Séance en hémicycle du 18 octobre 2010 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • médecine
  • pénalité
  • pénibilité
  • pénible

La séance

Source

La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures.

Photo de Roger Romani

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je voudrais indiquer aux membres de la commission que nous avons quatre amendements du Gouvernement à examiner.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Voilà de nouveaux mauvais coups du Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Je propose que nous nous réunissions ce soir, immédiatement après la suspension de la séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Michel Billout, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 du règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.

Je souhaite vous informer, monsieur le président, que s’il se confirme que le Gouvernement tente de remettre en cause l’exercice du droit de grève, inscrit dans la Constitution, nous demanderons la suspension de nos travaux.

En effet, alors que la majorité de la population s’oppose à la réforme des retraites, qu’elle le fait savoir à travers des manifestations d’ampleur historique et qui ne faiblissent pas, ainsi que par des mouvements de grève importants et prolongés, certains préfets organisent de véritables tentatives d’intimidation à l’égard des salariés grévistes.

Ainsi, dans le département dont je suis l’élu, la Seine-et-Marne, la raffinerie Total de Grandpuits est en grève, comme toutes les autres du pays. Or, hier matin, le préfet a pris un arrêté de réquisition des personnels de cet établissement pour « procéder au chargement et à la livraison des clients de la raffinerie ».

Si l’on peut accepter le principe de réquisition du personnel pour assurer la sécurité d’une installation industrielle classée ou pour permettre la fourniture de carburants aux véhicules chargés de la sécurité des personnes, la motivation de l’arrêté préfectoral est clairement en contradiction avec la réglementation du droit de grève, garanti par notre Constitution.

En effet, nous sommes loin des conditions d’urgence, d’atteinte au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publique requises par l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales.

La remise en cause du droit de grève et la pression policière actuellement exercée à l’encontre des salariés de la raffinerie de Grandpuits sont donc injustifiables.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

M. Michel Billout. L’attitude du préfet de la Seine-et-Marne est inqualifiable. Son arrêté doit être rapporté. Je suis bien conscient des grandes difficultés rencontrées par nos concitoyens en raison de la pénurie de carburant.

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

C’est vous qui les empêchez de travailler !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Mais il faut voir clairement les causes de la montée du conflit social. Avec son autisme et, maintenant, le recours à la force, le Gouvernement est responsable de cette situation !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Le Gouvernement doit donc aujourd’hui retirer son projet de loi portant réforme des retraites, ouvrir de véritables négociations avec les partenaires sociaux et saisir le peuple de cette question importante que représente l’avenir de notre système de retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Monsieur Billout, votre intervention n’est pas un rappel au règlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

M. Michel Billout. Le droit de grève, monsieur le président, est reconnu par la Constitution !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 25 duodecies.

L'amendement n° 1043, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

L’alinéa 9 de cet article vise des salariés exécutant leur contrat de travail dans un autre département que celui où se trouve l’établissement qui les emploie. Il peut aussi concerner ceux, de plus en plus nombreux, qui exercent leur activité selon la formule du télétravail.

Vous allez donc exclure tous ces salariés du régime de droit commun de la médecine du travail, monsieur le ministre. Alors que les syndicats œuvrent depuis plusieurs décennies au rapprochement des divers régimes de prise en charge des questions de santé au travail pour créer un service de médecine du travail harmonisé avec les multiples particularités des systèmes de prévention, vous rompez, au travers de cet alinéa, avec le principe de l’unicité de la médecine du travail au sein d’une même entreprise.

Tous les travailleurs, quel que soit leur statut, doivent disposer des mêmes droits à la prévention en matière de santé au travail tout au long de leur parcours professionnel. Or certains salariés seront laissés pour compte par rapport à d’autres au sein même des entreprises, ce qui constitue une inégalité de traitement des plus flagrantes. Je ne rappelle pas seulement ici un principe : cette réforme peut avoir des effets concrets désastreux – je pense à toutes les conséquences de la pression au travail et aux problèmes psychosociaux qui, aujourd'hui, se révèlent de manière tout à fait dramatique dans les entreprises. Lorsque les salariés sont isolés, ils n’ont absolument plus aucune possibilité d’être suivis médicalement.

Il est donc nécessaire que le travailleur détaché de l’entreprise soit soumis au même service de santé que les autres salariés de celle-ci. Si tel n’est pas le cas, par exemple, son médecin du travail ne sera pas au courant de la situation des autres salariés, alors qu’il devrait l’être pour pouvoir faire face, dans sa mission de surveillance, à des problèmes collectifs affectant la santé des travailleurs, comme le harcèlement moral ou les risques psychosociaux.

Au lieu de faire respecter la loi afin d’imposer une même médecine du travail pour tous, quelles que soient les difficultés d’application des textes, vous créez une sorte de pis-aller pour les salariés visés par cet alinéa, comme pour tous ceux qui sont concernés par l’ensemble de l’article.

Monsieur le ministre, j’ai évoqué, lors de précédents débats, les drames de l’amiante. Il ne faudrait pas que les problèmes psychosociaux, que l’on voit de plus en plus souvent survenir dans nos entreprises, ou l’exposition aux produits cancérogènes, mutagènes et reproductibles deviennent les prochains drames du monde du travail. Il faut être très attentif à la santé des travailleurs dans l’emploi, quels que soient le statut de ces derniers, leur lieu de travail et les dépenses que peut entraîner, pour l’État, le fonctionnement des services de santé au travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Ma chère collègue, si nous vous suivions et supprimions cet alinéa, nous ôterions toute base légale aux dispositions réglementaires qui concernent ces travailleurs éloignés. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 1044, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Fischer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’article 25 duodecies, issu de l’adoption d’un amendement déposé en séance publique à l’Assemblée nationale, donne un fondement légal aux dérogations réglementaires existantes ou pallie l’absence de dispositions relatives à la santé au travail pour plusieurs professions ne disposant pas de représentation spécifique à l’échelon des branches.

Nous rappelons notre opposition aux régimes dérogatoires. En effet, nous savons bien que les dérogations au régime de la surveillance médicale des travailleurs entraînent toujours un abaissement des protections offertes par le droit existant. Plus particulièrement, monsieur le ministre, votre réforme va dans le sens d’un renforcement de la dépendance de la médecine du travail à l’égard de l’entreprise, afin de conforter juridiquement la position des employeurs et de prévenir des recours éventuels.

Avec votre réforme, la médecine du travail deviendra aussi, dans le schéma qui est le vôtre, la cheville ouvrière du démantèlement de la reconnaissance collective de la pénibilité par l’affirmation de l’incapacité individuelle.

En ce qui concerne le présent article, nous pourrions considérer qu’il apporte un très léger mieux. Toutefois, nous ne pouvons nous contenter de si peu.

Par cet amendement, nous réaffirmons notre volonté de renforcer l’indépendance de la médecine du travail à l’égard des employeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Si nous suivions notre collègue, que deviendraient toutes les dispositions réglementaires qui concernent les travailleurs visés ? La commission émet un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 1045, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

À en croire M. le ministre, ce texte marquerait « une avancée considérable pour la médecine du travail ».

On peut s’étonner que l’on nous propose, avec cet article 25 duodecies, de donner un fondement légal à des dérogations réglementaires existantes, donc de contrevenir de nouveau, en matière d’organisation, de financement des services de santé au travail et de suivi de l’état de santé des salariés, à des règles que le contrat de travail place déjà à la marge du droit commun du salariat. Objectivement, nous avons toutes les raisons d’être inquiets, d’autant que tout se fera par un décret dont nous ne savons rien, comme d’habitude.

Pour ce qui concerne les travailleurs saisonniers, le code du travail prévoit pourtant bien une prise en charge par la médecine du travail. Nous ne sommes donc pas face à un vide juridique. Ces travailleurs sont assujettis aux mêmes risques, donc aux mêmes réglementations, que les salariés permanents, et les entreprises ont les mêmes obligations légales à leur égard. S'agissant de la médecine du travail, les obligations de visites d’embauche et de reprise sont donc les mêmes que pour les salariés permanents, avec les mêmes délais.

Dans les faits, compte tenu de la mobilité des saisonniers, leur suivi est plus compliqué à assurer : certains ne répondent pas aux convocations, car celles-ci leur sont envoyées en fin de saison ; d’autres n’ont pas été convoqués, faute de temps et de personnel pour assurer les consultations, dont les horaires sont très souvent en décalage avec les horaires de travail des saisonniers.

Il faut donc réfléchir aux moyens, pour la médecine du travail, d’entrer en contact avec les travailleurs saisonniers. Pourquoi ne pas mettre en place des antennes mobiles ? Il faut faire plus et mieux en matière de médecine du travail, mais ce n’est pas le chemin que vous prenez avec votre réforme !

En l’absence de garanties quant au contenu de ce décret qui déterminera tout de même, je le rappelle, l’organisation, le choix, le financement – les employeurs continueront-ils à l’assurer ? – du service de santé au travail et les modalités de surveillance de l’état de santé de ces travailleurs, nous craignons que ne se mette en place une sous-médecine du travail, cette fois consacrée par la loi. Sinon, monsieur le ministre, pourquoi prévoir un décret spécifique et ne pas donner à la médecine du travail, tout simplement, les moyens de prendre en charge de manière satisfaisante les travailleurs saisonniers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Si l’on vous suivait, ma chère collègue, il serait impossible de mettre en place un service de médecine du travail pour les travailleurs saisonniers. J’émets donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Avis défavorable.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 430, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 12

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Ces travailleurs bénéficient d'une protection égale à celle des autres travailleurs.

« Des règles et modalités de surveillance adaptées ne peuvent avoir pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le présent code. »

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Nous sommes évidemment réservés sur cet article relatif aux modalités d’organisation et de financement du service de la médecine du travail et de surveillance de l’état de santé des travailleurs de certaines catégories.

Cela étant, chacun voit bien les difficultés pratiques de mise en œuvre d’une surveillance médicale de certains travailleurs. Elles peuvent résulter de l’éloignement géographique de salariés détachés par une entreprise installée dans un autre pays ou de l’éloignement de l’entreprise elle-même. Il faut reconnaître cette situation, sans toutefois être naïf.

Nous proposons donc d’insérer deux précisions dans l’article : l’une de principe, indiquant que ces travailleurs bénéficient d’une protection égale à celle des autres travailleurs ; l’autre de portée pratique, prévoyant que ces règles et modalités de surveillance adaptées ne peuvent avoir pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux.

Nous sommes en accord, sur ces deux points, avec le plan santé au travail 2010-2014, qui préconise de cibler la prévention sur certaines branches particulièrement exposées, mais aussi sur certains publics, au nombre desquels figurent ceux qui sont mentionnés à l’article 25 duodecies. Cette priorité est-elle compatible, monsieur le ministre, avec des dispositions dérogatoires ?

Le plan santé au travail 2010-2014 préconise aussi une meilleure intégration des problématiques liées à la co-activité et à la sous-traitance. Je ne sais pas si ces préconisations seront suivies d’effet, mais il est certain qu’il est plus que temps de se préoccuper de ces travailleurs précarisés et itinérants.

Dans les branches où la pénibilité est la plus élevée, l’externalisation des activités à risques s’est considérablement développée. Il en résulte une sous-traitance en cascade, qui externalise aussi la hausse des cotisations à la branche accidents du travail-maladies professionnelles. C’est une véritable armée de réserve de travailleurs voués à la précarité, à la sous-rémunération, aux mauvaises conditions de travail et à une flexibilité effarante de l’emploi qui s’est constituée.

Les conditions de vie et de travail de ces salariés migrants et temporaires, qui relèvent précisément des catégories énumérées dans l’article, sont souvent indignes. Beaucoup vont d’un chantier à l’autre à travers toute l’Europe, se voient imposer des horaires de travail sans limitation, vivent dans des locaux de fortune, ne voient plus leur famille dans des conditions décentes et subissent toutes les crises qui peuvent en résulter.

Sur le plan de la santé et de la sécurité, ils sont évidemment les plus exposés aux risques d’accidents ou au déclenchement de maladies liées à l’usure prématurée du corps ou à l’exposition à des substances dangereuses. En ce cas, ils subissent alors une double peine : il leur est quasiment impossible de retrouver un emploi et leur vie est ruinée sur bien des plans. Pour cette raison, ils doivent bénéficier de la même protection, en matière de santé au travail, que tous les autres salariés.

Il est absolument nécessaire que cette situation soit rapidement prise en considération et que notre législation prévoie dans quelles conditions ces salariés bénéficieront d’une surveillance médicale renforcée. Cet amendement devrait vous agréer, car il est tout à fait compatible avec le plan santé au travail 2010-2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

J’ai écouté avec attention M. Godefroy. Dans un premier temps, la commission avait émis un avis défavorable sur son amendement, au motif que le premier alinéa n’était pas assez précis.

Cela étant, la finalité de l’amendement étant intéressante, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

L’avis est partagé, mais plutôt favorable. Nous craignons qu’une telle mesure n’introduise trop de rigidité dans le dispositif, en établissant dès à présent le nombre exact de visites médicales, et ne permette pas d’améliorer la situation actuelle. Or nous souhaitons ouvrir l’accès à la médecine du travail à des salariés qui, de fait, n’en bénéficient pas aujourd’hui.

Il paraît toutefois difficile d’afficher un objectif plus modeste que celui qui est prévu dans cet amendement. Dans ces conditions, j’émets un avis plutôt favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

M. le ministre nous dit que l’article 25 duodecies a pour objet de permettre à certains salariés d’accéder au service de la médecine du travail, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Tous les salariés doivent avoir droit à la médecine du travail, y compris les saisonniers ou les intérimaires. Il existe effectivement des dysfonctionnements à l’heure actuelle, mais ce n’est pas en excluant ces travailleurs du bénéfice de la protection de la santé au travail que vous répondrez à leurs besoins spécifiques en la matière.

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous nous dire froidement, en séance publique, que des centaines de milliers de travailleurs n’ont pas accès à la médecine du travail ? Il est très grave que le ministre du travail puisse tenir de tels propos ! Vous dites vouloir pallier cette carence, mais, en réalité, vous allez créer une catégorie de travailleurs à statut particulier. On ne sait même pas de quel dispositif de prévention et de santé au travail ils pourront bénéficier !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

M. Charles Revet. Vous n’avez rien fait avant !

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Madame David, je dis les choses non pas froidement ou chaudement, mais telles qu’elles sont. Nous pouvons tous constater que quelque 2 millions de salariés n’ont pas réellement accès à la médecine du travail. C’est un fait ! Je ne vais pas me boucher les yeux et prétendre que tout est parfait. Nous prenons en compte cette réalité et tentons d’organiser les choses de façon pragmatique afin d’y remédier.

Vous avez le droit de contester nos propositions, mais elles permettront à ces salariés, je le crois, d’accéder à la médecine du travail, qui est un service fondamental.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 432 est présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 1046 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l’amendement n° 432.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Nous proposons la suppression de l’alinéa 12 de l’article 25 duodecies pour deux raisons.

Nous estimons, tout d’abord, qu’il n’est pas nécessaire que les travailleurs saisonniers soient considérés comme une catégorie à part. En effet, les travailleurs saisonniers sont souvent réembauchés par le même employeur au moins trois ans de suite, en application de la priorité qui leur est accordée par la loi. Ils réalisent souvent leur saison dans les mêmes localités et dans les mêmes secteurs d’activité, qu’il s’agisse de l’agriculture ou du tourisme. C’est la une première raison qui justifie qu’ils soient pris en charge par le même service de santé au travail, selon des modalités de financement stabilisées.

Par ailleurs, les travailleurs saisonniers doivent accomplir les tâches qui leur sont confiées selon un rythme très intense. En quelques semaines, ils doivent permettre à leur employeur de réaliser une grande partie de son chiffre d’affaires de l’année. Les horaires qui leur sont imposés sont totalement dérogatoires au droit commun… quand il y a des horaires !

Trop souvent, ils sont logés dans des conditions à peine correctes, voire totalement inacceptables et insalubres. Dans une région touristique comme la mienne, celle de la Côte d’Émeraude, des organisations syndicales, telles la CGT ou la CFDT, ou des associations, par exemple Femmes solidaires ou les Amis de la Jeunesse ouvrière chrétienne, dénoncent chaque année avec force ces conditions de travail et d’hébergement.

Cette catégorie ne doit donc pas faire l’objet d’accords dérogatoires d’adaptation. Elle doit, au contraire, bénéficier d’une attention toute particulière, eu égard à des conditions de vie et de travail extrêmement pénibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 1046.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je fais miens les propos tenus par mon collègue Jacky Le Menn.

J’ajoute que l’alinéa 12, dont je vais rappeler les termes, nous paraît particulièrement provocateur :

« Pour tenir compte des spécificités locales en matière de recours à des travailleurs saisonniers, l’autorité administrative peut approuver des accords adaptant les modalités définies par décret sous réserve que ces adaptations garantissent un niveau au moins équivalent de protection de la santé aux travailleurs concernés. »

Il semble vraiment surprenant que le renvoi au décret, que nous avions déjà critiqué à l’occasion de l’examen de l’alinéa 4 de l’article 25 duodecies, soit doublé d’une possibilité d’adaptation à la spécificité du statut de travailleur saisonnier.

La principale spécificité du travail saisonnier est, bien entendu, sa précarité. Au travers de cet alinéa, vous entendez ajouter à la précarité du statut celle de la médecine du travail dans ce secteur. Rien n’a été fait, monsieur le ministre, pour améliorer réellement le statut de ces salariés. Cet alinéa confirme, d’une certaine manière, le maintien de la précarité de leurs emplois.

Oui, monsieur le ministre, il faut faire bénéficier les saisonniers du droit à la protection de la santé au travail. Fréquemment dépourvus de formation technique ou professionnelle, ils sont encore plus exposés aux risques que les autres salariés, mais encore faudrait-il que le statut du travailleur saisonnier soit reconnu, ce qui n’est pas le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

On déplore souvent, précisément, qu’un cadre unique ne permette pas d’adaptations à des spécificités locales. Or ce sera possible en l’occurrence, sous réserve que ces adaptations garantissent un niveau de protection équivalent au moins à celui des dispositions qui seront définies par décret. En outre, les accords visés seront négociés par les partenaires sociaux.

J’émets donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

C’est le même avis.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet article prévoit de nouvelles dérogations en matière de santé au travail pour les salariés visés. Cela nous inspire les plus grands doutes sur la réelle volonté du Gouvernement, et bien entendu du patronat, de couvrir médicalement ces millions de salariés.

Faut-il vous rappeler, monsieur le ministre, qu’il y a en France seulement 6 500 médecins du travail pour 15 millions de salariés, soit moins d’un médecin pour 20 000 salariés ? Savez-vous que 75 % de ces médecins sont âgés de plus de 50 ans et que tous les observateurs soulignent le risque de disparition progressive de cette profession ?

Le projet de loi évoque le recours au médecin de ville pour pallier cette insuffisance numérique. N’allez-vous pas exonérer, par là même, le patronat de sa responsabilité financière exclusive en la matière ? On en revient toujours à la même question : que gagneront les travailleurs à ce transfert vers la médecine de ville de la médecine du travail, qui devrait normalement être un outil à leur service ? Le recours aux internes et, pour certaines tâches, aux infirmières aura inévitablement pour conséquence de vider de son contenu le concept même de santé au travail.

Ne faut-il pas voir là la volonté de transférer le coût de la médecine du travail vers la sécurité sociale ? Je regrette une nouvelle fois que notre collègue Alain Vasselle n’ait pas davantage interrogé le Gouvernement sur le coût d’une telle mesure pour la sécurité sociale. Peut-être aurons-nous l’occasion d’en reparler bientôt lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et d’obtenir alors des informations chiffrées.

Cela étant, monsieur le ministre, nous savons que lorsque Mme Parisot fronce les sourcils, vous lui donnez rapidement satisfaction. Nous ne sommes pas dupes : en transférant à la médecine de ville une part importante de la responsabilité de la sécurité au travail, vous porterez un coup fatal à cette dernière au lieu de la réformer dans un sens positif, comme nous le souhaitions.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

Le débat sur les modalités de départ à la retraite a remis au premier plan la notion de pénibilité du travail et l’importance de sa prise en compte dans les négociations actuelles sur les retraites.

