La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.
Je suis saisi, par M. Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°8.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 170, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le ministre, ce ne sont pas moins de quatre textes que vous avez cru devoir commettre pour modifier fondamentalement l’organisation des pouvoirs locaux. Il est impossible de les étudier séparément tant ils sont en fait imbriqués et parce que ce sont de pures raisons d’opportunité qui vous ont conduit à ce « saucissonnage ».
Cela étant, je vous remercie d’avoir répondu aux différents intervenants, en particulier à ceux qui se sont exprimés au nom de mon groupe, lesquels n’avaient pas manqué d’étudier ces textes dans leur ensemble.
Vous vous êtes dit ouvert à la discussion. Or, ce matin, lors de la réunion de la commission des lois, pour notre plus grande déception, nombre de nos questions, au motif qu’elles étaient « hors sujet », ont été renvoyées à l’examen de ces futurs textes. Vous, monsieur About, vous avez été plus chanceux puisque vos propres questions, qui portaient pourtant sur les mêmes thèmes, n’ont pas été considérées comme « hors sujet ».
Sourires
Autrement dit, monsieur le ministre, je vous félicite d’être animé par un souci de dialogue, mais nous jugerons sur pièces…
Il se peut que, lors de ma défense de cette motion, mes propos fassent fortement écho à ceux qu’ont tenus les collègues de mon groupe qui sont intervenus aujourd’hui, mais, pour un socialiste plus que pour quiconque, l’essentiel est non pas d’éviter les répétitions : il est d’éviter les contradictions.
Sourires
L’article 1er de la Constitution dispose que la France a une organisation décentralisée. Or la réforme de la taxe professionnelle a, c’est l’évidence, instauré une recentralisation par perte d’autonomie fiscale. Qui pourrait désormais affirmer que la part des recettes fiscales de chaque catégorie de collectivités constitue une « part déterminante » de l’ensemble de ses ressources ?
Je sais bien que la loi organique de 2004, fâcheusement, a étendu la notion de ressources propres aux impôts nationaux transférés, alors même que les élus n’ont aucun pouvoir de décision sur l’évolution de ces dotations. Et je n’ignore pas que le Conseil constitutionnel a validé cette interprétation. Mais toute jurisprudence peut évoluer. Tout est une question de degré : qui pourrait légitimement affirmer que, dès lors que leurs ressources propres passent de 35 % à 12 % de leurs ressources globales, les départements continuent de s’administrer de façon autonome ? Et que dire des régions, dont l’autonomie fiscale se situe en deçà de 10 % ?
En matière climatique, on distingue la température mesurée par les instruments officiels et la température vécue.
En matière fiscale, pareillement, on peut distinguer l’autonomie mesurée par vos instruments, monsieur le ministre, et l’autonomie telle qu’elle est vécue par les collectivités. Or les dotations représentant 90 % des ressources des départements et des régions, ceux-ci considèrent qu’ils sont désormais sous tutelle de l’État central : c’est lui qui, dorénavant, fixera le niveau de leurs dépenses. Du reste, nous saisirons de nouveau le Conseil constitutionnel sur ce point.
Si, comme cela est possible, le Conseil constitutionnel devait ne pas retenir cette argumentation purement fiscale, il serait légitime d’adjoindre à cette dernière le renforcement des pouvoirs du préfet dans les départements, qui accentue la recentralisation.
C’est cette conjonction de la perte d’autonomie fiscale et du renforcement des pouvoirs du préfet qui permet d’affirmer que, décidément, la France ne sera plus décentralisée, que les collectivités ne seront plus autonomes et ne s’administreront plus librement.
Par ailleurs, les projets proposés conduisent tout droit à la suppression des départements. Certes, ils sont formellement maintenus, mais, comme le dit M. Copé, qui en l’occurrence vend la mèche, il ne s’agit que d’une étape. Cela va d’ailleurs dans le sens de ce que le comité Balladur proposait, c'est-à-dire une France à l’architecture territoriale simplifiée, ne comportant plus que les communautés de communes et les régions.
