Supprimez cette aide et l’investissement des communes chutera de façon spectaculaire.
Ce que vous instaurez, au contraire, par cette absorption-fusion, c’est le cumul institutionnalisé des mandats, la tutelle reconnue et acceptée, la complexification par création d’un autre niveau intermédiaire, celui des métropoles.
Au cas où l’argumentation précédente ne serait pas suffisante, il en est une autre, plus précise. L’article 72, deuxième alinéa, de la Constitution dispose que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ». Cet objectif transpose dans notre droit constitutionnel la préoccupation qu’exprime en droit communautaire le principe dit de « subsidiarité ». Chaque collectivité à vocation à gérer ses propres affaires, dans l’intérêt local, ce dernier étant entendu très largement par le juge administratif.
L’intérêt local ne correspond pas à des domaines d’activité spécifiques ; un but d’intérêt local est apprécié comme tel par les assemblées délibérantes territoriales, ce qui conduit la collectivité à intervenir lorsque cet intérêt le commande. Le juge administratif l’a confirmé à de nombreuses reprises.
C’est assez dire que le deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution conduit à soutenir raisonnablement la constitutionnalisation de la clause générale de compétence, laquelle s’oppose par là même à l’attribution de blocs figés de compétences limitées et à toute suppression de la compétence générale des collectivités dès lors que leurs actions satisfont des intérêts et des besoins locaux.
Les collectivités territoriales sont des institutions publiques qui se distinguent fondamentalement des établissements publics dans la mesure où ces derniers jouissent d’attributions spécifiques et limitées. Ils sont régis par le principe de spécialité, à la différence des collectivités territoriales.
La clause générale de compétence participe de la définition même de la collectivité territoriale et du principe constitutionnel de leur libre administration, ce dernier ne pouvant reposer sur le seul critère de conseils élus dotés de compétences effectives et de ressources financières suffisantes, pour reprendre les termes de l’abondante jurisprudence constitutionnelle.
La clause générale de compétence est une condition de la liberté des collectivités. Elle constitue de fait un élément fondamental de la libre administration des collectivités territoriales, qualifiée de « liberté fondamentale » par le Conseil d’État dans son arrêt Commune de Venelles du 18 janvier 2001. Il s’agit bien d’un principe fondamental, reconnu par les lois de la République.
La clause générale de compétence est une nécessité pour les collectivités car elle est un moyen de lutter contre une trop grande uniformité administrative en permettant aux politiques locales de s’adapter aux besoins des populations, dans un souci d’efficacité et de résultat pour le plus grand nombre, à condition, et c’est généralement le cas, que cette intervention n’empiète pas sur les prérogatives d’autres collectivités, sauf convention entre elles.
En conclusion et au vu des éléments qui précèdent, la suppression de la clause générale de compétence porterait atteinte au principe constitutionnel de la libre administration, garanti par l’article 72, troisième alinéa, de la Constitution, et plus encore au principe de subsidiarité, posé par l’article 72, deuxième alinéa, de la Constitution, voire à un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Sa suppression impliquerait au préalable de réviser la Constitution.
En ce qui concerne le mode de scrutin, beaucoup de choses ont été dites par mes collègues lors d’un débat précédent et dans la discussion générale de ce texte. On a souligné le côté baroque et politicien du scrutin proposé. Je me contenterai, ici, d’évoquer la question de la parité.
Les régions seront à l’évidence dans l’impossibilité de satisfaire à l’article 1er de la Constitution, qui dispose que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».
Ce qui est choquant dans votre projet, monsieur le ministre, c’est qu’il marque une dramatique régression. On ne peut pas se limiter à évoquer la question d’une manière générale en disant, comme l’a fait M. Marleix, que l’extension du scrutin proportionnel pour les plus petites communes favoriserait globalement la parité. Ce n’est certes pas faux, mais l’on ne peut se satisfaire de cette constatation qui, en filigrane, semble bien cantonner les femmes à la gestion des petites collectivités : elles seraient bonnes pour la gestion quotidienne de proximité, mais pas pour la réflexion sur les grandes orientations régionales… Ce n’est pas acceptable !