Éliminons tout de suite la confusion, qui n’est pas innocente, entre incapacité et pénibilité : ces deux notions n’ont rien de commun. Certaines conditions de travail génératrices d’astreintes tout au long de la vie active étant susceptibles de comporter des risques différés pour la santé, la question de la prise en compte de cette pénibilité par des compensations ou des dispositifs de cessation anticipée d’activité pour les travailleurs soumis durablement à ces expositions professionnelles se pose légitimement, avec de plus en plus d’acuité.

Un certain nombre d’études ont démontré que l’état de santé des travailleurs en fin de vie active et au-delà dépend des conditions de travail et, plus globalement, de la « pénibilité de leur travail passé », susceptibles d’entraîner des effets à long terme. Il en est ainsi de certains travaux ou encore des expositions professionnelles à des agents toxiques, qui ne sont pas toujours déclencheurs de maladie professionnelle dans l’immédiat mais qui en comportent le risque. Quant aux maladies professionnelles, si elles n’induisent pas toujours des atteintes à la santé entraînant la mort, elles handicapent, pour le moins, la vieillesse.

À l’instar de Mme David, je ne suis pas sûr que les médecins du travail seront les plus aptes à constater les dégâts causés par les expositions professionnelles…

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

… sur des malades qu’ils ne suivent plus et qui échappent à leur surveillance.

Les conséquences sur la santé sont mesurables. Cette pénibilité objective mériterait que toute période de travail pénible – travail de nuit, travail à la chaîne, etc. – ouvre le bénéfice d’une majoration des annuités permettant de partir plus tôt à la retraite.

Cependant, le Gouvernement a choisi de préconiser la voie individuelle et médicale. Les salariés touchés par une maladie professionnelle ayant entraîné une incapacité physique d’au moins 10 % devraient pouvoir partir à la retraite à 60 ans, sous réserve de l’accord d’une commission spéciale. Aux yeux du Gouvernement, cette solution présente plusieurs avantages : elle est simple d’application et devrait concerner peu de monde – environ 30 000 personnes –, et, par conséquent, coûter peu cher.

À la notion de pénibilité, le Gouvernement a substitué celles d’invalidité et d’incapacité constatées, ce qui est profondément injuste. Nul ne peut croire que les contraintes physiques et un environnement agressif n’entraînent aucune conséquence sur la santé, mais la prise en compte de la pénibilité suppose des coûts et des modalités de financement que l’État et le patronat ne veulent pas assumer.

Pourtant, toutes les études le prouvent, la prise en compte de la pénibilité relève d’une exigence d’équité. Lorsque l’on sait qu’il y a dix ans d’écart entre l’espérance de vie à 35 ans d’un cadre et celle d’un ouvrier, on ne peut nier que la pénibilité constitue un handicap.

La première réponse à apporter est la prévention. Or la remise en cause de la médecine du travail et le renforcement des liens de dépendance des médecins du travail envers les employeurs ne feront qu’affaiblir plus encore la prévention, déjà insuffisante au sein des entreprises. Celle-ci nécessite des moyens que l’État n’a pas la volonté d’apporter.

Nous devons prendre en considération les ouvriers et les employés qui sont soumis à des risques, de façon à leur donner des bonifications en fonction des années d’exposition, c’est-à-dire une majoration des annuités leur permettant de partir plus tôt à la retraite.

La façon dont le Gouvernement aborde la question de la pénibilité du travail, dans le dessein de mieux refuser sa prise en compte réelle, constitue l’une des injustices les plus flagrantes de ce projet de loi, par ailleurs dénué de toute ambition en matière de progrès social.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Dans cette réforme hâtive – oserais-je dire bâclée ? – des règles du suivi médical au travail que vous avez introduite à la hussarde dans ce projet de loi, la constitution d’équipes pluridisciplinaires permettrait, selon vous, de mieux couvrir les travailleurs intérimaires ou saisonniers. Pour notre part, nous en doutons fortement dans la mesure où, aujourd’hui déjà, pour 28 % des salariés, la visite médicale du travail est le seul contact avec un médecin dans l’année. Nous le savons bien, les parcours atypiques, dont le travail saisonnier fait partie, se caractérisent par un déclassement social, des épisodes de chômage réguliers, des changements d’emploi fréquents, des conditions de travail difficiles, de plus en plus souvent associés à un état de santé dégradé.

Pour avoir suivi les travaux de la mission d’information sur le mal-être au travail, je sais combien de souffrances s’expriment dans tous les milieux professionnels. Je sais aussi combien, dans le domaine du travail saisonnier, sévissent la non-déclaration et le non-respect du code du travail. D’ailleurs, la presse n’est pas avare de révélations en la matière.

Alors que le droit prévoit, pour ces salariés, une visite médicale d’embauche obligatoire, au plus tard avant la fin de la période d’essai et avant l’embauche si le salarié a moins de 18 ans, combien d’employeurs s’exonèrent de leurs obligations, recrutent des sans-papiers et les emploient au noir, s’approvisionnent sans vergogne en salariés corvéables à merci sur un marché international de la main-d’œuvre qui fait fi des codes du travail nationaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous sommes ici bien éloignés du droit à la médecine du travail ; qu’en sera-t-il demain après votre réforme ?

Devant un tel déni des droits des travailleurs, notamment de ceux des plus fragiles d’entre eux, comment ne pas rappeler les avancées que nous avions suggérées dans notre proposition de loi visant à améliorer la santé au travail des salariés et à prévenir les risques professionnels auxquels ils sont exposés, texte hélas ! rejeté dans cet hémicycle au mois de janvier 2008 ?

Nous avions proposé de créer une agence nationale de santé au travail qui, du fait de sa mission de service public, aurait été de nature à garantir l’indépendance des professionnels de santé et des acteurs de la prévention à l’égard des employeurs. Cette agence aurait pu être chargée d’organiser et de coordonner les services de santé au travail dans un strict objectif de prévention de tous les risques professionnels et de préservation de la santé des salariés, au sens retenu par l’Organisation mondiale de la santé.

Cette agence, nous voulions lui donner les moyens de participer au développement de la recherche fondamentale et appliquée, cruellement insuffisante en matière de santé au travail, en sollicitant tous les organismes compétents.

Nous inscrivions par ailleurs l’activité spécifique de la médecine du travail dans le champ de la prévention. Nous généralisions également la consultation médicale professionnelle en rendant sa fréquence annuelle. Contrairement à ce que vous êtes en train de faire à l’instigation du patronat

M. le rapporteur s’exclame

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous ne pouvons que voter contre cet article 25 duodecies, dont l’importance nous amène à demander qu’il soit mis aux voix par scrutin public.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix l'article 25 duodecies, modifié.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Voici le résultat du scrutin n° 58 :

Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

I. – La première phrase du premier alinéa de l’article L. 717-2 est remplacée par les dispositions suivantes :

« Des décrets déterminent, en application de l’article L. 4622-8 du code du travail et du présent titre, les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des services de santé au travail en agriculture ainsi que les conditions d’application de l’article L. 4625-1 du code du travail.

« Des décrets en Conseil d’État précisent les modalités d’action des personnels concourant aux services de santé au travail en agriculture et les conditions d’application des articles L. 4624-1 et L. 4622-13 du code du travail.

« Pour la mise en œuvre de la pluridisciplinarité en agriculture, les modalités d’application du chapitre IV du titre IV du livre VI de la quatrième partie du code du travail sont déterminées par décret. »

II. – Après l’article L. 717-3, il est inséré un article L. 717-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 717-3. – Le service de santé au travail en agriculture élabore un projet de service pluriannuel qui définit les priorités d’action du service coordonnées avec celles du service de prévention des risques professionnels et qui s’inscrit dans le cadre du contrat d’objectifs conclu avec l’autorité administrative compétente prévu à l’article L. 4622-10 du code du travail. »

III. – L’intitulé de la section II du chapitre VII du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé : « Institutions et organismes concourant à la prévention et à la pluridisciplinarité ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, il me semble que c’est la première fois dans cet hémicycle que l’on examine un article 25 terdecies. Cela mérite d’être salué !

L'amendement n° 433, présenté par MM. Godefroy et Le Menn, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 517 rectifié, présenté par MM. Pointereau, César, Cornu, Doublet, Laurent et Revet, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Les dispositions de l'article L. 4622-9 du code du travail ne s'appliquent pas aux catégories de travailleurs dont les employeurs sont mentionnés à l'article L. 717-1 du code rural et de la pêche maritime. »

La parole est à M. Charles Revet.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Les dispositions de l'article L. 4622-9 du code du travail n'ont pas lieu de s'appliquer aux salariés du particulier employeur et aux voyageurs, représentants et placiers lorsqu'ils relèvent des professions agricoles, car ils bénéficient déjà de la surveillance médicale du travail assurée par les services de santé au travail des caisses de la Mutualité sociale agricole.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

La commission s’en remet à la sagesse du Sénat. Il s’agit d’une mesure de bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Vous mentionnez les salariés du secteur agricole, monsieur Revet, qui vont donc continuer à bénéficier du système de santé au travail existant. Cela est fort bien, mais on organise, au travers de ce projet de loi, l’exclusion du dispositif de santé au travail actuel des salariés travaillant dans d’autres secteurs, ce qui me semble profondément regrettable.

Avec cet amendement, vous allez introduire une discrimination de fait entre les travailleurs des différents secteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Actuellement, les services de santé au travail existent dans le cadre de la MSA.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mais ils existent déjà pour tous les travailleurs !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Madame David, les salariés dont il est question ici ont accès à la médecine du travail au sein de la MSA. Il s’agit simplement d’un transfert juridique, qu’il est nécessaire de confirmer pour éviter une lacune.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 1216, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 3

Remplacer la référence :

L. 4622-8

par la référence :

L. 4622-15

II. - Alinéa 4

Remplacer la référence :

L. 4622-13

par la référence :

L. 4622-14

La parole est à M. le rapporteur.

L'amendement est adopté.

L'article 25 terdecies est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

(Supprimés)

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

(Supprimés)

(Non modifié)

L’article L. 3153-1 du code du travail est complété par les mots : « ou pour cesser, de manière progressive, son activité ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 1047, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

L’article 27 bis, introduit par l’Assemblée nationale, vise à ouvrir à tout salarié la possibilité d’utiliser les droits affectés sur son compte épargne-temps pour cesser progressivement son activité.

Actuellement, le principe du compte épargne-temps est de permettre au salarié d’épargner des temps de repos – congés, jours de repos, etc. – et des sommes d’argent en vue d’une utilisation ultérieure.

L’article 25 de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a modifié l’article L. 3153-1 du code du travail et permis, nonobstant les stipulations de la convention ou de l’accord collectif, à tout salarié, sur sa demande et en accord avec son employeur, d’utiliser les droits affectés sur son compte épargne-temps pour compléter sa rémunération.

Le présent article vise à compléter cette disposition en ouvrant également la possibilité à tout salarié, en accord avec son employeur et malgré les stipulations de la convention ou de l’accord collectif ayant institué le compte épargne-temps, d’utiliser les droits affectés sur ce compte pour cesser de manière progressive son activité.

En d’autres termes, même si la convention ou l’accord collectif ne prévoit pas que les droits accumulés sur le compte épargne-temps peuvent être utilisés pour cesser de manière progressive son activité, la possibilité d’effectuer une telle opération est néanmoins ouverte à tout salarié.

Par ailleurs, l’article 27 bis est glissé entre deux articles relatifs à la médecine du travail et au départ anticipé pour cause d’incapacité. Il n’a pourtant rien à faire à cet endroit du texte. Il aurait été plus cohérent de le faire figurer au titre V ter, qui concerne l’épargne retraite.

Pour notre part, nous sommes opposés à ce que les salariés soient autorisés et même incités à se servir de leur compte épargne-temps pour cesser de manière progressive leur activité.

En effet, nous considérons que cet article encourage les salariés à se tourner vers une certaine forme de retraite par capitalisation individuelle, c’est-à-dire à préparer leur retraite en dehors du système par répartition. À cet égard, cet article est parfaitement cohérent avec l’esprit de la réforme, puisqu’il vise à faire reposer l’effort sur les salariés !

De plus, une telle logique va à l’encontre du principe du temps de repos dû au salarié, qui, comme un écureuil, peut capitaliser son repos, le faire fructifier. Nous considérons pour notre part que ce repos est nécessaire au salarié et qu’il est une condition de sa bonne santé et, accessoirement, de sa productivité. Il semble cependant très difficile de faire comprendre aux employeurs qu’un salarié reposé produit mieux qu’un salarié usé et dont les capacités sont surexploitées.

Murmures sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

L’utilisation du compte épargne-temps pour aménager une fin de carrière est bien sûr tout à fait compatible avec l’esprit du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Bien sûr ! C’est même étonnant que les communistes soient contre !

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 27 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents se réunira à seize heures. Souhaitez-vous que nous poursuivions les débats ou préférez-vous que nous suspendions la séance ?

On continue ! sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Je comprends bien que nos collègues de la majorité ne veuillent pas d’une suspension de séance ; mais nous qui présentons des amendements et des argumentations la souhaitons, afin que chacun d’entre nous puisse participer au débat comme il l’avait prévu.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cette conférence des présidents aura sans doute des conséquences sur la suite de nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Il est important que nous puissions savoir dans quelles conditions le débat va se poursuivre.

Par ailleurs, nous souhaitons que l’ensemble des présidents puissent participer à cette conférence, …

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

M. Bel n’est pas là !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

… notamment M. Fischer, qui est très impliqué dans ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous souhaitons donc nous aussi une suspension de séance, pour que M. Fischer puisse participer à la conférence des présidents sans devoir manquer la suite de la discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Je voudrais indiquer à nos collègues de la majorité qu’une suspension de séance nous permettrait d’examiner les quatre amendements du Gouvernement dont le dépôt nous a été annoncé tout à l’heure avant la réunion de ce soir de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Sur une telle question, il ne devrait pas y avoir de clivage aussi net entre la gauche et la droite.

Quel est l’enjeu ? Certains sénateurs effectuent leur « tour de garde » dans l’hémicycle, en quelque sorte, et ne veulent pas le passer en suspension de séance. Mais, pour notre part, nous essayons de participer activement au débat, et nous apprécierions une suspension de séance étant donné le rythme de travail que nous devrons encore soutenir cette semaine, y compris la nuit, d’autant que nous avons à étudier de nouveaux amendements du Gouvernement. MM. Fischer et Bel, en particulier, sont concernés par la conférence des présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Une suspension de séance ne serait donc vraiment pas superflue ! Je m’étonne que ceux que nous n’avons pas encore entendus durant ce débat la refusent avec tant de véhémence ! Un consensus devrait pouvoir se dégager sur une demande aussi simple.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Je voudrais d’abord souligner que les amendements du Gouvernement sont en ligne depuis samedi…

Monsieur le président, il serait raisonnable, à mon sens, de suspendre la séance.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je voudrais attirer l’attention de notre assemblée sur le fait qu’il s’agit d’une circonstance exceptionnelle. À ma connaissance, jamais auparavant une conférence des présidents n’avait été organisée pendant la séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

En tout cas, je n’en ai pas le souvenir, bien que j’aie tout de même derrière moi un certain nombre d’années de mandat.

Je considère que, à circonstance exceptionnelle, il faut mesure exceptionnelle. Il serait justifié, me semble-t-il, que nous suspendions la séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Samedi soir, nous en étions à quatre-vingt-douze heures et dix-neuf minutes de débat sur ce projet de loi. Nous avons consacré six heures et neuf minutes à la discussion générale et quatre-vingt-une heures et quarante-six minutes à l’examen des articles.

La majorité, très respectueuse du droit de s’exprimer de l’opposition, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. … a fait en sorte, par une autodiscipline largement acceptée

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. Je comprends parfaitement que le président du Sénat convoque une conférence des présidents à cet instant et, dans un esprit d’apaisement, je propose que nous interrompions nos travaux pour une quinzaine de minutes, avant que vous continuiez à parler, et nous à vous écouter sans répondre, sauf quand notre exaspération est à son comble !

Sourires et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quarante.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La séance est reprise.

Mes chers collègues, la conférence des présidents est encore réunie, mais elle a souhaité que nous reprenions nos travaux.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

I. – Au chapitre VIII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est ajouté une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Accords en faveur de la prévention de la pénibilité

« Art. L. 138-29. – Pour les salariés exposés aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail, les entreprises employant une proportion minimale fixée par décret de ces salariés, y compris les établissements publics, mentionnées aux articles L. 2211-1 et L. 2233-1 du même code employant au moins cinquante salariés, ou appartenant à un groupe au sens de l’article L. 2331-1 du même code dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés, sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

« Le montant de cette pénalité est fixé à 1 % au maximum des rémunérations ou gains, au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du présent code et du deuxième alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés concernés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou le plan d’action mentionné au précédent alinéa.

« Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité.

« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds national de soutien relatif à la pénibilité.

« Les articles L. 137-3 et L. 137-4 du présent code sont applicables à cette pénalité.

« Art. L. 138-30. – L’accord d’entreprise ou de groupe portant sur la prévention de la pénibilité mentionné à l’article L. 138-29 est conclu pour une durée maximale de trois ans. Une liste de thèmes obligatoires devant figurer dans ces accords est fixée par décret.

« Art. L. 138-31. – Les entreprises mentionnées au premier alinéa de l’article L. 138-29 ne sont pas soumises à la pénalité lorsque, en l’absence d’accord d’entreprise ou de groupe, elles ont élaboré, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, un plan d’action établi au niveau de l’entreprise ou du groupe relatif à la prévention de la pénibilité dont le contenu est conforme à celui mentionné à l’article L. 138-30. La durée maximale de ce plan d’action est de trois ans. Il fait l’objet d’un dépôt auprès de l’autorité administrative.

« En outre, les entreprises dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés et est inférieur à trois cents salariés ou appartenant à un groupe dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés et est inférieur à trois cents salariés ne sont pas soumises à cette pénalité lorsqu’elles sont couvertes par un accord de branche étendu dont le contenu est conforme au décret mentionné à l’article L. 138-30. »

II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 241-3 du même code, les mots : « par la pénalité prévue à l’article L. 138-24 » sont remplacés par les mots : « par les pénalités prévues aux articles L. 138-24 et L. 138-29 ».

III. – Les I et II sont applicables à compter du 1er janvier 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Cet article vise à inciter les entreprises à développer une politique de prévention de la pénibilité du travail, sous peine d’être soumises à une pénalité financière. Ce dispositif n’est pas inintéressant, bien au contraire, mais je m’interroge sur son efficacité réelle.

D’abord, son champ d’application me semble limité. En effet, il ne concerne que les entreprises de plus de cinquante salariés alors que, dans notre pays, la majorité des salariés travaillent dans des PME d’une taille inférieure. Qui plus est, il faut que ces entreprises emploient une proportion minimale, qui sera fixée par décret, de salariés exposés à des facteurs de risques professionnels. Cette condition restreint la portée de la disposition.

Ensuite, le montant de la pénalité – 1 % au maximum des rémunérations ou gains versés aux salariés pour lesquels l’entreprise n’est pas couverte pas un accord – me semble bien faible pour être réellement dissuasif. De plus, ce montant pourra être modulé en fonction des efforts faits par l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité. Autant dire que la sanction risque d’être plus symbolique que réellement pénalisante !

Je regrette également que l’article fixe une obligation de moyens, mais pas de résultat. En effet, une entreprise peut très bien instituer un plan de prévention de la pénibilité ou signer un accord de réduction de la pénibilité, mais l’important est de savoir si ce plan ou cet accord est appliqué, selon quelles modalités et s’il conduit effectivement à une réduction de la pénibilité. De plus, ce document pourra être signé à l’échelon soit de l’entreprise, soit de la branche : dans ce dernier cas, le contrôle sera encore plus restreint.

Enfin, on nous dit que cet article s’inspire du dispositif similaire mis en place en 2009 pour encourager le maintien des seniors dans l’emploi, lequel serait un succès puisque, nous dit-on, la grande majorité des entreprises concernées ont conclu un accord ou développé un plan d’action en faveur de l’emploi des seniors, seules 250 d’entre elles ayant préféré s’acquitter d’une pénalité. Si mes informations sont exactes, 80 accords de branche et 10 000 accords d’entreprise pour l’emploi des seniors ont ainsi été élaborés et près de 3, 3 millions de salariés seraient désormais couverts par de tels accords.