M. Fillon, quant à lui, évoquait dès 2002 le futur conseiller territorial, regrettant qu’il n’ait pas été créé plut tôt et précisant que cela « aurait assuré la coordination des politiques de ces deux échelons en attendant leur fusion ».
Devant une telle concordance dans l’analyse faite par des personnalités aussi éminentes – l’actuel Premier ministre, un ancien Premier ministre, le président du principal groupe de la majorité à l’Assemblée nationale : excusez du peu ! – il ne peut plus être question de présomptions ou de procès d’intention : les textes prévoient effectivement une simplification administrative, mais pas seulement par rapprochement des régions et des départements ; il s’agit bien, à terme, de supprimer un niveau administratif, sans pour autant que cette volonté, dont la matérialisation nécessiterait une révision constitutionnelle, ait été expressément formulée dans le présent texte, contrairement à ce que réclamaient, dans l’optique d’une réalisation immédiate, M. Balladur ou M. Attali.
Peut-on censurer une disposition virtuelle ? Oui, si les présomptions d’une évolution sont certaines. C’est malheureusement bien le cas, s’agissant des départements, comme je crois l’avoir démontré.
Un second motif d’inconstitutionnalité tient à la disparition de la clause générale de compétence, fondement de la liberté des collectivités territoriales.
Le conseil général est compétent « pour régler les affaires d’intérêt départemental ». Certes, cette formule n’a eu d’existence juridique qu’à partir de 1982.
Je suis certain de la date que j’avance, monsieur le ministre, mais il est vrai que cette reconnaissance tardive ne faisait que sanctionner une pratique plus que centenaire.
À partir de 1982, donc, par cohérence, les trois niveaux de collectivités – régions, départements et communes – ont également bénéficié de cette clause générale de compétence, formulée dès 1884 pour les communes.
Qui pourrait nier que cette ancienneté confère à cette « clause » le caractère d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, un principe qui a fait la preuve de son efficacité ?
Qu’on ne nous dise pas qu’il a été source de confusion et de surcoût : ce n’est pas vrai ! D’abord, les collectivités territoriales ont été suffisamment sages pour ne pas en faire une application abusive. Par ailleurs, les compétences spécifiques des départements et des régions représentent environ 90 % de l’ensemble de leurs actions. En outre, contrairement à ce que croit Mme Lagarde, ce principe s’est appliqué sans qu’une collectivité exerce sa tutelle sur une autre, les communes – et pas seulement les plus petites – ne réalisant les investissements dont on a souligné très souvent l’importance que grâce à l’appui des niveaux supérieurs, départementaux et régionaux. Enfin, la transparence est presque partout la règle, les critères sont connus et publics, et l’aide est souvent devenue quasi automatique.
Monsieur le ministre, vous connaissez parfaitement cette réalité, vous qui avez été très longtemps président de conseil général.
M. Michel Mercier, ministre. Je n’ai pas fait comme vous, monsieur Peyronnet : je n’ai pas déserté !
Sourires
Supprimez cette aide et l’investissement des communes chutera de façon spectaculaire.
Ce que vous instaurez, au contraire, par cette absorption-fusion, c’est le cumul institutionnalisé des mandats, la tutelle reconnue et acceptée, la complexification par création d’un autre niveau intermédiaire, celui des métropoles.
Au cas où l’argumentation précédente ne serait pas suffisante, il en est une autre, plus précise. L’article 72, deuxième alinéa, de la Constitution dispose que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ». Cet objectif transpose dans notre droit constitutionnel la préoccupation qu’exprime en droit communautaire le principe dit de « subsidiarité ». Chaque collectivité à vocation à gérer ses propres affaires, dans l’intérêt local, ce dernier étant entendu très largement par le juge administratif.
