Intervention de Guy Fischer

Réunion du 18 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 27 ter AC

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

De manière assez intéressante, si la discussion de l’article précédent sur la composition d’un comité à caractère consultatif a provoqué, du côté droit de cet hémicycle, la production d’un certain nombre d’amendements, il n’en est pas de même de l’article 27 ter AC qui établit une confusion entre retraite anticipée et invalidité. Seuls en effet les parlementaires de gauche ont jugé utile de déposer un amendement sur un article qui s’inscrit tout de même en recul sensible par rapport à l’existant.

Mettons-le en effet en perspective pour bien comprendre comment fonctionne le système.

Il est inscrit, dans les articles 4, 5 et 6 du projet de loi que l’on va procéder à l’accroissement du nombre des annuités, ensuite, au recul de l’âge de départ en retraite et, enfin, au recul du départ en retraite sans décote.

On met ensuite les partenaires sociaux, dans le cadre des accords de branche, en demeure d’adapter le contenu de leurs accords collectifs à cette nouvelle donne, singulièrement pour le dispositif carrières longues pour lequel un décret prochain va consacrer le recul à 60 ans de l’âge d’ouverture du droit au départ anticipé.

On s’attaque ensuite à la médecine du travail, qu’on décide de réformer pour l’instrumentaliser au profit des contraintes de production, c’est-à-dire de la gestion de la main-d’œuvre en donnant bien sûr la primauté aux entreprises.

Alors, dans ce schéma, cet article se présente comme un nouveau recul social exemplaire. Plus de préretraite progressive ou de départ anticipé ! La seule possibilité existante sera de prouver par A + B qu’on n’en peut plus et que le corps ne suit plus.

Que va-t-on y gagner ? On ne sait pas trop puisque c’est un décret qui va fixer les conditions de prise en compte.

On pourrait presque poser ironiquement la question suivante : pour trois doigts coupés, un trimestre ?

On va donc cantonner le droit au départ anticipé soit à des carrières longues qui vont encore s’allonger, soit à l’invalidité de travail empêchant de continuer à travailler.

Ce n’est plus la retraite par répartition, c’est la retraite par réparation ! Et ce n’est plus la mise en retraite des salariés âgés, c’est la mise à la réforme des salariés âgés devenus incapables de produire suffisamment. Nous savons que cette technique est employée depuis des décennies.

D’ailleurs, on peut presque se demander pourquoi, au titre IV, le chapitre Ier est intitulé « prévention de la pénibilité », puisque la procédure suivie par cet article 27 ter AC est l’exemple même de l’absence de prévention !

À la vérité, le sort fait au monde du travail est peu satisfaisant. Le recul social imposé à tous sur la retraite s’accompagne d’une forme de commisération hypocrite sur les victimes de l’exploitation qui réduit le droit au repos à ce que j’oserai presque qualifier de forme de charité. En tout état de cause, on peut s’interroger sur cette question.

En réalité, il ne s’agit que de complaire au patronat – nous ne cesserons de le répéter – en lui permettant de se débarrasser de salariés trop âgés qui pourraient s’avérer aussi coûteux.

Autrement, pour les salariés âgés en bonne santé dont on voudrait se débarrasser, il restera toujours la rupture conventionnelle, cette énormité juridique, créée il y a peu et qui, sans surprise, frappe singulièrement les plus de 55 ans. Et cela fonctionne… puisque des centaines de milliers de travailleurs souscrivent à la rupture conventionnelle ! M. le ministre pourrait d’ailleurs nous indiquer à combien de ruptures conventionnelles nous en sommes parvenus.

Quand les seniors s’inscrivent à Pôle Emploi, une fois sur cinq, c’est à la suite de ce divorce à l’amiable, ce qui n’est pas, chacun s’en doute, la vérité d’un tel dispositif !

Voilà ce que je me permets de rappeler à l’occasion de la discussion de cet article.

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