Monsieur le ministre, un tel résultat est a priori formidable ! On pourrait espérer en trouver la traduction dans les chiffres du chômage. Le nombre de seniors demandeurs d’emploi ne devrait-il pas s’être réduit ou, au moins, stabilisé ? Eh bien non ! Si l’on se réfère aux chiffres publiés par l’UNEDIC le 24 septembre dernier, entre août 2009 et août 2010, le nombre de demandeurs d’emploi de plus de 50 ans s’est accru de 16, 6 %. Votre collègue Laurent Wauquiez déclarait sans rire, il y a quelques mois, que « l’emploi des seniors n’a jamais autant progressé »… Qu’est-ce que cela serait sinon, si le Gouvernement n’avait pas mis en place un plan en faveur des seniors ! Selon vous, « le premier bilan de la pénalité “seniors” montre que cet outil est efficacement dissuasif » ! J’imagine que vous escomptez le même succès s’agissant de la pénibilité. Il y a donc de quoi être dubitatif quant à l’intérêt réel du dispositif, surtout si l’on en attend des effets concrets.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mme Annie David. Mon collègue Guy Fischer ne pourra s’exprimer sur cet article, comme il le souhaitait, car la conférence des présidents se poursuit, malheureusement, alors que nos travaux ont repris. Je tenais à le souligner, car M. Fischer participe très activement à ce débat.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Madame David, rassurez-vous, je lui accorderai un petit temps de parole supplémentaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je partage l’opinion de M. Godefroy sur le dispositif de l’article 27 ter AA, qui vise à « mettre en musique » l’article 25, relatif à la pénibilité, en instaurant une pénalité financière en cas de non-respect par l’employeur de ses obligations.

Or l’article 25 est injuste, car il est exclusivement fondé sur la notion d’incapacité physique de travail, ce qui écarte du champ du dispositif les salariés qui ont été exposés à des produits cancérigènes et dont l’espérance de vie est de fait réduite, sans qu’ils portent aucune marque physique visible de cette atteinte.

Monsieur le ministre, vous ne prenez pas en compte la pénibilité différée, comme vous le demandaient pourtant les partenaires sociaux, hormis bien entendu le MEDEF.

Le dispositif est également injuste en ce qu’il exclut une majorité de victimes du travail pour lesquelles il n’existe pas de tableau de maladie professionnelle ou qui ne seront pas parvenus à obtenir une reconnaissance de maladie professionnelle. Ainsi, les troubles psychosociaux, pourtant en grande augmentation, ne seront pas reconnus au titre de la pénibilité.

Enfin, le dispositif est injuste en ce qu’il ne s’appliquera que de manière individualisée, en excluant l’établissement de listes de métiers ou de classifications professionnelles réputés pénibles.

Quant à l’article 27 ter AA lui-même, nous ne pouvons que constater la faiblesse de son contenu. En effet, il exclut au moins les 4 millions de salariés des TPE et PME, que vous aviez déjà placés hors du champ du dialogue social, monsieur le ministre. Le Gouvernement les considère manifestement comme des salariés de seconde zone, puisque !es accords sur la prévention de la pénibilité ne concerneront que les entreprises de cinquante salariés au moins.

En outre, vous entendez mettre en place une pénalité équivalente à 1 % au maximum des rémunérations ou gains versés aux salariés, pénalité qui pourra d’ailleurs être modulée en fonction des efforts consentis par l’entreprise pour prévenir la pénibilité. Il est en effet prévu que « le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité ». Ainsi, même si aucun accord n’a été réellement conclu ni aucun plan d’action défini, le simple constat d’« efforts » suffira peut-être pour que l’entreprise échappe à la pénalité.

Par ailleurs, vous prévoyez de permettre aux entreprises de préférer un plan d’action à un accord sur la prévention de la pénibilité. Or, dans une entreprise, c’est très souvent lorsque les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à un accord que la direction décide, de façon arbitraire, un plan d’action. Vous le savez pertinemment ! En l’occurrence, ce plan d’action ne sera d’ailleurs assorti d’aucune obligation de résultat. Il suffira à l’entreprise de faire des efforts pour être exonérée de la pénalité.

Enfin, les salariés qui ont été exposés à l’amiante sont très en colère. En effet, une exposition à l’amiante engendre un taux d’invalidité inférieur à 10 %. Si vous laissez les choses en l’état, l’ensemble des salariés aujourd’hui confrontés à l’amiante seront donc exclus du champ de tout accord sur la pénibilité.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Vous ne pouvez pas dire cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Peut-être reviendrez-vous sur ce point, monsieur le ministre, mais, pour l’heure, le taux d’invalidité lié à une exposition à l’amiante serait inférieur à 10 %, seuil retenu pour l’entrée dans le champ d’un accord sur la prévention de la pénibilité.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposons résolument à cet article 27 ter AA.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Selon le Petit Robert, est pénible ce qui donne de la peine, de la fatigue, ce qui se fait avec difficulté ou encore ce qui est difficile moralement. Toujours d’après ce dictionnaire, est invalide celui qui n’est plus en état de mener une vie active, de travailler, du fait de sa mauvaise santé ou de ses blessures. Ces définitions marquent clairement la différence entre la pénibilité et l’invalidité.

Résumer la définition d’un travail pénible à un taux d’invalidité constaté, comme le fait le projet de loi, est très loin de permettre de prendre en compte la pénibilité du travail. Les partenaires sociaux, pour leur part, proposent la définition suivante de celle-ci : « La pénibilité au travail résulte de sollicitations physiques ou psychiques de certaines formes d’activité professionnelle qui laissent des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé des salariés et qui sont susceptibles d’influer sur l’espérance de vie. »

L’Institut national des études démographiques, l’INED, a consacré le numéro de janvier 2008 de sa publication Population et société au thème suivant : « La double peine des ouvriers : plus d’années d’incapacité au sein d’une vie plus courte ». Ce titre même est éloquent. Selon l’INED, à 35 ans, un cadre supérieur peut espérer vivre encore quarante-sept années, dont trente-quatre années indemnes de toute incapacité, même très mineure, contre quarante et une années pour un ouvrier, dont seulement vingt-quatre années sans incapacité. Au total, l’espérance de vie des ouvriers est plus faible que celle des cadres supérieurs et comporte des périodes plus longues au cours desquelles ils devront affronter des difficultés dans leur vie quotidienne, pouvant aller jusqu’à l’incapacité totale d’effectuer certains actes ou gestes essentiels de la vie quotidienne. Il existe donc une réelle inégalité entre catégories socioprofessionnelles, qui doit être prise en compte.

Or, que prévoit le texte du Gouvernement ? Il comporte un dispositif fondé sur l’invalidité, avec un taux minimal fixé à 10 %, c’est-à-dire précisément le niveau d’incapacité permanente qui ouvre droit à une rente viagère à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Le texte du Gouvernement propose donc d’indemniser un dommage, comme cela est déjà le cas. En l’occurrence, il ne s’agit absolument pas de prendre en compte le vécu de la personne concernée pour lui permettre de faire valoir ses droits à la retraite de manière anticipée.

En 2003, l’enquête SUMER de surveillance médicale des risques professionnels faisait apparaître que 56 % des salariés, en France, étaient exposés à au moins une source de pénibilité. Cela signifie qu’un grand nombre de personnes subissent de difficiles conditions de travail susceptibles d’influer sur leur état de santé physique et moral, sans pour autant créer d’invalidité.

Il est donc faux de prétendre, comme le fait le Gouvernement, que ce texte prend en compte la réalité des métiers pénibles. Pour notre part, nous sommes convaincus qu’il est absolument nécessaire d’avoir une action beaucoup plus volontariste en la matière, en proposant notamment aux salariés concernés des majorations d’annuités calculées en fonction de critères comme le travail de nuit, le travail posté ou encore le port régulier de charges lourdes.

C’est la raison pour laquelle nous proposons depuis le début de l’examen du titre IV un certain nombre d’amendements de nature à assurer la prise en compte correcte des situations des personnes soumises à des conditions de travail pénibles.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 1048, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

du même code employant au moins

remplacer les mots :

cinquante salariés

par les mots :

onze salariés

La parole est à M. François Autain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Lors de l’assemblée plénière de 2005 du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, les représentants de la CGT ont rappelé que 80 % du personnel des établissements comptant moins de dix salariés – qui représentent 64 % du total des entreprises – est exposé aux risques professionnels.

Devant ce constat, les pouvoirs publics ne semblent guère mobilisés pour garantir l’efficacité de la prévention dans les PME et les TPE. Cette question est pourtant essentielle. D’ailleurs, une mission d’information sur la pénibilité du travail dans les petites entreprises a été créée à l’Assemblée nationale. Ses travaux ne sont pas achevés. Par conséquent, ses conclusions ne sont pas encore disponibles, ce qui est bien dommage.

Cependant, il suffit de consulter le rapport d’information relatif à la pénibilité au travail du 27 mai 2008 rédigé par le député Poisson pour constater que la prévention de la pénibilité dans les PME et les TPE n’est pas suffisamment prise en compte.

Ce rapport souligne la spécificité de ces structures en la matière : « Les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises posent un problème particulier : sauf rares exceptions, la prévention et le traitement de la pénibilité y sont insuffisamment pris en compte, le plus souvent faute d’interlocuteurs, de moyens et d’information, donc de prise de conscience des enjeux du problème. »

En outre, le rapport relève que les petites entreprises interviennent souvent dans des secteurs d’activité où les conditions de travail sont très difficiles.

Par ailleurs, d’après le rapport, « il ressort des auditions que si des progrès certains ont été réalisés depuis de nombreuses années dans le BTP, la réduction de la pénibilité n’a avant tout été très significative que dans les grandes entreprises. Or, les petites entreprises sont très nombreuses dans le bâtiment (90 % des effectifs sont employés dans des entreprises de moins de dix salariés), contrairement à l’activité de travaux publics. »

Par notre amendement, sans qu’il soit besoin d’attendre des confirmations qui ne manqueront pas de venir, nous proposons que les petites et moyennes entreprises employant entre onze et quarante-neuf salariés soient également soumises à l’obligation de négocier et de conclure un accord en faveur de la prévention de la pénibilité.

Aux termes du code du travail, le seuil légal pour la désignation d’un représentant du personnel et la création d’une section syndicale se situe à onze salariés. À partir de ce seuil, un accord en faveur de la prévention de la pénibilité devrait donc pouvoir être négocié et conclu entre l’employeur et le représentant des salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Je voudrais tout d’abord rappeler tout l’intérêt que la commission porte à cette démarche de prévention des situations de travail pénibles, visant en particulier à inciter les entreprises à négocier sur ce sujet. La prévention de la pénibilité passe en effet par une réflexion sur les conditions de travail et surtout sur l’organisation de celui-ci.

Certaines entreprises ont déjà pris des initiatives dans ce domaine, mais d’autres sont encore à la traîne. La procédure prévue à l’article 27 ter AA devrait inciter ces dernières à agir.

Le contenu de cet article peut être rapproché du dispositif destiné à encourager le maintien des seniors dans l’emploi. Dans ce cas, l’instauration d’une pénalité s’est révélée efficace et dissuasive. La grande majorité des entreprises ont en effet conclu un accord ou un plan d’action en faveur de l’emploi des seniors. Un très petit nombre d’entre elles seulement ont préféré s’acquitter d’une pénalité.

La commission insiste fortement sur la nécessité de veiller au contenu et à la bonne application des futurs accords en faveur de la prévention de la pénibilité.

J’en viens maintenant à l’amendement n° 1048, qui vise à étendre le dispositif de la pénalité en cas d’absence d’un accord relatif à la prévention de la pénibilité aux entreprises comptant entre onze et quarante-neuf salariés.

La commission est convaincue qu’une telle mesure n’est pas du tout réaliste. C’est pourquoi elle a émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je regrette que vous soyez si laconique, monsieur le ministre, alors qu’il s’agit tout de même de 4 millions de salariés travaillant dans les TPE et les PME ! Voilà quelques semaines, vous vous étiez déjà opposé, lors de l’examen du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social, à l’adoption de mesures qui auraient permis la mise en place dans les TPE et les PME de commissions paritaires à même d’élaborer et de conclure des accords concernant la pénibilité. Ces propositions ont été balayées d’un revers de main ! Que représentent, finalement, 4 millions de salariés…

Les salariés de ces entreprises artisanales sont souvent ceux qui ont les conditions de travail les plus dures, mais ils ne pourront donc pas bénéficier d’un accord en faveur de la prévention de la pénibilité. Je ne comprends pas votre position, monsieur le ministre ! Vous prétendez vouloir faire de la santé au travail une priorité, réduire la pénibilité et favoriser la prévention en la matière, mais quand nous vous demandons de prendre en considération la situation de 4 millions de salariés –excusez du peu ! –, vous ne prenez même pas la peine de nous répondre !

Il est vrai que nous avons déjà pu constater, à l’occasion de l’examen de précédents articles, que cela ne vous dérange pas qu’un maçon soit amené à travailler deux ans de plus, jusqu’à 62 ans s’il justifie à cet âge du nombre de trimestres de cotisation requis ou jusqu’à 67 ans sinon ! En tout cas, moi, cela me dérange !

Ici, s’agissant d’accords en faveur de la prévention de la pénibilité, ce sont encore une fois les plus fragiles d’entre les salariés, ceux qui n’ont pas de représentants syndicaux ni de délégué du personnel pour défendre leurs droits, que vous excluez.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne donnez pas une belle image du Parlement. Que l’on puisse tenir ainsi 4 millions de salariés pour quantité négligeable me met très en colère !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC -SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Ne vous mettez pas en colère, madame la sénatrice.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Il est assez rare qu’un maçon prenne sa retraite à 65 ans aujourd’hui. En général, ceux qui exercent ce métier ont commencé jeunes et justifient donc de tous les trimestres de cotisation requis une fois parvenus à l’âge légal de départ à la retraite. Ce ne sont pas ces salariés qui prendront demain leur retraite à 67 ans, d’autant qu’ils sont souvent concernés par le dispositif des carrières longues.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Ce n’est pas moi qui le pense, c’est la CNAVTS qui l’indique. Vous êtes d’ailleurs suffisamment renseignée pour le savoir. Il ne faut donc pas susciter des craintes infondées : un maçon prendra demain sa retraite à 62 ans au plus tard en général, voire plus tôt grâce au dispositif des carrières longues. Telle est la réalité ! Ce sont les salariés qui n’auront pas un nombre suffisant de trimestres de cotisation qui prendront leur retraite à 67 ans s’ils veulent bénéficier du taux plein. C’est la retraite à la carte.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Dans ces métiers-là, beaucoup de travailleurs sont étrangers et n’ont pas toujours travaillé en France !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Par ailleurs, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, il n’y a pas de délégué du personnel. La culture des accords d’entreprise y est moins développée. Commençons donc par les entreprises de plus de cinquante salariés, et nous verrons ensuite pour les autres. Dans les toutes petites entreprises, la situation est un peu différente. Nous l’avons bien vu lors de l’examen du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social : un dispositif adapté aux TPE a été mis en place. Voilà pourquoi nous maintenons ce seuil de cinquante salariés dans le présent texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Monsieur le ministre, j’admire avec quelle aisance vous nous exposez qu’un maçon prendra demain sa retraite à 62 ans, soit deux ans plus tard qu’aujourd’hui, même s’il a toutes les annuités de cotisation requises ! Vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux, en vous référant tantôt à l’âge de 60 ans, tantôt à celui de 62 ans, comme cela vous arrange.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Par ailleurs, contrairement à la commission, je trouve que l’amendement n° 1048 est tout à fait réaliste. En effet, tout le monde le sait, dans les très petites entreprises, l’application du code du travail est parfois approximative, surtout quand il s’agit des dispositions concernant les conditions de travail et la prévention de la pénibilité.

Par conséquent, ne nous proposez pas de commencer par nous intéresser à ceux qui sont a priori déjà les mieux protégés par le droit du travail, en renvoyant à plus tard l’examen de la situation des salariés les plus fragiles, car ce sont précisément ceux-ci qui ont le plus besoin que la loi prévoie en leur faveur des mesures de prévention de la pénibilité du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Il est tout de même très dommage que vous refusiez d’abaisser le seuil à onze salariés, monsieur le ministre, car dans certains secteurs où les salariés sont souvent exposés à des conditions de travail ou à des matières dangereuses, par exemple la construction navale ou le nucléaire, on fait désormais largement appel à des entreprises sous-traitantes qui comptent en général moins de cinquante salariés. Nombre de ces travailleurs vont donc se trouver exclus du champ du dispositif.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je rappelle que les accords de branche s’appliquent aussi aux petites entreprises, et nous incitons à la signature de tels accords.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

M. François Autain. Ne vous méprenez pas, mes chers collègues ! Je voulais simplement indiquer que je renonce à mon temps de parole, afin de ne pas ralentir le débat.

Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 1049, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

dont l'effectif comprend au moins

remplacer les mots :

cinquante salariés

par les mots :

onze salariés

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

Notre amendement précédent visait à élargir aux petites et moyennes entreprises employant entre onze et quarante-neuf salariés l’obligation de négocier et de conclure un accord ou un plan d’action en faveur de la prévention de la pénibilité. Par cohérence, nous proposons de retenir le même seuil pour les groupes d’entreprises.

Les facteurs de risques professionnels n’ont pas de lien avec le nombre de salariés de l’entreprise ou du groupe d’entreprises. Ils peuvent exister dans tous les cas de figure.

Dans mon département, par exemple, un sous-traitant de Metaleurop, entreprise bien connue, a exposé ses vingt-sept salariés à un taux de dioxine considérable pendant de nombreuses années. En conséquence, les éminents professeurs du centre hospitalier régional universitaire de Lille ont recensé une concentration de nombreux cancers de la thyroïde dans la zone où cette entreprise exerçait son activité. Une PME peut donc aussi menacer la santé de la population environnante.

Dans ces conditions, nous ne voyons pas pourquoi certaines entreprises ou groupes d’entreprises pourraient s’exonérer d’une part de leurs obligations en matière de prévention.

Par ailleurs, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peuvent être constitués que dans les établissements employant au moins cinquante salariés. Les personnels des entreprises ou des groupes de taille moindre ne bénéficient donc pas de leur intervention en matière de protection de la santé et de la sécurité ainsi que d’amélioration des conditions de travail. En outre, nous savons que des entreprises demeurent délibérément sous le seuil de cinquante salariés précisément pour échapper à l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise et un CHSCT, au détriment des salariés. La prévention de la pénibilité doit être une priorité partout.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

La commission a émis là aussi un avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, je tenais à souligner que la présence de représentants élus des salariés n’était pas nécessaire pour conclure des accords ; des personnes peuvent être désignées uniquement pour les négocier.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

C’est vrai !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 1050, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

couvertes par un accord

supprimer les mots :

ou un plan d'action

La parole est à M. Michel Billout.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Non seulement le Gouvernement et la majorité parlementaire souhaitent faire prévaloir une approche de la pénibilité du travail individualisée et médicalisée, mais en plus ils voudraient, au travers de cet article, exonérer d’une quelconque sanction les entreprises qui se seraient bornées à rédiger un simple plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

Or, avec le report de l’âge de départ à la retraite, la réforme pénalise particulièrement, faut-il le rappeler, les salariés ayant commencé à travailler jeunes, ceux qui ont eu des carrières difficiles et incomplètes et qui ont travaillé dans des conditions éprouvantes pour leur santé. Il est évident que les effets de la pénibilité du travail s’aggraveront avec des salariés de plus en plus âgés.

De plus, la précarisation du travail et son incidence sur la santé devraient également être pris en compte dans le débat sur les retraites, ce qui n’est absolument pas le cas avec cette réforme.

Concernant la pénibilité du travail, plus globalement, la véritable urgence est l’amélioration des conditions de travail en France. Il est à noter à ce sujet que notre pays connaît l’un des niveaux de productivité des salariés les plus élevés au monde, ce qui n’est pas sans conséquences sur la santé de ces derniers.

