Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 30 juin 2006 à 16h00
Immigration et intégration — Adoption définitive des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le ministre d'État Nicolas Sarkozy achève en ce moment même une visite en Guyane consacrée à la lutte contre l'immigration irrégulière. Il rencontrera ensuite à Madrid le chef du Gouvernement espagnol. Il n'a donc pu rejoindre Paris et m'a demandé de le représenter devant vous cet après-midi.

Le Parlement s'apprête à adopter le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, au terme d'une centaine d'heures d'un débat démocratique exemplaire, dépourvu de toute manoeuvre d'obstruction. Je tiens à souligner ce dernier point et à remercier les membres du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen de leur attitude. Un tel débat fait honneur à la démocratie française et constitue une belle réponse aux sceptiques qui recommandaient au Gouvernement de ne pas prendre de risques. Mais le plus grand risque serait de chercher à ne pas en prendre, en fuyant les responsabilités qui sous-tendent l'action gouvernementale.

Après trente années de renoncement et d'aveuglement devant l'enjeu crucial de l'immigration, après trente années d'incertitudes et de non-choix, le moment était venu de réagir. Le Parlement a su choisir la voie du changement profond, celle de la rupture, parce qu'il n'y a pas d'autre solution au regard de l'intérêt national.

Non, il n'y a pas d'autre solution que celle, équilibrée et responsable, qui reconnaît que l'immigration est une chance pour la France à condition d'être régulée, de correspondre aux capacités d'accueil de notre pays et de s'inscrire dans un véritable projet d'intégration et dans un dialogue constructif avec les pays d'origine.

Il n'y a pas d'autre solution que celle qui consiste à refuser les extrêmes.

À cet égard, l'« immigration zéro » est un mythe dangereux, qui attise la xénophobie et les peurs ; nous n'en voulons pas.

Avec la même force, nous rejetons l'extrémisme des partisans de l'immigration sans limite et sans conditions. Nous rejetons l'idée absurde que les immigrés n'auraient que des droits et jamais de devoirs. Nous n'avons pas à nous excuser de répondre aux attentes des Français de métropole et d'outre-mer. En définissant une vraie politique d'immigration et d'intégration, nous renforçons, en quelque sorte, le pacte républicain.

En vous présentant ce texte, Nicolas Sarkozy avait précisé qu'il ne s'estimait pas propriétaire de chacun de ses articles. Par conséquent, le Gouvernement s'est montré très ouvert aux améliorations proposées par les parlementaires. Le nombre et la diversité des amendements étudiés dans chacune des assemblées en témoignent.

Ainsi, à l'Assemblée nationale, 577 amendements ont été examinés, et 189 ont été adoptés. Le Sénat, quant à lui, a procédé à son tour à un remarquable travail de proposition et d'amélioration du texte.

Le Sénat, à son tour, a procédé à un remarquable travail de proposition et d'amélioration du texte. Sur les 485 amendements examinés, 117 ont été adoptés, dont 73 à l'initiative de la commission des lois, 30 du groupe UMP, 8 du groupe RDSE, 5 du groupe Union centriste-UDF, mais aussi 6 du groupe socialiste et 5 du groupe communiste républicain et citoyen. Certains de ces amendements ont d'ailleurs été cosignés par des sénateurs appartenant à des groupes différents.

En soulignant le nombre et la variété des amendements adoptés, je ne prétends certes pas que ce texte aurait fait l'objet d'un consensus sur tous les bancs ! Mais je crois pouvoir affirmer que nous avons débattu de manière franche et directe, en prenant le temps d'une discussion approfondie et en respectant les arguments des uns et des autres.

L'excellent travail des rapporteurs des deux assemblées, le député Thierry Mariani et le sénateur François-Noël Buffet, a grandement facilité la tenue de nos débats.

Au total, la loi que le Parlement s'apprête à voter permet d'atteindre pleinement les objectifs que le Gouvernement s'était fixés en présentant le projet.

Première amélioration : des malentendus ont pu être dissipés, pour confirmer toute l'attention que nous portons au respect des droits des étrangers.

Le Parlement a eu raison de protéger contre les retraits de titres de séjour les étrangers en situation de faiblesse : les femmes victimes de violences conjugales ou ayant un enfant à charge, comme les travailleurs dont le contrat de travail est rompu par leur employeur.

Il est sage, de même, d'avoir renforcé les garanties offertes aux étrangers faisant valoir leurs droits devant les juridictions.

Je suis convaincu, en outre, que les débats parlementaires ont permis de trouver un bon équilibre sur la délicate question des visas de long séjour pour les conjoints de Français, par des amendements votés dans le consensus, avec l'avis favorable du Gouvernement.

