Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 9 février 2011 à 21h45
Immigration intégration et nationalité — Article 41

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Introduit dans le projet de loi au travers de l’adoption d’un amendement déposé à la dernière minute par le Gouvernement lors de la réunion de commission des lois du 19 janvier dernier, l’alinéa 5 de l’article 41 met en place un régime dérogatoire de rétention administrative au-delà de la période maximale de quarante-cinq jours prévue dans le texte pour les étrangers condamnés à une peine d’interdiction du territoire français pour des actes de terrorisme.

Si cette disposition était définitivement adoptée, elle permettrait de maintenir en rétention administrative jusqu’à dix-huit mois des personnes étrangères qui, en quelque sorte, seraient ainsi frappées d’une double peine. En effet, le juge des libertés et de la détention se prononcerait une première fois pour prolonger la rétention d’un mois, puis plusieurs fois ensuite, jusqu’à atteindre une durée totale de six mois.

Nous sommes bien sûr totalement opposés à cette mesure, pour plusieurs raisons.

Premièrement, le Gouvernement n’a pas démontré en quoi le système des assignations à résidence, bien qu’il soit loin d’être satisfaisant sur le plan des garanties procédurales, ne constituerait pas, dans ce cas d’espèce, une alternative valable.

Deuxièmement, le placement d’une personne dans un centre de rétention de migrants pour une durée s’étendant jusqu’à dix-huit mois serait en infraction avec le droit à la liberté d’aller et venir inscrit dans la Convention européenne des droits de l’homme.

Troisièmement, il faut tout de même rappeler que la seule finalité de la rétention administrative est d’organiser le départ d’un étranger et qu’elle ne peut être ordonnée que le temps strictement nécessaire à sa mise en œuvre.

En l’occurrence, il est manifeste que telle n’est pas la vocation de cette rétention de dix-huit mois, qui, comme la rétention de sûreté, mélange mesure de sûreté contre une dangerosité présumée de la personne et punition d’un comportement passé, déjà sanctionné par une peine pénale. Il y a donc là une confusion et un amalgame dangereux.

Enfin, comme M. le rapporteur l’a constaté lui-même lors de l’examen du texte en commission, cette disposition pose le problème de la cohabitation, au sein des mêmes centres de rétention, d’étrangers – y compris des enfants ! – faisant l’objet d’une simple procédure d’éloignement et appelés à ne rester que quelques jours et d’étrangers terroristes ou liés au terrorisme, qui y resteraient beaucoup plus longtemps. Une telle cohabitation poserait problème !

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