Compte tenu de ce que je viens de dire, vous comprendrez que, par souci d’efficacité, nous proposions de ne laisser subsister, à l’alinéa 4 de l’article 27 ter AA, que la référence aux accords relatifs à la prévention de la pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Pour les raisons que nous avons exposées tout à l’heure, les entreprises ayant mis en œuvre un plan d’action doivent être exonérées de la pénalité.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 637 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf et Darniche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Philippe Dominati.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

L’article 27 ter AA instaure une pénalité d’un montant équivalent à 1 % au maximum des gains et rémunérations des salariés concernés en cas de défaut de plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité au travail.

Pour l’heure, la notion de pénibilité n’est pas définie. Nous considérons donc qu’il est prématuré de prévoir une pénalité, même si elle a valeur d’incitation, dès lors que nous n’avons pas connaissance des décrets d’application. Les amendements suivants prévoient d'ailleurs de porter le taux de la pénalité à 3 %, voire à 10 % ! Je propose donc de reporter l’examen de cette question et de ne pas instaurer de sanction.

Certes, comme il est indiqué dans le rapport, M. le ministre considère cette pénalité comme « un repoussoir qui est fait pour ne pas servir ». Pour autant, je constate une divergence de vues quant à l’affectation du produit éventuel de cette pénalité entre la commission et le Gouvernement. Si cette mesure est destinée à ne pas être appliquée, pourquoi s’interroger sur ce point ?

En tout état de cause, je considère que ce débat est prématuré.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 449, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5

Remplacer les mots :

1 % au maximum

par le pourcentage :

II. - Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Cet amendement vise à fixer à 3 % au maximum des rémunérations et gains des salariés concernés le montant de la pénalité due par les employeurs qui n’auront pas mis en œuvre un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

Par d’autres amendements, nous proposerons de fixer également à 3 % le taux de la pénalité en cas de carence de l’employeur en matière d’accords ou de plans d’action relatifs à l’emploi des seniors, d’une part, et à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, d’autre part.

Nous devons en effet indiquer clairement, en tant que législateurs, que nous entendons que nos décisions aient réellement force de loi. Nous ne pouvons donc pas nous contenter d’une pénalité symbolique de 1 % de la masse salariale. Un taux de 3 % nous semble assez élevé pour sonner comme une alerte pour les employeurs. Il est réellement dissuasif, sans pour autant être prohibitif ni mettre en danger l’entreprise.

La pénibilité doit non seulement être prise en compte a posteriori par des mesures de compensation, mais elle doit être combattue, pour des motifs tant de santé que financiers.

Puisque nous parlons d’argent, permettez-moi de faire observer qu’il n’est pas politiquement ni financièrement cohérent de dénoncer le déficit de la sécurité sociale sans agir en amont sur des éléments qui en sont à l’origine. Le déficit de la sécurité sociale appelle aussi des mesures de prévention ; il n’est pas satisfaisant de reporter toute la charge de la réparation sur les salariés. Davantage encore que l’alcool et le tabac, les pathologies dues au travail, en dehors même du drame de l’amiante, ont une incidence croissante sur les finances de l’assurance maladie et de la branche accidents du travail-maladies professionnelles.

Nous proposons donc d’améliorer le financement du Fonds national de soutien relatif à la pénibilité, afin de limiter les besoins ultérieurs de financement liés à la réparation. Gouverner, c’est prévoir ! Je rappelle que la branche AT-MP est, pour la deuxième année consécutive, en déficit. Pourtant, la comptabilité de la branche bénéficie de la sous-déclaration chronique des accidents du travail et de la non-reconnaissance de maladies d’origine professionnelle, particulièrement à effet différé. C’est la preuve irréfutable que les accidents du travail et les maladies professionnelles sont en augmentation, ce qui est aberrant au xxie siècle.

Je rappellerai que, pourtant, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, un montant minimal de cotisations supplémentaires avait été proposé lorsque l’exploitation de l’entreprise présente des risques supplémentaires ou que les mesures de prévention édictées par les caisses ne sont pas respectées. Récemment, nos collègues de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale regrettaient que l’arrêté d’application de cette mesure ne soit toujours pas paru.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Mme Gisèle Printz. Il n’est que temps d’intervenir avec fermeté et d’impliquer les employeurs dans la prévention de la pénibilité et des déficits abyssaux qu’elle contribue largement à creuser.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 1051, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après les mots :

Le montant de cette pénalité est fixé à

remplacer le taux :

par le taux :

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet amendement porte sur la pénalisation des entreprises n’adhérant pas à un accord de branche relatif à la prévention de la pénibilité.

Il s’agit en fait de mettre en place un dispositif, de portée somme toute assez symbolique, ne touchant que les entreprises comptant au moins cinquante salariés et n’étant pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

Le calcul du montant de la pénalité est assis sur le total des rémunérations des salariés concernés et la sanction peut faire l’objet d’un recours contentieux.

Pour autant, cette pénalité sera-t-elle seulement appliquée ? Nous avons en effet l’impression que cet article se borne à poser un principe, dont la mise en œuvre sera, une fois encore, conditionnée par la promulgation d’un décret.

En ce qui nous concerne, nous souhaitons que la pénalité ait un caractère suffisamment dissuasif pour que, à défaut d’un accord, l’entreprise conçoive un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité en vue de répondre aux exigences de la loi.

Comme le contenu des plans d’action sera, dans ses grandes lignes, défini par décret, rien ne permet de garantir l’absolue pertinence et l’efficacité de la pénalité.

La même remarque vaut d’ailleurs pour les accords, dont on peut craindre qu’ils ne soient de portée fort variable et que la course au moins-disant social ne trouve, dans l’arrêté qui sera signé par le ministre du travail, quelque raison de se poursuivre !

Au demeurant, comme l’article prévoit expressément la mise en place d’un effet de seuil, il suffira sans doute, pour échapper à la pénalité, de procéder à une séparation juridique idoine pour que les salariés en situation de pénibilité soient écartés du champ d’application du dispositif. La sollicitation éventuelle d’un sous-traitant peut d’ailleurs suffire à atteindre cet objectif.

Pour donner une véritable portée à la pénalité, nous proposons donc d’en fixer le taux à 10 % de la masse salariale.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 1052, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après les mots :

l'entreprise n'est pas couverte par l'accord

supprimer les mots :

ou le plan d'action

La parole est à Mme Odette Terrade.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

La constitution de l’Organisation mondiale de la santé d’avril 1948 fait de la santé et de sa préservation un droit fondamental. La santé y est définie comme « un état de complet bien-être physique, mental et social ».

La directive européenne 89/391/CEE du 12 juin 1989 fixe des règles obligeant tout employeur à protéger la santé des salariés. Cette obligation porte sur tous les aspects liés au travail, une « planification de la prévention qui doit viser un ensemble cohérent intégrant la technique, l’organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants de travail ». La jurisprudence de la Cour de justice européenne précise qu’il s’agit d’étendre ces concepts à l’environnement de travail et à la sécurité.

La législation française devrait donc, au minimum, apporter cette protection aux salariés. Or force est de constater que tel n’est pas le cas. En effet, la politique du Gouvernement en la matière ignore largement le facteur humain, pour ne prendre en considération que des données comptables.

Alors que l’objectif premier de la médecine du travail et de la prise en compte de la pénibilité au sein de l’entreprise devrait être la protection du salarié, les approches retenues l’excluent. Elles sont soit assurantielles, c’est-à-dire qu’elles établissent une liste de dangers, soit techniques, c’est-à-dire qu’elles évacuent toute la question de l’organisation du travail, soit « exonératoires », avec des critères patronaux permettant l’individualisation et la culpabilisation du salarié, soit encore hiérarchisées, avec un calcul de la probabilité du dommage potentiel et la mise en avant d’un seuil limite d’exposition, certains risques étant considérés comme mineurs.

Les salariés ne sont ni entendus ni sollicités alors que ce sont eux qui connaissent le travail et ses risques, ce qui, d’emblée, limite sérieusement la portée non seulement des résultats, mais encore des suites à leur donner.

L’article 27 ter AA, avec la mention des plans d’action, s’inscrit dans cette logique de mise à l’écart du salarié dans l’évaluation et la prévention de la pénibilité de son travail. En effet, cet article exonère les entreprises de la pénalité censée les inciter à négocier sur ce sujet si elles rédigent un simple plan d’action.

Or, vous le savez, mes chers collègues, de tels plans demeurent, dans la majorité des cas, des vœux pieux. C’est pourquoi nous vous proposons, par notre amendement, de supprimer cette référence.

Ainsi, les entreprises ne seront pas soumises au paiement de ladite pénalité seulement si elles ont engagé des négociations en vue de la conclusion d’un accord sur la prévention de la pénibilité, c'est-à-dire seulement si elles se sont réellement engagées à entendre la voix des représentants des salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 450 est présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 639 rectifié est présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf, Beaumont et Darniche.

L'amendement n° 1053 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l’amendement n° 450.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

L’alinéa 6 de l’article 27 ter AA prévoit que le montant de la pénalité « est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité ». Voilà ce qui s’appelle une rédaction ouverte et sympathique. C’est même de l’humour noir !

Nous parlons ici, et vous le savez, mes chers collègues, de la santé et de la sécurité des travailleurs, c’est-à-dire du mal-être, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Mais enfin, il n’y a pas que du mal-être au travail ! Il y a du bien-être aussi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

… et des accidents qui entraînent des incapacités, des maladies, des souffrances, parfois la mort. Nous ne débattons pas des fonds à consacrer à l’arbre de Noël en fin d’année !

De deux choses l’une : ou bien l’entreprise a signé un accord, qui est entré en application ou qui est en voie d’application, auquel cas les partenaires sociaux sont impliqués par le comité d’entreprise ou les délégués du personnel ; ou bien il y a un plan d’action – le projet de loi prévoit cette alternative –, qui est en application ou en cours de mise en œuvre.

Dans les deux cas, il existe des éléments visibles et aisément vérifiables par l’administration : des documents, des installations et des équipements de protection, des discussions avec les représentants du personnel.

C’est pourquoi nous sommes opposés à la possibilité de moduler le montant de la pénalité, surtout si le taux faible de 1 % au maximum est maintenu.

En effet, le risque est que la pénalité n’ait qu’une portée symbolique. Il est que, en ne faisant que très peu d’efforts, l’employeur obtienne une réduction importante de la pénalité, surtout s’il argue de difficultés financières. Il est que la liberté d’appréciation laissée à l’administration aboutisse à des inégalités territoriales. Ne va-t-on pas voir réapparaître les « réalités locales » – elles excusent tout ! – déjà prises en compte dans les missions des services de santé au travail ?

Le taux de 1 % n’est pas un message suffisamment clair adressé aux chefs d’entreprise. S’il peut être modulé à la baisse, il devient une sorte de trompe-l’œil, qui n’est pas plus utile que les mesures déjà proposées et qui n’ont jamais été appliquées.

C’est à nouveau la règle du « deux poids, deux mesures » qui s’applique.

Pour les salariés, l’âge de départ à la retraite est retardé, la prise en compte de la pénibilité est réduite à la reconnaissance individuelle d’une incapacité. On en appelle à la « responsabilisation », vocable qui recouvre toutes les régressions sociales possibles au détriment des travailleurs.

Mais les représentants du patronat ont su vous convaincre, monsieur le ministre, de ne pas trop les responsabiliser financièrement. Entre la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles et la destruction de la médecine du travail, le début du XXIe siècle se caractérise par la dégradation organisée et généralisée des conditions de travail des travailleurs sur leur lieu de travail, ce qui n’est pas acceptable.

C’est en effet tout un édifice qu’il faut reconstruire pour un monde du travail où règne non pas un sentiment d’injustice, mais l’injustice elle-même, car, enfin, parler de la pénibilité, c’est parler du travail. Vous êtes-vous demandé, monsieur le ministre, pourquoi des sociologues, des médecins, des économistes, écrivent aujourd’hui des ouvrages intitulés La société malade de la gestion ou Souffrance en France, et surtout pourquoi ces livres rencontrent un écho aussi fort ?

Nous vous demandons donc, mes chers collègues, de voter cet amendement, qui vise à ne pas permettre aux employeurs d’user de moyens dilatoires pour éviter d’avoir à payer la pénalité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l’amendement n° 639 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 6, qui prévoit que le montant de la pénalité est fixé par l’autorité administrative. J’ai déjà exposé les trois raisons pour lesquelles je suis réticent sur la mise en place de ce système.

Je trouve en effet que l’aspect incitatif pour les entreprises est très mal défini. En outre, les conditions dans lesquelles sera fixé le montant de la pénalité sont virtuelles pour l’instant puisqu’elles seront définies par la suite. En tout état de cause, je pense que l’autorité administrative ne doit en aucun cas disposer de ce pouvoir décisionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Pour une fois, je suis d’accord avec M. Dominati, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour présenter l'amendement n° 1053.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

L’article 27 ter AA prévoit une mesure que nous aurions pu soutenir si sa portée n’était atténuée par l’alinéa 6, que notre amendement vise à supprimer.

Nous sommes convaincus que rien ne justifie que la santé du salarié soit dégradée du seul fait de son activité professionnelle. Il n’y a pas de fatalité. Le salarié est un producteur de richesses dont profitent l’employeur ou les actionnaires. Ces derniers doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger l’intégrité du salarié et sa santé au travail, y compris à long terme.

D’ailleurs, la Cour de cassation, se fondant sur l’article L. 4121-1 du code du travail, ne cesse de rappeler que l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés dans l’entreprise. Il doit en assurer l’effectivité.

Il est d’ailleurs convenu que la notion de santé doit recevoir une interprétation large. Elle doit viser tous les facteurs capables d’affecter la santé physique ou mentale et la sécurité du travailleur dans son environnement de travail, ce qui inclut notamment le stress. Cette obligation de résultat, qui excède la simple obligation de moyens, suppose donc que l’employeur agisse par anticipation ou, autrement dit, de manière préventive.

Cette logique d’anticipation suppose que la santé au travail soit une problématique permanente. Elle doit être évaluée régulièrement et, le cas échéant, améliorée. En ce sens, l’accord ou le plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité apparaît être une bonne mesure. De la même manière, l’instauration d’une sanction financière, même symbolique – 1 % de la masse salariale – est un signal fort envoyé aux employeurs comme aux salariés.

En revanche, nous ne vous suivons plus dans la suite de l’article, qui prévoit que le montant de la pénalité est fixé par l’autorité administrative en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité.

Cette disposition laisse à penser que la sanction pourrait en réalité être systématiquement réduite, auquel cas elle n’aurait plus alors aucune valeur, notamment pédagogique et incitative, soit ses aspects les plus importants.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer l’alinéa 6 de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

J’ai eu l’occasion de dire tout à l’heure que nous étions très sensibles à toutes les mesures en faveur de la prise en compte et de la prévention de la pénibilité.

Toutefois, nous sommes évidemment défavorables à l’amendement n° 637 rectifié, qui vise à supprimer l’article 27 ter AA.

L’amendement n° 449 tend à augmenter la pénalité. Or le taux de 1 % représente déjà des sommes importantes et dissuasives. Nous sommes donc défavorables à l’instauration d’un taux de 3 %.

De même, nous sommes défavorables à l’amendement n° 1051, qui vise lui aussi à augmenter ce taux et à le porter à 10 %. C’est irréaliste !

Nous avons déjà dit, à l’occasion de la présentation de l’amendement n° 1050, que nous étions défavorables à l’amendement n° 1052. Les plans d’action ont, bien sûr, toute leur importance.

Enfin, nous sommes également défavorables aux amendements identiques n° 450, 639 rectifié et 1053, qui visent à supprimer l’alinéa 6. Je rappelle que cet alinéa prévoit que le montant de la pénalité est fixé en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité. On nous demande de prendre en compte l’importance de l’effort. C’est totalement irréaliste et contraire à l’esprit du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

M. Dominati n’a pas été assez convaincant !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Certains de ces amendements visent à augmenter le montant de la pénalité, d’autres à le diminuer. Nous devons donc avoir trouvé un équilibre !

Il me paraît évidemment important de laisser la possibilité à l’autorité administrative de moduler la pénalité, conformément à ce que dit le Conseil d’État sur la proportionnalité des peines.

En effet, si une entreprise fait beaucoup d’efforts, mais qu’il lui arrive quelque chose, il est logique qu’il en soit tenu compte. La proportionnalité devrait rassurer M. Dominati, ainsi que les auteurs des autres amendements. Il faut prendre en compte des cas de figure précis et non pas frapper à l’aveugle à hauteur de 1 % du chiffre d’affaires, ce qui représente un montant très important.

Pour ces raisons, je propose que l’on en reste au texte du projet de loi. J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 1051.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Bien qu’ils aient tous des objets différents, ils rassemblent tous les reproches que l’on peut adresser à l’article 27 ter AA.

Ces amendements portent sur la pénalité qui, de notre point de vue, est largement insuffisante. Ils ont également trait à l’autorité administrative. Celle-ci, je l’ai bien compris, monsieur le ministre, pourra éventuellement moduler la pénalité. Elle pourra en diminuer le montant, mais en aucun cas ne pourra l’augmenter – le taux maximum sera de 1 % –, ce qui est pour nous totalement inacceptable.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que, en matière de pénibilité, les entreprises de plus de 300 salariés ont déjà des obligations à respecter. Souvenez-vous que M. Darcos, peu avant la nomination de M. Woerth, nous avait décrit les fameux feux rouges, feux orange et feux verts décernés aux entreprises. Souvenez-vous du tollé que ce dispositif avait suscité au sein du MEDEF. Il avait alors été immédiatement mis fin au classement des entreprises respectant leurs obligations en matière de conclusion d’accord relatif à la prévention de la pénibilité.

Mes chers collègues, cela fait longtemps que de tels accords auraient dû être conclus, mais on n’arrive pas à faire avancer les choses dans ce domaine. En attendant, ce sont les travailleurs qui trinquent parce que rien n’est mis en œuvre dans les entreprises pour lutter véritablement contre la pénibilité et pour protéger la santé des travailleurs. Vous devriez vous en soucier, car le fait que la loi ne soit pas respectée et que les accords ne soient pas signés contribue à affaiblir les ressources de la sécurité sociale.

Pour finir, je rappelle que nous souhaitons la suppression du plan d’action, car il permettra à l’entreprise de se dédouaner bien facilement, et de manière détournée, de ses obligations. Nous connaissons tous ici la valeur d’un plan d’action dans les entreprises. Elle n’est pas la même que celle d’un accord cosigné par les partenaires sociaux.

Mes chers collègues, nous soutiendrons évidemment l’ensemble de ces amendements, y compris l'amendement n° 639 rectifié de M. Dominati, à moins qu’il ne le retire.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 451, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le produit de cette pénalité est affecté à la branche accidents du travail - maladies professionnelles de la sécurité sociale.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Cet amendement, qui concerne la rédaction de l’alinéa 7 de l’article 27 ter AA, a pour objet de faire en sorte que le montant de la pénalité soit affecté non pas à un fonds national de soutien relatif à la pénibilité, mais à la branche accidents du travail - maladies professionnelles, ou branche AT-MP, de la sécurité sociale.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Pourquoi créer un fonds ex nihilo, alors que la branche AT-MP paraît a priori tout indiquée pour recevoir le montant de ces pénalités ?

Et pourquoi nommer ce fonds non pas « fonds de prévention de la pénibilité » mais fonds national de soutien relatif à la pénibilité ? Autant de questions que nous nous posons.

Qui s’agit-il de soutenir ? Les travailleurs victimes de la pénibilité ? Une nouvelle fois, j’en doute. Les employeurs, qui courent un vrai risque, celui de ne pas pouvoir échapper à une pénalité, celui de voir leur responsabilité mise en cause ? Certainement bien plus !

Mes chers collègues, il nous faut anticiper sur le déroulement de notre discussion et nous reporter à l’alinéa 12 de l’article 27 ter A.

On y apprend que le fonds national de soutien relatif à la pénibilité sera destiné à « contribuer aux actions mises en œuvre » par les entreprises couvertes par un accord d’entreprise, mais aussi celles qui sont couvertes par un accord collectif de branche. Il s’agit des entreprises de cinquante salariés et plus qui, en application de la loi, devraient être dotées d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, un CHSCT, mais qui n’en ont pas.

