Intervention de Annie David

Réunion du 18 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 27 ter AC

Photo de Annie DavidAnnie David :

Ce mécanisme, cette progressivité de l’âge de départ à la retraite en fonction du degré de pénibilité de l’emploi occupé aurait eu l’avantage de rétablir une certaine forme d’égalité des travailleurs face à l’espérance de vie en bonne santé. Il existe bien – vous allez me dire, mes chers collègues, que je ramène toujours tout au libéralisme et à l’argent – une progressivité de l’impôt sur le revenu, qui contrebalance la disparité des salaires pour obtenir une égalité concrète devant l’impôt.

Or, monsieur le ministre, vous avez retenu un dispositif d’une tout autre logique, individualisé, médicalisé et fondé uniquement sur l’usure avérée. Ce mécanisme ne tient pas compte de la pénibilité de certains emplois, mais s’appuie sur les règles concernant l’invalidité. C’est sciemment que vous mélangez ces notions pour, au final, ne faire jouer aucun effet propre à la pénibilité.

De plus, le mécanisme retenu exclut les salariés pour lesquels il n’existe pas de tableau de maladies professionnelles ou qui n’auront pas réussi à franchir la barrière des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, qui sont très restrictifs. Il exclut nombre de salariés victimes du travail, mais ne pouvant pas forcément justifier d’un taux d’incapacité permanent au moment de leur fin de carrière, l’atteinte à la santé due au travail pénible ayant un déclenchement différé.

Par ailleurs, les ajouts effectués devant l’Assemblée nationale sont loin d’améliorer le texte. En effet, ils remettent en question la présomption d’imputabilité qui régit la reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Le salarié devra prouver de nouveau, au moment de son départ à la retraite, que son incapacité est bien due au travail, alors qu’il est déjà reconnu en incapacité permanente pour cette raison.

Il devra encore prouver que, pendant un nombre d’années – d’ailleurs déterminé par décret –, il aura été exposé à un ou plusieurs risques professionnels.

Enfin, il devra passer devant une commission pluridisciplinaire, dont la composition, là encore, sera fixée par décret et qui sera peut-être constituée de médecins n’appartenant pas à la médecine du travail – rien ne nous dit le contraire. Cette commission jugera, sans appel, s’il apporte bien toutes les preuves.

En l’état, cet article doit être entièrement réécrit car la solution que le Gouvernement a retenue est humainement, médicalement et juridiquement inacceptable. Il ne s’agit pas de pénibilité, mais uniquement d’incapacité permanente !

Ce n’est donc en rien une avancée. C’est peut-être même un recul si c’est une brèche dans la présomption d’imputabilité des accidents du travail et des maladies professionnelles, ou dans les accords existant dans de nombreuses entreprises, qui, aujourd’hui encore, reconnaissent ce droit au départ anticipé à la retraite en cas de conditions pénibles de travail. Je pense notamment aux entreprises fonctionnant sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Cette mesure fait donc l’unanimité contre elle, et tous les spécialistes, médecins comme juristes, se demandent comment elle a même pu être proposée.

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