Par conséquent, il est essentiel de mener une politique nationale active de lutte contre ces violences que, pour l’heure, il faut bien l’avouer, le progrès social n’a pas permis de supprimer.
Mmes Kammermann, Dini, Terrade et Le Texier ont rappelé des chiffres qui restent terribles : une femme sur dix est victime de violences physiques, sexuelles, verbales ou psychologiques au sein de son couple ; 166 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint ou de leur concubin en 2007, soit une tous les deux jours et demi ; 47 500 faits de violences volontaires sur femmes majeures par le conjoint ou l’ex-conjoint ont été enregistrés en 2007, soit une augmentation de 30 % – les femmes osent plus qu’avant briser le tabou et déposer plainte, cela a été dit, mais 400 000 d’entre elles déclarent avoir été victimes de violences. Selon le dernier rapport de la délégation aux victimes, le nombre de décès survenus à la suite de violences commises au sein du couple a augmenté de 14 % par rapport à 2006.
Mme Kammermann s’est également interrogée sur notre capacité à prendre la mesure de ce fléau. Nos chiffres reflètent-ils l’entière réalité des violences commises au sein du couple, compte tenu de la réticence de certaines victimes à porter plainte ?
Pour approcher au plus près la réalité que recouvrent les chiffres, l’INSEE, en partenariat avec l’Observatoire national de la délinquance, conduit en France métropolitaine une enquête annuelle de victimation destinée à compléter les éléments issus de l’état 4001, lequel recueille les données de la police et de la gendarmerie. Il résulte des enquêtes menées en 2007 et en 2008 que près de 2 % des femmes de 18 à 60 ans déclarent avoir subi des violences au sein de leur couple.
Je tiens également à signaler qu’une enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, l’ENVEFF, est en cours à la Martinique ; ses résultats seront connus à la fin du premier semestre de 2009. Une enquête similaire a déjà été réalisée à la Réunion, et il est prévu d’en mener une en Guadeloupe. La connaissance du phénomène est en effet loin d’être précise pour les départements d’outre-mer, et il était urgent de remédier à cette situation.
Ce constat suffit à montrer à quel point il est nécessaire de rester mobilisés. Dès maintenant, je puis vous rassurer sur le point suivant : il n’existe bien évidemment aucun projet de fermer le Service des droits des femmes et de l’égalité, le SDFE, dont je tiens à saluer l’implication et le professionnalisme des agents. Ce service est essentiel à la mise en œuvre de la politique du Gouvernement, puisqu’il assure la coordination de son action en faveur des femmes. Non seulement il ne sera pas supprimé, mais, au contraire, il sera rattaché à la déléguée interministérielle aux droits des femmes qui sera prochainement créée. De plus, cela a été évoqué tout à l’heure, un document de politique transversale conduira chaque ministère à faire apparaître la part affectée à la promotion des droits des femmes dans son champ de compétences. Ce sont autant d’outils qui renforceront les moyens à notre disposition pour faire progresser les droits des femmes.
Permettez-moi, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, de vous remercier d’avoir été à l’origine de ce débat. Je sais que ce combat vous tient tout particulièrement à cœur, et ce depuis de nombreuses années, vous qui occupiez dans le gouvernement de M. Michel Rocard les fonctions qui sont aujourd’hui les miennes.
Dès 1989, vous aviez pris l’initiative de mettre en place dans chaque département une commission d’action contre les violences faites aux femmes, afin que tous les partenaires institutionnels et associatifs s’impliquent dans cette lutte et travaillent ensemble. Depuis, les gouvernements successifs ont progressé, mais, malheureusement, le phénomène est loin d’avoir disparu.
Vous l’avez souligné : sur le plan international, la situation des femmes est souvent critique. La participation de la France à la conférence de Durban II est subordonnée, comme l’a indiqué Bernard Kouchner, à une décision européenne qui sera prise en fonction de la qualité du texte préparatoire à cette conférence, notamment bien sûr du point de vue des droits des femmes et du respect de l’égalité.
En effet, nombre des intervenants l’ont relevé, à l’heure où l’actualité remet chaque jour cette question au premier plan, nous devons faire preuve de vigilance. Il faut rappeler que toutes les formes d’intégrisme mènent forcément au sexisme, à l’intolérance, qu’il nous faut savoir combattre.
La question du renouvellement du titre de séjour des femmes immigrées victimes de violences conjugales a également été abordée. Comme l’a indiqué Brice Hortefeux dans sa réponse à une question écrite du 19 février 2008, des instructions ont été données aux préfets pour qu’ils appliquent avec la plus grande rigueur les règles protectrices du droit au séjour des femmes victimes de violences conjugales. Je transmettrai néanmoins à Éric Besson votre demande renouvelée, madame André, afin que ces instructions soient rappelées en tant que de besoin.