Mais il y a mieux : les recettes du fonds seront constituées par une dotation de l’État, par une dotation de la branche AT-MP et par le produit de la pénalité.

Bien entendu, les proportions respectives de ces dotations ne sont pas précisées, mais on peut aisément présumer, par expérience, que les dotations de l’État et de la sécurité sociale seront très largement majoritaires.

Cette ingénieuse mécanique a été inventée par notre collègue député Pierre Méhaignerie, à qui – nous n’en doutons pas – les organisations patronales ne manqueront pas de rendre hommage.

Il en résulte que les actions de prévention des entreprises, y compris celles qui sont décidées seulement au niveau de la branche, seront en réalité financées par les contribuables, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

via la dotation de l’État, et par la sécurité sociale, via la branche AT-MP, qui est déjà déficitaire.

On demeure admiratif devant une telle ingéniosité. Mais cela ne nous empêche pas de demander que le produit de la pénalité soit affecté en toute transparence à la branche AT-MP de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Dans le cadre des travaux de la commission, j’avais proposé que le produit de la pénalité de 1 % aille vers le fonds national de soutien relatif à la pénibilité plutôt qu’à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV.

Toutefois, mon cher collègue, après vous avoir écouté, je pense que votre proposition est très pertinente, car le fonds est transitoire, créé pour une durée allant jusqu’au mois de décembre 2013. Il me paraît donc intéressant d’affecter directement ce produit à la branche AT-MP.

Par conséquent, la commission a émis un avis de sagesse très favorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Il est logique que le produit de cette pénalité soit affecté à la branche AT-MP. Certes, cette proposition peut être débattue dans la mesure où le fonds est lui-même financé par cette branche. Mais je suis d'accord pour que nous allions à la source.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L'amendement n° 1054, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

Comme cela a déjà été indiqué, l’article 27 ter AA, qui reprend l’article 26 sexies adopté par l’Assemblée nationale, relève plus de l’esbroufe et, pour le moins, de l’effet d’annonce que de la véritable avancée sociale.

Au-delà du fait que, comme nous l’avons plusieurs fois souligné, la conception de la pénibilité retenue par cette réforme relève de la régression sociale, une telle mesure n’aura que peu ou pas de conséquences sur l’amélioration de la prise en compte de la pénibilité par le patronat.

Selon M. le rapporteur, cet article additionnel « a pour objet de mettre en place une pénalité de 1 % de la masse salariale applicable aux entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité. »

Monsieur le ministre, cet article ne concerne que les entreprises de plus de cinquante salariés, ce qui en limite objectivement la portée. De plus, il renvoie à un décret la définition du seuil d’emplois pénibles dans chaque entreprise déclenchant de très éventuelles sanctions.

Ce point est important, car il autorisera que la loi en matière de pénibilité ne soit pas appliquée à des entreprises comprenant aujourd’hui un nombre d’emplois pénibles indéterminés.

Pourquoi fixer un seuil d’emplois pénibles pour la mise en œuvre de sanctions ? Le non-respect vis-à-vis d’un seul salarié ne le justifie-t-il pas ?

L’alinéa 10, que nous vous proposons de supprimer par cet amendement n° 1054, confirme tout le mal que nous pensons de cet article 27 ter AA.

En effet, cet alinéa prévoit que, en l’absence d’accord d’entreprise – ce qui sera fréquent car l’on peut aisément prévoir l’attitude du patronat en la matière –, un simple plan d’action pourra exempter de sanctions les entreprises concernées par l’article.

Une condition est donc rajoutée à celle de l’effectif de salariés exposés à la pénibilité, qui sera – qui peut en douter ? –élevé pour empêcher la mise en œuvre de toute prévention de la pénibilité.

Les pressions du patronat de ces dernières semaines ont donc été efficaces. Chacun le comprendra, sans sanctions réelles, un tel dispositif n’est qu’un vœu pieux.

Il s’agit d’encourager les entreprises, de les orienter, mais certainement pas de les contraindre, sans doute au nom de la compétitivité ou d’autres arguties libérales.

Nous vous proposons donc de supprimer cette disposition, soulignant ainsi que l’article 27 ter AA ne constitue certainement pas un progrès, mais relève plutôt de la mesure d’accompagnement du formidable recul de civilisation que constitue ce projet de casse du droit à la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

À défaut d'accord, nous tenons tout de même au plan d’action. Nous sommes donc défavorables à la suppression de l’alinéa 10.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 452, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Yannick Botrel.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

L’alinéa 11, que nous proposons de supprimer, dispose que les entreprises dont l’effectif est égal ou supérieur à 50 salariés et inférieur à 300 salariés ne sont pas soumises à la pénalité lorsqu’elles sont couvertes par un accord de branche étendu.

Il existe plusieurs domaines du droit du travail où l’accord de branche étendu est d’application tout à fait opportune. Tel peut être le cas, par exemple, pour des classifications ou des durées du travail.

Cette commodité de procédure est particulièrement adaptée pour les entreprises de moins de cinquante ou de vingt salariés, qui ne disposent pas, en général, des moyens pour mener à bien des négociations complexes.

Dans le cas présent, cette disposition est au contraire tout à fait inadaptée. Si nous nous référons au code du travail, dans ses articles L. 4611-1 et suivants, non seulement les entreprises, mais les établissements de cinquante salariés et plus doivent avoir un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en leur sein.

Dans les établissements de moins de cinquante salariés, l’inspecteur du travail peut même imposer la création d’un CHSCT lorsqu’il estime cette mesure nécessaire en raison de la nature particulière des travaux ou des locaux. Un autre article du code du travail prévoit aussi que des entreprises de moins de cinquante salariés peuvent se regrouper pour créer un tel comité.

Je vous ferai grâce de la lecture détaillée de tous les articles du code consacrés aux missions du CHSCT. Je vous rappellerai néanmoins que celui-ci a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux qui sont mis à disposition par une entreprise extérieure.

Selon un autre article, le CHSCT procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs de l’établissement, ainsi qu’à celle des conditions de travail.

Nous nous demandons si les inspirateurs du projet de loi veulent une nouvelle fois contourner le code du travail. Aujourd’hui, 17 % des entreprises de plus de cinquante salariés sont dotées d’un CHSCT, ce qui constitue donc une violation de la loi. Quelles mesures sont prises par le Gouvernement et l’administration du travail, qui est sous sa responsabilité, pour les inciter à en créer ? Aucune, apparemment.

Le Gouvernement semble se satisfaire de cette situation. En l’espèce, il donne le signal qu’il laissera faire, puisque des accords de branche suffiront pour être dispensés de cette pénalité, d’ailleurs symbolique.

En revanche, nous voyons fleurir une nouvelle fois des dispositions de contournement des seuils d’effectifs qui, comme chacun le sait, sont un obstacle au développement économique et une source de problèmes et de perte de temps pour les employeurs.

Du point de vue de la santé et de la sécurité des salariés, une telle attitude est purement et simplement inacceptable. Elle est aussi dangereuse.

Rien ne justifie que les salariés des établissements de cinquante salariés et plus ne négocient pas eux-mêmes des accords de prévention de la pénibilité.

Le risque est que les spécificités des établissements ne soient ni analysées ni prises en compte, et que l’on se contente une nouvelle fois d’appliquer des préconisations de portée générale.

Notre position est au contraire de demander la généralisation effective des CHSCT et des accords de prévention de pénibilité par établissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Dès l’instant où les entreprises sont couvertes par un accord de branche, il est logique qu’elles ne soient pas soumises à la pénalité. L’objectif est bien d’inciter les entreprises, à leur niveau ou à celui de l’accord de branche, à prendre des dispositions en termes de prévention de la pénibilité.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 1055, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Remplacer la date :

1er janvier 2012

par la date :

30 juin 2011

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Par cet amendement, nous vous proposons d’avancer la date d’application du présent article au 30 juin 2011, et non pas au 1er janvier 2012, comme le texte le prévoit.

Tout au long de l’examen du dispositif de sanctions envisagées à l’encontre des entreprises n’engageant pas de politique de prévention de la pénibilité, nous avons exprimé des doutes importants quant à vos intentions réelles.

En effet, les conditions d’effectifs des entreprises, cinquante salariés au minimum, le renvoi à un décret hypothétique de la fixation d’un seuil d’emplois pénibles à partir duquel l’entreprise sera soumise à sanction et, enfin, la possibilité de se contenter d’un plan d’action aux contours bien vagues en l’absence d’accord d’entreprise limitent considérablement le champ d’application du présent article.

Monsieur le rapporteur, vous évoquez les récentes mesures législatives concernant la pénibilité dont sont victimes les seniors. Vous affichez d’ailleurs une belle satisfaction, alors que vous affirmez vous-même que déjà 250 entreprises ont préféré opter pour des sanctions financières.

Quel pourcentage cela représente-t-il, monsieur le ministre ?

De notre point de vue, et malgré les critiques importantes que nous émettons, quel que soit le nombre d’entreprises s’engageant à établir des plans de prévention de la pénibilité, il est important que leur mise en œuvre soit la plus rapide possible et que, parallèlement, les sanctions susceptibles d’être prises le soient également le plus rapidement possible.

Tel est le sens de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Les auteurs de cet amendement nous demandent de raccourcir le délai prévu à l’alinéa 13, en avançant la date d’entrée en application au 30 juin 2011 – c’est demain ! –, alors que nous proposons le 1er janvier 2012. Laissons tout de même le temps aux partenaires sociaux de négocier !

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

L’article 27 ter AA prévoit une pénalité pour les entreprises de 50 salariés et plus, employant une proportion minimale de salariés exposés aux facteurs de risques professionnels, et qui n'auraient pas signé de plan de prévention de la pénibilité.

Il imite en cela les dispositifs existants pour l’égalité salariale entre les hommes et les femmes ainsi que pour l’emploi des seniors.

Ces dispositifs n’ont guère fait la preuve de leur efficacité. L’écart de salaire de 27 % entre les hommes et les femmes reste inchangé depuis plusieurs années. Quant aux dispositifs en faveur de l’emploi des seniors, vous conviendrez que leurs effets tardent aussi à se concrétiser. Gageons que le présent article n’échappera pas à la règle. Il n’a pas été conçu pour affronter un problème mais pour faire croire que le Gouvernement s’en préoccupe.

Le flou sur le montant de la pénalité – égale au maximum à 1 % des gains et rémunérations de ces salariés – entretient le doute : le montant sera-t-il réellement incitatif, ou le principe sera-t-il appliqué avec tant de tact et de mesure qu'il sera inopérant ?

C’est déjà le cas pour la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU : l’obligation de construire des logements sociaux n’est pas respectée par certaines villes, qui préfèrent s’acquitter d'une amende plutôt que de respecter ce que la loi impose.

Enfin, si l’on ne peut pas se plaindre que des plans ou des accords soient conclus, on peut regretter qu’ils le soient souvent a minima, sans que soit engagée une véritable réflexion sur la santé au travail, les conditions de travail, l’ergonomie des postes ou les rythmes de travail. De telles « signatures » servent de brevet de bonne conduite mais n’engagent jamais vraiment les entreprises à changer leur organisation, voire à mettre en place des objectifs précis en la matière.

Alors que la prévention de la pénibilité devrait faire l’objet d'une véritable politique de santé publique, elle est traitée a minima, sous forme de mesures incitatives, dans un cadre dont les articles précédents ont supprimé tout risque coercitif.

Les médecins du travail étant passés sous la tutelle des patrons et ceux-ci remplissant eux-mêmes les fiches des travailleurs exposés à des risques, il y a fort à parier que la sous-estimation des risques, la neutralisation de la médecine du travail et la mise en place de plans de prévention non coercitifs n’amélioreront pas les conditions de travail des salariés.

On ne saurait s’étonner d’un tel constat, le but du projet de loi n’étant pas de reconnaître la pénibilité mais d'anticiper les désagréments qui peuvent en résulter pour l’employeur. L’article 27 ter AA n'a pas d'autre vocation que celle-là et c’est pourquoi le groupe socialiste votera contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’article 27 ter AA prévoit que soit mis en place un dispositif expérimental de compensation de la pénibilité.

Ce dispositif conduira, sous certaines conditions, à ce que les entreprises soient pénalisées en cas de non-conclusion, de non-application ou de non-respect de tels accords.

Bien entendu, je pourrais me contenter de dire que nous refusons que les entreprises pénalisées puissent faire valoir quelque argument que ce soit pour échapper à la pénalité.

Au demeurant, avec l’amendement de M. Dominati et le remplissage des fiches d’exposition prévues par l'article 25, il est fort probable que le recours au contentieux de recouvrement soit plus facile que pénible !

Je me permettrai une observation à ce stade. La pénalité ne sera applicable qu’aux entreprises de plus de 50 salariés ou, quand elles en comptent moins, faisant partie d'une entité économique regroupant au moins 50 salariés. De telles dispositions devraient apaiser nos collègues qui ont tenté de nous apitoyer sur le sort des chefs d’entreprises soumis à la « pénibilité administrative » découlant de l’application des dispositions de l’article 25 !

En France, pour qu’une exploitation agricole emploie plus de 50 salariés, il faut être l’un des bénéficiaires principaux des subventions communautaires ! Ce n’est pas le petit fruiticulteur du Lot-et-Garonne qui est concerné, mais bien plutôt le céréalier beauceron ou le betteravier picard !

Cependant, le champ des obligations étant limité aux entreprises de plus de 50 salariés, comment ne pas relever que ce sont des millions de salariés, travaillant dans de petites ou très petites entreprises, notamment dans le secteur de la sous-traitance – sans parler, bien entendu, du nombre croissant de salariés déguisés en auto-entrepreneurs –, qui ne seront pas concernés par les mesures prétendant luttant la pénibilité ?

C'est donc une ergonomie « au petit pied » qui va peut-être se mettre en place.

Réflexion faite, la pénibilité n’étant pas véritablement combattue, il est probable que, plutôt que d’agir sur l’âge du départ à la retraite, on ne se serve bientôt de ce débat pour servir un autre objectif.

Cet objectif, c'est tout bonnement de donner au patronat des armes nouvelles pour que les contentieux juridiques nés de la pénibilité, du harcèlement moral, des accidents du travail ou plus généralement des conditions de travail puissent être éteints. Toutes ces réalités sont plus que jamais présentes dans le monde du travail actuel.

Ainsi, la « lutte contre la pénibilité » ne constituerait pas une avancée sociale mais bel et bien un recul imposé à l’ensemble des salariés.

C’est pourquoi, sans dramatiser la situation, nous invitons nos collègues à ne pas adopter l’article 27 ter AA. C’est aussi pourquoi nous nous y opposerons par scrutin public.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Monsieur le ministre, le groupe UMP soutient naturellement l’article 27 ter AA, mais il souhaite que puisse être introduite, lors de sa mise en œuvre, parmi les critères d’analyse et d’étude, une comparaison internationale ou au moins européenne.

Celle-ci viserait à faire en sorte que, métier par métier et secteur par secteur, nous puissions éclairer le jugement de nos compatriotes, employeurs ou salariés, quant à la situation à l’échelle européenne, afin que nos orientations soient les plus justes possible mais qu’elles tiennent aussi compte des réalités vécues chez nos partenaires.

Un certain nombre d’entre nous se souviennent, par exemple, du débat sur les règles relatives au pilotage des avions Airbus. Notre pays a été l’un des derniers à accepter – au prix de très lourds conflits sociaux – que le nombre légal de pilotes passe de trois, comme il était d’usage en France, à deux, comme c’était le cas pour toutes les autres compagnies aériennes d’Europe et du monde.

Je crois par conséquent qu’il serait utile d’introduire d’emblée une comparaison de la France avec les autres pays développés de l’Union au cœur de l’analyse des situations, catégorie par catégorie, pouvant aboutir à des accords de branche.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Monsieur le président du groupe UMP, j’ai bien noté votre proposition.

Bien sûr, je la juge tout à fait pertinente. Il faut évidemment éviter de mettre à la charge des entreprises, notamment des TPE, des obligations pouvant nuire à leur compétitivité ; il est vrai aussi que de bonnes conditions de travail et la réduction de la pénibilité sont absolument nécessaires aux salariés sans être, tant s’en faut, antiéconomiques pour l’entreprise.

Il est donc vrai que nous devons progressivement réaliser des comparatifs européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix l'article 27 ter AA, modifié.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Voici le résultat du scrutin n° 59 :

Le Sénat a adopté.

Le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, placé auprès du ministre chargé du travail, participe à l’élaboration de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, ainsi que d’amélioration des conditions de travail.

Le Conseil d’orientation sur les conditions de travail comprend un comité permanent, une commission générale et des commissions spécialisées.

Son comité permanent est assisté d’un observatoire de la pénibilité chargé d’apprécier la nature des activités pénibles dans le secteur public et le secteur privé, et en particulier celles ayant une incidence sur l’espérance de vie. Cet observatoire propose au comité permanent toute mesure de nature à améliorer les conditions de travail des salariés exposés à ces activités.

Un comité scientifique a pour mission d’évaluer les conséquences de l’exposition aux activités identifiées comme pénibles par l’observatoire de la pénibilité sur l’espérance de vie avec et sans incapacité des travailleurs. La composition de ce comité scientifique est fixée par décret.

La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président, il n’y aura qu’une seule intervention pour le groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

L’article 27 ter AB vise à créer un comité scientifique œuvrant auprès de l’observatoire de la pénibilité, qui lui-même assiste le comité permanent, lequel siège au sein du Conseil d’orientation sur les conditions de travail.

Ce comité scientifique aura pour mission d’évaluer les conséquences de l’exposition aux activités identifiées comme pénibles par l’observatoire de la pénibilité sur l’espérance de vie avec ou sans incapacité des travailleurs.

Nous nous opposons pourtant au Gouvernement quant à la composition du comité scientifique, fixée par décret.

L'observatoire de la pénibilité identifiera – peut-être – une activité comme pénible et ayant des conséquences sur la santé des travailleurs. Alors, le comité scientifique pourra – peut-être – travailler pour déterminer s’il s’agit effectivement d’une activité ayant des conséquences, même différées, sur la santé !

Nous sommes pour notre part très choqués par cette attitude qui consiste à toujours remettre à plus tard des mesures qu’il faudrait prendre aujourd'hui.

Mettre en place un énième comité scientifique pour prouver ce que chacun sait déjà, c’est presque faire preuve de mépris à l’égard des travailleurs qui, eux, n’ignorent pas que tel travail a des effets très néfastes sur leur santé.

A-t-on besoin d’une nouvelle étude pour prouver que la terre est ronde ? Non, elle l’est ! Il en va de même en matière de pénibilité. Il a déjà été prouvé qu’un travail dur et pénible écourtait la durée de vie, et que la pénibilité avait des effets différés.

En matière de pénibilité et de souffrance au travail, que de temps passé, mes chers collègues, à observer, mais surtout à ne rien faire pour que les choses changent ! Les accords en faveur de la prévention de la pénibilité que vous venez d’adopter ne changeront pas grand-chose pour les salariés des TPE et des PME. On crée des comités, des observatoires, des missions d’évaluation, on édite des rapports et encore des rapports.

Savez-vous que la France est actuellement un des pays au monde où les travaux relatifs aux conséquences de toutes les formes de pénibilité sur la santé des travailleurs – physique et morale – sont les plus nombreux, les plus fiables et les plus diversifiés ?

Oser prétendre que les études scientifiques n’ont pas encore établi qu’un travail pénible peut avoir des conséquences différées sur la santé et qu’elles ne permettent pas de mesurer le seuil à partir duquel la soumission à ces facteurs de risques et de souffrance influe sur l’espérance de vie n’est pas digne, mes chers collègues, de notre société.

Depuis longtemps, nous savons mesurer l’incidence de la pénibilité des conditions de travail sur la santé. C’est d’ailleurs ce qui figure dans les conclusions du rapport de la mission d’information sur le mal-être au travail, présidé par M. Dériot et auquel j’ai participé avec M. Godefroy et d’autres de mes collègues. Personne ne pourra dire qu’on ne le savait pas.

Le seul problème, c’est que vous ne voulez pas agir, car les effets différés de la pénibilité comme les risques psychosociaux sont des épouvantails pour le MEDEF. À l’heure actuelle, il est hors de question que vous avanciez d’un pouce sur ces sujets.

