Séance en hémicycle du 9 février 2011 à 21h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • administratif
  • contentieux
  • droits de l’homme
  • détention
  • d’asile
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La séance

Source

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 9 février, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de Cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-120 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

Nous poursuivons la discussion des articles.

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES ET AU CONTENTIEUX DE L'ÉLOIGNEMENT

CHAPITRE II

Dispositions relatives au contentieux de l'éloignement

Section 1

Dispositions relatives au contentieux administratif

Nous en sommes parvenus, au sein de la section 1 du chapitre II du titre III, aux amendements portant article additionnel après l’article 34.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 406 rectifié ter, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa de l'article L. 531-1 est ainsi rédigé :

« Cette décision qui n'a pas été contestée devant le tribunal administratif dans les délais prévus à l'article L. 531-5 ou qui n'a pas fait l'objet d'une annulation, peut être exécutée d'office. » ;

2° Le premier alinéa de l'article L. 531-3 est complété par les mots : « sous réserve des dispositions de l'article L. 531-5 » ;

3° Après l'article L. 531-4, il est inséré un article L. 531-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 531 -5. - I. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision prévue au présent chapitre, peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le même recours en annulation peut également être dirigé contre la décision relative au séjour et la décision mentionnant le pays de destination qui l’accompagnent le cas échéant.

« L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.

« Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au II.

« II. - En cas de décision de placement en rétention l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification.

« Le président, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative, statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.

« L'étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. L'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public.

« L'audience se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent. La décision ne peut être exécutée avant l'expiration d'un délai de soixante-douze heures suivant sa notification ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné à cette fin n'ait statué.

« Le jugement du président du tribunal administratif ou du magistrat désigné par lui est susceptible d'appel dans un délai d'un mois devant le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente ou un magistrat désigné par ce dernier. Cet appel n'est pas suspensif.

« Si la décision est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. »

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Cet amendement concerne le sort de ceux que l’on appelle les « Dublinés », en référence au règlement européen dit « Dublin II », qui impose de renvoyer les demandeurs d’asile à la case départ, en quelque sorte, c'est-à-dire vers le premier pays de l’Union européenne où ils sont entrés.

L’objet du règlement est clair : il s’agit d’éviter que la même personne ne dépose de multiples demandes d’asile dans plusieurs États membres.

Dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ce sont les articles L. 531-1 et suivants qui fixent la procédure de renvoi des étrangers vers l’État membre compétent pour traiter de la demande d’asile.

Contrairement aux obligations de quitter le territoire français, les OQTF, et aux arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, les APRF, de tels arrêtés ne peuvent pas faire l’objet d’un recours suspensif.

Or, dans les cas de décisions de remise à un État européen, l’intéressé peut établir des craintes de mauvais traitements dans le pays concerné. Déjà, le 20 mai 2010, le Conseil d’État a suspendu par une ordonnance de référé-liberté un renvoi vers la Grèce de demandeurs d’asile palestiniens qui avaient été maltraités dans ce pays.

Surtout, le 21 janvier 2011, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un arrêt de grande chambre condamnant conjointement la Grèce et la Belgique pour violation du droit au recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Cet arrêt est historique ! C’est un premier pas vers la refonte d’un système qui, avec sa logique implacable, provoque pour les « Dublinés » de véritables drames humains.

Dans l’attente d’aménagements au niveau européen du règlement Dublin II, nous proposons de prendre en compte la condamnation par la Cour de Strasbourg et d’instaurer un recours de plein droit suspensif contre les décisions de renvoi vers les autres États membres de l’Union européenne. Le recours proposé sera similaire aux recours contre les OQTF.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° 187, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

I. - Le dernier alinéa de l'article L. 531-1 est ainsi rédigé :

« Cette décision qui n’a pas été contestée devant le président du tribunal administratif dans les délais prévus à l'article L. 531-5 ou qui n'a pas fait l'objet d'une annulation, peut être exécutée d'office. »

II. - Après l'article L. 531-4, il est inséré un article L. 531-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 531 -5. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision prévue à l'article L. 531-1 du présent code peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de cette décision, en demander l'annulation, au président du tribunal administratif.

« Le président, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative, statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.

« L'étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. L'audience se déroule sans conclusions du commissaire du Gouvernement.

« Par dérogation au précédent alinéa, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin peut, par ordonnance motivée, donner acte des désistements, constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur un recours et rejeter les recours ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance.

« L'audience se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent. La décision ne peut être exécutée avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné à cette fin n'ait statué.

« Le jugement du président du tribunal administratif ou du magistrat désigné par lui est susceptible d'appel dans un délai d'un mois devant le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente ou un magistrat désigné par ce dernier. Cet appel n'est pas suspensif.

« Si la décision est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Cet amendement s’inscrit dans la même perspective que l’amendement n° 406 rectifié ter.

En application de la convention de Schengen ou de la procédure Dublin, lorsqu’un étranger est admissible dans un autre État européen, il fait l’objet d’un arrêté de réadmission fondé sur les articles L. 531-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Contrairement aux OQTF et aux APRF, que ce projet de loi entend au passage fusionner, de tels arrêtés ne peuvent pas faire l’objet d’un recours suspensif.

Or l’intéressé peut établir des craintes de mauvais traitements dans ce pays européen. Les demandeurs d’asile renvoyés en Grèce – cela a déjà été évoqué – ou détenus dans des pays comme Malte en sont les exemples les plus frappants.

Ainsi, le Conseil d’État a suspendu par une ordonnance de référé-liberté du 20 mai 2010 un renvoi vers la Grèce de demandeurs d’asile palestiniens qui avaient été maltraités dans ce pays. Mais une telle procédure n’est pas très accessible.

De même, lors d’une audience de grande chambre le 1er septembre 2010, la Cour européenne des droits de l’homme a examiné la situation des demandeurs d’asile en Grèce.

Il s’agit donc d’anticiper la refonte du règlement Dublin II, en projet, et de nous soustraire à la menace d’une condamnation par la Cour en instaurant un recours suspensif contre les arrêtés de réadmission similaire aux recours contre les refus d’entrée au titre de l’asile, c'est-à-dire avec un délai de quarante-huit heures pour saisir la juridiction, qui a soixante-douze heures pour statuer.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° 14 rectifié ter, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Cette décision peut être exécutée d'office, si elle a pu être contestée devant le tribunal administratif dans un délai de trente jours suivant sa notification, et qu'elle n'a pas fait l'objet d'une annulation. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

J’irai dans le même sens que les deux orateurs précédents.

Cet amendement consiste à introduire un recours suspensif de plein droit contre les arrêtés de remise à un autre État européen.

En effet, lorsqu’un étranger est admissible dans un autre État européen, en application de la convention Schengen ou de la procédure Dublin, il fait l’objet d’un arrêté de réadmission fondé sur les articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’introduction d’un recours suspensif de plein droit répond à une exigence de conformité à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à la jurisprudence.

En effet, le 21 janvier 2011, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un arrêt de grande chambre condamnant conjointement la Grèce et la Belgique pour violation du droit au recours effectif en considérant que « l’effectivité d’un recours au sens de l’article 13 demande impérativement un contrôle attentif par une autorité nationale, un examen indépendant et rigoureux de tout grief aux termes duquel il existe des motifs de croire à un risque de traitement contraire à l’article 3, ainsi qu’une célérité particulière ; il requiert également que les intéressés disposent d’un recours de plein droit suspensif ».

Tel est l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission émettra le même avis sur les amendements n° 406 rectifié ter, 187 et 14 rectifié ter.

Ces amendements, notamment l’amendement n° 406 rectifié ter, tendent à prévoir que les recours administratifs contre les décisions de réadmission dans un autre État européen prononcées en vertu des articles L. 531-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ont un caractère suspensif.

En effet, les requêtes en annulation à l’encontre de ces décisions de réadmission dans d’autres pays de l’Union européenne visant des ressortissants de pays tiers, demandeurs d’asile ou non, ne sont pas suspensives de plein droit.

Certes, comme l’a rappelé le Conseil d’État dans un arrêt du 6 mars 2008, ces décisions peuvent faire l’objet d’un référé-suspension, selon les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative. En outre, s’agissant des demandeurs d’asile, le règlement Dublin II n’impose pas de recours suspensif.

Toutefois, alors que la Cour européenne des droits de l’homme semblait auparavant reconnaître le bien-fondé de tels arguments, un arrêt du 21 janvier dernier semble clairement impliquer que ce type de procédures n’est pas suffisant pour assurer un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment parce qu’il ne permet pas réellement d’évaluer, dans le cas d’un demandeur d’asile, si la personne ne risque pas d’être soumise à des traitements inhumains ou dégradants dans le pays où elle est réadmise.

Il est sans doute nécessaire d’avancer sur le sujet. Il faut encore réfléchir pour élaborer un dispositif équilibré.

Quoi qu’il en soit, la commission des lois émet un avis de sagesse sur ces trois amendements, dont l’objet est similaire. Néanmoins, dans l’hypothèse où le Sénat déciderait d’en adopter un, la commission donnerait plutôt la préférence à l’amendement n° 406 rectifié ter, qui est le plus complet.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous l’avons bien compris, les auteurs de ces trois amendements souhaitent compléter le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile par une disposition instituant un recours suspensif de plein droit sur les mesures de réadmission « Dublin ».

À cet égard, je souhaite procéder à quelques rappels.

Tout d’abord, la remise des demandeurs d’asile, dite « remise Dublin », correspond à une logique non pas d’éloignement, mais de coopération entre États s’accordant une confiance mutuelle.

Ensuite, et je reprends les propos de M. le rapporteur, le Conseil constitutionnel a validé l’absence de recours suspensif en 1993.

En outre, les auteurs des amendements ont fait allusion à une ordonnance de référé du Conseil d'État, qui a suspendu le renvoi en Grèce. C’est donc la preuve que le dispositif fonctionne. Pour autant, le référé n’est pas suspensif.

Néanmoins, le Gouvernement a évidemment pris acte de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 21 janvier dernier et de ses attendus sur l’effectivité des recours. Cette décision fait actuellement objet d’une expertise très active, aux termes de laquelle il reviendra au législateur de se prononcer s’il y a effectivement lieu à réforme sur cette question, dont l’importance évidente exclut une proposition hâtive.

Vous comprendrez que, dans de telles circonstances, il soit impossible de soutenir ces trois amendements.

Le Gouvernement émet donc un avis fermement défavorable sur les amendements n° 406 rectifié ter, 187 et 14 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote sur l’amendement n° 406 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Le point dont nous débattons est extrêmement intéressant, et je remercie M. le rapporteur de la position qu’il vient de prendre, ménageant une certaine possibilité de choix entre les amendements.

Pour notre part, nous soutenons évidemment l’amendement n° 406 rectifié ter.

La décision de la Cour européenne des droits de l’homme est importante.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

En réalité, elle est frappée au coin de bon sens, ce qui devient plus en plus rare…

La Cour européenne des droits de l’homme a pris acte du fait que certains pays, notamment la Grèce, n’offrent pas du tout les conditions convenables minimales d’accueil des demandeurs du droit d’asile.

Dans un certain nombre de cas, les centres de rétention ont été supprimés. Dès lors, les personnes qui sont renvoyées sont simplement lâchées près de la frontière turque !

C'est la raison pour laquelle l’adoption de l’amendement n° 406 rectifié ter nous paraît non seulement fondée juridiquement, mais aussi justifiée humainement !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je remercie M. le rapporteur de s’en remettre à la sagesse du Sénat ; cela prouve qu’il entend tout de même certains arguments…

À mon sens, nous serions avisés de nous placer plutôt du côté de ceux qui offrent le plus de possibilités de recours et de droits. En clair, nous devrions suivre la Cour européenne des droits de l’homme.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34, et les amendements n° 187 et 14 rectifié ter n’ont plus d’objet.

(Non modifié)

Le second alinéa de l’article L. 513-3 du même code est ainsi rédigé :

« Le recours contentieux contre la décision fixant le pays de renvoi n’est suspensif d’exécution, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 512-3, que s’il est présenté en même temps que le recours contre l’obligation de quitter le territoire français ou l’arrêté de reconduite à la frontière qu’elle vise à exécuter. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 68 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 188 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 68 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement vise à supprimer l’article 35, en parfaite coordination avec les positions qui ont été les nôtres sur les articles précédents.