L’intérêt local ne correspond pas à des domaines d’activité spécifiques ; un but d’intérêt local est apprécié comme tel par les assemblées délibérantes territoriales, ce qui conduit la collectivité à intervenir lorsque cet intérêt le commande. Le juge administratif l’a confirmé à de nombreuses reprises.
C’est assez dire que le deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution conduit à soutenir raisonnablement la constitutionnalisation de la clause générale de compétence, laquelle s’oppose par là même à l’attribution de blocs figés de compétences limitées et à toute suppression de la compétence générale des collectivités dès lors que leurs actions satisfont des intérêts et des besoins locaux.
Les collectivités territoriales sont des institutions publiques qui se distinguent fondamentalement des établissements publics dans la mesure où ces derniers jouissent d’attributions spécifiques et limitées. Ils sont régis par le principe de spécialité, à la différence des collectivités territoriales.
La clause générale de compétence participe de la définition même de la collectivité territoriale et du principe constitutionnel de leur libre administration, ce dernier ne pouvant reposer sur le seul critère de conseils élus dotés de compétences effectives et de ressources financières suffisantes, pour reprendre les termes de l’abondante jurisprudence constitutionnelle.
La clause générale de compétence est une condition de la liberté des collectivités. Elle constitue de fait un élément fondamental de la libre administration des collectivités territoriales, qualifiée de « liberté fondamentale » par le Conseil d’État dans son arrêt Commune de Venelles du 18 janvier 2001. Il s’agit bien d’un principe fondamental, reconnu par les lois de la République.
La clause générale de compétence est une nécessité pour les collectivités car elle est un moyen de lutter contre une trop grande uniformité administrative en permettant aux politiques locales de s’adapter aux besoins des populations, dans un souci d’efficacité et de résultat pour le plus grand nombre, à condition, et c’est généralement le cas, que cette intervention n’empiète pas sur les prérogatives d’autres collectivités, sauf convention entre elles.
En conclusion et au vu des éléments qui précèdent, la suppression de la clause générale de compétence porterait atteinte au principe constitutionnel de la libre administration, garanti par l’article 72, troisième alinéa, de la Constitution, et plus encore au principe de subsidiarité, posé par l’article 72, deuxième alinéa, de la Constitution, voire à un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Sa suppression impliquerait au préalable de réviser la Constitution.
En ce qui concerne le mode de scrutin, beaucoup de choses ont été dites par mes collègues lors d’un débat précédent et dans la discussion générale de ce texte. On a souligné le côté baroque et politicien du scrutin proposé. Je me contenterai, ici, d’évoquer la question de la parité.
Les régions seront à l’évidence dans l’impossibilité de satisfaire à l’article 1er de la Constitution, qui dispose que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».
Ce qui est choquant dans votre projet, monsieur le ministre, c’est qu’il marque une dramatique régression. On ne peut pas se limiter à évoquer la question d’une manière générale en disant, comme l’a fait M. Marleix, que l’extension du scrutin proportionnel pour les plus petites communes favoriserait globalement la parité. Ce n’est certes pas faux, mais l’on ne peut se satisfaire de cette constatation qui, en filigrane, semble bien cantonner les femmes à la gestion des petites collectivités : elles seraient bonnes pour la gestion quotidienne de proximité, mais pas pour la réflexion sur les grandes orientations régionales… Ce n’est pas acceptable !
Il est très clair qu’en instituant un scrutin uninominal pour l’élection des membres d’une institution jusqu’ici élue à la proportionnelle, votre projet ne respecte pas les articles 1er et 4 de la Constitution.
La région, grâce à une loi électorale qui fait l’unanimité, a établi une parité parfaite avec laquelle vous allez rompre. Désormais, la représentation des régions sera calquée sur celle des actuels conseils généraux, autrement dit sur la pire des situations au regard de la parité.
Faute d’un temps suffisant, je ne fais que mentionner le risque d’inconstitutionnalité qui pourrait toucher l’élection des sénateurs. Peut-être aurons-nous l’occasion d’y revenir.
J’attire votre attention sur un autre point qui concerne l’outre-mer mais aussi le territoire métropolitain, notamment l’Alsace, même si je ne m’étends pas sur cette dernière, là encore faute de temps.
La création de conseillers territoriaux dans des régions monodépartementales revient de fait à créer une assemblée unique puisque ces conseillers exerceront leur mandat sur le même territoire, après avoir été élus le même jour et de la même façon. La fiction d’une réunion, dans des lieux séparés, du conseil général et du conseil régional ne peut masquer la fusion des deux collectivités que sont le département et la région.
Or cette situation a formellement été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision dite « assemblée unique », en date du 2 décembre 1982. Certes, le fondement de cette décision tenait à l’impossibilité – en l’état passé de la Constitution – d’instituer une assemblée unique élue sur des bases différentes et avec un mode de scrutin différent. Ce n’est plus le cas depuis la révision constitutionnelle de 2003. Il est désormais possible, par l’article 73 de la Constitution, de créer, outre-mer, une collectivité unique ou une assemblée délibérante unique pour les deux collectivités.
Mais j’attire votre attention sur le fait que l’article 73 de la Constitution prévoit expressément que la fusion de deux collectivités « ne peut intervenir sans qu’ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l’article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités », autrement dit sans qu’ait été organisé un référendum.
Vous ne manquerez sans doute pas de me répondre, monsieur le ministre, qu’un référendum est précisément prévu dans ces territoires le 24 janvier. Certes, mais vous m’autoriserez deux observations.
La première concerne l’issue dudit référendum. Que se passera-t-il si les électeurs rejettent le principe d’une assemblée unique, qui constitue la seule question à laquelle ils ont à répondre ?
La deuxième est plus importante encore. Aucun référendum n’est prévu dans l’immédiat en Guadeloupe – je ne sais plus pour quelle raison. Par ailleurs, à la suite de l’adoption d’un amendement d’origine sénatoriale, la Réunion a été sortie du droit commun et la consultation expresse des populations y est exclue.
Je ne sais pas comment vous vous sortirez de cette situation, monsieur le ministre. En tout cas, dans ces conditions, on voit mal comment la réforme projetée pourrait s’appliquer aux territoires ultramarins, et singulièrement à la Réunion.
Je ne vois pas davantage comment vous allez vous en sortir en ce qui en ce qui concerne la loi électorale, et d’abord le découpage.
Nous avons souligné l’incertitude dans laquelle nous sommes quant au nombre de conseillers territoriaux. Cette incertitude est déjà un motif de censure, car nous légiférons sur des collectivités dont nous ne connaissons pas les compétences – elles seront définies dans une loi ultérieure –, dont nous ne connaissons pas davantage les ressources – pas moins de deux clauses de revoyure ont été prévues dans la réforme de la taxe professionnelle – et dont nous ne savons pas si elles seront en état de fonctionner de manière satisfaisante, c’est-à-dire avec un nombre d’élus suffisant pour garantir la diversité politique et le fonctionnement normal des institutions.
En fait, vous allez vous débattre, vous vous débattez déjà dans une contradiction fondamentale. Affirmer que les nouvelles circonscriptions cantonales – cette terminologie pouvant évoluer – compteront environ 20 000 électeurs peut contredire le principe d’une diminution de moitié du nombre cumulé des conseillers généraux et régionaux.
M. Marleix nous a annoncé que, pour tenter de pallier ces difficultés, dans chaque département, au moins quinze conseillers territoriaux siégeraient au conseil général. Dans ce cas, dans les régions où les écarts de population sont très grands entre les départements, le nombre de conseillers siégeant à la région deviendra pléthorique. Il est donc envisagé de limiter leur nombre en prévoyant un plafond pour l’assemblée des conseillers territoriaux de la région.
Si l’institution d’un plafond est parfaitement pertinente pour les départements faiblement peuplés, elle « tasse » considérablement le nombre de conseillers territoriaux pour les départements très peuplés, aboutissant à des circonscriptions beaucoup plus peuplées dans les départements urbains que dans les départements ruraux.