Cela rappelle les affirmations des fabricants de tabac ou d’amiante qui, jusqu’au bout, ont nié que les produits qu’ils fabriquaient et qu’ils faisaient respirer à leurs salariés pouvaient avoir la moindre conséquence néfaste pour la santé.

Il est donc urgent d’attendre, et pour enterrer le problème, vous créez une commission, en l’occurrence, ici, un comité scientifique ! Pis encore, vous prévoyez de laisser passer plusieurs années avant que celui-ci ne puisse intervenir !

Nous espérons que certains scientifiques auront le courage de vous dire que ce comité est un faux-fuyant.

Face à votre proposition, nous avons failli déposer un amendement de suppression. Puis, de manière plus pragmatique, nous avons décidé d’essayer de modifier la composition de ce comité pour le cas où il pourrait avoir une véritable utilité.

Nous interviendrons donc sur la composition de ce comité que vous souhaitez définir par décret, et nous vous proposerons un mode de désignation qui ne sera pas soumis à l’influence politique.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 877, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

en bonne santé

La parole est à M. Guy Fischer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, créé par décret du 27 novembre 2008, est censé participer, selon les termes mêmes dudit décret, « à l’élaboration de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, ainsi que d’amélioration des conditions de travail ». Il a un rôle consultatif et peut formuler des recommandations et des propositions en la matière.

Il se compose d’un comité permanent assisté d’un observatoire de la pénibilité, d’une commission générale et de six commissions spécialisées.

L’observatoire de la pénibilité est chargé d’apprécier la nature des activités pénibles dans le secteur public et le secteur privé, en particulier celles qui ont une incidence sur l’espérance de vie. C’est lui qui propose au comité permanent toute mesure de nature à améliorer les conditions de travail des salariés exposés à ces activités pénibles.

À l’Assemblée nationale, comme aujourd’hui au Sénat, la commission saisie au fond a proposé de reconnaître l’existence de cet organisme et de son observatoire de la pénibilité au niveau législatif.

La formule peut paraître étrange, sauf si l’on se penche sur le fonctionnement du COCT. Que constate-t-on ? C’est le ministre du travail qui a la main, c’est lui qui préside à la fois le COCT, le comité permanent et l’observatoire de la pénibilité. Cet observatoire devait être réuni au plus tard au début de l’année 2010. L’a-t-il été ? Nous ne trouvons aucune trace de ses travaux sur le site du ministère du travail ou du COCT, qui ne font qu’un en réalité.

Rien donc sur l’observatoire de la pénibilité alors qu’il est censé « apprécier la nature des activités pénibles dans le secteur public et le secteur privé ».

Dois-je rappeler que, lors de l’installation du COCT en 2009, Brice Hortefeux l’avait présenté comme « l’un des aboutissements concrets de la politique du Président de la République : rénover la démocratie sociale et revaloriser le travail » !

Aujourd’hui, vous créez au sein du COCT un nouveau comité, cette fois scientifique. Mais encore devra-t-il être réuni lui aussi un jour…

J’avoue que la création, sur proposition du Gouvernement, d’un comité scientifique chargé « d’évaluer les conséquences de l’exposition aux activités identifiées comme pénibles par l’observatoire de la pénibilité sur l’espérance de vie avec et sans incapacité des travailleurs » donne finalement raison à notre amendement.

Comme nous le disons depuis le début de ce débat, la notion « d’espérance de vie » n’est pas le bon curseur. En effet, ce critère cache des disparités bien trop grandes. C’est la raison pour laquelle nous préférons lui substituer la notion « d’espérance de vie en bonne santé », c'est-à-dire une espérance de vie sans limitation d’activité ou sans incapacité majeure liée à des maladies chroniques, aux séquelles d’affections aiguës ou de traumatismes, ce second critère évoluant moins vite que le premier.

Voilà pourquoi nous souhaitons que ce texte prenne en compte tous les types de pénibilité, y compris ceux dont les effets sur la santé sont différés. C’est le cas des métiers exercés dans un environnement agressif et des métiers concernés par des rythmes de travail pénibles.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Madame David, je ne comprends pas votre impatience. Nous ne pouvons plus nous contenter de discours incantatoires.

Aujourd'hui, monsieur Fischer, la démocratie sociale est ce qu’elle est ! Elle a ses limites. Nous avons besoin d’un comité scientifique pour évaluer la relation possible entre les facteurs retenus en termes de pénibilité et les risques d’altération de la vie et de l’état de santé des salariés. La création de ce comité scientifique, selon moi, est un point de passage obligé pour prendre en compte la pénibilité différée.

L’adoption de l’amendement n° 877 restreindrait le champ d’étude de l’observatoire de la pénibilité aux seules activités pénibles ayant des conséquences sur l’espérance de vie en bonne santé. La commission ne peut qu’être défavorable à une telle proposition.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le rapporteur, vous dites ne pas comprendre mon impatience. Selon vous, le comité scientifique doit être créé et doit pouvoir travailler sur les conséquences de l’exposition aux activités pénibles. Mais enfin, mes chers collègues, des scientifiques ont déjà démontré la nocivité de certaines tâches pénibles ou de certains produits !

N’avez-vous pas été alertés par ce qui s’est passé avec l’amiante ? Allez-vous laisser se reproduire de tels drames ?

Aujourd’hui, nous savons qu’il existe des travaux pénibles dans les entreprises et que l’espérance de vie en bonne santé est fonction de la catégorie socioprofessionnelle à laquelle on appartient. Et vous nous dites qu’il va falloir attendre qu’un comité scientifique étudie les conséquences de l’exposition aux activités identifiées comme pénibles par l’observatoire de la pénibilité du COCT, qui proposera ensuite des mesures !

Monsieur le ministre, combien de fois le fameux observatoire de la pénibilité du COCT s’est-il réuni? Il me semble qu’il ne s’est pas réuni souvent, pour ne pas dire jamais !

Si le comité scientifique se réunit aussi souvent que l’observatoire de la pénibilité, nous ne sommes pas près d’avoir des résultats, je vous le garantis ! En attendant, les salariés continueront à être exposés à des travaux pénibles, dangereux, à inhaler des produits nocifs qui leur provoqueront des cancers à peine arrivés à l’âge de la retraite. Je pense, dans mon département, aux salariés de la plate-forme chimique de Jarrie qui ont été atteints par l’amiante et par les produits classés CMR, cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques. Le nombre de salariés atteints de cancer et morts avant l’âge de 60 ans, monsieur le ministre, devrait vous faire réfléchir.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Vous venez de dire à M. Longuet qu’il était important pour la productivité des entreprises que les salariés soient en bonne santé. Vous devriez envisager cette question sous cet angle…

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Tout à fait ! Puisque vous êtes sensible à l’argument de la rentabilité, sachez que la bonne santé des travailleurs participe, évidemment, à la productivité et à la rentabilité des entreprises.

Nous ne sommes pas opposés à la création du comité scientifique, mais, d’une part, nous n’en connaissons pas la composition – elle sera fixée par décret – et, d’autre part, nous ne savons pas quand il se réunira puisque l’observatoire de la pénibilité du COCT ne se réunit jamais. Sur quelles bases ce comité se réunira-t-il ? Quels problèmes étudiera-t-il ? Quelles propositions avancera-t-il ?

Nous connaissons déjà les facteurs de pénibilité. Même le MEDEF est d’accord sur certains d’entre eux, notamment pour les travaux physiques qui nécessitent le maniement de poids et de charges lourdes. Les problèmes liés à l’inhalation de certains produits sont admis, même si le MEDEF a encore du mal à les reconnaître. Le MEDEF est également à peu près d’accord sur les horaires atypiques et décalés. Dans de nombreuses entreprises, il existait des accords que toutes vos mesures vont mettre à bas. Je pense, par exemple, aux accords concernant les salariés, dans la chimie, la papeterie ou l’aluminium, qui font les trois-huit, sept jours sur sept, trois cent soixante-cinq jours par an, jours fériés compris, pour ne pas arrêter l’outil de production. C’est aussi cela la rentabilité !

Nous savons que de telles pratiques nuisent gravement à la santé des travailleurs. Quel besoin y-a-t-il encore de donner du grain à moudre à un comité de scientifiques ?

Toutes ces questions, mes chers collègues, sont réelles et légitimes. C’est pourquoi nous ne sommes pas opposés, sur le principe, à la création d’un comité scientifique. Mais à quoi servira celui-ci par rapport à tous ceux qui existent déjà, sinon à repousser encore un peu plus les mesures nécessaires pour répondre aux besoins urgents des employés en matière de prévention de la pénibilité au travail ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Madame la sénatrice, la bonne santé des personnes au travail n’est pas uniquement importante pour les entreprises. Elle est surtout importante pour les travailleurs eux-mêmes.

Plusieurs sénateurs du groupe CRC-SPG s’esclaffent.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Vous avez tendance à penser que nous sommes uniquement intéressés par la productivité des entreprises : non, ce qui nous intéresse, c’est que les Françaises et les Français soient en bonne santé !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

C’est justement pour cette raison que nous créons un droit nouveau : la compensation de la pénibilité.

Le comité scientifique est différent de l’observatoire de la pénibilité. Il a pour mission opérationnelle très précise de réaliser des études épidémiologiques afin de rapprocher un facteur de risque de la population qui y est soumise et d’étudier dans quelles conditions cette population est effectivement affectée par ce risque.

Il existe, bien sûr, des études sur le travail de nuit, mais elles sont extrêmement parcellaires. Il suffit d’en discuter avec M. Lasfargues ou avec des spécialistes sur le plan international pour s’en convaincre. Le comité scientifique aura donc pour mission de guider le Gouvernement ou les gouvernements à venir dans l’élaboration des politiques visant à améliorer la prise en compte de la pénibilité, …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… notamment de la pénibilité différée.

Faute de prendre en compte ces aspects, d’établir réellement le lien entre la pénibilité et la santé ou de clarifier le facteur d’exposition, une énorme injustice se créera entre le salarié qui pourra partir plus tôt à la retraite parce qu’il aura été soumis à de la pénibilité, dans des conditions qui restent à préciser, et celui qui ne le pourra pas.

Tel est le rôle du comité scientifique. C’est un rôle très opérationnel. Évidemment, ce comité se réunira puisqu’un rendez-vous est pris en 2013 pour la remise des travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous espérons véritablement, monsieur le ministre, que ce comité scientifique ne suivra pas les traces de l’observatoire de la pénibilité. Nous insistons sur ce point, parce que nous souhaiterions savoir quand cet observatoire a été réuni et quels ont été les résultats de ses travaux. Par ailleurs, le fait que la composition de ce nouveau comité relève d’un décret nous inquiète particulièrement.

Nous disons, quant à nous, que tous les types de pénibilité, immédiate comme différée, doivent être pris en compte dans ce texte. En la matière, la littérature scientifique ne manque d’ailleurs pas et de nombreuses études ont démontré l’existence de la pénibilité à effet différé. C’est donc tout de suite qu’il faut prendre la responsabilité de la traiter et non la renvoyer vers un énième comité, sous peine de voir cette question tomber aux oubliettes !

Le choix du critère de l’espérance de vie ne permet pas d’assurer aux salariés concernés par les métiers pénibles, notamment lorsque leurs effets sont différés, la capacité de vivre une retraite en pleine santé comme les autres salariés. Je rappelle que les femmes ont théoriquement une espérance de vie de 84 ans, mais on retombe à 64 ans pour l’espérance de vie en bonne santé ; pour les hommes, on passe de 77 ans à 63 ans ! Et vous voulez les faire travailler jusqu’à 67 ans !

Au final, vous proposez bien de renoncer au principe le plus fondamental du droit à la retraite : permettre l’épanouissement de chacun après une vie de travail. Cette exigence, nous comptons la défendre avec nos amendements.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 510 rectifié est présenté par M. Gilles, Mlle Joissains, Mme Desmarescaux et MM. P. Dominati, Cambon, Trillard, Revet et Milon.

L’amendement n° 585 est présenté par MM. About et A. Giraud, Mme Payet, M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

L’observatoire de la pénibilité du Conseil d’orientation sur les conditions de travail est composé de représentants de l’État, de représentants des organisations d’employeurs les plus représentatives au plan national, de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national interprofessionnel et de personnalités qualifiées.

La parole est à M. Charles Revet, pour défendre l’amendement n° 510 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Cet amendement vise à préciser la composition de l’observatoire de la pénibilité, afin de s’assurer de la représentativité de tous les employeurs et syndicats de salariés. Il tend donc à reprendre les critères de composition du Conseil d’orientation sur les conditions de travail pour définir ceux qui détermineront la composition de l’observatoire de la pénibilité créé en son sein.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Nicolas About, pour présenter l’amendement n° 585.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Cet amendement est défendu, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 493, présenté par M. Milon, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L’observatoire de la pénibilité du Conseil d’orientation sur les conditions de travail est composé de représentants de l’État, de représentants des organisations d’employeurs les plus représentatives au plan national, de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national interprofessionnel et de personnalités qualifiées. Le décret mentionné à l’alinéa précédent précise la composition et les modalités d’organisation de ce comité.

Cet amendement n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Les amendements n° 510 rectifié et 585 tendent à préciser la composition de l’observatoire de la pénibilité. Ces dispositions relèvent a priori du domaine réglementaire. La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je souhaite simplement préciser que nous avions rectifié, avant la séance, notre amendement n° 1056 rectifié, afin qu’il porte sur l’alinéa 3 de l’article 27 ter AB actuellement en discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Effectivement, mon cher collègue, il convient de rattacher cet amendement à la discussion commune.

J’appelle donc en discussion l’amendement n° 1056 rectifié bis, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La composition de cet observatoire de la pénibilité devra se faire selon une procédure qui garantit l’objectivité scientifique de ses travaux, la pluralité de ses membres et l’indépendance de cette structure vis-à-vis du politique. Les règles de désignation de ses membres, fixées par décret, s’inspirent de celles du Conseil d’orientation sur les conditions de travail.

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet amendement visait initialement l’alinéa 4, mais, comme M. le rapporteur a déposé un amendement pour supprimer cet alinéa, notre amendement risquait de subir un sort dramatique à nos yeux, en devenant sans objet. Nous l’avons donc rectifié avant la séance pour le rattacher à l’alinéa 3, afin qu’il soit présenté dans la discussion commune.

Cet amendement s’inspire de la même philosophie que les deux amendements identiques précédents : nous demandons, nous aussi, une clarification de la composition de l’observatoire de la pénibilité. J’ai entendu M. le ministre émettre un avis favorable sur ces deux amendements ; le nôtre ne connaîtra vraisemblablement pas le même sort, puisque nous allons un peu plus loin que nos collègues.

Nous souhaitons en effet que la composition de cet observatoire garantisse « l’objectivité scientifique de ses travaux, la pluralité de ses membres et l’indépendance de cette structure vis-à-vis du politique ».

Le mode de nomination des membres de l’observatoire devrait donc s’inspirer – pourquoi pas ? – de celui des membres du COCT. Au moins, nous pourrions être ainsi assurés du pluralisme de sa composition. Si, en plus, des scientifiques indépendants y siègent, les travailleurs dans leur ensemble ne pourront qu’être rassurés quant aux conclusions de ses travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

L’adoption des amendements n° 510 rectifiés et 585 devrait donner satisfaction aux auteurs de cet amendement. L’avis de la commission est donc défavorable.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

En conséquence, l’amendement n° 1056 rectifié bis n’a plus d’objet.

L’amendement n° 878, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les conclusions de l’Observatoire de la pénibilité sont rendues publiques.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

Cet article énumère les dispositifs prévus par le texte en matière d’évaluation de la pénibilité du travail selon les secteurs. Ainsi, messieurs les ministres, vous prévoyez que le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, dont le rôle sera de participer à l’élaboration de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, sera épaulé, dans sa mission, par un observatoire de la pénibilité, chargé d’apprécier la nature des activités pénibles dans le secteur public et le secteur privé, en particulier lorsqu’elles ont une incidence sur l’espérance de vie.

L’observatoire aura alors pour rôle de proposer au comité de pilotage des régimes de retraite toute disposition visant à prendre en compte la pénibilité au regard de l’âge de départ à la retraite.

L’enjeu lié à la prise en compte de la pénibilité est considérable. Année après année, des centaines de milliers d’hommes et de femmes usent leur santé au travail, vieillissent prématurément et ne bénéficient, de ce fait, que d’une retraite écourtée. Une des priorités d’une réforme juste devrait être l’éradication de ces situations. Or la France est en retard dans ce domaine, parce que l’on a refusé de mettre en place un système de réparation digne de ce nom.

Malheureusement, les mesures que vous proposez ne feront qu’empirer la situation. En faisant de la constatation d’un handicap la condition d’accès au dispositif, le projet gouvernemental actuel ne répond donc pas au problème posé.

En effet, les salariés qui ont dû supporter des dizaines d’années de travaux pénibles ne sont pas, dans la majorité des cas, des malades ou des handicapés, mais des personnes dont l’espérance de vie est écourtée du fait des contraintes de travail subies.

Si le dispositif prévu par cet article met en place un système d’évaluation de la pénibilité par secteur, il semble toutefois trop faible pour répondre au problème de politique publique posé.

D’une part, la composition du comité scientifique de cet organisme sera fixée par décret, ce qui relativise grandement sa nécessaire neutralité ainsi que sa représentativité. D’autre part, et c’est là l’objet de notre amendement, les conclusions et recommandations de l’observatoire de la pénibilité ne sont soumises à aucune condition de publicité et donc, de fait, très peu contraignantes. Il nous paraît donc essentiel de modifier cet article afin de rendre obligatoire la publicité des travaux de l’observatoire de la pénibilité, si l’on veut qu’elles aient une utilité réelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Rendre publiques les conclusions de l’observatoire de la pénibilité me semble être une précision utile. La commission a donc rendu un avis de sagesse favorable.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est favorable… avec sagesse !

Sourires.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L’amendement n° 1207, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Je propose une suppression de l’alinéa 4. En effet, la commission a réécrit le titre IV en le divisant en trois chapitres respectivement relatifs à la prévention de la pénibilité, à la compensation de celle-ci et aux dispositions communes. La suppression de cette disposition précède sa réinsertion à un autre niveau du texte.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Avis favorable.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 662, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé:

Sur la base des travaux du comité scientifique chargé d’évaluer les conséquences de l’exposition aux facteurs de pénibilité, le conseil d’orientation sur les conditions de travail présente au Gouvernement, avant la fin du deuxième semestre 2013, des recommandations sur les situations de pénibilité à effets différés à prendre en considération et pour lesquelles il préconise l’extension du dispositif de compensation prévu par l’article L. 4121-3-1 du code du travail.

Cet amendement n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l’article 27 ter AB, modifié.

L’article 27 ter AB est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Chapitre II

Compensation de la pénibilité

[Division et intitulé nouveaux]

La section 1 du chapitre Ier du titre V du livre III du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 351-1-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 351-1-4. – I. – La condition d’âge prévue au premier alinéa de l’article L. 351-1 est abaissée, dans des conditions fixées par décret, pour les assurés qui justifient d’une incapacité permanente au sens de l’article L. 434-2 au moins égale à un taux déterminé par décret, lorsque cette incapacité est reconnue au titre d’une maladie professionnelle mentionnée à l’article L. 461-1 ou au titre d’un accident de travail mentionné à l’article L. 411-1 et ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle.

« II. – La pension de retraite liquidée en application du présent article est calculée au taux plein même si l’assuré ne justifie pas de la durée requise d’assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires.

« III. – Les I et II sont également applicables à l’assuré justifiant d’une incapacité permanente d’un taux inférieur à celui mentionné au I, sous réserve :

« a) Que le taux d’incapacité permanente de l’assuré soit au moins égal à un taux déterminé par décret ;

« b) Que l’assuré ait été exposé, pendant un nombre d’années déterminé par décret, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail ;

« c) Qu’il puisse être établi que l’incapacité permanente dont est atteint l’assuré soit directement liée à l’exposition à ces facteurs de risques professionnels.