Par ailleurs, monsieur le ministre, l’article 35 prévoit que « le recours contentieux contre la décision fixant le pays le pays de renvoi n’est suspensif d’exécution […] que s’il est présenté en même temps que le recours contre l’obligation de quitter le territoire français ou l’arrêté de reconduite à la frontière qu’elle vise à exécuter ». Que signifient ici les termes « en même temps » ? Les deux recours contre ces deux décisions doivent-ils engagés le même jour ? Doivent-ils faire l’objet d’un même acte de procédure ? Cette précision n’est manifestement pas dans le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 188.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Il s’agit d’un amendement de coordination. Nous demandons la suppression de cet article pour exprimer clairement notre opposition à la réforme du contentieux.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ces amendements visent à supprimer un article de pure coordination. La commission des lois a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Défavorable !

Pour répondre à la question de M. Mézard, « en même temps » signifie qu’il doit s’agir d’un acte unique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Cette précision sera consignée au procès-verbal et servira à l’interprétation de la loi.

Je mets aux voix les amendements identiques n° 68 rectifié et 188.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 35 est adopté.

(Non modifié)

I. – À l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative, les mots : « litiges relatifs aux » sont remplacés par les mots : « recours en annulation dont le tribunal administratif est saisi en application du III de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et sur ceux formés contre les ».

II. – Le chapitre VI du titre VII du livre VII du même code est ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI

« Le contentieux des obligations de quitter le territoire français et des arrêtés de reconduite à la frontière

« Art. L. 776 -1. – Les modalités selon lesquelles le tribunal administratif examine les recours en annulation formés contre les obligations de quitter le territoire français, les décisions relatives au séjour qu’elles accompagnent, les interdictions de retour sur le territoire français et les arrêtés de reconduite à la frontière pris en application de l’article L. 533-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile obéissent, sous réserve des articles L. 514-1, L. 514-2 et L. 532-1 du même code, aux règles définies par les articles L. 512-1, L. 512-3 et L. 512-4 dudit code.

« Art. L. 776 -2. – Les modalités selon lesquelles le tribunal administratif examine les recours en annulation formés contre les décisions fixant le pays de renvoi qui accompagnent les obligations de quitter le territoire français et les arrêtés de reconduite à la frontière pris en application de l’article L. 533-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile obéissent aux règles définies par l’article L. 513-3 du même code. » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 189 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

L'amendement n° 372 rectifié est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« L'étranger peut également exercer un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision. Le recours devant le tribunal administratif est prorogé par l'exercice d'un recours administratif préalable. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 189 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

L’absence de prorogation du délai de recours contentieux en cas d’introduction d’un recours administratif gracieux ou hiérarchique a été prévue par la loi du 24 juillet 2006 et est dérogatoire au droit commun du contentieux.

Les recours administratifs suspensifs offrent l’avantage de régler une partie des litiges à l’amiable en permettant de saisir directement l’autorité qui a pris la décision de rejet. Les refus ne donneraient dès lors plus systématiquement lieu à un recours contentieux, ce qui aurait pour conséquence d’éviter l’engorgement des tribunaux administratifs.

Par ailleurs, le principe d’un recours administratif non suspensif combiné avec un délai de trente jours pour introduire un recours devant le tribunal administratif est particulièrement préjudiciable à l’étranger. Ce dernier ne dispose, en effet, que d’un temps très bref pour organiser sa défense.

Les délais sont d’autant plus difficiles à tenir que le nombre de décisions administratives à contester est beaucoup plus important qu’auparavant, ce qui entraîne une complexification indéniable du contentieux des étrangers.

La conséquence directe est que nombre d’étrangers se retrouveront dans l’impossibilité de contester leur OQFT dans les temps et pourront donc être éloignés sans qu’un juge ait pu examiner leur situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 372 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Nous revenons à la charge sur une proposition qui a été présentée dans l’après-midi par mon collègue Claude Bérit-Débat.

En droit des étrangers, le recours administratif, qu’il soit gracieux ou hiérarchique, ne suspend pas le délai contentieux.

Ce régime est dérogatoire au droit commun. Il est particulièrement défavorable aux migrants visés par une mesure d’éloignement, qui, je le rappelle, doivent introduire un recours devant le tribunal administratif dans un délai de trente jours, délai d’autant plus court que les étrangers peuvent être amenés à contester un nombre très important de décisions administratives.

L’absence de prorogation du délai contentieux en cas d’introduction d’un recours administratif pousse donc la plupart des étrangers à saisir directement le juge administratif.

Cette situation est regrettable, car les recours administratifs présentent l’avantage de pouvoir régler une partie des litiges « à l’amiable » en saisissant directement l’autorité qui a pris la décision défavorable au migrant.

J’ajoute, par ailleurs, que le Conseil d’État, dans un rapport de 2008, a préconisé l’instauration de recours administratifs préalables obligatoires à l’encontre de certains types de décisions en matière de droit des étrangers.

En outre, l’extension des recours administratifs préalables permettrait, ce qui n’est pas négligeable, de désengorger les juridictions administratives dans la mesure où les décisions administratives d’éloignement ne donneraient plus systématiquement lieu à un recours contentieux.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de permettre aux étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement d’exercer un recours administratif préalable qui suspendrait le délai contentieux.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cette précision est d’ordre réglementaire.

Par ailleurs, le Conseil d’État a jugé dans une décision du 11 juillet 2007 que, en raison de l’intérêt qui s’attache au règlement rapide de la situation des étrangers faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, le délai d’un mois est suffisant.

La commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Défavorable !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix les amendements identiques n° 189 rectifié et 372 rectifié.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 190 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par neuf alinéas ainsi rédigés :

« Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance :

« 1º Donner acte des désistements ;

« 2º Rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative ;

« 3º Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête ;

« 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsqu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ;

« 5º Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou la charge des dépens ;

« 6º Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée ou à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'État statuant au contentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'État en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative ;

« 7º Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés.

« Les présidents des cours administratives d'appel et les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel et les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1º à 6º. Ils peuvent, de même, annuler une ordonnance prise en application des 1º à 5º à condition de régler l'affaire au fond par application de l'une de ces dispositions. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Il nous paraît essentiel de modifier, en introduisant un nouvel article dans le CESEDA, le dispositif prévu actuellement par le 7° de l’article R 222-1 dudit code, car il instaure clairement une justice à double vitesse ainsi qu’une discrimination flagrante pour les personnes qui ne sauront pas rédiger convenablement leur recours et qui n’auront pas eu la possibilité de se faire assister dans la rédaction de leur requête.

Au regard de la technicité de ce contentieux, on ne peut faire porter la responsabilité d’une requête mal rédigée et mal argumentée sur l’administré, pour qui cette procédure est souvent incompréhensible.

Il est également essentiel de modifier le dispositif de non-mise en demeure instauré par le 4° de ce même article afin de laisser une possibilité aux intéressés de régulariser leur demande.

Les conséquences pour les personnes n’ayant pas, par méconnaissance, respecté une règle de fond ou de forme et qui voient, de ce fait, rejeter leur requête au tri, sans aucune mise en demeure préalable, sont totalement disproportionnées. Je pense, par exemple, au fait d’avoir oublié de fournir les pièces en quatre exemplaires, cas assez fréquent.

Par ailleurs, certains éléments de preuve sont parfois longs à rechercher et le délai de recours imparti aux personnes est beaucoup trop court.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° 191 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance :

« 1º Donner acte des désistements ;

« 2º Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête ;

« 3° Rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent. Il vise à mieux tenir compte de la complexité des procédures.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Il s’agit de dispositions d’ordre réglementaire. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Section 2

Dispositions relatives au contentieux judiciaire

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’article 37 a été supprimé par la commission.

La parole est à M. Louis Mermaz.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article prévoyait de reculer de deux à cinq jours l’intervention du juge judiciaire dans la procédure d’éloignement.

Nous l’avons souvent souligné au cours du débat, selon le Conseil constitutionnel, la rétention administrative doit être placée sous le contrôle du juge en vertu de l’article 66 de la Constitution, qui fait de l’autorité judiciaire la gardienne de la liberté individuelle.

Actuellement, l’étranger en instance d’expulsion est présenté successivement au juge des libertés et de la détention puis au juge administratif. Le juge des libertés et de la détention intervient donc dans un délai de quarante-huit heures avant le juge administratif.

Or le Gouvernement tient absolument à inverser le déroulement actuel des recours pendant la rétention. Cette réforme de la procédure d’expulsion est, pour lui, l’une des bases du projet de loi.

Le texte initial prévoyait donc de repousser de quarante-huit heures à cinq jours le contrôle de la rétention par le juge des libertés et de la détention. Le juge administratif serait intervenu dans un délai de cinq jours et, au terme de ce délai seulement, le juge des libertés aurait pu décider de prolonger ou non la rétention.

Cette inversion, qui entraîne donc un allongement considérable du délai de privation de liberté avant toute intervention du juge judiciaire, a été votée par l’Assemblée nationale.

Sur l’initiative des sénateurs socialistes, la commission des lois du Sénat s’est cependant opposée à la mesure en décidant d’en revenir à ce qui prévaut actuellement : d’abord intervient le juge des libertés et de la détention, et ensuite seulement le juge administratif.

La commission a, en effet, estimé que l’intervention de l’autorité judiciaire était une nécessité constitutionnelle et a adopté l’amendement en ce sens de notre collègue Richard Yung.

À travers cet amendement, le contrôle de la légalité de la rétention par un juge du siège, indispensable au rétablissement des droits, avait été réintroduit.

C’était sans compter, cependant, l’entêtement du Gouvernement et celui de certains de nos collègues, dont M. le rapporteur, qui s’est déclaré, à titre personnel, favorable à ce dispositif.

L’un des motifs officiels serait la clarification, l’enchevêtrement des procédures administrative et judiciaire rendant – paraît-il – de nombreuses mesures d’éloignement quasi inexécutables.

L’étranger, nous dit-on également, pourra toujours déposer un référé-liberté auprès du juge administratif pour être remis en liberté.

En réalité, le vrai motif est que la politique suivie par le Gouvernement, la politique du « chiffre », toujours elle, qui ne change rien en profondeur, mais qui complique la vie de beaucoup de personnes et oblige les policiers à accomplir un travail qu’ils apprécient de moins en moins – nous le savons par leurs syndicats –, serait mise à mal par les juges des libertés et de la détention, suspectés d’ordonner trop souvent des remises en liberté pour non-respect des procédures.

Comme s’il n’était pas important que les procédures soient respectées !

Si l’intervention du juge des libertés et de la détention est repoussée à cinq jours, les étrangers risquent d’être expulsés avant même d’avoir été présentés à un juge judiciaire. Le report de l’intervention du juge des libertés et de la détention chargé, notamment, de contrôler la régularité des procédures permettra d’éloigner très rapidement des étrangers.

Le juge administratif va pouvoir, ainsi, juger du bien-fondé d’une privation de liberté alors que la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel assigne cette compétence au juge judiciaire dont le contrôle doit intervenir « dans le plus court délai possible » ou « dans les meilleurs délais », c'est-à-dire certainement pas au bout de sept jours !

Pour le groupe socialiste, rétablir l’ordre des interventions de l’un et de l’autre juge ne constitue pas une mesure de défiance à l’égard du juge administratif, dont nous apprécions le travail dans le sens de la défense des libertés, mais vise à rappeler le rôle prépondérant du juge des libertés et de la détention, chargé de se prononcer sur le principe de l’incarcération, constitutionnellement garant de la liberté individuelle, qui est une exigence dans un État civilisé.

Les juges administratifs, qui seront en grève le 10 février prochain pour manifester leur opposition à ce texte et pour d’autres raisons, notamment pour dénoncer le manque de moyens, ne sont pas non plus ravis de cette « inversion ». Ils craignent d’être débordés, cette mesure, indiquent-ils, « impliquant une intervention beaucoup plus rapide – quarante-huit à soixante-douze heures – et plus fréquente du juge administratif, qui va non seulement entraîner une surcharge de travail très importante, mais également désorganiser significativement les juridictions puisqu’il est acquis qu’aucun renfort ne leur sera accordé pour la mettre en œuvre ».

