Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 30 juin 2006 à 16h00
Immigration et intégration — Adoption définitive des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Christian Estrosi, ministre délégué :

Je rappelle que la gauche a régularisé 80 000 sans-papiers en 1997, ce qui a indéniablement créé un appel d'air ; elle a fait quadrupler les demandes d'asile en cinq ans : de 20 000 en 1997 à 82 000 en 2002 !

On lit ces jours-ci, dans la presse, des déclarations définitives, des proclamations de principe. On voit, sur les écrans de télévision, des élus de la République prendre la pose et donner la leçon.

Mme Buffet, M. Hollande, M. Lang, Mme Aubry, Mme Voynet, ont apposé hier leur signature sous une pétition qui ose affirmer : « les vacances scolaires deviennent le temps où s'ouvre la chasse à l'enfant ». Ainsi, des anciens ministres de M. Jospin et des responsables éminents de partis politiques dits de gouvernement appellent les Français à « violer la loi » !

C'est doublement extravagant.

De quelle loi parlent nos pétitionnaires ?

Ils ne parlent pas du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, puisque celui-ci ne contient strictement aucun article régissant directement la question des enfants scolarisés !

Ils parlent donc, en réalité, de la loi applicable, en lui reprochant de ne pas comporter un droit automatique à la régularisation pour les parents étrangers d'enfants scolarisés.

Cependant même la gauche n'a jamais fait voter, dans la loi Chevènement de 1998, un tel droit à la régularisation automatique pour les familles ayant des enfants scolarisés ! Pardon de le rappeler !

M. Lang, Mme Aubry, M. Hollande auraient-ils la mémoire si courte qu'ils oublieraient cette réalité juridique et politique ?

La gauche, au pouvoir, n'a jamais mis en oeuvre l'idée qu'elle défend aujourd'hui, celle de la régularisation automatique de toutes les familles d'étrangers ayant des enfants scolarisés ! Il faut que les Français le sachent !

Loin des polémiques, des postures et des impostures, le Gouvernement agit, lui, dans un esprit de responsabilité et d'humanité.

Oui, il serait totalement irresponsable d'être le seul pays au monde où la scolarisation d'un enfant donnerait automatiquement un droit au séjour à ses parents.

La République s'honore en scolarisant tous les enfants, quel que soit le statut de leurs parents. Ce n'est pas le cas de toutes les démocraties du monde !

Mais le droit à la scolarisation ne peut pas entraîner automatiquement un droit à la régularisation, sauf à vouloir créer une nouvelle filière d'immigration en renonçant à toute maîtrise des flux migratoires !

Ce n'est pas le choix du Gouvernement.

Il serait irresponsable, de même, d'être le seul pays européen à ne pas appliquer la convention de Dublin, en vigueur depuis 1992 et mise en oeuvre depuis lors, par tous les gouvernements. Oui, par tous les gouvernements, y compris entre 1997 et 2002 ! Lorsqu'un étranger a déposé une demande d'asile dans un autre État européen avant de venir de France, il est parfaitement normal de le reconduire vers ce pays européen. Nous n'avons pas l'intention de violer nos engagements européens ! Nous avons simplement l'intention de les respecter !

Mais le Gouvernement n'oublie pas, pour autant, le devoir d'humanité, qui est celui de tout Républicain.

Le ministre d'État l'a affirmé avec force lors des débats au Sénat : lorsqu'un enfant étranger est né en France ou qu'il y est arrivé en très bas âge, qu'il est scolarisé en France, qu'il n'a pas de lien avec son pays d'origine, il serait très cruel de l'y reconduire de force ! Car ce pays d'origine, en réalité, n'est pas le sien. Les attaches de cet enfant sont en France et son départ serait vécu comme une véritable expatriation, un déracinement.

C'est précisément pour éviter cela que le ministre d'État a adressé des instructions aux préfets, le 13 juin, que j'avais annoncées ici même, en son nom, lors de nos débats dans la nuit du 12 au 13 juin.

Alors, que l'on ne vienne pas nous dire que, demain, ler juillet, « la chasse aux enfants » va être ouverte et que des expulsions massives d'enfants vers leurs pays d'origine vont avoir lieu ! C'est un mensonge ! C'est une manipulation, qui vise à faire peur aux étrangers et à créer le désordre ! Cette manipulation, je souhaite la dénoncer avec vigueur, car elle est indigne.

Les instructions données par le ministre d'État aux préfets, dans sa circulaire du 13 juin, sont très claires : à l'exception des personnes auxquelles s'applique la convention de Dublin, les étrangers parents d'enfants scolarisés peuvent, d'une part, se voir proposer une aide au retour volontaire dans leur pays d'origine et, d'autre part, présenter une demande d'admission exceptionnelle au séjour.

Les demandes de régularisation doivent être présentées dans les deux mois qui viennent. Elles seront examinées par les préfets, d'ici à la rentrée de septembre, dans le cadre de leur pouvoir d'appréciation, en tenant compte des critères qui ont été précisés dans la circulaire. Ce sont des critères de bon sens, qui doivent être appliqués avec discernement.

Le Gouvernement fait pleinement confiance aux préfets et aux agents des préfectures pour appliquer les instructions en dialoguant avec leurs interlocuteurs locaux. Néanmoins, dans certains départements, des situations très délicates pourraient être résolues par la médiation d'une personnalité extérieure à l'administration.

C'est dans cet esprit qu'une mission de médiation a été confiée à Me Arno Klarsfeld par le ministre d'État. Nous prenons donc le temps, au cours de l'été, de réexaminer sereinement des situations individuelles.

Que se passera-t-il en septembre prochain, à la rentrée scolaire ? Nous appliquerons la nouvelle loi sur l'immigration et l'intégration.

Elle ne supprime pas toute possibilité de régularisation !

Elle prévoit expressément, à son article 24 bis, que des titres de séjour peuvent être délivrés pour des motifs humanitaires par les préfets. La commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour, qui associera des représentants de l'administration et des associations, jouera un rôle essentiel à cet égard.

Je rappelle néanmoins que les régularisations doivent rester l'exception. La règle, pour un immigré, c'est de demander, dans son pays d'origine, un visa pour obtenir le droit de venir s'installer en France !

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, fort du soutien de sa majorité, fort du soutien des Français, le Gouvernement agit de manière responsable et mesurée.

La gauche pétitionnaire et donneuse de leçons, elle, préfère s'agiter et renouer avec ses vieux démons. Elle prône l'immigration sans limite ! C'est son choix. Ce n'est pas le nôtre.

Le moment venu, en 2007, les Français en seront les seuls juges.

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