Intervention de Renaud Donnedieu de Vabres

Réunion du 30 juin 2006 à 9h30
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information — Discussion générale

Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication :

Monsieur le rapporteur, je tiens à vous remercier du brillant exposé que vous venez de présenter des travaux de la commission mixte paritaire en plaçant le monde de l'intelligence au coeur de notre projet.

Vous avez magistralement évoqué les enjeux du débat parlementaire approfondi qui a été mené sur ce projet de loi, rappelant opportunément la chronologie de la directive européenne et de sa transposition, que votre vote d'aujourd'hui permettra de faire entrer en vigueur. Comme vous l'avez justement relevé, monsieur le rapporteur, il était temps d'effectuer cette transposition au regard des obligations de la France, contractées dès 2001, et c'était indispensable pour l'évolution de notre société.

Les enjeux du texte - vous les avez rappelés - sont essentiels pour notre pays et pour nos concitoyens. Ils sont européens, bien sûr, internationaux, puisqu'il s'agit d'assurer la place de la France dans la société de l'information ; ils sont juridiques, économiques, culturels, sociaux, et donc politiques, au sens le plus large de ce terme. Vous les avez justement inscrits dans le triptyque des valeurs républicaines qui nous rassemblent et dont vous êtes, dont nous sommes, à la fois les héritiers, les architectes et les artisans.

Car les soubassements de l'édifice législatif que nous sommes en train de construire sont profonds et solides. Ils remontent aux conquêtes émancipatrices des Lumières. Oui, le droit d'auteur est et demeure, aujourd'hui, d'abord une liberté, liberté de créer et de diffuser les oeuvres qui sont le fruit des talents et du travail des créateurs.

C'est dans cet esprit que le Sénat s'est saisi d'un véritable débat de société, ouvert par l'Assemblée nationale, en l'approfondissant et en resituant clairement les enjeux les plus actuels, en particulier celui du financement de la création et celui de l'accès aux oeuvres à l'ère d'Internet. C'est un débat qui concerne la vie quotidienne de nos concitoyens, en particulier des plus jeunes d'entre eux. Éclairé par le travail considérable accompli par sa commission des affaires culturelles, et je tiens à en remercier une nouvelle fois le président Jacques Valade, le Sénat a fait oeuvre utile.

La commission mixte paritaire, réunie le 22 juin dernier, a abouti à un texte commun, un texte d'équilibre qui respecte et prend en compte les différents points de vue exposés tout au long d'un débat parlementaire riche de très nombreuses auditions en commissions et de plus d'une centaine d'heures de séance publique dans les deux assemblées, d'un débat qui, à partir et au-delà des deux hémicycles, s'est élargi et prolongé sur Internet comme au sein de l'ensemble de la société française.

Les deux principes qui sont au fondement de ce texte ont été réaffirmés tout au long de ces débats et en sont sortis renforcés.

Le premier de ces principes est le respect du droit d'auteur, droit fondamental et intangible. Le second principe est l'accès le plus large aux oeuvres, pour tous les publics. Oui, il s'agit d'une liberté. Dans l'univers numérique, chacun doit pouvoir accéder à l'offre la plus diversifiée. Il s'agit bien de faire vivre la diversité culturelle et le pluralisme, qui sont deux valeurs essentielles. L'exercice de cette liberté doit aussi préserver le respect de la vie privée des internautes.

Le texte qui vous est soumis garantit le respect du droit d'auteur, l'interopérabilité et la copie privée, tout en préservant l'équilibre économique et l'avenir de la création française.

Il affirme cette liberté, l'interopérabilité, qui fait de la France un pays pionnier en Europe, entraînant dans son sillage - et ce n'est sans doute qu'un premier mouvement, très significatif - la Suède, le Danemark, la Norvège et le Royaume-Uni. Je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, d'en être fiers. Garantir que toute oeuvre acquise légalement puisse être lue sur n'importe quel support numérique, c'est une liberté formidable, pour les consommateurs comme pour les créateurs et pour leurs oeuvres.

Liberté qui permettra une plus grande circulation des oeuvres, dans le respect du droit d'auteur.

Le texte de la commission mixte paritaire a défini un cadre opérationnel précis pour mettre en oeuvre ce principe. Vous avez appelé à juste titre le Gouvernement à la vigilance et à la célérité qui sont de sa responsabilité pour l'application de ce principe. Je sais le soin avec lequel le Sénat veille à l'application effective des lois qu'il vote. En présentant au Parlement un rapport sur la mise en oeuvre de la loi, dans les dix-huit mois suivant sa promulgation, le Gouvernement répondra à votre attente.

Le texte qui vous est soumis garantit la copie privée : chacun a le droit de réaliser, en fonction du type de support, pour son usage personnel ou celui de ses proches, un nombre raisonnable de copies d'oeuvres acquises légalement. Cette réaffirmation est essentielle, à l'heure où la copie privée est contestée, dans son principe même, à Bruxelles. Ceux qui voteront ce texte nous donneront les armes pour garantir la copie privée et ceux qui ne le voteront pas en assumeront la responsabilité.

L'un des apports majeurs de la Haute Assemblée est l'Autorité de régulation des mesures techniques, qui sera composée de six membres. Elle protégera et conciliera à la fois le droit d'auteur, la copie privée et l'interopérabilité, tout en étant en phase avec l'innovation technologique et avec la modification des pratiques des internautes.

En créant cette Autorité - et je tiens à rendre hommage à l'apport décisif du président de la commission, M. Jacques Valade, et du rapporteur, M. Michel Thiollière - nous ne faisons pas le choix d'une interopérabilité théorique qui ne serait pas appliquée, nous faisons le choix d'une interopérabilité qui sera enfin rendue possible. Car l'Autorité de régulation des mesures techniques a le pouvoir d'infliger une sanction pécuniaire applicable, soit en cas d'inexécution de ses injonctions, soit en cas de non-respect des engagements qu'elle a acceptés.

Afin d'éviter de figer dans la loi des règles qui pourraient être rendues obsolètes par l'évolution technologique, l'Autorité pourra déterminer le nombre de copies en fonction du type de support.

Pour que l'offre d'oeuvres protégées puisse se développer sur Internet, il faut réunir deux conditions : d'une part, chaque internaute doit être pleinement conscient et responsable de ses actes, d'autre part, la petite minorité de ceux qui sont à l'origine des systèmes de piratage doivent être clairement dissuadés et empêchés d'agir.

C'est pourquoi le texte qui est soumis à votre vote différencie clairement les responsabilités et instaure une véritable gradation proportionnée des sanctions, adaptée aux fautes commises. Un internaute qui télécharge illégalement de la musique ou un film sur Internet pour son usage personnel ne risquera plus la prison !

Je le répète, ceux qui ne voteraient pas ce texte prendraient le risque d'envoyer en prison l'internaute ordinaire qui commettrait une illégalité.

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