La situation des tribunaux administratifs est semblable à celle de tous les tribunaux en France : manque de moyens, de greffiers, de matériels, de photocopieuses, d’ordinateurs. Nul n’ignore le délabrement considérable dans lequel se trouve le système judiciaire français.

Pour conclure, retarder l’intervention du juge judiciaire représenterait un profond recul, de nombreux étrangers pouvant, pendant ce délai de cinq jours, être reconduits à la frontière, même s’ils ont fait l’objet d’une procédure irrégulière que seul le juge judiciaire aurait pu apprécier et annuler.

Ainsi l’étranger en séjour irrégulier, comme le fait observer la Commission nationale consultative des droits de l’homme, disposerait-il de moins de garanties que la personne suspectée du plus grave des crimes. Celle-ci, dès qu’elle est placée en garde à vue, voit cette mesure contrôlée par le procureur de la République et la décision de prolonger sa privation de liberté au-delà de quarante-huit heures est prise par un magistrat du siège.

C’est dire à quel point le rétablissement de l’article 37 serait préjudiciable à la liberté et aux droits élémentaires des étrangers !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous voici parvenus à un moment décisif de la discussion de ce projet de loi. Nous sommes à nouveau placés devant un choix qui sera lourd de conséquences.

Monsieur le président, la presse a relevé que le Sénat s’honorait d’être le défenseur des libertés. Quelques interrogations se sont pourtant fait jour, ici ou là : le Sénat continuera-t-il à jouer ce rôle ? Oui, je le sais, car telle est sa raison d’être !

Lors de l’examen de ce projet de loi, nous avons vécu un premier moment important, lorsqu’a été abordée la question de la déchéance de la nationalité ; nous avons connu un deuxième moment très important, lorsque nous avons refusé de réduire l’accès des étrangers à la médecine, dans des conditions qui auraient placé des êtres humains en situation très difficile ; nous abordons maintenant la question du délai d’intervention du juge judiciaire. Mes chers collègues, vous savez que le vote qui sera émis ce soir aura des conséquences non négligeables.

Lors de l’examen de l’article 30, un vote a déjà été émis ; la conséquence logique de ce vote serait que l’article 37 ne fût pas rétabli.

Il n’aura échappé à personne que la commission des lois, comme l’a excellemment rappelé notre collègue Louis Mermaz, a d’abord refusé, sur l’initiative de Richard Yung, d’adopter cet article et qu’elle a confirmé sa position en rejetant, lors de sa dernière réunion, un nouvel amendement tendant à le rétablir.

La question est donc de savoir si, ce soir, le Sénat désavouera sa commission des lois. J’espère qu’il ne le fera pas.

Je souhaite également rappeler un élément que j’ai déjà évoqué lors de la discussion générale, mais qui me paraît important.

Le juge constitutionnel est très clair : il a toujours considéré comme inconstitutionnel le maintien en détention pendant sept jours sans intervention du juge judiciaire. Le Conseil constitutionnel rappelait alors que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ».

Le plus court délai possible est celui qui est pratiqué aujourd’hui, à savoir quarante-huit heures, et aucune justification ne permet de l’allonger. Si le Sénat le faisait, il se placerait en contradiction avec la Constitution – je viens d’expliquer pourquoi : l’analyse du Conseil constitutionnel s’impose aux pouvoirs publics –, mais aussi avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui, dans son article 5, énonce de manière très précise : « Toute personne arrêtée ou détenue […] doit être aussitôt » – l’adverbe n’est pas indifférent ! – « traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer les fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure ».

Je souscris, bien sûr, aux propos de Louis Mermaz relatifs au malaise des magistrats de l’ordre judiciaire – tout le monde est au courant ! – ou à l’inquiétude des magistrats de l’ordre administratif – selon eux, si l’article 37 était voté dans sa rédaction d’origine, son application se heurterait à d’énormes problèmes de moyens.

Ces considérations doivent naturellement être prises en compte, mais, au-delà de la question des moyens, se pose la question du principe : une personne privée de liberté, dans la République française, a le droit d’avoir accès à un juge le plus vite possible ! Vouloir différer l’intervention du juge n’est pas justifiable et pose un problème de respect des libertés fondamentales.

Mes chers collègues, j’ai vraiment confiance dans le vote que le Sénat émettra ce soir !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je m’associe aux excellents propos que viennent de tenir mes collègues.

Évidemment, la position du juge constitutionnel n’a pas échappé à notre commission et c’est la raison pour laquelle elle a supprimé l’article 37 de ce projet de loi.

À l’heure actuelle, le Gouvernement est dans l’obligation de modifier la législation relative à la garde à vue, car l’absence, dès la première heure, d’un défenseur aux côtés d’une personne retenue, c’est-à-dire privée de liberté, n’est pas conforme aux principes fondamentaux de notre droit.

De même, notre système judiciaire est critiqué, puisque le juge chargé de contrôler la garde à vue n’est pas indépendant de l’exécutif, au sens où l’on entend communément cette indépendance.

Or le Gouvernement et sa majorité manifestent une très grande réticence à admettre que notre système de contrôle de la privation de liberté n’est pas conforme aux droits élémentaires de la personne, qu’il s’agisse du respect des droits de la défense ou de l’intervention d’un juge indépendant.

Si le Sénat devait adopter l’amendement déposé par M. Longuet, qui s’est empressé de proposer le rétablissement de l’article 37, nous irions de nouveau, cette fois en matière de rétention, à l’encontre des règles communément admises dans le domaine du contrôle de la privation de liberté. De plus, nous manifesterions, à l’égard des étrangers, la volonté de violer allègrement les principes fondamentaux relatifs à la garantie des droits de la défense, d’une part, et au respect des droits des personnes privées de liberté, d’autre part.

Nous devrions donc avoir la sagesse, comme nous l’avons fait tout à l’heure, lors de la discussion de l’article 30, de nous conformer le plus possible à la formule qui préserve un minimum de garanties dans le contrôle de la privation de liberté. Il me paraîtrait tout à fait déplorable de forcer les principes comme le Gouvernement tente de le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par MM. Longuet, Nègre et Demuynck, Mme Dumas et MM. Courtois, J. Gautier, César et Garrec, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L’article L. 552-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « de quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « de cinq jours » ;

2° À la deuxième phrase, les mots : « Il statue » sont remplacés par les mots : « Le juge statue dans les vingt-quatre heures de sa saisine ».

La parole est à M. Gérard Longuet.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je n’aurai pas la prétention, à cet instant, de retracer l’histoire républicaine de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire. Depuis 1790, ces deux ordres sont séparés et la République ne s’en est pas plainte.

Le code de l’entrée du séjour des étrangers et du droit d’asile est de nature administrative et les services chargés de son application sont placés sous le contrôle du juge administratif. Le droit français a toujours reconnu à l’autorité administrative, dans des cas limités mais parfaitement définis, la possibilité de prendre des décisions entraînant des mesures privatives de liberté, en l’occurrence, s’agissant d’un étranger qui demande l’accès au territoire et dont la situation devrait être vérifiée, une mesure de rétention.

Le Conseil constitutionnel, reprenant une jurisprudence relative au rôle du juge judiciaire gardien des libertés, estime impensable qu’un juge judiciaire n’intervienne point dans un délai d’au moins sept jours. Il ne porte pas d’autre jugement et donne la possibilité à l’administration d’exercer sa responsabilité.

Je propose donc, en déposant cet amendement, de permettre à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge administratif, d’assurer une mission de service public au bénéfice de la collectivité tout entière.

Cette initiative s’inspire des conclusions de la commission présidée par Pierre Mazeaud, ancien parlementaire et juge de l’ordre judiciaire, qui avait su parfaitement restituer, dans ses propositions, la distinction entre le rôle de l’autorité administrative, placée sous le contrôle du juge administratif, et le rôle du juge judiciaire, qui peut être saisi au-delà d’un délai de cinq jours. Mais à quoi servirait-il de donner des responsabilités à l’autorité administrative, placée sous le contrôle du juge administratif, si les décisions de cette autorité étaient contrecarrées, dans les faits, par des décisions judiciaires ? Ces dernières décisions sont d’ailleurs d’une autre nature, puisqu’elles portent sur le principe de la rétention et non sur l’application du droit d’accueil.

Nous risquerions donc d’aboutir à des situations d’une grande complexité, sources de contradictions incompréhensibles, à la fois pour les malheureux qui sont candidats à l’accueil et, le cas échéant, pour ceux qui veulent les défendre ou les soutenir.

C’est la raison pour laquelle, en déposant cet amendement qui tend à rétablir l’article 37, je ne fais que marcher dans les pas d’un juriste éminent, Pierre Mazeaud, et restituer leurs responsabilités respectives aux autorités administrative et judiciaire.

L’autorité administrative est placée sous le contrôle du Conseil d’État, tout aussi respectueux de la liberté individuelle que le juge judiciaire – la jurisprudence du Conseil d’État le prouve, et vous le savez ! Nous voulons ensuite donner au juge judiciaire la possibilité d’examiner les situations individuelles, au terme d’un délai de cinq jours qui permet à l’administration de fonctionner, car c’est elle qui doit faire appliquer ce code. Ma démarche vise donc un objectif de clarification.

Je comprends parfaitement les oppositions, mais nous devons faire fonctionner un système, dans un pays où le juge administratif est un juge à part entière, placé sous l’autorité du Conseil d’État, juridiction ô combien exigeante et responsable en matière de respect de la liberté individuelle.

Nous ne pouvons pas accepter ce procès d’intention qui est instruit contre l’amendement de rétablissement : ne pas le voter reviendrait à désorganiser le fonctionnement d’un service qui travaille au bénéfice de la collectivité nationale tout entière, et d’abord des étrangers en situation régulière, qui sont les premières victimes de l’entrée d’étrangers en situation irrégulière.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous abordons, en cet instant, un sujet important qui touche au cœur même de ce projet de loi.

Le présent amendement, défendu par notre collègue Gérard Longuet, tend à rétablir les dispositions l’article 37 qui prévoient le report à cinq jours de l’intervention du juge des libertés et de la détention en rétention, au lieu des quarante-huit heures de notre droit positif. Cet amendement est solidaire de la rédaction initiale de l’article 30, qui autorisait le préfet à placer un étranger en rétention pour une durée de cinq jours.

Au stade de l’examen en commission, en qualité de rapporteur, je n’ai pas proposé la suppression de cet article. En effet, j’avais estimé qu’il allait dans le sens d’une meilleure administration de la justice, notamment en permettant de bien distinguer le contentieux administratif du contentieux judiciaire et en créant un véritable recours en urgence contre la décision administrative de placement en rétention.

Cette meilleure séparation des deux contentieux est conforme aux préconisations du rapport Mazeaud, qui analysait les nombreux dysfonctionnements du système actuel et montrait que le statu quo en la matière n’était pas tenable.

La manière la plus efficace de résoudre ces problèmes aurait consisté, certes, à unifier les contentieux judiciaire et administratif, mais une telle unification, je le dis clairement, est impossible sans une révision constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Dès lors, la solution proposée à l’article 37 du projet de loi m’était apparue comme certes peut-être imparfaite à certains égards, puisqu’elle reporte à cinq jours l’intervention du seul juge compétent pour vérifier la régularité de la privation de liberté, mais tout de même nettement préférable au statu quo.

La commission a toutefois supprimé cet article, estimant qu’un tel report présentait un risque d’inconstitutionnalité, en privant l’étranger de recours contre les conditions de sa privation de liberté – interpellation, garde à vue, notification et exercice des droits garantis par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – pendant un délai trop long.

De quels repères disposons-nous en la matière ?

En 1980, le Conseil constitutionnel a estimé qu’une durée de sept jours de rétention sans contrôle de l’autorité judiciaire était excessive, en arguant que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ».

Par ailleurs, il a validé en 1997 une saisine du juge judiciaire au bout de quarante-huit heures, au lieu de vingt-quatre heures, pour prolonger la rétention.

Enfin, il n’a pas eu à se prononcer sur le délai de quatre-vingt-seize heures en zone d’attente fixé par le législateur en 1992. En outre, il a considéré que la contrainte exercée en zone d’attente est moindre que celle qu’implique la rétention.

