Ce projet de loi s’inscrit dans la même logique que celle qui présida aux réformes de 1993 et 2003 : l’injustice et le renforcement des inégalités entre les femmes et les hommes. Cela est particulièrement vrai pour les agriculteurs de notre pays, qui perçoivent en moyenne les pensions les plus modestes.
Selon les statistiques de la MSA, un exploitant agricole ayant eu une carrière complète touche, en moyenne, une retraite de base de 700 euros – 450 pour son conjoint –, contre 980 euros pour un nouveau retraité du régime général.
La problématique centrale est bien le montant des retraites de nos aînés agriculteurs. La première revendication des anciens exploitants concerne le montant des retraites agricoles, car, pour une carrière complète, ces dernières ne représentent que 70 % du SMIC, contre 75 % en 2003.
Le montant des retraites servies diminue, ce qui occasionne une perte de pouvoir d’achat importante. Aussi le fait de souhaiter obtenir des retraites équivalentes à celles des autres catégories socioprofessionnelles et des retraites minimum égales à 85 % du SMIC est-il l’expression d’une demande de justice sociale parfaitement légitime.
Face à cette situation, le Gouvernement n’a fait preuve d’aucune détermination. À travers ce texte, il avait la possibilité de faire bénéficier les femmes retraitées de la retraite complémentaire obligatoire. Il s’en est bien gardé ! Il laisse nombre de nos concitoyennes qui ont eu une vie de dur labeur dans une situation trop souvent précaire.
Dans notre pays, nombre de conjoints d’exploitants se trouvent dans le dénuement le plus total. On estime à près de 15 000 le nombre de femmes d’exploitants qui ne perçoivent rien. Est-ce acceptable ? Pour nous, certainement pas !
Dans ce contexte de paupérisation de nos aînés, nombre d’exploitants agricoles renoncent au bénéfice du minimum vieillesse, qui s’élève à 709 euros pour un célibataire. La raison en est simple : ils craignent le recours sur succession. En effet, la prise en compte de leur outil de travail et de leur capital foncier au sein de l’actif successoral joue un rôle de frein incontestable. De fait, nombre de nos aînés se retrouvent avec une pension de 300 à 400 euros, ce qui est parfaitement indigne. Je rappelle que le seuil de pauvreté est fixé à 910 euros mensuels.
Comme le note M. le rapporteur, dans les faits, ce mécanisme est dissuasif, notamment dans le monde agricole. C’est ce qui a conduit le législateur à exonérer, depuis 2000, une partie du capital agricole de l’assiette de recouvrement, la portant à 30 % de sa valeur.
Il nous est donc proposé d’exclure de l’assiette du recouvrement sur les successions du minimum vieillesse le capital d’exploitation et des bâtiments qui en sont indissociables. Les plus modestes de nos aînés vont ainsi pouvoir accéder au revenu minimum vieillesse.
Du point de vue budgétaire, nous sommes en droit de nous interroger sur les conséquences de cette mesure. Selon le rapporteur, le recours sur succession s’est élevé en 2009 à 47, 2 millions d’euros pour les non-salariés et à 5, 6 millions d’euros pour les salariés.
Quelle sera donc l’incidence de l’évolution de ces sommes sur le Fonds de solidarité vieillesse ? Nous l’ignorons puisque nous ne disposons d’aucune étude d’impact, ce qui est fort dommageable !
Nous voterons donc cette mesure, qui constitue certes une avancée pour le monde agricole, mais n’en demeure pas moins éloignée de la réponse générale en termes de justice sociale que nos concitoyens sont en droit de recevoir. Il nous faudra donc remettre le travail sur métier avec l’ensemble des acteurs de ce secteur.