Intervention de Valérie Létard

Réunion du 19 mars 2009 à 15h00
Politique de lutte contre les violences faites aux femmes — Discussion d'une question orale avec débat

Valérie Létard, secrétaire d'État :

Le travail des acteurs de proximité, l’élaboration d’outils pertinents et les dispositions réglementaires et législatives contribuent à ces progrès. Vous me permettrez de citer quelques exemples à cet égard, en insistant sur certains dispositifs novateurs.

En effet, de nouvelles mesures ont été adoptées et mises en œuvre depuis 2006, et le plan triennal 2008-2010 permet de les conforter.

Mme Dini a relevé que le 39 19, numéro d’appel unique mis en place le 14 mars 2007, recevait 7 000 appels par mois. Ce numéro est facile à retenir, gratuit et, pour éviter de mettre les femmes concernées en danger, il n’apparaît pas sur les relevés de communications téléphoniques. Géré par la Fédération nationale Solidarité Femmes, il dispense une écoute de qualité, professionnelle, anonyme et personnalisée. Le cas échéant, une orientation adaptée est proposée. J’ai tenu à renforcer les moyens financiers de cette plate-forme d’écoute par un redéploiement des crédits d’intervention. Ce numéro national unique a d’ores et déjà permis une avancée significative dans l’appui aux femmes victimes.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur les référents.

Je souhaite insister sur l’importance de la mise en place progressive d’un réseau de référents locaux, qui répond en partie aux préoccupations exprimées tout à l’heure par Mme Le Texier à propos du nécessaire accompagnement des femmes victimes de violences, au fil d’un très long parcours semé d’embûches.

Ces référents sont les interlocuteurs uniques de proximité pour l’accompagnement des femmes victimes de violences au sein du couple. Ils pourront ainsi apporter dans la durée une réponse globale aux femmes et les orienter vers les structures adaptées à leurs besoins.

Douze référents ont été recrutés et sont financés par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, dans le cadre d’une expérimentation. Une vingtaine de départements projettent de les mettre en place prochainement en s’appuyant sur un cahier des charges précis, diffusé avec une circulaire du 14 mai 2008 adressée aux préfets. Leur rôle sera déterminant, j’en suis convaincue, pour simplifier les démarches des femmes victimes de violences et assurer un suivi individualisé de leur parcours, en complément du réseau des partenaires de terrain.

Notre objectif est le maillage du territoire. Le Premier ministre a clairement demandé, le 25 novembre dernier, que leur déploiement soit accéléré et que, d’ici à la fin du premier semestre de 2009, chaque département soit doté d’un tel référent local. Le dispositif a pour vocation non pas de se substituer aux acteurs existants, mais au contraire de les coordonner et de faciliter les démarches de la victime.

C’est pourquoi les déléguées régionales et les chargées de mission du SDFE ne peuvent être elles-mêmes référents locaux. Je veux au contraire qu’elles continuent à assumer des missions transversales, tout en pilotant la mise en place des référents locaux, dispositif qui sera, pour elles aussi, un outil de la politique de lutte contre les violences faites aux femmes.

Vous avez été unanimes à souligner que la réponse à la recherche d’autonomie des femmes victimes de violences passe obligatoirement par une solution adaptée en matière d’hébergement et de logement. De nombreuses mesures ont été prises sur ce plan, mais il nous faut, à l’évidence, encore progresser.

En ce qui me concerne, j’ai souhaité diversifier les réponses offertes. Telle est la raison pour laquelle j’ai lancé une expérimentation concernant les familles d’accueil. Mme Kammermann m’a demandé de faire le point sur cette question. Je vais donc lui indiquer où nous en sommes à l’heure actuelle.

Pour faire suite à une circulaire interministérielle de juillet 2008, nous avons saisi les présidents de conseil général, qui se sont fortement mobilisés. Aujourd’hui, plus de soixante-dix familles ont été choisies pour accueillir les femmes victimes de violences, avec ou sans enfants, là aussi dans le cadre d’une expérimentation. Elles sont réparties dans une vingtaine de départements ; quinze d’entre eux, par exemple la Manche, la Sarthe, l’Oise, la Creuse, la Drôme ou l’Ardèche, veillent à l’opérationnalité des familles. Notre objectif est d’arriver à cent familles d’accueil d’ici à 2010. Lorsque ce dispositif aura été expérimenté sur une période suffisamment longue, nous l’évaluerons et apporterons les ajustements nécessaires.

J’y insiste, nous n’agissons pas ici dans le cadre de la protection de l’enfance. La mise en place de ces familles d’accueil répond à un cahier des charges spécifique, comportant des mesures adaptées et mis en œuvre en liaison, bien sûr, avec le réseau des structures d’accueil et d’hébergement d’urgence, qui ont l’habitude de prendre en charge ces situations, en assurant déjà un accompagnement éducatif et psychologique. Il s’agit de créer un outil adéquat, qui viendra compléter le maillage du territoire, les zones rurales, notamment, étant souvent dépourvues, à l’heure actuelle, de structures collectives d’hébergement d’urgence.

Il nous faut donc approfondir cette question, évaluer et ajuster les solutions envisagées.

S’agissant de l’hébergement d’urgence, sur lequel plusieurs d’entre vous m’ont interrogée, la proportion de femmes accueillies dans les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, est désormais importante. Ces derniers accueillent, en effet, environ 33 % de femmes ; 115 privilégient l’accueil de femmes victimes de violences, 169 hébergent des femmes en grande difficulté sociale.

Par ailleurs, pour les femmes, 40 % des places en CHRS relèvent de structures « éclatées » – il s’agit d’appartements –, et non de structures collectives. Pour la première fois, en 2008, une enquête a été réalisée pour mieux identifier les femmes victimes de violences parmi les publics en difficulté accueillis dans les structures d’hébergement.