Au total, que disent ces décisions ?

Elles indiquent seulement qu’un délai de quarante-huit heures n’est pas contraire au principe du plus court délai possible, alors qu’un délai de sept jours est excessif.

Comme je l’ai déjà signalé, la commission a toutefois estimé que le délai de cinq jours présentait un risque d’inconstitutionnalité et a maintenu la suppression de l’article 37 du projet de loi.

Notre collègue Louis Mermaz l’a très justement rappelé tout l’heure et je le répète, j’étais personnellement hostile à la suppression de l’article 37. Toutefois, la commission, dont je suis ici le porte-parole, a émis un avis défavorable sur l’amendement qui vient d’être présenté par M. Longuet.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

L’article 37 constitue un point central de la réforme des procédures et contentieux de l’éloignement des étrangers. Il vise, au nom de la bonne administration de la justice, à mettre fin à l’enchevêtrement actuel des procédures, lié au fait que deux juges ont à intervenir en même temps, dans le respect de la compétence constitutionnelle des ordres de juridiction : pour les décisions administratives, le juge administratif ; pour la privation de liberté, le juge judiciaire.

Actuellement, le juge des libertés et de la détention statue avant le juge administratif, qui doit rendre sa décision au plus tard cinq jours après le placement en rétention : quarante-huit heures de délai pour engager le recours, soixante-douze heures de délai pour juger.

L’ordre d’intervention actuel du juge administratif et du juge judiciaire crée régulièrement des situations absurdes. Ainsi, il arrive qu’un juge des libertés et de la détention prolonge la rétention d’un étranger sur le fondement d’une mesure d’éloignement qui sera annulée postérieurement par le juge administratif. La rétention n’est que la conséquence logique d’une décision de reconduite à la frontière : il est donc rationnel de vérifier la légalité de la mesure de reconduite à la frontière avant d’examiner si la rétention est justifiée.

La réforme vise à mettre fin aux situations dans lesquelles un juge des libertés et de la détention peut être conduit à se prononcer sur la prolongation d’une mesure de privation de la liberté, alors même que la légalité de la décision ordonnant celle-ci est contestée et peut être annulée par le juge administratif pendant la rétention de l’étranger.

Elle permettra en outre d’avoir un véritable contrôle sur la décision administrative de placement en rétention par le juge administratif, juge naturel des décisions de l’administration. La directive Retour elle-même impose un contrôle juridictionnel effectif sur la décision de placement en rétention dès le début de celui-ci.

Comme M. Longuet l’a expliqué, la réforme suit en réalité les préconisations du rapport de la commission présidée par Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, qui a dénoncé l’enchevêtrement des procédures.

Cinq jours est un délai strictement nécessaire pour permettre au juge administratif de statuer sereinement, mais rapidement. Quarante-huit heures est le délai minimum au nom du droit pour former un recours effectif. Le juge administratif disposera de soixante-douze heures, à compter de la saisine, pour examiner en urgence la légalité de cinq décisions, portant sur l’obligation de quitter le territoire français, le refus de délai de départ volontaire, le pays de renvoi, l’interdiction de retour et le placement en rétention. À l’heure actuelle, il bénéficie du même délai pour statuer sur deux ou trois points seulement : l’obligation de quitter le territoire français ou l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, le pays de renvoi, très rarement le placement en rétention.

C’est pour cette raison, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement présenté par M. Longuet et vous invite à l’adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ce débat est à mon sens le plus important de la discussion de ce projet de loi. La question de la déchéance de la nationalité, si elle présentait un grand intérêt, avait surtout une portée médiatique : il s’agissait d’amuser la galerie… Ici, nous touchons aux principes fondamentaux, à l’organisation des pouvoirs publics et de la justice en France.

Voilà pourquoi ce débat est important. Je crois d’ailleurs que le Sénat le considère comme tel, puisqu’il mène une discussion de fond, faisant apparaître des lignes de fracture différentes des clivages politiques habituels.

Jusqu’à présent, le juge des libertés et de la détention intervenait avant le juge administratif. Le rapport Mazeaud, sans formuler de recommandations particulières en la matière, indique qu’une inversion de cet ordre pourrait être envisagée.

Quoi qu’il en soit, il est clair que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relève du juge administratif, tandis que le juge des libertés et de la détention est le garant des libertés fondamentales. Certains d’entre nous donnent la priorité au respect du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et estiment donc que le juge administratif doit intervenir en premier, tandis que d’autres, dont nous sommes, considèrent, au nom des principes fondamentaux de la République et des libertés fondamentales, que l’intervention du juge des libertés et de la détention est plus essentielle encore : c’est probablement là une ligne de fracture qui scinde notre assemblée.

Par ailleurs, alors que, selon le Conseil constitutionnel, un délai de sept jours est excessif, on nous propose de prévoir un délai de cinq jours, auquel s’ajoutent les vingt-quatre heures accordées au juge des libertés et de la détention pour prendre sa décision, soit un total de six jours…

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

C’est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cette proposition semble donc avoir été pesée au trébuchet, pour satisfaire a minima aux observations du Conseil constitutionnel.

Pour notre part, nous ne sommes pas disposés à prendre de risque en la matière : un délai de cinq ou de six jours nous semble excessif, le délai actuel de deux jours étant à nos yeux tout à fait raisonnable.

J’observe enfin que ce débat de fond ne peut être abstrait du contexte politique dans lequel il s’inscrit. Les attaques répétées contre les juges, la mise en cause de leur travail ou de leur prétendu laxisme auxquelles nous assistons actuellement pourraient entraîner l’opinion publique à penser qu’il s’agit au fond, dans cette affaire, de marquer de la défiance envers les juges, de les « punir »… Même s’il n’y a aucune raison de penser que vous considériez différemment le juge administratif et le juge judiciaire, c’est bien ce message politique que vous avez essayé de faire passer.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce débat est effectivement très intéressant, et j’ai écouté avec beaucoup d’attention les explications de M. Longuet, ainsi que celles de M. le rapporteur.

La proposition avancée, qui n’a pas été validée par la commission des lois, consiste d’abord à allonger de quarante-huit heures à cinq jours la durée du placement en rétention décidé par l’autorité administrative. Il s’agit ensuite de savoir quel juge va trancher et selon quel ordre. Pour l’heure, il est tout à fait justifié d’évoquer un enchevêtrement des procédures.

M. Longuet a souligné qu’une mission de service public devait être accomplie. Je peux entendre cet argument, mais doit-on, au nom de cette mission de service public, faire évoluer dans une mesure considérable un certain nombre de nos principes fondamentaux ? Il existe manifestement une divergence d’interprétation très nette de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Pour ma part, j’ai l’habitude de lire les excellents documents qui sont élaborés au sein de cette assemblée. À la page 34 du rapport de la commission, nous trouvons un très bon exposé de la situation.

Si j’ai bien compris les explications du Gouvernement et de M. Longuet, la proposition qui nous est faite vise à conjurer le risque que le juge des libertés et de la détention autorise la prolongation d’une mesure de rétention qui serait ensuite annulée par le juge administratif.

Or, selon l’excellent rapport de la commission, « il convient toutefois de noter que ce cas est relativement peu fréquent et qu’il arrive au contraire souvent que le juge des libertés et de la détention remette un étranger en liberté du fait d’une irrégularité commise par l’administration. […] Il aurait donc sans doute fallu, pour respecter pleinement la directive, qu’un recours complet, aussi bien sur la légalité de la procédure de placement en rétention que sur la légalité de la mesure de rétention elle-même, pût être exercé en urgence. » Un peu plus loin, en caractères gras, le texte se poursuit en ces termes : « Or, l’intervention de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, est ici une nécessité constitutionnelle. »

On peut certes faire de l’exégèse sur la décision du 9 janvier 1980 du Conseil constitutionnel, mais, en définitive, celle-ci précise que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». En outre, le 24 avril 1997, le principe d’une saisine du juge judiciaire au terme d’un délai de quarante-huit heures, au lieu de vingt-quatre heures auparavant, a été établi.

Par conséquent – je cite toujours le rapport –, « si un délai de quarante-huit heures peut apparaître comme le délai “le plus court possible” compte tenu des difficultés matérielles liées à la présentation de chaque étranger retenu au juge des libertés et de la détention, il n’en irait pas nécessairement ainsi d’un délai de cinq jours ».

Le risque d’inconstitutionnalité retenu par la commission des lois est donc réel. Vous essayez en fait de passer en force : l’enchevêtrement des procédures est certes un véritable problème, mais ce projet de loi ne nous donne pas les moyens d’en sortir. Les évolutions proposées sont à mon sens tout à fait excessives et contraires aux principes dégagés par la jurisprudence. On pourra m’objecter que l’étranger retenu peut toujours faire un référé-liberté, mais on risque alors d’aboutir à une multiplication des procédures judiciaires.

Contrairement à ce que l’on nous dit, la solution qui nous est proposée ne représente pas la voie de la simplicité. Elle ne permettra pas de résoudre le problème de l’encombrement des tribunaux et nous fera courir un risque sur le plan constitutionnel, comme l’a très justement relevé la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

L’amendement présenté par M. Longuet pose de vraies questions et met en lumière certaines incohérences dans le traitement du contentieux des mesures d’éloignement.

Le système actuel peut effectivement aboutir à des situations peu satisfaisantes.

Il arrive que le juge administratif se prononce sur un recours alors même que l’étranger concerné n’est plus en rétention, soit parce qu’il a été libéré à la demande du juge des libertés et de la détention, soit parce qu’il a été reconduit à la frontière, de sorte que le recours est devenu sans objet.

En outre, il peut arriver qu’un juge des libertés et de la détention prolonge la rétention d’un étranger sur le fondement d’une mesure d’éloignement qui sera annulée postérieurement par le juge administratif.

Il est donc vrai que des incohérences existent dans le système en vigueur ; nous l’avions d’ailleurs signalé lors de l’examen de l’article 30. Pour autant, la solution proposée est-elle satisfaisante ?

Cela a été rappelé, la mise en œuvre du mécanisme qui nous est soumis retarderait largement l’intervention du juge judicaire, afin de mettre fin à l’enchevêtrement des interventions des juges administratif et judiciaire. En d’autres termes, le juge judiciaire n’interviendrait qu’après l’examen des recours devant le juge administratif.

L’étranger, qui sera à la disposition immédiate de l’administration, puisque toujours retenu, pourra donc être renvoyé sans même que le juge des libertés et de la détention se soit prononcé sur la régularité de la procédure de son placement en rétention. Ce constat figure d’ailleurs à la page 34 du rapport de la commission.

Il nous apparaît indispensable de rappeler l’exigence posée par l’article 66 de la Constitution : le juge judiciaire est le gardien de la liberté individuelle.

En la matière, le Conseil constitutionnel a rappelé que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». Le délai de cinq jours proposé présente donc un risque évident d’inconstitutionnalité.

Prenons un autre exemple de mesure de privation de liberté : en matière de garde à vue, mes chers collègues, viendrait-il à l’idée de l’un d’entre nous de proposer que le contrôle d’un juge judiciaire n’intervienne qu’au terme de cinq jours ? Évidemment non !

Je ferai une dernière remarque, concernant le juge administratif. La question n’est pas tant de savoir si celui-ci a, de fait, un rôle protecteur des droits et des libertés, que de vérifier le respect des impératifs posés par l’article 66 de la Constitution. Si le juge administratif est bien un juge indépendant et protecteur, il ne fait aucun doute que seule l’autorité judiciaire peut légitimement contrôler les conditions de détention d’une personne.

Pour l’ensemble de ces motifs, le groupe de l’Union centriste n’est pas convaincu par le dispositif présenté par M. Longuet. Sa mise en œuvre entraînerait un recul important en matière de contrôle de la liberté individuelle par l’autorité judiciaire, qui est pourtant une exigence constitutionnelle. Nous ne voterons donc pas cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Certains propos entendus m’amènent à formuler deux observations.

Tout d’abord, on ne peut pas comparer une procédure de garde à vue, qui obéit à des règles de procédure pénale, et la procédure, liée à un droit spécifique, celui des étrangers, qui nous occupe ce soir : le fondement juridique est autre. Établir une telle comparaison est de nature à induire en erreur.

