Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 9 février 2011 à 21h45
Immigration intégration et nationalité — Article 41

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Je fais miennes les observations formulées par mes collègues sur l’allongement de la durée maximale de la rétention administrative.

J’insisterai plus particulièrement, pour ma part, sur le régime dérogatoire de rétention administrative, qui pourrait, demain, durer jusqu’à dix-huit mois, pour les étrangers sous le coup d’une mesure d’interdiction pénale du territoire national ou d’expulsion en raison d’activités terroristes, et déboucher, selon le mot de mon collègue Louis Mermaz, sur la création d’une sorte de Guantanamo à la française.

L’allongement à quarante-cinq jours de la durée maximale de la rétention serait justifié, selon le Gouvernement, par la nécessité de transposer la directive européenne Retour, d’augmenter l’efficacité de la procédure d’éloignement et de disposer de plus de temps pour obtenir un plus grand nombre de laissez-passer consulaires.

Or, on s’aperçoit que ces arguments ne tiennent pas.

Tout d’abord, cette mesure n’est dictée par aucun impératif de transposition. Elle est même certainement en contradiction avec les engagements pris par le Gouvernement français au moment de l’adoption de la directive Retour.

En outre, en 2008, seulement 2, 28 % des laissez-passer consulaires ont été obtenus au-delà du délai actuel de rétention et la grande majorité des reconduites ont été effectuées durant les dix premiers jours de rétention, et la quasi-totalité d’entre elles avant le dix-septième jour. Il apparaît donc que l’allongement de la durée maximale de rétention ne permettra qu’une augmentation marginale du nombre de mesures d’éloignement exécutées.

En conséquence, la mesure proposée ne se justifie pas au regard des objectifs visés. En revanche, l’extension du recours à la rétention administrative et l’allongement de sa durée auront malheureusement une incidence certaine sur les souffrances subies par les étrangers.

Nous demandons la suppression de l’article 41.

D’une part, la mesure sera coûteuse pour les finances publiques – 533 millions d’euros hors coûts pour les préfectures et les juridictions – et détournera de nombreux fonctionnaires de leurs missions premières.

D’autre part, ce nouvel allongement de la durée de la rétention banalisera une privation de liberté qui devrait être la plus courte possible et demeurer l’exception.

En n’épargnant aucune catégorie de personnes, y compris parmi les plus vulnérables, la mesure proposée ne fera qu’aggraver les souffrances psychologiques des quelque 30 000 personnes retenues, en particulier celles des enfants. Elle accroîtra également les tensions existant déjà à l’intérieur des centres de rétention et multipliera les gestes de désespoir des étrangers retenus.

Aujourd’hui, 10 % des étrangers placés en rétention, soit plus de 3 000 personnes, restent privés de liberté entre vingt-huit et trente-deux jours, faute de laissez-passer consulaires. Si la durée maximale de rétention passe à quarante-cinq jours, ces personnes seront privées de liberté pendant treize jours supplémentaires ! Cela va beaucoup trop loin ; nous devons faire cesser cette escalade !

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