Cette situation était acceptable lorsque les conseillers généraux et les conseillers régionaux étaient élus selon des modalités différentes. Peu importait alors que soit très important l’écart entre le canton le plus peuplé d’un département urbain et le canton le moins peuplé d’un département rural. Ce qui est choquant, ce sont les écarts très importants de population entre les circonscriptions d’un même département, et je suis d’accord avec vous pour considérer qu’il faut apporter les corrections nécessaires.
Désormais, c’est dans le cadre régional que l’affaire va se jouer. L’obligation d’instaurer un plancher pour la simple gestion quotidienne des conseils généraux et la nécessité de fixer un plafond pour limiter le nombre de conseillers territoriaux siégeant à la région vous placent dans l’impossibilité absolue de respecter le principe constitutionnel d’égalité des suffrages.
Telles sont, parmi d’autres, les raisons qui nous font considérer que les textes proposés ne sont pas recevables.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Les auteurs de la motion contestent la constitutionnalité du projet de loi sur deux points : la création du conseiller territorial et la disparition de la clause générale de compétence.
Je traiterai d’abord de la création du conseiller territorial.
En ce qui concerne la mise en place d’une nouvelle catégorie d’élus siégeant à la fois dans les départements et dans les régions, j’ai bien entendu les arguments selon lesquels la fusion entre les conseillers généraux et les conseillers régionaux pourrait se heurter au principe inscrit au troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution, qui dispose que les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils élus ».
Selon certains, cette formulation interdirait au législateur de ne prévoir qu’une seule catégorie d’élus pour représenter les départements et les régions, collectivités territoriales dont l’existence est consacrée par le même article de la Constitution.
J’observe néanmoins que le constituant a précisé que ce principe de libre administration s’exerçait « dans les conditions prévues par la loi ». Cette précision laisse de larges marges de manœuvre au législateur, qui est d’ailleurs compétent, aux termes de l’article 34 de la Constitution, pour fixer le régime applicable aux assemblées locales.
Je rappelle également que la création des conseillers territoriaux, telle qu’elle est proposée par le projet de loi, maintient deux assemblées délibérantes distinctes : les départements et les régions demeureront donc administrés par des conseils élus séparés et la spécificité de chaque niveau sera respectée.
La création des conseillers territoriaux ne soulève donc pas, en elle-même, de problèmes évidents de constitutionnalité.
En ce qui concerne maintenant le mode de scrutin retenu pour l’élection des conseillers territoriaux, je me dois de relever que, à ce stade des discussions, des inquiétudes et des oppositions très fortes se sont manifestées sur plusieurs points : la mise en place d’un scrutin uninominal à un tour, qui ne connaît qu’un précédent en France ; le « dosage » de scrutin proportionnel, c’est-à-dire la proportion de sièges attribués aux candidats élus au scrutin de liste ; la combinaison de candidats au scrutin uninominal et d’élus au scrutin de liste.
Surtout, le mode de scrutin retenu dans la rédaction du projet de loi n° 61 aurait probablement, selon les signataires de la motion, pour effet de faire diminuer sensiblement le nombre de femmes présentes dans les conseils régionaux et pourrait ainsi remettre en cause les acquis de la parité.
La commission des lois prend toute la mesure de ces craintes. Toutefois, ces questions ont vocation à être traitées non pas dans le cadre du présent projet de loi, mais lors de l’examen du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et du renforcement de la démocratie locale.
La commission des lois a constaté que la rédaction de l’article 1er permettait d’approuver la création des conseillers territoriaux dans son principe sans pour autant préjuger des modalités de leur élection, qui seront souverainement déterminées par les assemblées à l’occasion de l’examen d’un texte ultérieur. Elle a donc considéré que cet article pouvait être adopté sans qu’il soit nécessaire d’y apporter de changement de fond.