Ensuite, il a été dit que le juge des libertés et de la détention intervenant dans la procédure serait amené à rendre sa décision au-delà du délai de cinq jours : c’est une erreur ! Sa décision devra bien être rendue dans le délai de cinq jours. §Si le juge des libertés et de la détention ne statue pas dans les vingt-quatre heures du cinquième jour, la personne retenue sera immédiatement remise en liberté. À l’inverse, si le juge des libertés et de la détention est saisi le troisième ou le quatrième jour et décide avant le terme du délai de cinq jours de remettre en liberté la personne retenue, cette décision s’appliquera immédiatement.

Il faut que les choses soient bien claires : le cinquième jour est véritablement une échéance butoir.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

On peut certes tout justifier, mais il me semble que certaines déclarations visent avant tout à affirmer la cohérence d’un groupe autour de postures avantageuses.

Je tiens à redire que le délai sera de cinq jours au total, et non de six ou de sept jours, comme cela a pu être affirmé à tort. Les choses sont tout à fait claires !

M. Louis Mermaz fait un signe de dénégation.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

En outre, la procédure en question concerne non pas des personnes se trouvant en position d’accusées

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Si l’amendement présenté par M. Longuet devait ne pas être adopté, le problème de l’enchevêtrement des interventions du juge administratif et du juge des libertés et de la détention ne serait toujours pas réglé. Or nous avons tous dit que la situation actuelle n’était pas satisfaisante.

Par ailleurs, j’ai entendu dire que les juges administratifs auraient trop de travail. Je rappelle, à cet égard, qu’un effort particulier est prévu dans le budget afin de remédier à cette situation. Je ne détaillerai pas les mesures inscrites dans le projet de loi de finances à ce titre, sachant bien que cela ne fera changer personne d’avis…

Contrairement à ce que certains ont affirmé, le maintien du statu quo n’offre pas nécessairement plus de garanties aux étrangers retenus. L’adoption de l’amendement n° 1 rectifié ter permettrait de donner plus de cohérence au système. Voilà pourquoi le Gouvernement y est favorable.

Chacun votera en son âme et conscience, mais finissons-en avec ces oppositions systématiques bloc contre bloc ! Un groupe peut parfois souhaiter se fédérer autour d’une position de principe, mais je ne suis pas persuadé que c’est en travaillant ainsi que nous pourrons améliorer le fonctionnement de nos institutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Vous nous expliquez en quelque sorte, monsieur le ministre, que, du fait du manque de juges et de l’impossibilité où ceux-ci se trouvent de statuer immédiatement, il faut prolonger le délai de rétention.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Mme Josiane Mathon-Poinat. Au fond, cela revient à faire payer aux étrangers retenus votre incurie !

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

L’étranger n’est pas un criminel, même s’il est peut-être entré de manière illégale sur notre territoire !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Ce n’est pas sérieux ! C’est n’importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié ter.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Voici le résultat du scrutin n° 156 :

Nombre de votants339Nombre de suffrages exprimés337Majorité absolue des suffrages exprimés169Pour l’adoption153Contre 184Le Sénat n’a pas adopté.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’amendement n° 407, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 37, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À peine de nullité, le contrôle de titre prévu à l'alinéa précédent ne peut être fondé que sur des éléments objectifs d'extranéité déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé. »

2° Au dernier alinéa, les mots : « à l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa ».

La parole est à M. Richard Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement tend à préciser les conditions dans lesquelles peut intervenir un contrôle d’identité.

Nous savons que les contrôles d’identité se fondent principalement sur l’apparence, c’est-à-dire non pas sur ce que les personnes font, mais sur ce qu’elles sont, ou plutôt sur ce qu’elles paraissent être.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Des études de terrain ont ainsi montré que les personnes d’origine africaine ou maghrébine courent de sept à huit fois plus de risques d’être contrôlées que les « caucasiens ». Le style vestimentaire ou l’apparence sont également des facteurs déterminants à cet égard.

Je rappelle que, dans deux décisions rendues en août 1993, le Conseil constitutionnel avait réaffirmé que les contrôles d’identité devaient n’intervenir que dans des circonstances particulières et être nécessairement fondés sur des critères objectifs.

Dans sa décision du 5 août 1993, le juge constitutionnel avait formulé une réserve d’interprétation sur la loi relative aux contrôles et vérifications d’identité. Il avait également précisé que l’autorité procédant au contrôle d’identité doit toujours justifier des circonstances particulières établissant un risque d’atteinte à l’ordre public.

Dans sa décision du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel avait exprimé une autre réserve d’interprétation, portant cette fois sur la loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, en indiquant que les contrôles d’identité doivent s’opérer « en se fondant exclusivement sur des critères objectifs et en excluant […] toute discrimination de quelque nature qu’elle soit entre les personnes ».

Nous estimons que le moment est venu d’inscrire les principes dégagés par la jurisprudence constitutionnelle dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’objectif des auteurs de l’amendement n° 407 est de compléter les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatives à l’obligation, pour les étrangers, d’être en mesure de présenter les documents justifiant leur droit à circuler ou à séjourner en France, en ajoutant des conditions inspirées de la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 1993.

Il s’agit de préciser que le contrôle des documents justifiant le droit à séjourner ou à circuler ne peut se fonder que sur des éléments objectifs d’extranéité.

La préoccupation des auteurs de l’amendement est sans doute légitime, mais la commission des lois s’est interrogée sur la clarté de telles dispositions. Elle souhaite entendre l’avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

J’ai bien compris que les auteurs de l’amendement souhaitent proscrire les contrôles « au faciès », en inscrivant dans la loi que les contrôles de titre de séjour doivent se fonder sur des éléments objectifs d’extranéité déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé.

Il va de soi que les contrôles « au faciès » sont déjà proscrits. La jurisprudence de la Cour de cassation est claire : si un tel contrôle était pratiqué pour l’interpellation d’un étranger séjournant irrégulièrement en France, le juge des libertés et de la détention en tirerait des conséquences de droit, telles que l’impossibilité de prolonger la rétention.

Cela étant dit, je voudrais revenir sur certains de vos propos, monsieur Yung.

J’ai été choqué, monsieur le sénateur, que vous puissiez laisser entendre que les contrôles « au faciès » seraient monnaie courante et que nos policiers, nos gendarmes les pratiqueraient avec délectation…

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. Philippe Richert, ministre. Il s’agit d’une attaque gratuite contre notre police et notre gendarmerie, qui font leur travail très sérieusement et souvent dans des conditions très difficiles !

Très bien ! et applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il y a des instructions et elles sont appliquées ! Nous avons pu le vérifier, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Je souhaite réagir aux propos de M. le ministre.

Nous avons procédé à des auditions de policiers. Ces derniers, comme je l’ai déjà dit, en ont assez du travail qu’on leur demande de faire. L’un d’eux a tenu devant nous les propos suivants : « On nous demande de vider la mer avec une petite cuillère, parce que, de toute façon, les immigrés sont là. »

Certains policiers nous ont expliqué qu’on leur avait demandé d’effectuer les contrôles d’identité en tenue civile, parce que de telles opérations faisaient penser à des rafles si l’on y procédait en uniforme…

On leur avait également donné les instructions suivantes : « Il faut faire du Chinois et de l’Indien, parce qu’ils sont plus facilement reconnus par leurs consulats que d’autres. »

Enfin, les personnes auditionnées nous ont indiqué qu’on leur demandait de faire du chiffre en matière de gardes à vue, et que les commissaires de police n’atteignant pas les objectifs fixés voyaient leur carrière en pâtir.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Monsieur le ministre, nous avons recueilli des témoignages directs de cet ordre. Par conséquent, j’infirme complètement vos propos et je souhaite que l’amendement présenté par notre collègue Richard Yung soit voté !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je souscris tout à fait aux propos de Richard Yung et de Louis Mermaz et je soutiens pleinement cet amendement.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous poser une question.

Tout à l’heure, vous avez indiqué, s’agissant de l’amendement de M. Longuet, qu’un effort serait consenti en faveur de la justice administrative. Quelle sera la réalité de cet effort ? Je suppose qu’il portera sur l’effectif des magistrats.

Par ailleurs, M. Mercier, ministre de la justice et des libertés, affirme, dans un entretien publié ce soir dans Le Monde, qu’un effort va être accompli pour les juges d’application des peines – c’est la moindre des choses, compte tenu du contexte – et les conseillers d’insertion et de probation, ainsi que pour les greffiers. Enfin, M. Mercier déclare que les réformes nouvelles – l’instauration de jurys populaires en correctionnelle, par exemple – poseraient la question des moyens.

Monsieur le ministre, vous serait-il possible de nous dire – peut-être aurons-nous demain soir des réponses en regardant la télévision, mais il nous paraît bon que le Parlement fasse son office ! – combien de postes seront créés, pour l’année en cours, au titre de l’effort annoncé pour les juges administratifs, les juges d’application des peines, les conseillers d’insertion et de probation, les greffiers et enfin les magistrats, eu égard à l’instauration des jurys populaires en correctionnelle ? En outre, combien de postes prévoyez-vous de créer au titre du budget de 2012 ? Pour la suite, nous verrons…

En tout cas, si vous pouviez nous fournir dans les jours à venir – je comprends tout à fait qu’il vous soit impossible de le faire immédiatement – des données précises sur les mesures que vous prévoyez d’inscrire dans une loi de finances rectificative, d’une part, et dans le projet de loi de finances initiale pour 2012, d’autre part, cela permettrait d’éclairer les débats. Nous devons pouvoir mesurer la portée et la nature exactes des efforts annoncés par le Gouvernement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je m’associe à ces questions, que nous posons d’ailleurs nous-mêmes régulièrement. À l’heure où les personnels de la justice descendent dans la rue, il importe que le Parlement puisse débattre de la mobilisation de moyens propres à éviter la survenue de catastrophes.

En ce qui concerne les contrôles « au faciès », monsieur le ministre, M. Mermaz a bien exprimé ce que les policiers que nous avons entendus pensent du travail qui leur est demandé.

Étant une élue de Paris, je peux vous affirmer que les stations de métro « Belleville », « Porte d’Ivry », « Porte de Vitry », « Gare du Nord » sont des lieux privilégiés pour procéder à des contrôles « au faciès »… Curieusement, les policiers effectuent beaucoup moins de contrôles d’identité dans d’autres stations ! Je vous invite à aller constater cette réalité par vous-même !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur le ministre, loin de nous l’idée de critiquer notre police nationale : nous avons suffisamment dénoncé son manque de moyens et les coups portés aux services publics de notre pays.

Vos propos sont particulièrement provocateurs, dans la mesure où vous savez comme nous que certains jeunes des quartiers sont parfois contrôlés plusieurs fois par jour, par des équipes différentes, parce que les policiers se trouvent dans l’obligation de faire du chiffre, ainsi que l’a rappelé Louis Mermaz.

Ces jeunes gens sont contrôlés, alors qu’ils sont français, à cause de leur couleur de peau, de leur taux de mélanine ! Voilà pourquoi nous parlons de contrôles « au faciès ». Il ne faut pas ignorer ou minorer ces pratiques, qui existent dans notre pays.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° 408, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 37, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune obligation de quitter le territoire français ne peut être délivrée à l'encontre d'un étranger consécutivement à un contrôle de titre jugé irrégulier. »

Je constate que cet amendement n’a plus d’objet.

L’article L. 552-2 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 552 -2. – Le juge rappelle à l’étranger les droits qui lui sont reconnus et s’assure, d’après les mentions figurant au registre prévu à l’article L. 553-1 émargé par l’intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Il s’assure également que l’étranger n’a pas été privé de la possibilité d’exercer ses droits pour une durée excessive du fait d’un délai anormalement long entre la notification du placement en rétention et l’arrivée au centre de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d’un nombre important d’étrangers pour l’appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l’information des droits et à leur prise d’effet. Il informe l’étranger des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant. L’intéressé est maintenu à disposition de la justice, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l’audience et au prononcé de l’ordonnance. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 192 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 409 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 192.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

Les nouvelles dispositions introduites par cet article tendent à mettre les droits des étrangers entre parenthèses pendant tout le temps nécessaire, au gré de la seule administration, à leur arrivée dans un centre de rétention et à la notification de leurs droits.

