Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 9 février 2011 à 21h45
Immigration intégration et nationalité — Article 37

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

L’amendement présenté par M. Longuet pose de vraies questions et met en lumière certaines incohérences dans le traitement du contentieux des mesures d’éloignement.

Le système actuel peut effectivement aboutir à des situations peu satisfaisantes.

Il arrive que le juge administratif se prononce sur un recours alors même que l’étranger concerné n’est plus en rétention, soit parce qu’il a été libéré à la demande du juge des libertés et de la détention, soit parce qu’il a été reconduit à la frontière, de sorte que le recours est devenu sans objet.

En outre, il peut arriver qu’un juge des libertés et de la détention prolonge la rétention d’un étranger sur le fondement d’une mesure d’éloignement qui sera annulée postérieurement par le juge administratif.

Il est donc vrai que des incohérences existent dans le système en vigueur ; nous l’avions d’ailleurs signalé lors de l’examen de l’article 30. Pour autant, la solution proposée est-elle satisfaisante ?

Cela a été rappelé, la mise en œuvre du mécanisme qui nous est soumis retarderait largement l’intervention du juge judicaire, afin de mettre fin à l’enchevêtrement des interventions des juges administratif et judiciaire. En d’autres termes, le juge judiciaire n’interviendrait qu’après l’examen des recours devant le juge administratif.

L’étranger, qui sera à la disposition immédiate de l’administration, puisque toujours retenu, pourra donc être renvoyé sans même que le juge des libertés et de la détention se soit prononcé sur la régularité de la procédure de son placement en rétention. Ce constat figure d’ailleurs à la page 34 du rapport de la commission.

Il nous apparaît indispensable de rappeler l’exigence posée par l’article 66 de la Constitution : le juge judiciaire est le gardien de la liberté individuelle.

En la matière, le Conseil constitutionnel a rappelé que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». Le délai de cinq jours proposé présente donc un risque évident d’inconstitutionnalité.

Prenons un autre exemple de mesure de privation de liberté : en matière de garde à vue, mes chers collègues, viendrait-il à l’idée de l’un d’entre nous de proposer que le contrôle d’un juge judiciaire n’intervienne qu’au terme de cinq jours ? Évidemment non !

Je ferai une dernière remarque, concernant le juge administratif. La question n’est pas tant de savoir si celui-ci a, de fait, un rôle protecteur des droits et des libertés, que de vérifier le respect des impératifs posés par l’article 66 de la Constitution. Si le juge administratif est bien un juge indépendant et protecteur, il ne fait aucun doute que seule l’autorité judiciaire peut légitimement contrôler les conditions de détention d’une personne.

Pour l’ensemble de ces motifs, le groupe de l’Union centriste n’est pas convaincu par le dispositif présenté par M. Longuet. Sa mise en œuvre entraînerait un recul important en matière de contrôle de la liberté individuelle par l’autorité judiciaire, qui est pourtant une exigence constitutionnelle. Nous ne voterons donc pas cet amendement.

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