Par ailleurs, vous avez rappelé, ainsi que M. Courteau et Mme Laborde, l’obligation pour le Gouvernement de remettre au Parlement le rapport prévu à l’article 13 de la loi du 4 avril 2006. Ce rapport a été déposé sur le bureau des assemblées lundi 16 mars. Il nous a paru essentiel – au risque, il est vrai, de retarder son dépôt – d’y intégrer des mesures mises en œuvre récemment et de disposer de données précises. Nous avons pu nous appuyer sur le rapport d’évaluation du premier plan triennal global 2005-2007, réalisé à ma demande par l’Inspection générale des affaires sociales, l’Inspection générale des services judiciaires et l’Inspection générale de l’administration, avec le concours de l’Inspection générale de la police nationale. Ce rapport a été rendu public à la fin de l’été dernier et les recommandations qu’il comporte ont été présentées par leurs auteurs le 1er octobre 2008 devant les membres de la Commission nationale de lutte contre les violences envers les femmes.
En outre, un groupe interministériel copiloté par le ministère de la justice et par le SDFE a été constitué le 2 juillet dernier. C’est dans ce cadre que se traite la question importante de l’ordonnance de protection juridique évoquée par Mme Terrade. Mme la garde des sceaux et moi-même avons effectivement souhaité que soit engagée une réflexion sur l’évolution du cadre juridique, afin de définir et d’explorer des pistes d’amélioration, portant notamment sur la reconnaissance des violences psychologiques et sur l’articulation entre procédures pénales et procédures civiles. Ce groupe rendra ses conclusions très prochainement. Nous ferons alors des propositions concrètes, madame la présidente. Nous formulerons également des propositions en vue de lutter contre les violences au travail, en nous fondant sur les conclusions de la mission confiée à Mme Grésy, de l’IGAS, sur un autre volet de l’action du ministère, celui de la promotion de l’égalité professionnelle. La note d’orientation que cette mission rendra au début de l’été constituera la base d’une concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité salariale, sur l’accès des femmes aux responsabilités, ainsi que sur les questions liées aux violences.
Le rapport qui vous a été remis au début de la semaine dresse le bilan des actions menées en 2006 et en 2007, mais aussi celui de la première année de mise en œuvre du plan 2008-2010 de lutte contre les violences faites aux femmes.
Avec le document de politique transversale relatif aux droits des femmes, dont le Parlement a inscrit le principe dans la dernière loi de finances et qui paraîtra pour la première fois dans les documents annexés au projet de loi de finances pour 2010, nous disposerons ainsi d’un état des lieux précis de toutes les actions engagées, dont nous pourrons, à l’avenir, évaluer précisément l’efficacité. Afin que la loi soit respectée, le prochain rapport au Parlement sera remis en 2010, ce qui permettra, d’une certaine façon, de « rattraper » le retard du premier rapport. Encore une fois, nous avons préféré, pour ce premier bilan, attendre de disposer d’éléments qui nous paraissaient extrêmement utiles et que nous n’aurions pu intégrer si nous l’avions établi plus tôt.
Vous avez été également nombreux à le souligner, la politique de lutte contre les violences conjugales et, plus largement, de lutte contre les violences faites aux femmes présente un caractère transversal et interministériel. Elle mobilise le Gouvernement tout entier : chaque ministère intervient dans son domaine de compétences, mais l’approche adoptée reste globale.
C’est cette approche transversale que je défends depuis mon arrivée au secrétariat d’État. Dans cet esprit, j’ai lancé en novembre 2007 le deuxième plan triennal de lutte contre les violences faites aux femmes. Le rapport permet de présenter les avancées obtenues collectivement par le Gouvernement, avec le concours des collectivités territoriales.
Dans ce travail collectif, je tiens à souligner l’importance de l’apport de la Commission nationale contre les violences envers les femmes, composée de représentants de l’État et des associations, ainsi que de personnalités qualifiées. Renouvelée en décembre dernier, cette commission, que j’ai réunie en séance plénière à trois reprises – en novembre 2007, en mars et en octobre 2008 – et que je convierai de nouveau à la fin du mois d’avril, est une instance essentielle de concertation et d’animation du réseau des conseils départementaux. Elle garantit les échanges de bonnes pratiques, elle émet des recommandations et des propositions de nature législative ou réglementaire. Elle peut aussi faire réaliser des analyses, des études, des recherches, et recueillir des données. Son impulsion, sa vigilance et sa mission de veille sont fondamentales pour assurer la cohérence de notre action.
Au-delà du niveau institutionnel, vous avez rappelé, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur Courteau, madame Laborde, combien la mobilisation des associations sur le terrain est remarquable et leur action nécessaire. Bien évidemment, je partage ce constat, et nous savons tous que ce réseau associatif joue un rôle extrêmement important et puissant dans toutes les politiques en faveur des droits des femmes. Il est au cœur de nos préoccupations et mérite véritablement d’être soutenu.