Concrètement, cela signifie que les nombreux étrangers qui n’arriveront dans un centre de rétention que de longues heures après leur placement théorique dans celui-ci seront privés de leur droit de contester la mesure d'éloignement dont ils font l'objet.

De plus, la privation de liberté durant leur transfert – qui pourra donc s'étendre pendant un temps indéterminé – est dépourvue de tout cadre juridique : ni le régime de la garde à vue ni celui de la rétention administrative ne seront applicables. De ce fait, les étrangers concernés ne seront donc plus protégés et ne jouiront d'aucun droit, ce que nous refusons.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 409.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Le présent article est lié à l’article 31 du projet de loi, dont nous avons préalablement contesté les dispositions. Il vise à modifier l’article L. 552-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au détriment des personnes retenues.

En effet, s’il était adopté, serait supprimée l’obligation d’informer l’étranger de ses droits « au moment de la notification de la décision de placement » dans un centre de rétention administrative. Cette obligation serait remplacée par une disposition vague et imprécise, selon laquelle l’étranger serait informé de ses droits « dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention ».

Une telle modification serait lourde de conséquences : les droits des étrangers se trouveraient mis entre parenthèses pendant la période s’étendant de la notification de la décision de placement à l’arrivée effective au centre de rétention administrative.

En outre, sachant que le délai pendant lequel un étranger peut former un recours contre la mesure d’éloignement est de quarante-huit heures, de nombreux étrangers, arrivés dans un centre de rétention de longues heures après leur placement théorique dans ce dernier, seraient privés de la possibilité de contester la mesure d’éloignement dont ils font l’objet.

Le dispositif de cet article est donc une entrave au droit au recours, posé notamment par l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Enfin, l’adoption de cette disposition créerait un véritable vide juridique entre le moment du placement théorique de l’étranger dans un centre de rétention administrative et celui de son arrivée effective dans ce lieu.

En effet, la privation de liberté que subissent les étrangers durant le transfert est dépourvue de tout cadre juridique : ni le régime de la garde à vue ni celui de la rétention administrative ne sont applicables. En conséquence, les étrangers sont privés de liberté sans qu’ils puissent faire valoir leurs droits.

Dans ces conditions, il nous paraît indispensable de supprimer cet article, qui n’est pas viable juridiquement et dont le dispositif constitue une atteinte aux droits fondamentaux des étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’article 38 est indispensable, puisqu’il détermine les modalités d’intervention du juge des libertés et de la détention en cas de placement en rétention.

La commission est donc défavorable à ces amendements de suppression.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Même avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix les amendements identiques n° 192 et 409.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° 94 rectifié, présenté par MM. Nègre, Couderc, Beaumont, Milon, Houel et Cointat, est ainsi libellé :

Alinéa 2

I. - Première phrase

Après les mots :

dans les meilleurs délais

insérer le mot :

possible

II. - Deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. René Beaumont.

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Lors de l’examen du texte en commission des lois, celle-ci a opéré deux modifications à l'article 38.

Dans la première phrase, qui enjoint au juge des libertés et de la détention de s'assurer que l'étranger a été pleinement informé de ses droits, l'expression initiale : « dans les meilleurs délais possibles » a été amputée du mot : « possibles ».

Après la première phrase, le texte adopté par la commission des lois précise que le contrôle du juge des libertés et de la détention doit également s'exercer sur l'effectivité des droits au regard de la durée du transfert au centre de rétention.

S'il est bien entendu que ces modifications visent seulement à amender le texte pour éviter une interprétation par trop restrictive des droits de l'étranger, elles n’en risquent pas moins d'avoir un effet contraire à celui auquel tend cet effort de précision.

En effet, l'article 38 a une visée essentiellement pragmatique : il a pour objet d’engager le juge des libertés et de la détention à prendre en considération les circonstances concrètes du placement en rétention.

La suppression du mot « possibles » atténue la portée de cette réforme, qui, en conformité avec la jurisprudence de la Cour de cassation, vise à rappeler l’obligation faite au juge des libertés et de la détention d’exercer un contrôle in concreto.

Tout d’abord, l'ajout des précisions relatives au contrôle par le juge des libertés et de la détention de l’effectivité, pour l’étranger, de la possibilité de faire valoir ses droits au regard du délai d'acheminement au lieu de rétention est superfétatoire, dès lors qu'il incombe au juge judiciaire d'exercer toutes les investigations utiles pour vérifier l'effectivité de l'exercice des droits de la personne retenue.

Ensuite, cet ajout risque de constituer le support d’un rebond d’un contentieux sensible, connu sous la dénomination de « jurisprudence Mappy », dans lequel des juges de première instance se sont fondés sur les données fournies par des sites internet pour contester la durée des trajets.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Le présent amendement vise à réintroduire le mot « possibles » au second alinéa de l’article 38, alors qu’il a été supprimé par la commission.

L’expression « dans les meilleurs délais possibles » semblant quelque peu redondante, il paraissait en effet préférable d’en rester au droit en vigueur, qui évoque simplement les « meilleurs délais ».

Par ailleurs, l’amendement vise à supprimer une garantie insérée dans cet article par la commission des lois, dont le texte prévoit que le juge des libertés et de la détention s’assure, corrélativement au report des droits au moment de la rétention, que le délai entre la notification et le placement en rétention n’a pas été anormalement long.

Pour autant, la commission a pour l’essentiel validé la modification souhaitée par le Gouvernement, puisqu’elle a accepté que l’étranger puisse exercer ses droits non plus « dans les meilleurs délais suivant la notification », mais seulement « à compter de son arrivée au lieu de rétention ».

Il s’agit simplement d’éviter ainsi de créer une période indéfinie au cours de laquelle l’étranger ne pourrait exercer ses droits, conformément à la jurisprudence constitutionnelle, qui n’autorise un report que pour des raisons objectives.

La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Le Gouvernement émet pour sa part un avis favorable sur cet amendement. Celui-ci prévoit en effet de supprimer une phrase qui, en ayant pour objet d’attirer de façon plus spécifique l’attention du juge des libertés et de la détention sur le temps de transfert jusqu’au lieu de rétention, pourrait donner à entendre que l’administration prendrait un malin plaisir à faire durer celui-ci !

L’intérêt des services chargés de ces transferts est précisément qu’ils durent le moins longtemps possible, pour pouvoir ensuite se consacrer à d’autres missions.

Si elle n’était pas supprimée grâce à l’adoption de l’amendement de M. Beaumont, la phrase en question risquerait d’inciter le juge des libertés et de la détention à censurer le choix du lieu de rétention opéré par l’administration. Or ce choix répond à de multiples contraintes opérationnelles. Le contraindre davantage encore ne pourrait que nuire à l’efficacité de l’action de nos services. Je sais bien qu’il y a peu de chances que cet amendement soit voté, mais je tenais néanmoins à le souligner.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous n’aimons pas cet article 38, dont nous avons d’ailleurs proposé la suppression, à cause de cette nouvelle conception selon laquelle le délai de notification courrait à compter de l’arrivée au centre de rétention. Nous ne pensons nullement, monsieur le ministre, que l’administration prenne un « malin plaisir » à faire durer le transfert, mais nous estimons que la défense des droits et des libertés fondamentales doit être assurée le plus tôt possible.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Évidemment !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cela étant dit, puisque notre amendement de suppression de l’article a été rejeté, nous soutenons la position de la commission des lois : nous préférons la rédaction à laquelle, dans sa grande sagesse, elle est parvenue, car les deux modifications contenues dans l’amendement n° 94 rectifié sont à nos yeux limitatives des libertés individuelles.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Après le mot :

valoir

Supprimer la fin de cette phrase.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement de repli vise à supprimer les mots : « à compter de son arrivée au lieu de rétention ». Cette formule implique en effet le report du départ du délai de notification de ses droits à l’étranger qui fait l’objet d’une décision de placement en rétention à l’arrivée effective au lieu de rétention.

Les contraintes opérationnelles évoquées par M. le ministre ne sauraient être mises en balance avec le respect des libertés fondamentales. Comme nombre d’autres articles de ce projet de loi, l’article 38 marque un recul à cet égard, sans pour autant faciliter véritablement l’accomplissement de leur travail par les agents de l’administration.

De plus, en restreignant un droit fondamental, cet article contrevient à l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme.

J’ajoute que, même avec les améliorations apportées par M. le rapporteur, auxquelles je souscris, l’article 38 sera certainement source de contentieux, car il comporte des expressions particulièrement vagues laissant place à l’interprétation.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Même avis !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° 91, présenté par Mme Troendle, est ainsi libellé :

Alinéa 2, dernière phrase

Après les mots :

disposition de la justice,

insérer les mots :

dans des conditions fixées par le procureur de la République,

La parole est à Mme Catherine Troendle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’article L. 552-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que l’étranger est maintenu à disposition de la justice pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l’audience et au prononcé de l’ordonnance.

Afin de sécuriser plus clairement encore la situation de l’étranger pendant ce délai, le présent amendement tend à préciser que les conditions du maintien à disposition de la justice sont fixées par le procureur de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Il s’agit d’une précision importante : la commission émet un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Même avis !

L'amendement est adopté.

L'article 38 est adopté.

Après l’article L. 552-2 du même code, il est inséré un article L. 552-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 552 -2 -1. – Une irrégularité formelle n’entraîne la mainlevée de la mesure de placement en rétention que si elle présente un caractère substantiel et a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 71 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 193 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 410 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 71 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L’article 39 prévoit qu’« une irrégularité formelle n’entraîne la mainlevée de la mesure de placement en rétention que si elle présente un caractère substantiel et a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger ».

Comme l'article 10, il vise donc à limiter les cas dans lesquels le juge pourrait sanctionner les irrégularités formelles qu'il constate par la remise en liberté de la personne maintenue en rétention, en introduisant une hiérarchie entre les irrégularités formelles suivant qu'elles porteraient ou non atteinte aux droits des étrangers.

Concrètement, cela signifie que l'étranger devra justifier devant le juge de cette « atteinte aux droits », notion éminemment subjective, pour pouvoir obtenir l'annulation de la procédure.

De plus, une telle disposition engendrera très certainement un contentieux portant sur la définition de ce qui est « substantiel » et de ce qui ne l’est pas.

Il s’agit d’une matière qui doit être analysée comme un domaine pénal. Or, selon la jurisprudence constante de nos juridictions, en matière pénale les nullités doivent toujours être examinées de la manière la plus stricte possible.

En somme, cela traduit, encore une fois, un manque de confiance envers les magistrats, qu’il s’agit en outre de pousser à ne pas tenir compte d’un certain nombre de causes de nullité. Existe-t-il, dans une procédure qui aboutit à une privation de liberté, des nullités qui n’entraînent pas de préjudice pour la personne qui en est victime ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 193.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

Cet article vise à limiter les cas dans lesquels le juge pourrait sanctionner les irrégularités qu’il constate par la mise en liberté de la personne maintenue en rétention ou en zone d’attente, en introduisant une hiérarchie entre les irrégularités selon qu’elles porteraient ou non atteinte aux droits des étrangers.

Concrètement, cela signifie que l’étranger devra justifier devant le juge de cette « atteinte aux droits », notion éminemment subjective, pour pouvoir obtenir l’annulation de la procédure.

Or les nullités susceptibles d’être invoquées par un étranger sont d’ordre public et doivent être considérées comme portant grief intrinsèquement.

En ce sens, la série d’arrêts rendus par la Cour de cassation le 31 janvier 2006 rappelant à l’ordre la cour d’appel de Paris illustre l’inanité d’une telle disposition.

La CNCDH, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, dans son avis rendu sur le présent projet de loi, souligne par ailleurs que « s’agissant d’un contrôle de la régularité d’une procédure ayant mené à une privation de liberté, […] cette procédure touchant aux droits les plus fondamentaux, le vice de procédure doit s’analyser in concreto […]. De plus, la définition du caractère substantiel des vices de procédure ne manquerait pas de susciter un abondant contentieux et serait une source supplémentaire d’insécurité juridique. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 410.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

L’article 39 institue la règle selon laquelle il n’y aurait pas de nullité sans grief en matière de prolongation de la rétention par le juge des libertés et de la détention. Ce « tri » des nullités limite, selon nous, les cas dans lesquels le juge pourra sanctionner les irrégularités qu’il constatera. Un tel dispositif donnerait satisfaction à l’administration, qui trouve trop tatillon le contrôle des juges.