Enfin, les sénateurs socialistes contestent également le fait que le législateur soit invité à créer les conseillers territoriaux dans l’ignorance de leur nombre exact par département et de la délimitation des nouveaux cantons.
Je rappelle que le redécoupage des cantons sera organisé non seulement pour ramener le nombre total de cantons à environ 3 000 – contre plus de 4 000 aujourd’hui –, mais surtout pour réduire les écarts démographiques considérables qui affectent actuellement la carte cantonale et qui contreviennent au principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage.
Le Gouvernement, par la voix du secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités locales, a apporté des réponses aux légitimes interrogations des sénateurs lors des deux débats organisés par la commission des lois, réunissant les ministres et l’ensemble des sénateurs, les 28 octobre et 2 décembre derniers.
M. Alain Marleix a indiqué que le nombre de conseillers territoriaux dans chaque département ne pourrait être précisé que lorsque le Conseil constitutionnel se serait prononcé sur le découpage des circonscriptions législatives et que les résultats du recensement pour 2007 seraient connus, cette dernière condition étant aujourd'hui remplie.
Il a également précisé que le nombre des conseillers territoriaux devrait résulter d’une évaluation au niveau régional dans la mesure où la situation actuelle, très variable d’un département à l’autre, doit être prise en compte puisque le découpage cantonal doit reposer sur le territoire autant que sur la population.
Le Gouvernement nous a en outre confirmé qu’un seuil de quinze conseillers serait fixé par département.
En conséquence, mes chers collègues, le législateur bénéficie des informations suffisantes pour décider de la création du conseiller territorial.
J’en arrive au second point, qui concerne la clause générale de compétence. Celle-ci ne correspond pas à un principe constitutionnel.
En effet, dans l’article 72 de la Constitution, ni le principe de libre administration ni celui dit de « subsidiarité » n’impliquent directement la clause générale de compétence. En outre, l’article 4 de la Charte européenne de l’autonomie locale précise, dans son premier alinéa, que « les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi ». Le principe ainsi consacré est celui d’une compétence d’attribution des collectivités territoriales.
En revanche, les collectivités territoriales doivent être dotées d’attributions effectives.
Ainsi donc, les arguments soutenant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ne nous paraissent pas fondés et c’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des lois vous invite à la rejeter.
Monsieur Peyronnet, vous avez évoqué, à l’appui de votre motion, des arguments d’ordre juridique qui appellent quelques observations.
Comme l’a rappelé M. le rapporteur, l’article 72 de la Constitution pose le principe de la libre administration des collectivités territoriales. Cette proclamation n’épuise pas les droits du Parlement. Et c’est bien dans les conditions fixées par la loi que s’exerce ce principe de libre administration. §
Votre doute m’amène à vous rappeler les termes du troisième alinéa de l’article 72 : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement… »
Tel n’est pas le cas ! Rien dans ce texte ne vient limiter la libre administration des collectivités locales !
Quant à la clause générale de compétence – autre point sur lequel vous contestez la constitutionnalité de ce texte –, elle trouve son origine dans l’article 48 de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux. Cet article prévoit que le conseil général règle par sa délibération les affaires du département. Il crée ainsi le département moderne, administré par un conseil général élu de manière démocratique.
Pour l’instant, rien dans le présent texte ne contredit la clause générale de compétence. L’article 35 du projet de loi prévoit que le législateur organise les compétences, conformément aux dispositions de la Charte européenne de l’autonomie locale.
Dès lors, le présent projet de loi ne me semble aucunement justifier une exception d’irrecevabilité pour des motifs constitutionnels.
À ces objections de droit j’ajouterai une objection d’opportunité.
Monsieur Peyronnet, vous avez abordé des sujets aussi intéressants qu’importants. Comme vous êtes un démocrate et un républicain, vous ne souhaitez sûrement pas priver le Parlement de la possibilité d’examiner ces sujets au fond. Or, adopter votre motion reviendrait à fermer la discussion. Je suis pour ma part favorable au dialogue, au débat, et je demande donc au Sénat de rejeter cette motion.
