Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 30 juin 2006 à 9h30
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information — Discussion générale

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

... notamment sur la licence globale et sur l'interopérabilité, et n'ont formulé, à ce titre, aucune proposition cohérente, contrairement à eux, donc, nous avons choisi de participer activement à cette réunion, et certaines dispositions tiennent désormais compte de quelques-uns de nos amendements.

Pour notre part, nous avons adopté une démarche constructive, en cherchant à améliorer le texte tant au Sénat qu'en commission mixte paritaire, en étant une force de proposition et en gardant un même objectif : la primauté du droit d'auteur.

À l'issue des travaux de la commission mixte paritaire, notre principale satisfaction concerne les exceptions reconnues aux droits exclusifs des auteurs. À cet égard, le groupe de l'UC-UDF avait déjà estimé que le Sénat était parvenu à un bon équilibre, en adoptant à l'unanimité l'exception en faveur de l'enseignement et de la recherche. En y ajoutant l'exception sur les bibliothèques, les archives publiques et les musées ainsi que l'exception en faveur des handicapés, le Parlement a considérablement amélioré le projet de loi initial du Gouvernement sur ce sujet.

Nous vous remercions d'ailleurs, monsieur le ministre, d'avoir su évoluer, en acceptant cette exception pédagogique, déjà actée dans de nombreux pays de l'Union européenne. S'en passer eût été préjudiciable à l'université française.

Nous nous réjouissons donc que les travaux de la commission mixte paritaire ne soient pas revenus sur l'équilibre auquel nous étions parvenus, car le groupe UMP de l'Assemblée nationale était plutôt opposé à l'exception pédagogique. Sur ce sujet, nous avons réussi à trouver un compromis satisfaisant : permettre la diffusion de la connaissance, tout en garantissant une juste rémunération des auteurs.

S'agissant de l'interopérabilité, défendue par l'UDF tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, plusieurs dispositions restent problématiques.

En effet, si nous avons vu avec satisfaction la commission mixte paritaire reprendre l'amendement du groupe UDF visant à garantir la mise en oeuvre effective de ce principe et la fourniture des informations essentielles à l'interopérabilité, il n'en reste pas moins que l'ensemble du dispositif proposé reste en deçà de nos exigences.

S'agissant de l'article 7, le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire se rapproche de celui qui a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Néanmoins, nous continuons à penser que les règles générales relatives à l'interopérabilité doivent être fixées par le législateur : c'est la contrepartie indispensable à la consécration juridique des mesures techniques de protection. C'est pourquoi le groupe de l'UC-UDF est opposé au fait que l'Autorité de régulation des mesures techniques décide au cas par cas de l'interopérabilité.

En outre, le projet de loi légitime, tout en les protégeant juridiquement, le recours systématique aux mesures techniques de protection, qui, sous couvert de défendre les auteurs - ils n'en sont d'ailleurs pas dupes -, permettent à certaines firmes de constituer des monopoles industriels et de contrôler un marché. L'utilisation excessive de ces MTP peut également porter atteinte aux libertés individuelles, en ce qu'elles autorisent le contrôle des données personnelles, et menacer le développement des logiciels libres, portant ainsi préjudice à un secteur de la recherche et de l'innovation ô combien nécessaire à la compétitivité de l'entreprise française.

Nous avons, à plusieurs reprises, insisté sur les dangers des DRM, dont l'emploi abusif empêchera le consommateur de lire une oeuvre acquise licitement sur tout support ou exercer son « droit » à la copie privée. C'est pourquoi nous avons refusé de voter l'article 7 bis A, introduit par le Sénat, et dont la rédaction a été conservée à peu près à l'identique par la commission mixte paritaire.

Nous avions également exprimé notre scepticisme quant à l'article 9 tendant à instituer une nouvelle autorité administrative indépendante, l'Autorité de régulation des mesures techniques, dont la création constitue une source de dépenses supplémentaires et d'inefficacité de l'action publique. Or, sur ce point, la commission mixte paritaire a repris l'essentiel des propositions du Sénat, sans pour autant apporter de réponses à nos inquiétudes quant à l'étendue des missions et des pouvoirs de cette nouvelle autorité.

Beaucoup de sénateurs de mon groupe restent persuadés que cette autorité ne sera qu'une administration supplémentaire, dont certaines missions pourraient être exercées par une autorité administrative indépendante déjà existante. Le récent rapport de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation sur ces « objets juridiques non identifiés » ne peut que renforcer notre sentiment.

Enfin, j'évoquerai les sanctions, dernier motif de notre insatisfaction.

Sans revenir sur le dispositif général des sanctions, dont l'applicabilité nous laisse sceptiques, je dirai que nous restons opposés aux sanctions prévues aux articles 12 bis et 14 quater destinés à réprimer civilement et pénalement les éditeurs de logiciels. Nous avons refusé les amendements dits Vivendi, car ces deux articles sont de nature à faire courir de graves risques aux créateurs de logiciels, notamment parce qu'ils tendent à sanctionner des logiciels légaux, mais que l'utilisation rend illicites.

Avec ces mesures, les éditeurs de logiciels communicants - serveurs web, serveurs mail, peer to peer - sont mis dans une situation d'insécurité juridique et sont tenus pour responsables des actes illicites qui sont commis par le biais de leur outil. Même si la commission mixte paritaire a réinséré l'amendement dit Cazenave, visant à exclure du champ des sanctions le travail collaboratif et la recherche, ces sanctions menacent directement l'activité des logiciels libres.

Pour toutes ces raisons, le groupe de l'UC-UDF, déçu qu'un travail et une réflexion plus approfondis n'aient pu avoir lieu entre les deux assemblées, ne sera pas en mesure de voter le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

Personnellement - et une majorité de mes collègues me suivra -, je m'abstiendrai sur ce texte, estimant que, même si le résultat reste insatisfaisant, nous avons pu progresser par rapport au texte initial du Gouvernement, s'agissant notamment des exceptions. Certains collègues de mon groupe, très opposés à la création de l'Autorité de régulation des mesures techniques, voteront contre le projet de loi, jugeant que ce dernier n'apporte pas de garanties suffisantes sur l'interopérabilité, que nous avons défendue tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.

Quoi qu'il en soit, soyons sûrs, mes chers collègues, que nous serons amenés, dans un bref délai, à réexaminer ces questions tant ce projet de loi ne constitue qu'une étape du processus. Espérons que les esprits seront alors plus mûrs pour discuter, dans un climat serein, d'un texte relatif à la diffusion des oeuvres sur Internet, fondateur pour les artistes et les internautes.

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