Cette nouvelle hiérarchie des causes de nullité de la procédure, établie en fonction de leur gravité supposée et de leur incidence sur les droits des étrangers, tend à faire oublier que les nullités susceptibles d’être invoquées causent toujours un grief. En effet, la nature même de la procédure induit un risque d’atteinte aux libertés individuelles.

De plus, l’ajout de l’exigence du caractère substantiel de l’irrégularité pourrait avoir pour effet de rendre les droits de l’étranger théoriques ou illusoires.

Bref, la notion d’atteinte aux droits est éminemment subjective. Il suffira au juge ayant constaté l’irrégularité d’alléguer qu’il n’est pas démontré que celle-ci ait porté atteinte aux droits de la personne retenue pour qu’il puisse décider de prolonger la rétention.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’article 39 écarte les moyens de nullité formels lorsqu’ils ne portent pas atteinte aux droits de l’étranger.

L’adoption de l’amendement n° 500, que je présenterai dans quelques instants au nom de la commission, permettra d’équilibrer ce dispositif.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les trois amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

L’article 39 se bornant à intégrer dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation, il n’est pas de nature à susciter un contentieux. Bien au contraire, il aura pour effet d’homogénéiser la jurisprudence des juges du fond, qui se caractérise aujourd’hui par des divergences en la matière.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les trois amendements identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix les amendements identiques n° 71 rectifié, 193 et 410.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° 500, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

présente un caractère substantiel et

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cet amendement est identique à l’amendement n° 495 de la commission, adopté à l’article 10, relatif aux zones d’attente.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat, monsieur le président.

L'amendement est adopté.

L'article 39 est adopté.

(Supprimé)

(Non modifié)

À la seconde phrase de l’article L. 552-6 du même code, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « six ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 72 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 195 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 412 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 72 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L’article 40 bis tend à faire passer le délai pendant lequel le parquet peut demander que soit prononcé le caractère suspensif de la décision de remise en liberté de quatre à six heures. Rien ne justifie, selon nous, un tel allongement.

L’actuel délai de quatre heures pose déjà une série de problèmes pratiques, en particulier pour les avocats, qui sont obligés de réagir dans l’urgence, à des heures tardives lorsque la demande d’effet suspensif intervient à la suite d’audiences tenues l’après-midi.

Je rappelle que ce délai de quatre heures est calqué sur celui du référé-détention, prévu à l’article 148-1-1 du code de procédure pénale.

Ce parallélisme des procédures doit s’appliquer jusqu’au bout, puisque dans le cas d’espèce la situation de l’étranger n’est pas objectivement différente de celle de la personne placée en détention provisoire.

Cet allongement du délai engendrera des contraintes supplémentaires pour les forces de l’ordre chargées de l’escorte de l’étranger, qui seront obligées de patienter deux heures de plus dans l’attente d’un hypothétique appel. Par conséquent, si vous voulez être cohérent jusqu’au bout avec la révision générale des politiques publiques, n’allongez pas ce délai, car une telle mesure, que rien ne justifie juridiquement, créerait des dépenses supplémentaires liées à la mobilisation des escortes deux heures de plus.

En réalité, vous ne cessez d’allonger la procédure afin de réduire les droits des personnes concernées.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 195.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Conformément à la tendance à l’allongement généralisé de la durée de privation de liberté, aux termes de l’article 40 bis, l’étranger devra rester à la disposition de la justice pendant non plus quatre heures, mais six heures.

Aujourd’hui, lorsqu’un étranger est libéré ou assigné par le juge, la préfecture ou le parquet peuvent faire appel de la décision. Pour obtenir que ce recours, qui n’est pas suspensif par nature, soit déclaré comme tel, le parquet doit le demander au premier président de la cour d’appel, et ce dans un délai de quatre heures.

La disposition proposée tend à accorder plus de temps au parquet pour contester les décisions de remise en liberté ou d’assignation prononcées par le juge des libertés et de la détention, au détriment encore une fois de l’exercice du droit au recours. Elle va à l’encontre du principe du contradictoire et alourdira en outre les procédures, ainsi que le travail des avocats et des escortes.

Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 40 bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 412.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Pourquoi ce délai de six heures ? Il semble calqué sur celui du référé-détention en matière pénale, mais les deux procédures n’ont rien à voir…

L’allongement proposé peut être dommageable. Ainsi, imaginez un avocat saisi au dernier moment, en fin d’après-midi, après avoir attendu pendant six heures : il ne pourra pas former de recours contre la déclaration du caractère suspensif de l’appel du parquet. Le principe du contradictoire ne sera pas respecté, c’est pourquoi nous sommes opposés à cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’actuel délai de quatre heures laissé au parquet pour demander la déclaration du caractère suspensif de l’appel ne paraît pas suffisant pour permettre au ministère public d’accomplir les diligences nécessaires : en effet, la demande du parquet doit être motivée. Or, celui-ci étant rarement présent aux audiences devant le juge des libertés et de la détention, il doit, avant de faire appel, obtenir communication du dossier, en prendre connaissance et rédiger la motivation de sa demande.

C’est pourquoi, comme pour les zones d’attente, l’article 44 prévoit, en matière de rétention, de porter à six heures le délai permettant de demander la déclaration du caractère suspensif de l’appel. Par coordination avec cette disposition, le présent article prévoit logiquement que l’étranger soit maintenu à la disposition de la justice pendant six heures, et non plus quatre heures.

La commission émet donc un avis défavorable sur les trois amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Le Gouvernement, suivant le même raisonnement, est également défavorable à ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix les amendements identiques n° 72 rectifié, 195 et 412.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 40 bis est adopté.

L’article L. 552-7 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 552 -7. – Quand un délai de vingt jours s’est écoulé depuis l’expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l’article L. 552-1 et en cas d’urgence absolue ou de menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, ou lorsque l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement, le juge des libertés et de la détention est à nouveau saisi.

« Le juge peut également être saisi lorsque, malgré les diligences de l’administration, la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou de l’absence de moyens de transport, et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que l’une ou l’autre de ces circonstances doit intervenir à bref délai. Il peut également être saisi aux mêmes fins lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement, malgré les diligences de l’administration, pour pouvoir procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement dans le délai de vingt jours mentionné au premier alinéa.

« Le juge statue par ordonnance dans les conditions prévues aux articles L. 552-1 et L. 552-2. S’il ordonne la prolongation de la rétention, l’ordonnance de prolongation court à compter de l’expiration du délai de vingt jours mentionné au premier alinéa et pour une nouvelle période d’une durée maximale de vingt jours.

« Par dérogation aux dispositions de l’alinéa précédent, si l’étranger a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou si une mesure d’expulsion a été prononcée à son encontre pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées, le juge de la liberté et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris peut, dès lors qu’il existe une perspective raisonnable d’exécution de la mesure d’éloignement et qu’aucune décision d’assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant de cet étranger, ordonner la prolongation de la rétention pour une durée d’un mois qui peut être renouvelée. La durée maximale de la rétention ne doit pas excéder six mois. Toutefois, lorsque, malgré les diligences de l’administration, l’éloignement ne peut être exécuté en raison, soit du manque de coopération de l’étranger, soit des retards subis pour obtenir du consulat dont il relève les documents de voyage nécessaires, la durée maximale de la rétention est prolongée de douze mois supplémentaires.

« L’article L. 552-6 est applicable. »

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

L’article 41 vise à porter à quarante-cinq jours, au lieu de trente-deux aujourd’hui, la durée maximale de rétention administrative et à mettre en place un régime dérogatoire de rétention administrative pouvant durer jusqu’à dix-huit mois pour les étrangers sous le coup d’une mesure d’interdiction pénale du territoire national ou d’expulsion en raison d’activités terroristes.

Après une première période de rétention de cinq jours, l’administration pourra demander une prolongation de vingt jours, contre quinze jours actuellement. Ensuite, une nouvelle prolongation de vingt jours pourra être requise si la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée sans que ce défaut d’exécution soit imputable à un manque de diligence de l’administration.

Le Gouvernement a avancé plusieurs explications pour justifier cette mesure : transposition de la directive Retour, amélioration de l’efficacité de la procédure d’éloignement, lenteur de la délivrance des laissez-passer consulaires, absence éventuelle de moyen de transport pour reconduire l’étranger à la frontière…

Cette disposition nous semble abusive et infondée.

Elle est abusive, puisque, par définition, la rétention administrative est une privation de liberté la plus courte possible, ne visant qu’à tenter d’organiser l’éloignement de l’étranger.

Cette disposition est infondée, car elle ne résulte aucunement de la nécessité de transposer la directive Retour, laquelle se borne à fixer une durée de rétention maximale.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Cette directive détermine un plafond, mais n’oblige nullement les États membres à le retenir dans leur législation.

La mesure proposée va encore accroître les souffrances, les tensions, les gestes de désespoir des personnes retenues, parfois accompagnées d’enfants, dont les associations, la presse et les élus qui se sont rendus dans des centres de rétention ont pu malheureusement témoigner.

La commission des lois du Sénat a adopté un amendement déposé par le Gouvernement sur le présent projet de loi. Si ce texte était définitivement voté par le Sénat, il permettrait de détenir certains étrangers plus de dix-huit mois en centre de rétention administrative. Certes, sont visées des personnes auteurs de faits graves, mais ce n’est pas une raison pour instituer une sorte de Guantanamo à la française.

Serait en effet créée une nouvelle forme de rétention administrative pour des personnes soupçonnées d’activités terroristes que le Gouvernement souhaite expulser. Pourraient également être concernés d’anciens ressortissants français dénaturalisés, qui, après avoir purgé une peine de prison, ont fait l’objet d’une interdiction de séjour en France ou d’un arrêté d’expulsion qui n’a jamais pu être exécuté parce que cela serait contraire aux articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, ces personnes risquant la peine de mort ou de mauvais traitements en cas de renvoi dans leur pays d’origine. D’ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme a demandé à diverses reprises à notre pays de ne pas les expulser. Une condamnation de la France est même intervenue à ce titre, les précautions nécessaires n’ayant pas été prises.

La loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure…

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

… permet pourtant de placer sous bracelet électronique et d’assigner à résidence certains étrangers ayant été condamnés pour des faits graves touchant au terrorisme, mais non expulsables.

Cette nouvelle rétention administrative servirait dans les cas où, aux termes du projet de loi, il y aurait toutes raisons de croire que l’exécution de la mesure d’expulsion ou d’assignation à résidence ne permettrait pas un contrôle et une supervision suffisants de la personne.

Il n’est pas acceptable que l’on puisse détenir dans les mêmes lieux des personnes soupçonnées d’actes terroristes et des personnes qui sont simplement en attente de départ. Une telle confusion est dangereuse pour les personnes sous le coup d’une mesure d’expulsion. Il importe donc de ne pas créer des situations de ce genre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 73 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 196 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 413 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 73 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L’article 41, dont nous demandons la suppression, porte de quinze à vingt jours la durée de la première prolongation de la rétention et à vingt jours la durée maximale de la seconde prolongation, soit un allongement de la durée totale de rétention de trente-deux à quarante-cinq jours.

Or, M. le ministre de l’intérieur nous a longuement expliqué, durant la discussion générale, que cette mesure laissait la France en dessous de la moyenne européenne et faisait pratiquement de notre pays un exemple à suivre en la matière. Ces explications ne nous ont guère convaincus.

En effet, cet article conduit à une banalisation de la privation de liberté. Il institue, de fait, la rétention en « mode de gestion » de la politique d’immigration, pour reprendre les termes de l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Cette logique contrevient à l’esprit de la directive Retour, qui vise, au contraire, à faire de la privation de liberté l’ultime recours, au bénéfice de mesures alternatives à l’enfermement. Or, nous avons pu constater, au fil de la discussion des articles, que ces mesures alternatives sont pour ainsi dire marginalisées dans ce texte, y compris l’assignation à résidence, dont les modalités ne sont pas satisfaisantes. De surcroît, la directive impose que la rétention soit aussi brève que possible.

