Intervention de Jean-Pierre Caffet

Réunion du 30 juin 2006 à 9h30
Engagement national pour le logement — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Pierre CaffetJean-Pierre Caffet :

Il s'agissait principalement de l'instauration d'un partage de la plus-value sur les terrains constructibles entre les propriétaires et les communes et de la majoration de taxe sur le foncier non bâti constructible.

La première de ces mesures est d'abord passée à la moulinette de Bercy. Puis elle a été supprimée en deuxième lecture par le Sénat, qui l'avait pourtant adopté à l'unanimité en première lecture. Elle a heureusement été rétablie par les députés. Toutefois, elle a entre-temps été rendue facultative, alors même que de nombreux acteurs concernés nous avaient demandé, et nous demandent encore, qu'elle soit instituée par la loi. Au final, il s'agit donc bien d'un pas dans la bonne direction, mais d'un petit pas.

La majoration de taxe sur le foncier non bâti a subi le même sort. Nous le regrettons évidemment.

Autre sujet de regret, la décote sur les terrains de l'État : nous aurions souhaité qu'elle soit plus importante que les 35 % acceptés par le Gouvernement. À cet égard, je relève que la loi sera prochainement promulguée et que le décret n'a toujours pas été publié. Toutefois, j'ai bien entendu les assurances de M. le ministre sur ce point lors de son intervention.

S'agissant toujours des terrains de l'État, la fusion du droit de préemption et du droit de priorité instituée par ce texte aboutira, dans certains cas - nous en sommes convaincus -, à contraindre les communes à se porter acquéreur de l'ensemble des biens de l'État sur la commune en même temps, ce qu'elles n'auront pas la capacité financière de faire.

J'en viens au profond désaccord qui nous oppose. La mesure la plus choquante de ce texte reste, à nos yeux, l'article 2, qui institue un droit de délaissement en contrepartie des obligations que pourront désormais imposer les PLU en matière de logement, notamment social.

Sur le plan des principes, tout d'abord, nous considérons qu'il est inadmissible de faire entrer le logement social dans le champ des servitudes, car, vous en conviendrez, de la servitude à la nuisance, il n'y a souvent qu'un pas ! Je regrette que certains parlementaires considèrent que cette servitude puisse constituer, dans certains cas, une nuisance. Comme l'a très récemment écrit un éminent professeur de droit, une telle mesure en dit long sur l'estime du législateur français pour le logement social et ses occupants.

Sur le plan pratique, ensuite, cette disposition risque de conduire à une paralysie des exécutifs locaux, qui ne seront pas en mesure d'acquérir les terrains si tous les propriétaires font jouer leur droit de délaissement en même temps, sujet que nous avons longuement évoqué la semaine dernière en commission mixte paritaire sans, malheureusement, être entendus. Nous aurons l'occasion de vérifier, dans les mois à venir, si le danger est réel, à Paris notamment.

Nous estimons donc que les réponses apportées sur ce sujet restent bien modestes au regard de l'envolée des prix du foncier et de la nécessité de remettre sur le marché des terrains à des prix compatibles avec des opérations de logement social.

S'agissant du volet logement du projet de loi, nous nous félicitons, bien entendu, que l'article 55 de la loi SRU n'ait pas été vidé de sa substance, comme le proposait le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, M. Patrick Ollier, dans son désormais célèbre amendement.

Le groupe socialiste, avec l'appui d'autres groupes de la Haute Assemblée - relayant ainsi une mobilisation associative exemplaire -, n'a pas à rougir de la guérilla parlementaire qui a été menée sur cette disposition et se félicite de sa suppression lors de la discussion au Sénat. Nous nous réjouissons également que les députés aient finalement renoncé à la réintroduire en deuxième lecture. Cela démontre, s'il en était besoin, à quel point cette mesure constituait une aberration. Son seul objet était d'exempter les communes disposant de peu de logements sociaux d'en construire. Nous nous réjouissons que le Parlement ne soit pas tombé dans ce piège.

Cela étant, même si l'essentiel a été préservé, le groupe socialiste aurait souhaité profiter de ce texte pour renforcer les objectifs de mixité sociale défendus par l'article 55, par exemple en alourdissant les contributions de solidarité ou en augmentant le nombre de communes concernées par ces obligations. Malheureusement, la majorité sénatoriale est restée sourde à nos propositions et nos amendements ont été rejetés tant en première lecture qu'en deuxième lecture.

En ce qui concerne la lutte contre les déconventionnements des logements des filiales immobilières de la Caisse des dépôts et consignations, nous notons, là encore, une volonté d'avancer sur ce sujet et d'apporter une réponse aux difficultés rencontrées par de nombreux ménages franciliens. Bien entendu, nous ne pouvons que nous réjouir de l'article voté au Sénat qui prolonge lesdites conventions. Toutefois, alors que le Sénat avait prévu que les conventions pourraient être prolongées pour une durée identique à celle des conventions initiales, les députés ont ramené cette durée à six ans et ont limité le bénéfice du dispositif aux locataires en place. Nous regrettons bien entendu ce pas en arrière.

De même, sur ce sujet, nous déplorons la suppression par l'Assemblée nationale de l'article qui obligeait les propriétaires de parcs conventionnés de plus de cent logements, donc les filiales de la Caisse des dépôts et consignations, à proposer une solution de relogement aux ménages « déconventionnés ».

Par ailleurs, le groupe socialiste continue de regretter que rien, dans ce projet de loi, n'ait été prévu en matière d'aides à la personne et donc en faveur des ménages les plus modestes. Nous persistons pourtant à penser que c'est un enjeu majeur pour nos concitoyens les plus démunis en termes de pouvoir d'achat. Le moins que l'on pouvait d'attendre d'un projet de loi portant engagement national pour le logement aurait été qu'il supprime, comme nous l'avons demandé à de très nombreuses reprises, un certain nombre de règles injustes ; je pense notamment au fameux seuil de 24 euros en deçà duquel les aides à la personne ne sont pas versées, mais également à la règle du mois de carence.

De même, l'indice des loyers a été réformé, ce qui est un élément positif, car cela permettra de limiter les progressions des loyers. Toutefois, afin de préserver le pouvoir d'achat des ménages, il aurait été nécessaire, nous semble-t-il, d'indexer l'évolution des aides à la personne sur ce nouvel indice.

Nous regrettons que le texte ait porté un premier coup de canif au principe de plafonnement du taux d'effort des locataires dans le parc HLM à 25 % de leurs revenus. En effet, l'article 10 permet désormais aux programmes locaux de l'habitat de porter ce taux à 35 % et nous le déplorons.

Enfin, les dispositifs de soutien aux investissements locatifs constituent une autre source d'insatisfaction importante pour le groupe socialiste, car ils n'ont pas été réformés dans le sens que nous souhaitions.

Compte tenu des effets pervers du dispositif « Robien », constatés d'ailleurs par un grand nombre d'acteurs de l'immobilier, notre demande était pourtant simple : la suppression pure et simple de ce mécanisme de défiscalisation. En effet, nous considérons que ce dispositif ne contribue qu'à produire des logements déconnectés des réalités locatives locales et qui ne sont pas destinés aux ménages rencontrant les plus grandes difficultés pour se loger. Nous ne souscrivons donc pas au simple toilettage de l'amortissement « Robien » opéré par le projet de loi et à la création d'un pseudo-amortissement social, pour lequel les plafonds de ressources et les niveaux de loyers seront, en définitive, assez élevés.

Pour autant, malgré ces critiques, bien réelles, nous ne sommes pas aveugles : nous reconnaissons, bien entendu, que ce texte contient des avancées substantielles, notamment les dispositions en faveur de la lutte contre l'insalubrité ou contre la vacance des logements.

De même, nous nous réjouissons que la majorité ait accepté, en deuxième lecture, un amendement du groupe socialiste tendant à compléter la liste des clauses abusives dans les baux d'habitation, dispositif qui permettra de mettre fin à un grand nombre de pratiques inacceptables de la part des professions immobilières.

Nous prenons acte, également, du fait que l'article 57 de la loi SRU ait été réformé et que l'abonnement aux réseaux de chaleur, ainsi que la fourniture de chaleur quand elle provient d'énergies renouvelables bénéficient du taux de TVA à 5, 5 %.

Enfin, nous ne pouvons que constater les progrès évidents intervenus en matière de compensation des pertes de recettes pour les collectivités territoriales liées à l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficient les logements sociaux. Nous aurions néanmoins souhaité que celle-ci soit définitive, alors que le projet de loi prévoit que la disposition ne sera applicable que pendant la durée du plan de cohésion sociale.

À ce stade du bilan, vous me permettrez de mettre en exergue le fait que nous ne serions sans doute pas allés aussi loin, collectivement, si ce texte avait été déclaré d'urgence, comme c'est désormais une pratique trop courante. Il reste à s'interroger, tant au sein du Gouvernement que du Parlement, sur le temps de l'élaboration de la loi et sur l'initiative parlementaire à la lecture de la jurisprudence de l' « entonnoir » qui paraît se profiler.

Mais revenons au fond du texte. Malgré ces éléments indiscutablement positifs, nous continuons de penser que le compte n'y est pas, pour toutes les raisons que je viens d'évoquer.

En définitive, mes chers collègues, restant ainsi cohérent avec les votes qu'il a émis tout au long de ce processus législatif, le groupe socialiste votera contre les conclusions de cette commission mixte paritaire.

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