Les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront la motion qui vient d’être présentée.
Sans reprendre les nombreux arguments qui ont été avancés, que ce soit à l’instant ou cet après-midi, lors du débat sur la motion référendaire, je voudrais insister sur deux dispositions manifestement inconstitutionnelles du projet de loi.
Premièrement, la création éventuelle des futurs conseillers territoriaux contredit deux articles de la Constitution.
En effet, depuis l’adoption de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, que l’actuelle majorité a pourtant votée comme un seul homme, l’article 72 dispose : « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer […] Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. »
Cet article précise bien que l’existence d’une collectivité se fonde, notamment, sur l’existence d’un conseil élu, distinct de celui des autres collectivités. Or le projet de loi prévoit la disparition de ce conseil élu spécifique à la région, d’une part, au département, d’autre part. De la confusion créée par votre projet naît donc une inconstitutionnalité grave, monsieur le ministre, car il s’agit de la violation d’un principe démocratique.
Par ailleurs, la création des conseillers territoriaux ne respecte pas les articles 1er et 4 de la Constitution. Le dernier alinéa de l’article 1er pose ce principe fort : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux. » Quant au dernier alinéa de l’article 4, il prévoit que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »
Comme d’aucuns l’ont déjà souligné, le mode de scrutin prévu pour l’instauration de ces conseillers territoriaux réduit à néant les progrès réalisés en matière de parité grâce au mode de scrutin proportionnel pour l’élection des conseillers régionaux. Par ailleurs, il pousse à la bipolarisation de la vie politique.
Vous me rétorquerez que l’article 1er du texte aujourd'hui en discussion n’évoque pas le mode de scrutin. Mais de deux choses l’une : soit vous retirez cet article pour, qu’enfin une discussion sérieuse et cohérente s’organise, qui regrouperait les différents aspects du débat sur les conseillers territoriaux, de leur création à leur mode d’élection, soit vous acceptez que l’on discute dès à présent de l’inconstitutionnalité de leur création, puisque vous avez d’ores et déjà déposé le projet de loi n° 61, qui tend à organiser leur mode d’élection.
Mais l’inconstitutionnalité de votre projet de loi ne porte pas sur son seul article 1er, monsieur le ministre. C’est l’ensemble du texte, son essence même, qui est contraire à la Constitution. En effet, article après article, il institutionnalise la tutelle d’un niveau de collectivité sur un autre.
Contrairement à ce que vous venez de dire, le principe de libre administration, inscrit dans l’article 72 de la Constitution, vole en éclat. Toute analyse sérieuse souligne que cette libre administration est au cœur de l’existence constitutionnelle des communes, des départements et des régions, consacrée par l’article 72. Sa suppression fait donc perdre à ces institutions de la République leur caractère constitutionnel.
Comment imaginer qu’une telle décision puisse être mise en œuvre sans une révision de la Constitution ?
Pour la commune et le département, avec la création des métropoles et des différents regroupements de collectivités prévus, ce n’est plus la libre administration qui est en cause, mais leur administration tout court, puisque compétences, budget et personnels leur seront supprimés.
La compétence générale, corollaire de la libre administration, qui distingue une collectivité d’un simple établissement public défini, lui, par le principe de spécificité, est abandonnée. C’est une remise en cause radicale de la Constitution, dont l’article 72 deviendra un élément virtuel.
Pour autant, le Gouvernement ne se hasarde pas à accorder aux nouvelles entités le caractère de collectivités locales, en s’abritant derrière le concept bien utile d’intercommunalité.
Le pouvoir joue avec la Constitution, monsieur le ministre ; je dirais même qu’il la manipule ! Il évite ainsi un grand débat national sur une question qui engage l’avenir de nos institutions.
