Intervention de Jack Ralite

Réunion du 30 juin 2006 à 9h30
Engagement national pour le logement — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Jack RaliteJack Ralite :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous finissons pratiquement cette session ordinaire par l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant engagement national pour le logement, qui a constitué, parmi d'autres, l'un des temps forts de la session.

Le moins que l'on puisse dire est que, sur un plan strictement formel, ce débat a illustré ce qui peut se faire de pire en matière d'exercice des droits du Parlement, la première lecture du texte au Sénat ayant été hachée au beau milieu de la discussion budgétaire, sans respect pour la simple continuité des débats et la cohérence des dispositions.

Mais, à égale distance des critiques de fond et de forme, comment ne pas relever de nouveau que le projet de loi initial comportait onze articles et que le projet de loi qui sera finalement voté en comptera probablement plus de cent, ce qui signifie que tout a été fait pour que le législateur débatte dans la précipitation ?

Des dispositions importantes du projet de loi - modification du statut des organismes HLM, devenir des sociétés de crédit immobilier, incitation fiscale en faveur de l'investissement immobilier privé, nouvelle ponction sur les ressources du 1 % logement, par exemple, - sont ainsi apparues par voie d'amendements, souvent d'origine gouvernementale, déposés en dernière instance, au milieu d'une multitude d'amendements divers et variés !

Que l'on se représente les faits !

Première lecture au Sénat : 500 amendements déposés ! Première lecture à l'Assemblée nationale : 610 amendements déposés ! Deuxième lecture au Sénat : 550 amendements supplémentaires ! Deuxième lecture à l'Assemblée nationale : 299 amendements de plus !

Au total, près de 2 000 amendements auront été défendus sur ce texte - 1 959 exactement - ce qui a conduit, comme nous l'avons dit, à accroître sensiblement le périmètre des dispositions du projet de loi.

La preuve en est que la commission mixte paritaire avait encore à trancher sur un ensemble assez substantiel d'articles, une bonne cinquantaine, chiffre témoignant d'un niveau de désaccord dans la rédaction du projet de loi qui, en lui-même, aurait pu justifier une troisième lecture.

On pourrait considérer cette situation comme la preuve d'une certaine vitalité de l'activité parlementaire, mais la vérité est sans doute moins satisfaisante. Le texte qui est issu de nos travaux constitue, sous certains aspects, un retour en arrière sur les acquis de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, loi dont la discussion avait occupé une bonne part de la législature précédente.

La question de l'obligation de construction de logements sociaux, dans toutes les villes, question centrale au regard de la crise du logement, question à laquelle la loi SRU avait commencé de produire des réponses, est de nouveau esquivée.

Au motif de rendre aux élus locaux une forme de souplesse dans leur gestion de l'aménagement urbain, on crée les conditions pour stopper net la réalisation de logements sociaux, même sous la forme du PLS, le prêt locatif social, et laisser place aux opérations immobilières spéculatives, ségrégatives et consommatrices d'espaces disponibles.

La souplesse dont certains se prévalent n'est que la déclinaison infinie des « localismes », que le texte qui nous est présenté valide, sans la moindre remise en cause.

L'État, d'ailleurs, semble devoir lui-même appliquer les mêmes principes : les orientations fixées en matière de cession de biens fonciers et immobiliers ne permettront pas de dégager les moyens d'une véritable politique de réalisation de logements sociaux, et il est à craindre que les possibilités foncières ainsi libérées ne se perdent, là encore, dans des plans d'aménagement fort éloignés des aspirations des populations.

Une autre idée-force traverse le texte, découlant d'ailleurs des positions adoptées : la banalisation libérale de la question du logement.

Des offices HLM transformés en sociétés commerciales aux activités banalisées, à l'égal de celles des marchands de biens et des gestionnaires de fonds, en passant par l'incitation fiscale à l'investissement ou encore par le nouvel allongement des charges récupérables par les bailleurs, tout est fait pour privatiser la question du logement, contrairement au titre de ce projet de loi, qui porterait, paraît-il, engagement national...

Il y a en effet, de ce point de vue, une grande tricherie intellectuelle. Ce n'est pas un engagement national pour le logement qui est défini ; nous ne sommes en face que d'une longue suite - au demeurant cohérente - de dispositions libérales, adaptables à chaque situation locale, c'est-à-dire à chaque rapport de forces et de pouvoir local.

L'État n'est pas appelé à intervenir plus avant dans la mise en oeuvre de la politique du logement ; il ne fait que poser quelques règles ; libre ensuite à chacun de les mettre en oeuvre sur tout ou partie du territoire.

Le droit au logement est pourtant une priorité nationale et son exercice nécessite autre chose, de notre point de vue, que de se plier aux seules considérations locales.

Une bonne part des interventions des parlementaires de la majorité a consisté à mettre en cause le fameux seuil des 20 % de logements sociaux, alors même que 70 % des demandeurs de logement que compte notre pays pourraient bénéficier de logements en prêts locatifs aidés d'intégration, les PLAI !

On fait comme si l'on voulait relancer l'activité du secteur mais sans répondre à la réalité de la demande, ce qui est pour le moins paradoxal !

Continuez ainsi, et la crise du logement, qui occupe déjà une bonne partie de la vie politique réelle de notre pays, va devenir l'un des éléments fondamentaux du débat qui nous animera d'ici au printemps prochain.

Le mal-logement est une maladie grave, dont souffre un nombre important de nos concitoyens, frappant de manière brutale les plus modestes, les plus vulnérables, les familles populaires, les jeunes à la recherche de leur premier logement indépendant, les salariés victimes de la précarité de l'emploi.

Le mal-logement est un des éléments de l'insécurité sociale, et les mesures contenues dans le texte sur la gestion du logement des plus défavorisées sont loin, très loin d'y remédier.

Il est évident que le texte qui résulte des travaux parlementaires - CMP comprise - ne constitue pas, malgré sa longueur, une réponse adaptée à cette situation de mal-logement.

Sans programmation effective de réalisation de logements sociaux, sans maîtrise foncière renforcée, sans validation de l'action sociale des organismes HLM, sans remise en cause des avantages fiscaux éhontés dévolus à l'investissement immobilier spéculatif, sans prise en compte du droit opposable mis en avant par le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, dont je suis membre, sans avancée en matière de droits des locataires, ce projet de loi ne permettra pas de répondre aux véritables questions qui se posent, au quotidien, en ces matières.

Nous ne voterons donc pas plus le texte issu des conclusions de la commission mixte paritaire que nous n'avions approuvé celui qui résultait des deux lectures du projet de loi par notre assemblée.

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