Intervention de Bernard Vera

Réunion du 18 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 27 ter AC

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Cet article, qui contient une des dispositions phare du projet de loi, est l’un de ceux qui suscitent le plus de réactions négatives. Comme vient de le dire ma collègue Annie David, cette disposition fait l’unanimité contre elle, à l’exception, bien entendu, du MEDEF et de ses ramifications. Et encore, car ces organisations possèdent des juristes qui, eux aussi, sont perplexes !

Cet article 27 ter AC est le premier du chapitre intitulé « compensation de la pénibilité ». Or, et c’est particulièrement grave, il ne traite pas du tout de pénibilité.

Avec ces dispositions, monsieur le ministre, vous prévoyez que l’âge du départ à la retraite sera « abaissé » pour les assurés justifiant d’une incapacité permanente, au sens de l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale, au moins égale à un taux déterminé par décret. Depuis, nous avons appris que ce taux serait de 20 %.

Que nous dit cet article L.434-2 du code de la sécurité sociale ? « Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité. »

Donc, explicitement, cet article parle d’incapacité permanente partielle, et non de pénibilité. Non seulement vous retenez une conception strictement individuelle de la pénibilité, mais, en plus, en ne la plaçant que sur le terrain médical, vous confondez des notions ou prétendez les confondre.

Au cours des débats, vous nous avez mis au défi de vous apporter des éléments précis pour justifier notre affirmation quant à la soumission des médecins du travail aux chefs d’entreprise. Nous vous avons prouvé que cette soumission existait, même si elle est indirecte, les médecins du travail étant soumis au directeur du service de santé au travail, lui-même soumis au chef d’entreprise.

À notre tour de vous mettre au défi : essayez de trouver un seul médecin, du travail ou non, ou un seul juriste qui affirmera que votre article 27 ter AC traite de la pénibilité, et non de l’incapacité ou de l’invalidité !

À ce stade de la discussion, peut-être faut-il effectivement se référer au dictionnaire et au dictionnaire juridique.

L’incapacité est l’état d’une personne qui, à la suite d’une blessure ou d’une maladie, est incapable de travailler ou d’accomplir certains actes. Au-delà d’un certain nombre d’années d’arrêts de maladie indemnisés ou en cas de stabilisation de l’état de santé, la sécurité sociale déclenche, sous certaines conditions, un état d’invalidité.

L’invalidité est l’état d’une personne ayant subi, d’une manière durable, une réduction des deux tiers de sa capacité de travail ou de gain. Il s’agit là d’une notion de sécurité sociale, sans lien direct avec le droit du travail au sens strict et sans conséquence directe sur le contrat de travail.

L’inaptitude est l’état d’une personne dans l’impossibilité physique ou psychique de réaliser toutes les tâches liées à son emploi. C’est le médecin du travail de l’entreprise qui décide si la personne est considérée apte ou inapte.

La pénibilité, quant à elle, est plus complexe à définir, du moins la pénibilité au travail.

Plusieurs études ont été menées pour tenter d’évaluer cette dernière. Ainsi, comme cela a été plusieurs fois expliqué au cours de notre débat, il a été établi qu’un ouvrier a une espérance de vie de sept ans inférieure à celle d’un cadre.

Des facteurs ont également été retenus pour définir la pénibilité : par exemple, le travail de nuit – une des premières causes de vieillissement prématuré –, le travail à la chaîne et le déplacement de charges lourdes provoquent des troubles physiques aux conséquences irréversibles et l’exposition à des produits toxiques est à l’origine de nombreuses maladies.

Avec cet article, vous ne tenez pas compte de la pénibilité en tant que telle. Vous prévoyez simplement que des personnes déjà accidentées au travail, malades du travail ou mutilées au travail pourront partir un peu plus tôt à la retraite. Un point, c’est tout !

De plus, en fixant des conditions supplémentaires au droit au départ anticipé à la retraite quand l’incapacité n’est que de 10 %, vous remettez en cause un droit de plus.

Il existe en droit une présomption selon laquelle un accident survenu sur le lieu du travail est un accident du travail. Pour les maladies professionnelles, c’est le même mécanisme. Si, dans votre système, vous obligez le salarié au stade de la retraite à prouver de nouveau que son atteinte provient bien du travail, vous remettez alors en cause cette présomption.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion