Intervention de Jack Ralite

Réunion du 30 juin 2006 à 9h30
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information — Discussion générale

Photo de Jack RaliteJack Ralite :

Si cela ne se fait pas, je vais mettre en route un processus de création d'un tel organisme pour travailler sur un projet alternatif qui pousserait le mouvement de la vie en se nourrissant des précieux éclats du passé. J'y inviterai d'ailleurs aussi des étrangers.

Nous avons à faire un saut de pensée. Les grandes affaires flattent les auteurs. Dans le document, c'est inimaginable l'amour qu'ils ont pour eux et, pourtant, il faut voir comment ils les traitent ! Ils flattent les auteurs contre les consommateurs, et vice-versa, pour les opposer et tenter, sur cette division, de gagner une extension de la solvabilité du marché présent et à venir.

Vendredi dernier, par exemple, j'étais au théâtre du Vieux-Colombier. On m'avait demandé de choisir une vingtaine d'extraits de romans ou de pièces de théâtre. Les Comédiens français lisaient et je commentais. La salle était, je vous l'assure, comble et joyeuse !

Mardi soir, c'était la présentation de la saison au théâtre de la Commune à Aubervilliers. Didier Besace, au lieu de faire des mini-programmes qui font sourire et qui sont agréables, je ne le conteste pas, a décidé, cette année - je l'ai perçu comme un message -, de lire avec des comédiens des textes d'auteurs. La salle était joyeuse et comble !

Je vais participer - vous aussi d'ailleurs, monsieur le ministre - au 60e anniversaire du festival d'Avignon : un festival de textes d'auteurs de théâtre, mais aussi, sous la direction d'Alain Crombecque, d'invitations : d'un Pinget, d'un Ponge, d'une Nathalie Sarraute, d'un Michel Leiris, d'un Octavio Paz, d'un Harold Pinter, d'un Heiner Müller..., ces poètes qui sont des législateurs non reconnus du monde ! Les lieux de rencontre étaient combles et joyeux, joyeux et combles.

Je le dis comme une apologie du texte d'auteur. J'ajoute aussitôt que vous venez d'inaugurer - et c'est parfait ! - le musée des « Arts premiers ». Actuellement, en France, nous assistons à la naissance, grâce aux nouvelles technologies, d'arts que l'on pourrait provisoirement appeler les « Arts derniers ». Voilà quelques années, Valéry écrivait à Walter Benjamin que, peut-être, allait bouger la notion même de l'art. C'est cette question qui nous est posée et sur laquelle nous devons réfléchir.

L'autre jour, j'ai cité un petit extrait d'une délibération des états généraux de la culture. Comme vous n'étiez pas présent, monsieur le ministre, je vais le relire.

« La culture, par essence, ne peut être ni privatisée, ni marchandisée, ni nationalisée. Toutes ces hypothèses sont des négations de la culture. L'on tente de la réduire à un échange sordide : j'ai produit, tu achètes. Mais la culture se décline sur le mode : nous nous rencontrons, nous échangeons autour de la création de quelques-uns, nous mettons en mouvement nos sensibilités, nos imaginations, nos intelligences, nos disponibilités. Car la culture n'est rien d'autre que le nous extensible à l'infini des humains. Et c'est bien cela qui aujourd'hui se trouve en danger, et requiert notre mobilisation. »

Voilà ce qu'est la régulation de la pensée et de l'imagination, monsieur le ministre ! Elle n'est ni démagogique ni idéologique, c'est celle du réel. Et je l'oppose à la régulation qui nous est proposée dans ce texte - ne parlons même pas des textes européens ! - et qui s'inscrit dans une perspective exclusivement économique.

Pour que ça passe mieux, on nous parle avec des « mots machines ». Mais j'ai bien noté que ni vous, monsieur le ministre, ni vous, monsieur le rapporteur, ne l'avez fait ; cela m'a fait bien plaisir. Car, dans ce débat, vous vous en souvenez, ce sont des « mots machines » qui ont été employés. On retire aux êtres la substance qu'est la langue. Il faut continuer à défendre la langue, notre langue, coûte que coûte, croisée avec d'autres langues. Nous devons avoir confiance, surtout si les artistes, les internautes, les auteurs se découvrent et s'épaulent.

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que l'opposition n'était pas fatale, même si la rencontre n'était pas facile. Vous avez raison ! Mais il faut que les auteurs se rencontrent dans ce que vous appelez un atelier. Dans un atelier, se retrouvent en général les artisans, et pas les « grands financiarisés », ...

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