On ne peut, en conséquence, que s’étonner de cet allongement totalement disproportionné à l’objectif visé, a fortiori quand le rapport de la commission précise que la durée moyenne de rétention est actuellement de dix jours et qu’elle ne devrait pas augmenter avec l’application du dispositif de l’article 41. À quoi sert-il, dans ces conditions, puisque, selon la CIMADE, seules 3 000 personnes ont fait l’objet en 2009 d’une rétention au-delà du vingt-huitième jour ? Quel est l’objectif ? Comment expliquer cette modification au regard des chiffres figurant dans le rapport ?

J’ajouterai que la systématisation de l’enfermement engendre un coût important pour nos finances publiques. En 2007, la Cour des comptes relevait, dans son rapport public, que « la relance de la politique d’éloignement du territoire des étrangers en situation irrégulière, partie intégrante d’une politique globale d’immigration a été engagée avant même que l’adaptation nécessaire des capacités des centres de rétention ne soit assurée. […] Le doublement du nombre de reconduites à la frontière a été obtenu au prix d’un accroissement important des moyens mobilisés pour le fonctionnement des centres, mais aussi dans les préfectures et dans les services de police et de gendarmerie, sans que l’ensemble des dysfonctionnements existant en amont de la rétention ait été corrigé. Il conviendrait d’avoir une mesure plus précise de l’efficacité de l’action publique à chaque stade de la procédure. »

En mobilisant ainsi de nombreux fonctionnaires de la police, des préfectures et des tribunaux, l’allongement de la durée de rétention s’inscrit à contre-courant d’une politique générale de réduction des déficits publics, par ailleurs dévastatrice.

Vous n’appliquez pas les politiques que vous nous demandez de mettre en œuvre systématiquement dans nos collectivités. Nous avons là une nouvelle illustration du fait que – les chiffres le démontrent – ce projet de loi ne se justifie pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 196.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Cet article porte le délai de rétention de trente-deux à quarante-cinq jours. La rétention administrative n’est pourtant qu’une mesure de privation de liberté pour le temps strictement nécessaire à l’éloignement de l’étranger, mais l’allongement proposé témoigne d’un changement de sa nature : elle devient une véritable mesure punitive.

Comme l’a dit mon collègue Jacques Mézard, l’examen des statistiques montre que la majorité des étrangers sont reconduits dans les dix premiers jours. Les chiffres ne permettent donc pas de justifier l’allongement du délai de rétention.

L’argument de la transposition de la directive Retour invoqué par le Gouvernement à maintes reprises est, lui aussi, peu crédible. En effet, la directive dispose que la rétention doit être le dernier recours possible en vue de garantir l’éloignement. En outre, elle n’impose aucunement aux États membres d’augmenter la durée de rétention.

Quant à l’argument relatif au temps nécessaire à l’obtention d’un certain nombre de laissez-passer consulaires, je ferai observer que, si ces documents sont certes nécessaires à l’expulsion de l’étranger, le Comité interministériel de contrôle de l’immigration nous apprend que, de janvier à septembre 2009, ils n’ont été délivrés en dehors des délais de rétention que dans 2, 9 % des cas.

L’augmentation de la durée maximale de rétention est dangereuse et ne tient guère compte, d’ailleurs, de l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui s’inquiète, à juste titre, de la banalisation de la privation de liberté.

Dans ces conditions, cette mesure risque fort d’entraîner une multiplication des tensions, des violences et des actes de désespoir que l’on peut malheureusement déjà constater.

Cet article aura pour seul effet de porter atteinte aux droits fondamentaux des migrants. Il privilégie définitivement et de façon disproportionnée la détention des étrangers comme mode routinier de contrôle des personnes devant être éloignées du territoire et opère une confusion dangereuse entre rétention administrative et surveillance des personnes, ce qui ouvre la voie à des amalgames menant à la criminalisation des étrangers en situation irrégulière.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 413.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Je fais miennes les observations formulées par mes collègues sur l’allongement de la durée maximale de la rétention administrative.

J’insisterai plus particulièrement, pour ma part, sur le régime dérogatoire de rétention administrative, qui pourrait, demain, durer jusqu’à dix-huit mois, pour les étrangers sous le coup d’une mesure d’interdiction pénale du territoire national ou d’expulsion en raison d’activités terroristes, et déboucher, selon le mot de mon collègue Louis Mermaz, sur la création d’une sorte de Guantanamo à la française.

L’allongement à quarante-cinq jours de la durée maximale de la rétention serait justifié, selon le Gouvernement, par la nécessité de transposer la directive européenne Retour, d’augmenter l’efficacité de la procédure d’éloignement et de disposer de plus de temps pour obtenir un plus grand nombre de laissez-passer consulaires.

Or, on s’aperçoit que ces arguments ne tiennent pas.

Tout d’abord, cette mesure n’est dictée par aucun impératif de transposition. Elle est même certainement en contradiction avec les engagements pris par le Gouvernement français au moment de l’adoption de la directive Retour.

En outre, en 2008, seulement 2, 28 % des laissez-passer consulaires ont été obtenus au-delà du délai actuel de rétention et la grande majorité des reconduites ont été effectuées durant les dix premiers jours de rétention, et la quasi-totalité d’entre elles avant le dix-septième jour. Il apparaît donc que l’allongement de la durée maximale de rétention ne permettra qu’une augmentation marginale du nombre de mesures d’éloignement exécutées.

En conséquence, la mesure proposée ne se justifie pas au regard des objectifs visés. En revanche, l’extension du recours à la rétention administrative et l’allongement de sa durée auront malheureusement une incidence certaine sur les souffrances subies par les étrangers.

Nous demandons la suppression de l’article 41.

D’une part, la mesure sera coûteuse pour les finances publiques – 533 millions d’euros hors coûts pour les préfectures et les juridictions – et détournera de nombreux fonctionnaires de leurs missions premières.

D’autre part, ce nouvel allongement de la durée de la rétention banalisera une privation de liberté qui devrait être la plus courte possible et demeurer l’exception.

En n’épargnant aucune catégorie de personnes, y compris parmi les plus vulnérables, la mesure proposée ne fera qu’aggraver les souffrances psychologiques des quelque 30 000 personnes retenues, en particulier celles des enfants. Elle accroîtra également les tensions existant déjà à l’intérieur des centres de rétention et multipliera les gestes de désespoir des étrangers retenus.

Aujourd’hui, 10 % des étrangers placés en rétention, soit plus de 3 000 personnes, restent privés de liberté entre vingt-huit et trente-deux jours, faute de laissez-passer consulaires. Si la durée maximale de rétention passe à quarante-cinq jours, ces personnes seront privées de liberté pendant treize jours supplémentaires ! Cela va beaucoup trop loin ; nous devons faire cesser cette escalade !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’article 41 vise à porter de trente-deux à quarante-cinq jours le délai possible de rétention. La commission a confirmé cette disposition du texte pour trois raisons : l’Union européenne négocie des accords de réadmission sur la base de quarante-cinq jours ; la durée maximale de rétention fixée par la directive étant de six mois, le texte reste très en deçà de cette limite ; cet allongement ne concernera qu’une minorité d’étrangers retenus.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques n° 73 rectifié, 196 et 413.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

L’article 41 comporte deux mesures principales : il porte à quarante-cinq jours la durée maximale de la rétention administrative et crée un régime spécifique de rétention administrative pour des personnes ayant été condamnées pour terrorisme – rien que cela !

En ce qui concerne, tout d'abord, l’allongement de trente-deux à quarante-cinq jours de la rétention administrative de droit commun, cette mesure est nécessaire, car elle permettra la réussite des éloignements, qui échouent souvent en raison d’une délivrance trop tardive des laissez-passer consulaires.

En effet, le délai moyen de délivrance d’un laissez-passer consulaire est de trente-cinq jours pour la Chine, de trente-six jours pour le Pakistan, de trente-sept jours pour l’Inde, de trente-huit jours pour le Mali, de quarante-trois jours pour le Nigéria. Nous ne pouvons donc en rester à une durée de rétention maximale de trente-deux jours.

Cette mesure n’est pas excessive. Ainsi, la durée de rétention est illimitée au Royaume-Uni, elle est de dix-huit mois au Danemark, aux Pays-Bas, en Suède et en Allemagne, de huit mois en Belgique, de six mois en Autriche et de soixante jours en Espagne et en Italie. Vous voyez donc que nous n’avons pas prévu une durée de rétention exagérée.

En ce qui concerne, ensuite, le régime spécifique de rétention des terroristes, que les auteurs de ces amendements entendent donc supprimer, je voudrais souligner que j’attache une importance primordiale à cette mesure.

Aujourd’hui, certains individus condamnés pour des activités terroristes et faisant l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire ou d’une mesure d’expulsion administrative ne peuvent être immédiatement éloignés pour des raisons diverses, notamment de procédure.

Dans l’attente de leur éloignement vers leur pays d’origine ou vers un pays tiers dans lequel ils seraient légalement admissibles, l’administration n’a d’autre solution, actuellement, que d’assigner ces individus à résidence dans des hôtels ! Je pense que chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, concevra facilement que cette situation n’offre pas de garanties suffisantes en termes de sécurité.

Vous comprendrez que nous ne soyons pas favorables aux amendements de suppression d’un tel article.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix les amendements identiques n° 73 rectifié ter, 196 et 413.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° 414, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Patient, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Introduit dans le projet de loi au travers de l’adoption d’un amendement déposé à la dernière minute par le Gouvernement lors de la réunion de commission des lois du 19 janvier dernier, l’alinéa 5 de l’article 41 met en place un régime dérogatoire de rétention administrative au-delà de la période maximale de quarante-cinq jours prévue dans le texte pour les étrangers condamnés à une peine d’interdiction du territoire français pour des actes de terrorisme.

Si cette disposition était définitivement adoptée, elle permettrait de maintenir en rétention administrative jusqu’à dix-huit mois des personnes étrangères qui, en quelque sorte, seraient ainsi frappées d’une double peine. En effet, le juge des libertés et de la détention se prononcerait une première fois pour prolonger la rétention d’un mois, puis plusieurs fois ensuite, jusqu’à atteindre une durée totale de six mois.

Nous sommes bien sûr totalement opposés à cette mesure, pour plusieurs raisons.

Premièrement, le Gouvernement n’a pas démontré en quoi le système des assignations à résidence, bien qu’il soit loin d’être satisfaisant sur le plan des garanties procédurales, ne constituerait pas, dans ce cas d’espèce, une alternative valable.

Deuxièmement, le placement d’une personne dans un centre de rétention de migrants pour une durée s’étendant jusqu’à dix-huit mois serait en infraction avec le droit à la liberté d’aller et venir inscrit dans la Convention européenne des droits de l’homme.

Troisièmement, il faut tout de même rappeler que la seule finalité de la rétention administrative est d’organiser le départ d’un étranger et qu’elle ne peut être ordonnée que le temps strictement nécessaire à sa mise en œuvre.

En l’occurrence, il est manifeste que telle n’est pas la vocation de cette rétention de dix-huit mois, qui, comme la rétention de sûreté, mélange mesure de sûreté contre une dangerosité présumée de la personne et punition d’un comportement passé, déjà sanctionné par une peine pénale. Il y a donc là une confusion et un amalgame dangereux.

Enfin, comme M. le rapporteur l’a constaté lui-même lors de l’examen du texte en commission, cette disposition pose le problème de la cohabitation, au sein des mêmes centres de rétention, d’étrangers – y compris des enfants ! – faisant l’objet d’une simple procédure d’éloignement et appelés à ne rester que quelques jours et d’étrangers terroristes ou liés au terrorisme, qui y resteraient beaucoup plus longtemps. Une telle cohabitation poserait problème !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission a intégré l’amendement du Gouvernement à son texte. Elle a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 414.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 41 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 10 février 2011, à neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :

1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (27, 2010-2011).

Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (239, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 240, 2010-2011).

2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques (225, 2010-2011).

Rapport de Mme Colette Giudicelli, fait au nom de la commission des affaires sociales (256, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 257, 2010-2011).

Avis de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (252, 2010-2011).

Avis de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (275, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à minuit.