« Une commission pluridisciplinaire dont l’avis s’impose à l’organisme débiteur de la pension de retraite est chargée de valider les modes de preuve apportés par l’assuré et d’apprécier l’effectivité du lien entre l’incapacité permanente et l’exposition aux facteurs de risques professionnels. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de cette commission ainsi que les éléments du dossier au vu desquels elle rend son avis sont fixés par décret. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Cet article soulève des difficultés de compréhension et d’application dans les domaines d’ouverture de droits concernés. Il présente aussi une intrication avec un dispositif déjà existant : cela aura pour conséquence une inégalité de traitement des assurés sociaux et des coûts pour l’ensemble du système de retraite par répartition.

S’agissant des difficultés de compréhension et d’application dans les domaines d’ouverture de droits concernés, le dispositif de cet article vise les incapacités reconnues « au titre d’une maladie professionnelle mentionnée à l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ou au titre d’un accident du travail mentionné à l’article L. 411-1 et ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle. »

Dans le cadre des maladies professionnelles listées, certaines peuvent faire référence à des lésions que l’on peut voir reconnaître au titre d’un accident de travail et non d’une maladie professionnelle selon le contexte de survenue.

Cependant, il est à noter que la reconnaissance en maladie professionnelle ne vise pas que les maladies listées. Certaines affections ou lésions peuvent être reconnues en maladies professionnelles, dès lors qu’elles sont stabilisées et que le taux d’incapacité est supérieur à 25 %, comme le prévoit l’alinéa 3 de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale.

Ce dernier dispositif de reconnaissance est dynamique, sans cesse en voie de construction et d’extension au gré des demandes de reconnaissance instruites par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles. Dans ce contexte élargi, tous les types de lésions peuvent faire l’objet de reconnaissance, ce qui soulèvera des difficultés lors de l’application du texte sur la réforme des retraites.

J’en viens à l’intrication avec un dispositif déjà en place. En effet, l’article L. 351-7 du code de la sécurité sociale ouvre déjà la possibilité de bénéficier d’une retraite dès 60 ans avec application du taux plein, malgré l’absence du nombre requis de trimestres ; l’avis sur inaptitude alors relève du médecin conseil. L’appréciation s’effectue en tenant compte de l’ensemble des incapacités lésionnelles, quelle que soit leur origine légale : droit commun, accident de travail, maladies professionnelles, maladies, etc.

Le fait de laisser subsister deux dispositifs visant des taux d’incapacité différents et des critères de reconnaissance différents pour une même finalité, celle de l’inaptitude au travail, posera donc un problème de cohérence.

Tout cela n’est pas sans conséquence en termes d’iniquité de traitement des assurés sociaux.

La coexistence de deux systèmes de reconnaissance d’une même prestation selon des critères différents sera source d’iniquité.

Le maintien d’un seul système visant à reconnaître le droit à la retraite par inaptitude dès lors que des lésions atteignant un taux d’incapacité seraient obtenues uniquement dans le cadre d’une maladie professionnelle serait également inéquitable pour les assurés porteurs de ces mêmes lésions mais apparues dans un cadre différent, accident de droit commun ou simple maladie.

Il paraît également inéquitable d’exclure du dispositif des lésions de tous types n’entrant pas dans le cadre des maladies professionnelles mais relevant de celui des accidents du travail et atteignant des incapacités de même niveau.

L’ensemble de ce constat pourrait faire l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel.

En conclusion – je vous prie de m’excuser pour la technicité de mon intervention –, le nouveau dispositif de retraite par inaptitude que vous nous proposez, monsieur le ministre, nous paraît inachevé, redondant, inéquitable et coûteux.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. David Assouline, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet article peut être considéré comme un nouveau tour de passe-passe de la part du Gouvernement.

La prise en considération de la pénibilité aurait dû permettre de déboucher sur une possibilité de départ en retraite anticipée. Vous avez décidé que cela ne se ferait pas. Et vous avez bricolé à cette fin un dispositif de prise en compte de l’incapacité permanente individuelle qui n’apporte rien de nouveau et aucun progrès pour tous ceux qui ont eu à subir un travail pénible.

L’astuce consiste à ne pas prendre en compte l’exposition à un travail pénible, mais seulement les séquelles éventuelles à l’instant T.

De plus, cette procédure de reconnaissance individualisée vous permet de ne pas considérer les maladies à effet différé. Vous savez parfaitement que la majorité des cancers dus à l’exposition et à la manipulation de produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, CMR, se déclenche plusieurs années après la fin d’activité professionnelle.

On reste donc dans le dispositif préexistant, sans rien de nouveau. Vous gagnez ainsi sur les deux tableaux.

D’abord, vous ne reconnaissez pas la pénibilité. Vous contournez la notion, tout en l’inscrivant dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Comme nous l’avons déjà dit, vous n’expliquez surtout pas en quoi elle consiste, car cela vous entraînerait à reconnaître qu’elle pourrait avoir des conséquences sur tous ceux qui y sont exposés.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ensuite, et grâce à cela, vous mettez en place une procédure individualisée.

Des esprits malintentionnés pourraient dire que cette procédure ressemble à celle que proposait le MEDEF lors des dix-huit séances de négociation inabouties avec les syndicats sur le sujet. Mais c’est inexact. Elle ne lui ressemble pas. C’est la même. Mot pour mot.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C’est une procédure qui ne reconnaît pas la pénibilité du travail, qui oblige chaque salarié abîmé à passer devant une commission qui déterminera son taux d’incapacité.

Vous vous prévalez du taux de 10 % d’invalidité, que vous auriez concédé comme un cadeau, alors qu’il ne concernera que 5 % des salariés tout au plus, soit environ 30 000 personnes. Pourtant, le nombre de salariés exposés aux substances CMR, aux horaires de nuit et décalés, au bruit, au port de charges lourdes est bien plus important.

Aujourd'hui, 3 700 000 salariés travaillent de nuit, régulièrement ou non ; 1 700 000 personnes sont exposées aux produits toxiques. II n’est pas honnête de prétendre que l’on fait une réforme sociale avec des chiffres pareils.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Et surtout – puisque vous n’arrêtez pas de dire qu’il y a une prise en compte, un progrès par rapport à l’existant – quel progrès cette réforme représente-t-elle ? Absolument aucun, monsieur le ministre.

Qu’accorderez-vous aux victimes de la pénibilité ? Je dis bien « victimes » puisqu’un taux d’incapacité partielle permanente leur sera reconnu.

Vous leur accorderez royalement, au mieux, le droit de partir en retraite à 60 ans. Vous leur accorderez ce qu’ils ont déjà aujourd’hui sans incapacité. Le progrès aurait été, et c’est ce que vous aviez promis en signant les accords de 2003 qui maintenaient l’âge légal de départ à 60 ans, d’avoir une possibilité de partir avant 60 ans.

En résumé, il faudra être reconnu invalide pour partir à 60 ans. En fait, une fois de plus, votre réforme est une régression, fondée sur la compassion des puissants envers ceux qui n’ont pour patrimoine que l’espoir de leur retraite.

Ce qui est encore un droit pour tous aujourd’hui, parce que la gauche l’a voulu, devient un avantage qu’il faudra demander et pour lequel il faudra en somme passer un examen. Je ne vous dis pas, pour ceux qui ont fait une carrière longue, qui ont trimé toute leur vie, l’humiliation que cela représentera !

Ce procédé et la publicité mensongère qui l’accompagne sont intolérables au regard de ce que vivent aujourd’hui les travailleurs, au regard de l’usure et des souffrances des plus exposés.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, disons-le d’emblée, si d’aucuns se font violence pour abandonner un travail gratifiant, nombre de salariés attendent plutôt leur retraite comme une libération, a fortiori dans les secteurs pénibles.

Même après les maigres concessions consenties en septembre par le Président de la République, le volet « pénibilité » de cette réforme des retraites est totalement insuffisant.

Il est insuffisant parce que ne pourront partir en retraite anticipée que les personnes ayant un taux d’incapacité permanente supérieur à 20 % ou supérieur à 10 % à condition de prouver que « l’incapacité est directement liée à l’exposition à des facteurs de risques professionnels ». N’oublions pas d’ailleurs que le projet de loi initial prévoyait une condition d’IP de 20 %. Le Gouvernement a concédé la diminution du taux de 20 % à 10 % contre l’insertion dans le texte de conditions de preuve, de lien direct et l’aval d’une commission dont on ignore la composition.

Mais ce volet est aussi et surtout inacceptable parce qu’il exclut des personnes qui, à 60 ans, n’ont pas de séquelles physiques mais dont l’espérance de vie est pourtant réduite, en raison même de leurs conditions de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Tel est évidemment le cas des personnes exposées à des produits cancérigènes, comme l’amiante, mais comme aussi de nombreux autres produits largement présents en milieu de travail. Le Gouvernement ne peut pas feindre d’ignorer que les deux tiers des cancers d’origine professionnelle se déclarent après l’âge de 60 ans.

Seront également exclues de ce dispositif les personnes travaillant de nuit ou portant des charges lourdes, dont il est pourtant démontré l’impact en termes d’espérance de vie et encore plus en termes d’espérance de vie en bonne santé.

Je ne comprends pas pourquoi vous refusez d’entendre, monsieur le ministre, que le travail posté, le travail de nuit ou l’exposition quotidienne à des substances toxiques ont des conséquences sur la santé et sur la durée de vie.

Ils sont pourtant de plus en plus nombreux ces quinquas usés par des carrières longues aux conditions de travail difficiles pour qui la retraite ne sera qu’un bref moment de répit avant de fermer les yeux.

Vous vous entêtez à ne pas vouloir entendre. Ainsi, pour vous, il faut être invalide ou handicapé pour partir plus tôt à la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Mais que signifie pouvoir partir plus tôt : est-ce que cela correspond à 50 ans ou à 55 ans ? Non ! Lorsque le Gouvernement annonce dans tous les médias que les salariés concernés pourront partir plus tôt, cela signifie qu’il faudra attendre 60 ans, c’est-à-dire à peine quelques mois avant les autres ! Mais 60 ans, c’est déjà l’âge auquel ils partent aujourd’hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

On cherche donc désespérément où se cache le progrès dans ce prétendu nouvel acquis social !

Le Gouvernement a cherché à leurrer nos compatriotes sur un sujet aussi sensible que la santé de chacune et chacun en tentant de leur vendre l’invalidité et l’inaptitude comme étant une prise en compte de la pénibilité du travail. Cela fait sans conteste de cet article l’un des plus cyniques de votre projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

A contrario, ce que nous proposons, c’est une approche plus globale, qui ne définisse pas des métiers pénibles mais des facteurs de pénibilité et ouvre à tous les salariés concernés le droit à une juste compensation. Ils bénéficieraient ainsi, en fonction des années d’exposition, de majoration de cotisations ou de bonification de trimestres pour pouvoir partir plus tôt en retraite, avec l’ensemble des trimestres exigés par le droit commun.

Franchement, ce débat est surréaliste parce que, nous, nous parlons de pénibilité quand, vous, vous n’en parlez pas. Il est surréaliste parce que nous privilégions une logique juste et collective, ce qui n’exclut pas l’accès individuel, quand, vous, vous faites le choix d’une logique purement individualiste et médicalisée. Certes, c’est plus simple, ça ne coûte pas cher, mais ça ne règle pas le problème.

Permettez-moi un dernier mot concernant l’application de l’article 40 de la Constitution.

Quatre amendements que nous avions prévu de déposer sur cet article 27 ter AC ont été déclarés financièrement irrecevables. Ils prévoyaient d’assouplir les conditions pour bénéficier du dispositif de départ anticipé à la retraite pour cause de pénibilité. Le président de la commission des finances a alors considéré qu’ils étaient irrecevables parce qu’ils aggravaient une charge publique, ce que je n’admets pas.

La charge publique en question n’existe pas encore puisque c’est justement l’objet de l’article que nous allons étudier et il revient normalement au Parlement d’en définir le périmètre. Mais en fait nous n’avons pas vraiment le choix : soit nous prenons le dispositif tel qu’il est, soit nous sommes plus restrictifs encore, mais il est impossible de l’amender !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

De manière assez intéressante, si la discussion de l’article précédent sur la composition d’un comité à caractère consultatif a provoqué, du côté droit de cet hémicycle, la production d’un certain nombre d’amendements, il n’en est pas de même de l’article 27 ter AC qui établit une confusion entre retraite anticipée et invalidité. Seuls en effet les parlementaires de gauche ont jugé utile de déposer un amendement sur un article qui s’inscrit tout de même en recul sensible par rapport à l’existant.

Mettons-le en effet en perspective pour bien comprendre comment fonctionne le système.

Il est inscrit, dans les articles 4, 5 et 6 du projet de loi que l’on va procéder à l’accroissement du nombre des annuités, ensuite, au recul de l’âge de départ en retraite et, enfin, au recul du départ en retraite sans décote.

On met ensuite les partenaires sociaux, dans le cadre des accords de branche, en demeure d’adapter le contenu de leurs accords collectifs à cette nouvelle donne, singulièrement pour le dispositif carrières longues pour lequel un décret prochain va consacrer le recul à 60 ans de l’âge d’ouverture du droit au départ anticipé.

On s’attaque ensuite à la médecine du travail, qu’on décide de réformer pour l’instrumentaliser au profit des contraintes de production, c’est-à-dire de la gestion de la main-d’œuvre en donnant bien sûr la primauté aux entreprises.

Alors, dans ce schéma, cet article se présente comme un nouveau recul social exemplaire. Plus de préretraite progressive ou de départ anticipé ! La seule possibilité existante sera de prouver par A + B qu’on n’en peut plus et que le corps ne suit plus.

Que va-t-on y gagner ? On ne sait pas trop puisque c’est un décret qui va fixer les conditions de prise en compte.

On pourrait presque poser ironiquement la question suivante : pour trois doigts coupés, un trimestre ?

On va donc cantonner le droit au départ anticipé soit à des carrières longues qui vont encore s’allonger, soit à l’invalidité de travail empêchant de continuer à travailler.

Ce n’est plus la retraite par répartition, c’est la retraite par réparation ! Et ce n’est plus la mise en retraite des salariés âgés, c’est la mise à la réforme des salariés âgés devenus incapables de produire suffisamment. Nous savons que cette technique est employée depuis des décennies.

D’ailleurs, on peut presque se demander pourquoi, au titre IV, le chapitre Ier est intitulé « prévention de la pénibilité », puisque la procédure suivie par cet article 27 ter AC est l’exemple même de l’absence de prévention !

À la vérité, le sort fait au monde du travail est peu satisfaisant. Le recul social imposé à tous sur la retraite s’accompagne d’une forme de commisération hypocrite sur les victimes de l’exploitation qui réduit le droit au repos à ce que j’oserai presque qualifier de forme de charité. En tout état de cause, on peut s’interroger sur cette question.

En réalité, il ne s’agit que de complaire au patronat – nous ne cesserons de le répéter – en lui permettant de se débarrasser de salariés trop âgés qui pourraient s’avérer aussi coûteux.

Autrement, pour les salariés âgés en bonne santé dont on voudrait se débarrasser, il restera toujours la rupture conventionnelle, cette énormité juridique, créée il y a peu et qui, sans surprise, frappe singulièrement les plus de 55 ans. Et cela fonctionne… puisque des centaines de milliers de travailleurs souscrivent à la rupture conventionnelle ! M. le ministre pourrait d’ailleurs nous indiquer à combien de ruptures conventionnelles nous en sommes parvenus.

Quand les seniors s’inscrivent à Pôle Emploi, une fois sur cinq, c’est à la suite de ce divorce à l’amiable, ce qui n’est pas, chacun s’en doute, la vérité d’un tel dispositif !

Voilà ce que je me permets de rappeler à l’occasion de la discussion de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet article, malgré les modifications qu’il a connues lors de son débat devant l’Assemblée nationale, malgré les travaux de notre commission et son changement de position dans le texte, apporte une bien mauvaise réponse à la nécessaire prise en compte de la pénibilité comme devant créer le droit à départ anticipé à la retraite pour certains salariés.

Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, l’espérance de vie des ouvriers reste très nettement inférieure à celle des cadres. Pour les hommes, par exemple, elle est de 74 ans contre 81 ans – Guy Fischer le rappelait à l’instant.

En outre, cet écart aurait augmenté d’un an en dix ans. S’agissant de l’espérance de vie en bonne santé, les études établissent qu’au sein d’une vie déjà plus courte, les ouvriers passent moins de temps en vie sans incapacité ou handicap que les cadres.

Les personnes ayant effectué des travaux pénibles jouissent moins longtemps que les autres salariés d’un temps de vie à la retraite en bonne santé et perçoivent donc leur pension de retraite pendant une durée plus courte.

Pour compenser cette injustice flagrante, le Gouvernement a fait le mauvais choix. Vous nous parlez d’équité, monsieur le ministre, mais quand il s’agit d’une équité en faveur des salariés, vous n’arrivez pas à aller jusqu’au bout.

Vous n’en voulez pas, surtout ! En effet, si vous aviez vraiment voulu parler d’équité et pratiquer l’équité, vous auriez dû opter pour un dispositif collectif, reconnaissant le droit aux salariés concernés par ces conditions de travail pénibles et usantes pour la santé de partir de façon anticipée à la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Ce mécanisme, cette progressivité de l’âge de départ à la retraite en fonction du degré de pénibilité de l’emploi occupé aurait eu l’avantage de rétablir une certaine forme d’égalité des travailleurs face à l’espérance de vie en bonne santé. Il existe bien – vous allez me dire, mes chers collègues, que je ramène toujours tout au libéralisme et à l’argent – une progressivité de l’impôt sur le revenu, qui contrebalance la disparité des salaires pour obtenir une égalité concrète devant l’impôt.

Or, monsieur le ministre, vous avez retenu un dispositif d’une tout autre logique, individualisé, médicalisé et fondé uniquement sur l’usure avérée. Ce mécanisme ne tient pas compte de la pénibilité de certains emplois, mais s’appuie sur les règles concernant l’invalidité. C’est sciemment que vous mélangez ces notions pour, au final, ne faire jouer aucun effet propre à la pénibilité.

De plus, le mécanisme retenu exclut les salariés pour lesquels il n’existe pas de tableau de maladies professionnelles ou qui n’auront pas réussi à franchir la barrière des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, qui sont très restrictifs. Il exclut nombre de salariés victimes du travail, mais ne pouvant pas forcément justifier d’un taux d’incapacité permanent au moment de leur fin de carrière, l’atteinte à la santé due au travail pénible ayant un déclenchement différé.

Par ailleurs, les ajouts effectués devant l’Assemblée nationale sont loin d’améliorer le texte. En effet, ils remettent en question la présomption d’imputabilité qui régit la reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Le salarié devra prouver de nouveau, au moment de son départ à la retraite, que son incapacité est bien due au travail, alors qu’il est déjà reconnu en incapacité permanente pour cette raison.

Il devra encore prouver que, pendant un nombre d’années – d’ailleurs déterminé par décret –, il aura été exposé à un ou plusieurs risques professionnels.

Enfin, il devra passer devant une commission pluridisciplinaire, dont la composition, là encore, sera fixée par décret et qui sera peut-être constituée de médecins n’appartenant pas à la médecine du travail – rien ne nous dit le contraire. Cette commission jugera, sans appel, s’il apporte bien toutes les preuves.

En l’état, cet article doit être entièrement réécrit car la solution que le Gouvernement a retenue est humainement, médicalement et juridiquement inacceptable. Il ne s’agit pas de pénibilité, mais uniquement d’incapacité permanente !

Ce n’est donc en rien une avancée. C’est peut-être même un recul si c’est une brèche dans la présomption d’imputabilité des accidents du travail et des maladies professionnelles, ou dans les accords existant dans de nombreuses entreprises, qui, aujourd’hui encore, reconnaissent ce droit au départ anticipé à la retraite en cas de conditions pénibles de travail. Je pense notamment aux entreprises fonctionnant sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Cette mesure fait donc l’unanimité contre elle, et tous les spécialistes, médecins comme juristes, se demandent comment elle a même pu être proposée.

M. Roland Courteau acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mes chers collègues, il est temps de se reprendre : vous pouvez encore rejeter cet article !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Cet article, qui contient une des dispositions phare du projet de loi, est l’un de ceux qui suscitent le plus de réactions négatives. Comme vient de le dire ma collègue Annie David, cette disposition fait l’unanimité contre elle, à l’exception, bien entendu, du MEDEF et de ses ramifications. Et encore, car ces organisations possèdent des juristes qui, eux aussi, sont perplexes !