Plus globalement, nous veillons aussi à ce que les femmes victimes de violences conjugales soient prioritaires pour l’accès au logement. La loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion adoptée le 19 février dernier comporte, à cet égard, deux dispositions importantes, insérées par voie d’amendements votés à l’unanimité et visant à rendre les femmes victimes de violences conjugales prioritaires pour l’accès au logement social.

Dans le domaine de la santé, je mettrai en exergue les efforts réalisés pour améliorer la connaissance du phénomène des violences envers les femmes, faire de la prévention, développer la formation des professionnels de santé et faciliter le repérage des situations de violence.

Ces actions ciblées en fonction des situations et de la nature des violences témoignent une fois de plus que le Gouvernement s’attache à prendre en compte toutes les formes de violences dont sont victimes les fillettes, les jeunes filles et les femmes.

À cet égard, madame Morin-Desailly, monsieur Courteau, vous avez insisté sur l’importance de la prévention très en amont, dès le plus jeune âge.

C’est un souci constant du Gouvernement. Nous menons un travail en partenariat avec l’éducation nationale, notamment dans le cadre de la convention interministérielle pour la promotion de l’égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, dans le système éducatif, qui implique neuf ministères. Le ministre de l’éducation nationale a chargé Mme Philippe, rectrice de l’académie de Besançon, de piloter l’action et d’animer la mise en œuvre des mesures qui peuvent être prises pour généraliser les dispositifs de prévention, mais aussi d’orientation des jeunes filles, dans l’ensemble des établissements scolaires. Prévenir les comportements violents et combattre les stéréotypes font partie des priorités de Mme Philippe.

Le respect de l’autre ne se décrète pas, il s’apprend sur le terrain. À cette fin, des actions de sensibilisation ont été inscrites dans le plan Espoir banlieues, madame Le Texier. L’éducation au respect, à la mixité et à l’égalité ne se limite pas aux établissements scolaires. Elle doit investir la sphère familiale et toucher les jeunes au travers des dispositifs existants, tels que le programme « Ville Vie Vacances », qui propose des loisirs aux jeunes des quartiers pendant les vacances scolaires. On sait que seulement 25 % des jeunes filles des quartiers y participent aujourd’hui, par crainte de comportements violents de la part des garçons. Nous soutenons ce programme, l’objectif étant d’augmenter de 40 % la fréquentation des jeunes filles en 2008. Il faut encourager les filles à pratiquer les mêmes activités de loisirs, à s’orienter vers les mêmes filières et à exercer les mêmes métiers que les garçons.

Par ailleurs, il convient de renforcer l’accès des filles et des femmes à l’information sur leurs droits, de développer des actions spécifiques concernant les mariages forcés et les mutilations sexuelles en s’appuyant sur les associations et les adultes relais, en utilisant les antennes des centres d’information sur les droits des femmes et des familles et en mettant en place des espaces de dialogue.

Parallèlement, depuis 2006, l’arsenal législatif et juridique est plus répressif et protecteur. Les victimes sont encouragées à porter plainte et le taux de réponse pénale à l’encontre des auteurs de violences conjugales a augmenté, passant de 68, 9 % en 2003 à 83, 8 %. De très nombreux parquets se sont engagés dans la mise en place de conventions ou de protocoles visant à la prévention de la récidive des auteurs de violences grâce à une prise en charge sociale, médicale et psychologique.

De même, l’éviction du conjoint violent, qui constitue une disposition phare de la loi de 2006, se révèle être une mesure pertinente. Elle permet d’inverser le rapport de force qui se crée lors du processus de violence et de limiter les violences indirectes dont sont victimes les enfants. Vous avez souligné, madame André, son intérêt. Les efforts doivent être poursuivis. Nous travaillons avec le ministère de la justice sur ces questions ; j’y reviendrai ultérieurement.

Si de réelles avancées ont été obtenues, elles méritent d’être consolidées.

La coordination des acteurs reste un enjeu fort dans la lutte contre les violences au sein du couple. Ceux-ci prennent de plus en plus conscience de l’importance de développer des relations entre leurs réseaux, d’adopter une démarche interdisciplinaire et de se coordonner au travers de différentes instances.

Le rôle des « référents » est essentiel. D’autres interlocuteurs référents ont été mis en place dans les domaines de la santé, de la justice et du logement. C’est cette articulation de tous les outils et de tous les acteurs qui nous permettra de développer le réseau des acteurs sur le terrain et de répondre à toutes les interrogations dans le cadre d’un pilotage dans la durée. Il faut sans nul doute mieux les identifier et clarifier leurs missions et leur profil en fonction de leurs compétences.

Au-delà des diverses solutions d’hébergement et de logement adapté citées dans le rapport, la situation tendue qui prévaut dans les zones très urbanisées freine l’accès au logement social et retarde le retour à l’autonomie des victimes.

La prise en charge dans les unités médico-judiciaires, les UMJ, constitue un moment important du processus. Les UMJ accueillent, examinent et informent. Au nombre de cinquante, elles méritent d’être déployées. De nouveaux schémas ont été élaborés en janvier dernier avec des établissements pivots pour activer le réseau et assurer un meilleur maillage.

Je voudrais enfin, madame Kammermann, vous confirmer que le guide de l’action publique a été réactualisé en 2008.

S’agissant des auteurs de violences, le manque de places dans les différentes structures de prise en charge thérapeutique réduit l’efficacité de l’éviction du conjoint violent, mesure prononcée dans 9, 6 % des affaires de violences conjugales.

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