Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 9 février 2011 à 21h45
Immigration intégration et nationalité — Article 41

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Cet article porte le délai de rétention de trente-deux à quarante-cinq jours. La rétention administrative n’est pourtant qu’une mesure de privation de liberté pour le temps strictement nécessaire à l’éloignement de l’étranger, mais l’allongement proposé témoigne d’un changement de sa nature : elle devient une véritable mesure punitive.

Comme l’a dit mon collègue Jacques Mézard, l’examen des statistiques montre que la majorité des étrangers sont reconduits dans les dix premiers jours. Les chiffres ne permettent donc pas de justifier l’allongement du délai de rétention.

L’argument de la transposition de la directive Retour invoqué par le Gouvernement à maintes reprises est, lui aussi, peu crédible. En effet, la directive dispose que la rétention doit être le dernier recours possible en vue de garantir l’éloignement. En outre, elle n’impose aucunement aux États membres d’augmenter la durée de rétention.

Quant à l’argument relatif au temps nécessaire à l’obtention d’un certain nombre de laissez-passer consulaires, je ferai observer que, si ces documents sont certes nécessaires à l’expulsion de l’étranger, le Comité interministériel de contrôle de l’immigration nous apprend que, de janvier à septembre 2009, ils n’ont été délivrés en dehors des délais de rétention que dans 2, 9 % des cas.

L’augmentation de la durée maximale de rétention est dangereuse et ne tient guère compte, d’ailleurs, de l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui s’inquiète, à juste titre, de la banalisation de la privation de liberté.

Dans ces conditions, cette mesure risque fort d’entraîner une multiplication des tensions, des violences et des actes de désespoir que l’on peut malheureusement déjà constater.

Cet article aura pour seul effet de porter atteinte aux droits fondamentaux des migrants. Il privilégie définitivement et de façon disproportionnée la détention des étrangers comme mode routinier de contrôle des personnes devant être éloignées du territoire et opère une confusion dangereuse entre rétention administrative et surveillance des personnes, ce qui ouvre la voie à des amalgames menant à la criminalisation des étrangers en situation irrégulière.

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