Le débat parlementaire a également permis de renforcer les mesures relatives à l'intégration : c'est la deuxième amélioration que je souhaite souligner.

Pour la première fois, une loi définit, de manière cohérente et progressive, un vrai parcours d'intégration, de l'arrivée en France jusqu'à l'installation durable.

Les cérémonies d'accueil dans la citoyenneté, pour toutes les personnes qui acquièrent la nationalité française, constituent un progrès symbolique important en faveur de l'intégration, jusqu'à l'assimilation à la communauté nationale.

Le débat parlementaire a permis, surtout, d'inscrire la politique d'immigration dans le cadre d'une véritable stratégie de codéveloppement. Car la réforme de l'immigration doit passer par un renouveau de nos liens avec les pays en voie de développement et, tout particulièrement, avec l'Afrique.

Le ministre d'État en est pleinement convaincu. Il n'a eu de cesse, dans ces dernières semaines, de s'adresser aux Africains pour préciser, à leur endroit, les objectifs de la réforme. Il a rencontré plusieurs hauts responsables africains, en particulier M. Abdou Diouf, secrétaire général de la francophonie, et M. Abdoulaye Wade, président du Sénégal. Il a reçu, Place Beauvau, les ambassadeurs de quinze pays francophones. Les échanges ont été francs et constructifs.

C'est dans cet esprit que, après les débats de l'Assemblée nationale et avant ceux du Sénat, Nicolas Sarkozy s'est rendu au Mali puis au Bénin.

Il a écouté nos partenaires africains, convaincu qu'ils attendent de nous un discours franc et responsable sur l'immigration.

Ce discours, le ministre d'État n'a pas hésité à le tenir, en ami de l'Afrique. Il a dit à ses interlocuteurs que le destin de la France et celui de l'Afrique étaient indissociables. Il leur a rappelé que la définition des fondements de la politique française de l'immigration incombait au seul Parlement français. Mais il leur a dit, aussi, que la mise en oeuvre de cette politique devait impérativement donner lieu à une concertation étroite entre le pays d'origine et le pays de destination, dans l'intérêt partagé des deux partenaires.

La nouvelle loi concrétise cet engagement en définissant des outils juridiques très novateurs.

Car le Parlement a fait la différence entre le pillage des cerveaux, que chacun refuse, et la circulation des compétences, que nous cherchons à organiser dans l'intérêt mutuel de la France et des pays d'émigration.

C'est tout l'enjeu de la définition de la carte « compétences et talents », qui a donné lieu à des débats passionnants. Abordés à l'Assemblée nationale grâce, en particulier, aux interventions de Mme Christine Boutin et de M. Claude Goasguen, ces débats se sont poursuivis au Sénat sous l'impulsion du président Pelletier, du président Mercier et de M. Hugues Portelli.

La commission mixte paritaire est parvenue à un excellent équilibre : un étranger ayant la nationalité d'un pays de la zone de solidarité prioritaire, c'est-à-dire d'un pays en voie de développement, ne pourra obtenir la carte « compétences et talents » que dans les conditions définies par un accord bilatéral entre la France et son pays. Dans l'attente d'un accord, la carte ne pourra être délivrée que si l'étranger s'engage formellement à retourner dans son pays d'origine après six ans, au plus, de présence en France.

Je me réjouis, de plus, que le Sénat ait proposé la création du « compte épargne codéveloppement ». Je remercie les présidents Jacques Pelletier, Michel Mercier et Josselin de Rohan d'avoir associé leurs groupes à cet amendement essentiel pour aider les travailleurs étrangers présents en France à orienter leur épargne vers des projets utiles au développement économique de leurs pays d'origine. Le mécanisme d'incitation fiscale, qui coûtera chaque année 125 millions d'euros à l'État, aura un effet de levier sur l'investissement. C'est une véritable révolution, suggérée par le Sénat et confirmée par la commission mixte paritaire, en plein accord avec le Gouvernement.

Je voudrais, pour conclure, répondre en quelques mots à une question d'actualité immédiate, souvent très mal posée : celle de la présence, dans notre pays, d'étrangers sans papiers ayant des enfants scolarisés.

La gauche pétitionnaire feint, depuis quelques jours, de découvrir cette réalité qui, pourtant, n'est pas nouvelle. Oui, des étrangers sans papiers séjournent en France et ont des enfants scolarisés.

Je vous le dis sans polémique, cette situation est directement le produit du laxisme des années 1997 à 2002.

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