Je partage l’opinion de M. Godefroy sur le dispositif de l’article 27 ter AA, qui vise à « mettre en musique » l’article 25, relatif à la pénibilité, en instaurant une pénalité financière en cas de non-respect par l’employeur de ses obligations.
Or l’article 25 est injuste, car il est exclusivement fondé sur la notion d’incapacité physique de travail, ce qui écarte du champ du dispositif les salariés qui ont été exposés à des produits cancérigènes et dont l’espérance de vie est de fait réduite, sans qu’ils portent aucune marque physique visible de cette atteinte.
Monsieur le ministre, vous ne prenez pas en compte la pénibilité différée, comme vous le demandaient pourtant les partenaires sociaux, hormis bien entendu le MEDEF.
Le dispositif est également injuste en ce qu’il exclut une majorité de victimes du travail pour lesquelles il n’existe pas de tableau de maladie professionnelle ou qui ne seront pas parvenus à obtenir une reconnaissance de maladie professionnelle. Ainsi, les troubles psychosociaux, pourtant en grande augmentation, ne seront pas reconnus au titre de la pénibilité.
Enfin, le dispositif est injuste en ce qu’il ne s’appliquera que de manière individualisée, en excluant l’établissement de listes de métiers ou de classifications professionnelles réputés pénibles.
Quant à l’article 27 ter AA lui-même, nous ne pouvons que constater la faiblesse de son contenu. En effet, il exclut au moins les 4 millions de salariés des TPE et PME, que vous aviez déjà placés hors du champ du dialogue social, monsieur le ministre. Le Gouvernement les considère manifestement comme des salariés de seconde zone, puisque !es accords sur la prévention de la pénibilité ne concerneront que les entreprises de cinquante salariés au moins.
En outre, vous entendez mettre en place une pénalité équivalente à 1 % au maximum des rémunérations ou gains versés aux salariés, pénalité qui pourra d’ailleurs être modulée en fonction des efforts consentis par l’entreprise pour prévenir la pénibilité. Il est en effet prévu que « le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité ». Ainsi, même si aucun accord n’a été réellement conclu ni aucun plan d’action défini, le simple constat d’« efforts » suffira peut-être pour que l’entreprise échappe à la pénalité.
Par ailleurs, vous prévoyez de permettre aux entreprises de préférer un plan d’action à un accord sur la prévention de la pénibilité. Or, dans une entreprise, c’est très souvent lorsque les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à un accord que la direction décide, de façon arbitraire, un plan d’action. Vous le savez pertinemment ! En l’occurrence, ce plan d’action ne sera d’ailleurs assorti d’aucune obligation de résultat. Il suffira à l’entreprise de faire des efforts pour être exonérée de la pénalité.
Enfin, les salariés qui ont été exposés à l’amiante sont très en colère. En effet, une exposition à l’amiante engendre un taux d’invalidité inférieur à 10 %. Si vous laissez les choses en l’état, l’ensemble des salariés aujourd’hui confrontés à l’amiante seront donc exclus du champ de tout accord sur la pénibilité.