Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 9 février 2011 à 21h45
Immigration intégration et nationalité — Article 41

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

L’article 41, dont nous demandons la suppression, porte de quinze à vingt jours la durée de la première prolongation de la rétention et à vingt jours la durée maximale de la seconde prolongation, soit un allongement de la durée totale de rétention de trente-deux à quarante-cinq jours.

Or, M. le ministre de l’intérieur nous a longuement expliqué, durant la discussion générale, que cette mesure laissait la France en dessous de la moyenne européenne et faisait pratiquement de notre pays un exemple à suivre en la matière. Ces explications ne nous ont guère convaincus.

En effet, cet article conduit à une banalisation de la privation de liberté. Il institue, de fait, la rétention en « mode de gestion » de la politique d’immigration, pour reprendre les termes de l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Cette logique contrevient à l’esprit de la directive Retour, qui vise, au contraire, à faire de la privation de liberté l’ultime recours, au bénéfice de mesures alternatives à l’enfermement. Or, nous avons pu constater, au fil de la discussion des articles, que ces mesures alternatives sont pour ainsi dire marginalisées dans ce texte, y compris l’assignation à résidence, dont les modalités ne sont pas satisfaisantes. De surcroît, la directive impose que la rétention soit aussi brève que possible.

On ne peut, en conséquence, que s’étonner de cet allongement totalement disproportionné à l’objectif visé, a fortiori quand le rapport de la commission précise que la durée moyenne de rétention est actuellement de dix jours et qu’elle ne devrait pas augmenter avec l’application du dispositif de l’article 41. À quoi sert-il, dans ces conditions, puisque, selon la CIMADE, seules 3 000 personnes ont fait l’objet en 2009 d’une rétention au-delà du vingt-huitième jour ? Quel est l’objectif ? Comment expliquer cette modification au regard des chiffres figurant dans le rapport ?

J’ajouterai que la systématisation de l’enfermement engendre un coût important pour nos finances publiques. En 2007, la Cour des comptes relevait, dans son rapport public, que « la relance de la politique d’éloignement du territoire des étrangers en situation irrégulière, partie intégrante d’une politique globale d’immigration a été engagée avant même que l’adaptation nécessaire des capacités des centres de rétention ne soit assurée. […] Le doublement du nombre de reconduites à la frontière a été obtenu au prix d’un accroissement important des moyens mobilisés pour le fonctionnement des centres, mais aussi dans les préfectures et dans les services de police et de gendarmerie, sans que l’ensemble des dysfonctionnements existant en amont de la rétention ait été corrigé. Il conviendrait d’avoir une mesure plus précise de l’efficacité de l’action publique à chaque stade de la procédure. »

En mobilisant ainsi de nombreux fonctionnaires de la police, des préfectures et des tribunaux, l’allongement de la durée de rétention s’inscrit à contre-courant d’une politique générale de réduction des déficits publics, par ailleurs dévastatrice.

Vous n’appliquez pas les politiques que vous nous demandez de mettre en œuvre systématiquement dans nos collectivités. Nous avons là une nouvelle illustration du fait que – les chiffres le démontrent – ce projet de loi ne se justifie pas.

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