Cet article 27 ter AC est le premier du chapitre intitulé « compensation de la pénibilité ». Or, et c’est particulièrement grave, il ne traite pas du tout de pénibilité.

Avec ces dispositions, monsieur le ministre, vous prévoyez que l’âge du départ à la retraite sera « abaissé » pour les assurés justifiant d’une incapacité permanente, au sens de l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale, au moins égale à un taux déterminé par décret. Depuis, nous avons appris que ce taux serait de 20 %.

Que nous dit cet article L.434-2 du code de la sécurité sociale ? « Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité. »

Donc, explicitement, cet article parle d’incapacité permanente partielle, et non de pénibilité. Non seulement vous retenez une conception strictement individuelle de la pénibilité, mais, en plus, en ne la plaçant que sur le terrain médical, vous confondez des notions ou prétendez les confondre.

Au cours des débats, vous nous avez mis au défi de vous apporter des éléments précis pour justifier notre affirmation quant à la soumission des médecins du travail aux chefs d’entreprise. Nous vous avons prouvé que cette soumission existait, même si elle est indirecte, les médecins du travail étant soumis au directeur du service de santé au travail, lui-même soumis au chef d’entreprise.

À notre tour de vous mettre au défi : essayez de trouver un seul médecin, du travail ou non, ou un seul juriste qui affirmera que votre article 27 ter AC traite de la pénibilité, et non de l’incapacité ou de l’invalidité !

À ce stade de la discussion, peut-être faut-il effectivement se référer au dictionnaire et au dictionnaire juridique.

L’incapacité est l’état d’une personne qui, à la suite d’une blessure ou d’une maladie, est incapable de travailler ou d’accomplir certains actes. Au-delà d’un certain nombre d’années d’arrêts de maladie indemnisés ou en cas de stabilisation de l’état de santé, la sécurité sociale déclenche, sous certaines conditions, un état d’invalidité.

L’invalidité est l’état d’une personne ayant subi, d’une manière durable, une réduction des deux tiers de sa capacité de travail ou de gain. Il s’agit là d’une notion de sécurité sociale, sans lien direct avec le droit du travail au sens strict et sans conséquence directe sur le contrat de travail.

L’inaptitude est l’état d’une personne dans l’impossibilité physique ou psychique de réaliser toutes les tâches liées à son emploi. C’est le médecin du travail de l’entreprise qui décide si la personne est considérée apte ou inapte.

La pénibilité, quant à elle, est plus complexe à définir, du moins la pénibilité au travail.

Plusieurs études ont été menées pour tenter d’évaluer cette dernière. Ainsi, comme cela a été plusieurs fois expliqué au cours de notre débat, il a été établi qu’un ouvrier a une espérance de vie de sept ans inférieure à celle d’un cadre.

Des facteurs ont également été retenus pour définir la pénibilité : par exemple, le travail de nuit – une des premières causes de vieillissement prématuré –, le travail à la chaîne et le déplacement de charges lourdes provoquent des troubles physiques aux conséquences irréversibles et l’exposition à des produits toxiques est à l’origine de nombreuses maladies.

Avec cet article, vous ne tenez pas compte de la pénibilité en tant que telle. Vous prévoyez simplement que des personnes déjà accidentées au travail, malades du travail ou mutilées au travail pourront partir un peu plus tôt à la retraite. Un point, c’est tout !

De plus, en fixant des conditions supplémentaires au droit au départ anticipé à la retraite quand l’incapacité n’est que de 10 %, vous remettez en cause un droit de plus.

Il existe en droit une présomption selon laquelle un accident survenu sur le lieu du travail est un accident du travail. Pour les maladies professionnelles, c’est le même mécanisme. Si, dans votre système, vous obligez le salarié au stade de la retraite à prouver de nouveau que son atteinte provient bien du travail, vous remettez alors en cause cette présomption.

M. Roland Courteau acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Avec cet article, monsieur le ministre, vous faites donc d’une pierre deux coups. Vous ne tenez aucun compte de la pénibilité et la présomption d’imputabilité évoquée plus haut est supprimée.

Décidément, avec cette réforme, nous sommes face à des dispositions qui constituent un très grave recul social !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, sur l'article.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

M. Charles Revet. Merci de ces exclamations, mes chers collègues ! Je sens bien que mon intervention est attendue, notamment par vous, madame la présidente de la commission des affaires sociales.

Nouvelles exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Nous sommes tous d’accord pour admettre qu’il existe des professions dont la nature même les rend plus pénibles pour celles et ceux qui les exercent. Elles ressortissent pour l’essentiel aux métiers manuels.

Cela ne veut pas dire, dans mon esprit, que toutes celles et ceux qui exercent un métier manuel sont automatiquement concernés par la pénibilité ou que, dans une même profession, toutes celles et ceux qui l’exercent doivent bénéficier des dispositions mises en place au titre de la pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Il est certain que, dans de nombreux métiers, des personnes pourront justifier d’un examen particulier de leur situation. Je pense aux salariés de certains secteurs des métiers du bâtiment, de la mer, de l’agriculture, des transports, et je pourrai en citer bien d’autres !

Dans le cadre de la préparation de mon rapport concernant la réforme portuaire, je me suis rendu sur les sites. Manifestement, certains types d’emplois pourraient justifier d’une prise en compte au titre de la pénibilité.

En disant cela, vous avez compris, mes chers collègues, que je différencie bien entendu la démarche de blocage de nos ports, qui peut être suicidaire pour notre avenir portuaire, de l’interrogation de certains travailleurs portuaires quant à la prise en compte de leur situation au niveau de la pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

M. Charles Revet. Mon souhait, monsieur le ministre, serait, non pas que vous listiez les métiers ressortissant à la pénibilité, mais que vous nous indiquiez par qui et comment vont être déterminées les professions pouvant être concernées et les conditions, pour les personnes, de leur éligibilité.

Applaudissements sur diverses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Les manifestants ont été nombreux à évoquer la pénibilité au travail et les futurs manifestants le seront également.

Or, comme cela a été dit à de multiples reprises, monsieur le ministre, en contradiction avec l’intitulé du chapitre que cet article 27 ter AC inaugure – « Compensation de la pénibilité » –, vous sautez à pieds joints par-dessus cette considération pour ne parler que de l’incapacité permanente. Pour ce faire, vous entretenez une confusion entre la pénibilité et les pathologies inhérentes à la pénibilité qu’ont subie les travailleurs pendant de longues années.

C’est un choix délibéré que vous avez fait ! En insistant sur l’incapacité permanente, évoquée comme une fatalité, vous mettez « hors jeu » l’article précédent, qui évoquait à toute force la prévention des pathologies liées à la pratique d’un certain nombre de professions.

Vous persistez à confondre pénibilité et incapacité permanente. Ce faisant, vous ignorez délibérément le fait que nous sommes aujourd’hui capables d’évaluer, profession par profession, l’espérance de vie de chaque travailleur dans chacune des professions concernées, et de vérifier le différentiel qui existe, en termes d’espérance de vie, entre ouvriers et cadres.

Il était possible d’introduire dans ce texte la notion de pénibilité, afin d’épargner à ceux qui sont les plus exposés, autant que faire se peut, des années supplémentaires de travail, et de mettre en place un dispositif leur permettant d’accéder à la retraite anticipée.

Au lieu de cela, on dira à celui qui a respiré des produits polytoxiques pendant toute sa carrière, à celui qui a répandu du goudron, à celui qui a respiré de l’amiante : « tant qu’aucune pathologie n’est déclarée, vous n’avez pas exercé de métier pénalisant ou pénible ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Un tel constat, à l’aube du XXIe siècle, est proprement scandaleux ! Cela revient à dire que ce projet de loi est pertinent parce qu’il entraîne, rétrospectivement, la reconnaissance d’une pénibilité subie pendant de nombreuses années de travail.

Il est encore temps, monsieur le ministre, de mettre fin à cette supercherie, ou tout au moins de faire un geste pour compenser réellement la pénibilité, sujet qui préoccupe l’ensemble de nos concitoyens. Mais vous n’en manifestez aucune volonté !

Je vous reproche surtout de confondre, au travers de votre démarche, sophisme et dialectique.

Vous faites preuve de sophisme lorsque vous développez un raisonnement en apparence rigoureux pour parvenir à une conclusion qui vous arrange. Or les sénatrices et sénateurs de mon groupe attendaient de votre part un raisonnement dialectique, qui seul aurait pu nous persuader du bien-fondé de votre texte.

Cet article organise, à l’instar de toute cette loi, une régression sociale. Nous y sommes fortement opposés !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Dans cet article 27 ter AC, l’omission que fait le Gouvernement de la notion d’espérance de vie altérée ne peut que renforcer notre motivation. Mon intervention portera plus particulièrement sur l’alinéa 7.

Je pense sincèrement, en tant que scientifique, que le fait d’exiger l’établissement d’un lien direct entre l’incapacité et l’exposition professionnelle relève du cynisme.

Même dans le cas très singulier de l’amiante, l’une des seules contaminations liée à une pathologie particulière, l’asbestose, et au cancer de la plèvre, et qui se caractérise par la présence de fibres visibles dans les cellules du poumon, on a vu les avocats des entreprises nier, devant les tribunaux, le lien de causalité entre la maladie et les conditions de travail, faire état d’antécédents familiaux, du fait que la personne atteinte fumait ou qu’il y avait peut-être chez elle une couverture de table à repasser en amiante...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

J’ai assisté à de tels procès, et je puis vous assurer que ces exemples sont réels !

De plus, les effets de l’asbestose étant parfois différés de vingt ans, il arrive que l’on ne constate aucune incapacité en fin de carrière. Au passage, je vous signale que les veuves de victimes de l’amiante se retrouveront demain, à l’Assemblée nationale, pour réclamer justice.

Pourtant, cette pathologie est l’une des mieux prises en compte ! Qu’en sera-t-il des autres contaminations ou manifestations physiques de la fatigue squelettique ou musculaire ?

La grande étude épidémiologique sur les incinérateurs menée par l’Institut de veille sanitaire est, à cet égard, très instructive.

Les chercheurs chargés de cette étude nous ont longuement exposé le protocole suivi. Après avoir dressé l’inventaire de la population, puis l’avoir sélectionnée après extraction des données concernant les fumeurs, les habitants ayant résidé dans d’autres lieux de vie, ceux dont un membre de la famille avait eu un cancer, ils ont comparé l’incidence des cancers d’une population témoin et celle de la population riveraine des incinérateurs. Les chiffres ainsi obtenus ont montré qu’il existait une incidence nettement supérieure aux environs d’un incinérateur du Centre-est.

Or, si l’on en croit les conclusions de cette étude, rien ne prouve le lien direct entre les retombées des fumées et le nombre accru de pathologies. Alors que je m’étonnais de ce résultat, un des chercheurs m’expliqua que sa mission d’épidémiologiste consistait à « compter », et qu’il était dans l’incapacité d’établir un lien certain et de prouver la causalité entre le vécu des personnes concernées et la pathologie développée.

Que dira-t-on aux caissières handicapées par des troubles musculo-squelettiques du bras ? Faute de pouvoir prouver que les lourds packs d’eau qu’elles sont obligées de passer en caisse sont la cause de leurs problèmes, elles s’entendront dire qu’elles ont trop porté leurs enfants ou leurs cabas. On dira aux insuffisants respiratoires qui ont été exposés aux fibres céramiques que celles-ci ne sont pas encore classées dans le tableau des contaminants, et à ceux qui sont devenus sourds à force de manier le marteau-piqueur qu’ils sont allés trop souvent au concert !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Peut-être pensez-vous, monsieur le ministre, que je caricature !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je peux vous assurer, car j’assiste à de nombreux procès, que les avocats des employeurs qui veulent se défausser de leurs responsabilités avancent ce type d’arguments !

L’alinéa 7 de cet article va tout à fait dans ce sens en imposant la charge de la preuve aux salariés, car ces derniers seront dans l’incapacité de faire valoir leurs droits.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, lors de sa réunion du lundi 18 octobre, la conférence des présidents a décidé de reporter au jeudi 21 octobre après-midi le scrutin solennel sur l’ensemble du projet de loi, avec deux explications de vote par groupe et une pour les sénateurs non-inscrits.

Elle a également décidé de reporter à une date ultérieure la séance des questions orales prévue le mardi 19 octobre au matin.

Dans le cas où le débat sur ce projet de loi ne serait pas terminé dans le courant de l’après-midi du jeudi 21 octobre, elle a décidé de le poursuivre durant le soir et la nuit du jeudi et de siéger, éventuellement, sur ce même projet de loi le vendredi 22, le samedi 23 et le dimanche 24 octobre, le matin, l’après-midi, le soir et la nuit. Dans cette hypothèse, le scrutin solennel prévu jeudi 21 octobre serait organisé lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire.

Le vote sur l’ensemble du projet de loi en première lecture sera suivi de l’examen du projet de loi organique relatif à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire et de celui des deux projets de loi relatifs au département de Mayotte selon les modalités prévues antérieurement.

Le programme de la semaine d’initiative du lundi 25 octobre au jeudi 28 octobre demeure sans changement.

SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE

Lundi 25 octobre 2010

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :

- Suite de la proposition de loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, présentée par M. Paul Blanc et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 531, 2009 2010) (demande du groupe UMP).

Mardi 26 octobre 2010

À 14 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

1°) Débat préalable au Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010 (demande de la commission des affaires européennes) ;

De 17 heures à 17 heures 45 :

2°) Questions cribles thématiques sur la rentrée scolaire ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant douze heures trente) ;

À 18 heures :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

3°) Proposition de loi relative au prix du livre numérique, présentée par Mme Catherine Dumas et M. Jacques Legendre (695, 2009-2010) (demande de la commission de la culture) ;

La commission de la culture se réunira pour le rapport le mercredi 20 octobre 2010, le matin.

Mercredi 27 octobre 2010

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

À 14 heures 30 :

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle (texte de la commission, n° 39, 2010-2011) et proposition de loi relative aux règles de cumul et d’incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, présentée par Mmes Nicole Bricq, Michèle André et M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (291, 2009-2010) ;

La conférence des présidents :

Jeudi 28 octobre 2010

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

1°) Proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale, présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste et apparentés (697, 2009-2010) ;

La conférence des présidents a fixé :

2°) Proposition de loi relative aux œuvres visuelles orphelines et modifiant le code de la propriété intellectuelle, présentée par Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Pierre Bel, Serge Lagauche, Mmes Françoise Cartron, Catherine Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (441, 2009-2010) ;

La commission de la culture se réunira pour le rapport le mercredi 20 octobre 2010, le matin.

De 15 heures à 19 heures :

Ordre du jour réservé au groupe CRC-SPG :

3°) Proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Mireille Schurch, Isabelle Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche (612, 2009-2010) ;

La conférence des présidents :

4°) Proposition de loi visant à garantir l’indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique, présentée par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Éliane Assassi et Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche (603, 2009 2010) ;

La conférence des présidents a fixé :

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du lundi 18 octobre 2010, quatre décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (n° 2010-55, 2010-56, 2010-57 et 2010-58 QPC).

Acte est donné de ces communications.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 27 ter AC.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Le débat que nous avons sur cet article 27 ter AC a déjà eu lieu à l’occasion de l’examen d’autres articles.

Le Gouvernement ne confond en rien incapacité, invalidité et inaptitude. C’est vous qui confondez volontairement ces termes, pour mieux nous taxer de confusion...

Il y a deux sortes d’inaptitude : tout d’abord, l’inaptitude au poste, déclarée par le médecin du travail, et qui n’a aucun rapport avec la retraite ; ensuite, la retraite pour inaptitude, ou pour cause d’invalidité, constatée lorsque le handicap est supérieur à 50 %, et qui n’a pas grand-chose à voir non plus avec le monde du travail.

L’incapacité, en revanche, a un rapport avec le monde du travail, dans la mesure où elle est en lien avec la branche AT-MP.

Jusqu’à présent, l’incapacité donnait droit à une rente. Avec ce texte, nous allons plus loin, puisque nous accordons, dans ce cas, une retraite anticipée par rapport au droit commun.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

En d’autres termes, tout salarié qui aura été exposé à des facteurs de pénibilité conservera le droit de partir à la retraite à 60 ans, comme c’est le cas aujourd'hui, et ne sera pas concerné par les dispositions relatives au report d’âge. Pour cela, c’est la condition que nous avions fixée, il devait initialement justifier d’une incapacité permanente de 20 %. Ce taux a été ramené à 10 % lors de l’examen de ce texte à l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Pas tout le monde : il faut passer devant la commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il y a une véritable contradiction dans cette affaire !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Si, tout le monde !

La logique qui prévaut est humaine et juste. Si la pénibilité n’est pas mesurée, si on ne lui trouve pas une traduction, comment un salarié peut-il revendiquer le droit à partir à la retraite plus tôt par rapport à un autre salarié ? Si la pénibilité ne laisse aucune séquelle – au fond, c’est ce qui peut arriver de mieux, c’est la preuve que le salarié ne souffre pas – cela signifie que, durant l’ensemble de la vie au travail, les conditions de travail auront été satisfaisantes et qu’il aura été tenu compte de ces risques. Dans ce cas, le salarié n’a pas de raison particulière de partir à la retraite plus tôt.

Lorsque l’incapacité permanente atteint 20 %, on considère que le lien entre celle-ci et l’exposition à des facteurs de pénibilité existe et est direct. En revanche, lorsque le taux est de 10 %, l’avis de la commission pluridisciplinaire est nécessaire, car, souvent, la traçabilité est difficile à établir et il faut, par conséquent, examiner le parcours professionnel du salarié. Cette commission est locale, nous verrons comment elle sera organisée : elle permettra à un salarié d’apporter les éléments de traçabilité dont on ne dispose pas nécessairement, car, il y a dix ans, quinze ans, vingt ans, les services de santé au travail n’étaient pas organisés comme aujourd'hui.

C’est cela, l’incapacité permanente de 10 %, ce n’est pas autre chose.

Madame Blandin, avec ce taux de 10 %, on inclut ceux qui souffrent de troubles musculo-squelettiques. Je pense à la caissière à laquelle vous avez fait allusion, car son état est probablement dû aux packs d’eau qu’elle a déplacés sur le tapis de sa caisse et probablement pas au cabas qu’elle a porté en tant que consommatrice. Si elle a exercé ce métier depuis assez longtemps, si le trouble qu’elle invoque est la conséquence de postures pénibles et est partagé par les personnes qui occupent les mêmes fonctions, très sincèrement, le lien entre incapacité permanente et conditions de travail sera assez vite prouvé et elle bénéficiera du taux de 10 %. En revanche, elle n’entrait pas dans le taux de 20 %.

Nous faisons donc preuve d’une logique forte.

Je n’ai pas dit qu’il ne faudra pas prendre en compte les effets différés. Madame Blandin, la question que vous soulevez a tout son sens. Nous y répondons par la création d’un comité scientifique. Ce n’est pas une façon de reporter à plus tard ou à jamais la prise en compte de ce problème.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Pour l’instant, nous considérons que nous ne disposons pas d’études épidémiologiques suffisantes permettant d’établir un lien solide entre un risque et une population.

Si une grande partie d’une population est exposée à un risque, même si elle n’en souffre pas de manière visible, nous savons que cela concerne un grand nombre d’individus et nous faisons entrer l’ensemble de la population dans le dispositif, sans mesure objective individuelle. C’est ce qui se passe aujourd'hui avec l’amiante, dont nous aurons l’occasion de reparler. Mais il s’agit là d’un autre cas de figure, que nous ne pouvons étendre à tous les risques dans n’importe quelle condition.

Monsieur Revet, vous avez évoqué les manutentionnaires. Nous n’avons pas eu de logique de métier, car celle-ci enferme. Nous lui avons préféré une logique transversale, qui est l’exposition à des facteurs de pénibilité. Les personnes que vous avez évoquées font partie des populations fortement soumises à ce facteur : il y a des ports de charges qui entraînent lombalgies, dorsalgies. De nombreuses pathologies liées à ces métiers rentrent très naturellement dans la mesure des 10 % de taux d’incapacité permanente. C’est au travers de cela que ces professions pourront continuer de bénéficier d’un départ à la retraite à 60 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.