Intervention de Valérie Létard

Réunion du 19 mars 2009 à 15h00
Politique de lutte contre les violences faites aux femmes — Discussion d'une question orale avec débat

Valérie Létard, secrétaire d'État :

Il faut également mutualiser les moyens et les outils existants pour une mise en œuvre homogène sur tout le territoire. Ce sont les clés d’une politique efficace en faveur de la lutte contre les violences au sein du couple.

À ce propos, madame Terrade, vous avez eu raison de citer l’action du parquet de Bobigny. Nous devons nous inspirer des bonnes pratiques que le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et de l’Inspection générale de la jeunesse et des sports, l’IGJS, ont utilement recensées.

À cet égard, j’évoquerai la politique pénale conduite par le procureur près le tribunal de grande instance de Bobigny, qui a désigné depuis 2005 des référents spécialisés au sein du parquet, avec des résultats visibles : le taux de classement sans suite est passé de 24 % à 15 %, et le recours à la médiation pénale a été interdit.

Un mémento à l’attention des membres du parquet a été élaboré afin d’harmoniser les réponses pénales, et des instructions précises sont données aux services de police pour systématiser les rapports téléphoniques, même en l’absence de plainte. On le voit, des marges de progression existent si l’on s’inspire de ce qui fonctionne bien.

Par ailleurs, on ne pourra éradiquer le phénomène des violences au sein du couple sans travailler sur l’image des femmes, comme l’ont indiqué Mme Morin-Desailly et M. Courteau. Le poids des clichés et des stéréotypes continue à se faire sentir et à compromettre les progrès.

C’était l’objectif que j’avais assigné à la commission « Image des femmes dans les médias », présidée par Mme Reiser. Cette commission a rendu ses conclusions, et je souhaite qu’elles ne restent pas lettre morte. Sa mission va être prolongée, afin de lui permettre d’assurer le « monitoring » de nos médias en matière de respect de l’image de la femme. Il convient d’étudier comment nous pouvons faire évoluer l’image de la femme véhiculée par les médias. Ceux-ci étant le miroir de notre société, ce point est essentiel.

Sur le thème connexe du respect, j’ai souhaité m’adresser plus particulièrement aux jeunes filles. Elles recevront, lors des journées d’appel de préparation à la défense, un ouvrage intitulé 18 ans, Respect les filles ! pour les aider à faire respecter leurs droits. Il sera également accessible à tous sur le site internet du secrétariat d’État. Nous envisageons en outre de décliner cet outil en direction des garçons du même âge.

Prévenir, c’est aussi sensibiliser et se doter de nouveaux outils. Vous avez tous insisté sur la prévention par la communication. C’est par le biais des médias – l’écran, l’image, la presse – que l’on entre dans les foyers.

Une première campagne de communication grand public a donc été lancée le 2 octobre dernier. Cette campagne de presse et d’affichage visait trois cibles : la victime, le témoin et l’auteur de violences au sein du couple. Elle est complétée aujourd'hui par un site internet gouvernemental sur l’ensemble des violences faites aux femmes.

Toutes les formes de violences sont prises en compte. Des brochures, en cours d’élaboration, seront destinées, en avril-mai, aux femmes et aux jeunes filles victimes de violences coutumières – mariage forcé, excision. En outre, un spot télévisé sur les violences conjugales sera diffusé avant l’été.

Une pierre a été ajoutée à l’édifice que nous construisons pour protéger les femmes avec l’attribution en 2009 du label « campagne d’intérêt général » à la lutte contre les violences faites aux femmes, en vue de la préparation de la grande cause nationale 2010. Cette action très forte en direction du public sera organisée par l’ensemble du collectif associatif et s’accompagnera d’une mobilisation sans précédent des médias, avec un soutien interministériel renforcé.

Certains d’entre vous considèrent qu’une loi-cadre est indispensable, à l’instar de celle qui a été mise en œuvre en Espagne en 2004. La présentation d’un tel texte est une revendication récurrente de plusieurs mouvements associatifs.

À cet égard, le rapport d’évaluation du premier plan triennal 2005-2007 de lutte contre les violences faites aux femmes devait notamment porter sur l’opportunité de l’adoption d’une loi-cadre. Or il ressort de l’analyse des dispositifs législatifs européens et internationaux, ainsi que des avis des acteurs ministériels, des associations et des décideurs locaux, qu’une loi-cadre n’apporterait pas un bénéfice particulier pour régler les dernières difficultés persistantes.

En effet, nous disposons déjà d’un arsenal juridique complet, particulièrement répressif à l’encontre des auteurs de violences faites aux femmes. Depuis 2004, nous consolidons régulièrement ce dispositif législatif pour mieux protéger les femmes victimes de violences. Nous entendons poursuivre cet effort avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, s’agissant notamment des violences habituelles et psychologiques, au sujet desquelles nous réfléchissons à un texte spécifique.

Aujourd’hui, notre objectif premier est donc l’application pleine et entière de ce dispositif sur le terrain, sachant que, de l’avis général, confirmé par vos interventions, la marge de progrès se situe moins dans l’élaboration de nouvelles dispositions législatives que dans l’application des mesures existantes. C’est là tout l’objet des plans triennaux, dont le deuxième, en cours de mise en œuvre et couvrant la période 2008-2010, va au-delà d’une loi-cadre en visant les auteurs de violences et les enfants exposés aux violences intrafamiliales.

En revanche, il me semble primordial, madame Laborde, de rassembler toutes les dispositions législatives et réglementaires au sein d’un seul et même code commenté sur les droits des femmes. Ce code unique donnera une réelle lisibilité aux multiples mesures actuellement éparpillées dans plusieurs codes. Il permettra aux femmes de connaître leurs droits et simplifiera leurs démarches, tout en répondant à leurs interrogations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ma réponse a été très longue, mais vous aurez compris que je défends cette cause, qui nous est commune, avec autant de conviction que vous et le même souci d’efficacité que celui dont vous faites preuve dans le cadre de vos responsabilités respectives. Je tiens à vous remercier, d’ores et déjà, pour le soutien que vous apporterez à la promotion de toutes les actions qui contribueront à la faire progresser encore. Les années 2009 et 2010 seront riches dans les champs de la lutte contre les violences et du renforcement de l’égalité professionnelle. Nous aurons à travailler beaucoup ensemble ! §

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