! ». Elles doivent être sûres que le chemin vers l’indépendance et la liberté ne sera pas barré par des obstacles insurmontables.
Cette démarche transversale, que vous avez engagée, madame la secrétaire d’État, est essentielle. Elle mériterait à mon sens d’être développée dans les territoires : il revient aussi aux élus locaux, dont nous sommes les représentants, de la mettre en œuvre à leur échelle. Nous devons les y inciter.
En ce qui concerne maintenant les moyens et les structures, un corpus juridique doit certes être élaboré afin de donner un cadre à ce combat, mais il restera lettre morte s’ils sont insuffisants. Il faut faire vite, le temps presse ! Nous avons toutes et tous en tête ce chiffre terriblement effrayant : tous les trois jours, une femme meurt des suites de violences. Les violences contre les femmes progressent plus que l’ensemble des violences commises contre les personnes. Le rapport d’évaluation du premier plan a pointé ce manque de structures et de moyens, garanties préalables pourtant indispensables pour que les femmes victimes de violences franchissent le pas et déposent plainte.
Des progrès législatifs majeurs ont été accomplis ces dernières années, et le cadre législatif français paraît assez complet. Le rapport ne préconise d’ailleurs pas l’adoption d’une loi-cadre comme il en existe par exemple en Espagne. Aussi aimerais-je connaître votre sentiment sur ce point, madame la secrétaire d’État.
Développer les structures, se donner des moyens suffisants, changer les mentalités afin de modifier les comportements des hommes violents et aider les victimes : tels sont les impératifs. En un mot, il faut agir, et je sais, madame la secrétaire d’État, que vous partagez pleinement cet objectif !
Pour changer les comportements des hommes et faire comprendre aux femmes que la violence, physique ou psychologique, n’est ni normale ni acceptable, je crois beaucoup à l’éducation et à la sensibilisation, dès le plus jeune âge, des filles mais surtout des garçons. À cet égard, je regrette que la sensibilisation soit principalement à destination des filles et des femmes, ce qui les place toujours en situation de victimes et de coupables.