Ce débat est effectivement très intéressant, et j’ai écouté avec beaucoup d’attention les explications de M. Longuet, ainsi que celles de M. le rapporteur.
La proposition avancée, qui n’a pas été validée par la commission des lois, consiste d’abord à allonger de quarante-huit heures à cinq jours la durée du placement en rétention décidé par l’autorité administrative. Il s’agit ensuite de savoir quel juge va trancher et selon quel ordre. Pour l’heure, il est tout à fait justifié d’évoquer un enchevêtrement des procédures.
M. Longuet a souligné qu’une mission de service public devait être accomplie. Je peux entendre cet argument, mais doit-on, au nom de cette mission de service public, faire évoluer dans une mesure considérable un certain nombre de nos principes fondamentaux ? Il existe manifestement une divergence d’interprétation très nette de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Pour ma part, j’ai l’habitude de lire les excellents documents qui sont élaborés au sein de cette assemblée. À la page 34 du rapport de la commission, nous trouvons un très bon exposé de la situation.
Si j’ai bien compris les explications du Gouvernement et de M. Longuet, la proposition qui nous est faite vise à conjurer le risque que le juge des libertés et de la détention autorise la prolongation d’une mesure de rétention qui serait ensuite annulée par le juge administratif.
Or, selon l’excellent rapport de la commission, « il convient toutefois de noter que ce cas est relativement peu fréquent et qu’il arrive au contraire souvent que le juge des libertés et de la détention remette un étranger en liberté du fait d’une irrégularité commise par l’administration. […] Il aurait donc sans doute fallu, pour respecter pleinement la directive, qu’un recours complet, aussi bien sur la légalité de la procédure de placement en rétention que sur la légalité de la mesure de rétention elle-même, pût être exercé en urgence. » Un peu plus loin, en caractères gras, le texte se poursuit en ces termes : « Or, l’intervention de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, est ici une nécessité constitutionnelle. »
On peut certes faire de l’exégèse sur la décision du 9 janvier 1980 du Conseil constitutionnel, mais, en définitive, celle-ci précise que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». En outre, le 24 avril 1997, le principe d’une saisine du juge judiciaire au terme d’un délai de quarante-huit heures, au lieu de vingt-quatre heures auparavant, a été établi.
Par conséquent – je cite toujours le rapport –, « si un délai de quarante-huit heures peut apparaître comme le délai “le plus court possible” compte tenu des difficultés matérielles liées à la présentation de chaque étranger retenu au juge des libertés et de la détention, il n’en irait pas nécessairement ainsi d’un délai de cinq jours ».
Le risque d’inconstitutionnalité retenu par la commission des lois est donc réel. Vous essayez en fait de passer en force : l’enchevêtrement des procédures est certes un véritable problème, mais ce projet de loi ne nous donne pas les moyens d’en sortir. Les évolutions proposées sont à mon sens tout à fait excessives et contraires aux principes dégagés par la jurisprudence. On pourra m’objecter que l’étranger retenu peut toujours faire un référé-liberté, mais on risque alors d’aboutir à une multiplication des procédures judiciaires.
Contrairement à ce que l’on nous dit, la solution qui nous est proposée ne représente pas la voie de la simplicité. Elle ne permettra pas de résoudre le problème de l’encombrement des tribunaux et nous fera courir un risque sur le plan constitutionnel, comme l’a très justement relevé la commission des lois.