Il faut dire qu’un enjeu de taille justifie une telle prise de risque avec la démocratie : il s’agit en effet d’adapter la France à la mondialisation financière et de casser un modèle institutionnel français hérité de notre histoire démocratique, pour laisser le champ libre au pouvoir économique.
Pour notre part, nous défendrons des principes démocratiques fondamentaux, en votant cette motion d’irrecevabilité. §
Le président du groupe du RDSE, M. Yvon Collin, aurait souhaité s’exprimer lui-même pour soutenir cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, mais, empêché, il m’a chargé de le suppléer.
Les arguments qui ont précédemment été développés à l’appui de cette motion ont montré combien il était dommageable que cette réforme des collectivités, qui nous a été présentée comme l’un des textes emblématiques de ce quinquennat, s’inscrive dans une insécurité juridique manifeste.
Les questions soulevées par cette réforme sont pourtant au cœur de la vie des Français dans la mesure où nos collectivités territoriales s’attachent, et s’attacheront demain, à répondre à des besoins de proximité.
Encore une fois, nous ne pouvons que regretter l’empressement du Gouvernement à faire examiner ce texte, au détriment de la recherche d’un véritable consensus et de l’acceptation d’une réforme dont, vous l’avez compris, nous ne partageons pas totalement les motivations.
Ce projet de loi souffre, en son cœur même, de griefs d’inconstitutionnalité, monsieur le ministre. Je voudrais en relever trois.
En premier lieu, la création du conseiller territorial ressemble furieusement à l’établissement d’une tutelle d’une collectivité sur d’autres, au travers du cumul des fonctions de ce nouvel élu au conseil général et au conseil régional. La prohibition d’une telle situation, posée par le Conseil constitutionnel en 2001, a pour but de garantir l’effectivité de l’autonomie des collectivités, principe lui-même fixé par l’article 72 de notre Constitution.
Vous vous apprêtez, monsieur le ministre, à faire voter une mesure qui, contrairement à ce qui a été affirmé dans cette enceinte, va rendre plus opaque la prise de décision des organes délibérants.
Au demeurant, je m’interroge également, à l’instar de mes collègues, sur la constitutionnalité de l’article 1er, qui crée une nouvelle catégorie d’élu tout en renvoyant la définition de son mode d’élection à un texte ultérieur. Nous aurons d’ailleurs largement l’occasion de reparler de ce mode de scrutin, et mon collègue et ami Jean-Pierre Chevènement reviendra probablement sur cette question tout à l’heure, lorsqu’il défendra la motion tendant au renvoi du texte en commission.
En deuxième lieu, le parachèvement de la carte de l’intercommunalité pourrait servir de prétexte à la réintroduction du droit de tutelle du préfet sur les maires, en permettant au premier d’obliger les seconds – certes, en ménageant les apparences, avec la consécration de la nouvelle commission départementale de coopération intercommunale, ou CDCI – à intégrer un EPCI quand bien même ils ne le souhaiteraient pas. Historiquement, la conquête des libertés communales a toujours signifié le progrès de la démocratie locale, grâce à un meilleur contrôle des interventions de l’État centralisé, plus éloigné que les collectivités elles-mêmes, force est de l’admettre, des réalités locales.
Comment, dès lors, ne pas s’interroger sur ce qui pourrait bien s’apparenter à une recentralisation, même si vous prétendez le contraire, monsieur le ministre ?
N’est-ce pas aller à l’encontre de toute la logique qui préside à la décentralisation depuis 1982 que d’écarter le libre choix d’une commune de rejoindre ou non un EPCI selon l’intérêt local, qu’elle est pourtant en droit d’apprécier librement. Nous considérons qu’il s’agit d’une remise en cause manifeste de ce qui fait le cœur même de la libre administration des collectivités, remise en cause sur laquelle le Conseil constitutionnel ne manquera pas de revenir.
En troisième lieu, nous nous étonnons que ce texte soit muet sur un grand principe posé par l’article 72-2 de la Constitution : la péréquation. Mon groupe a exprimé avec force son vœu d’améliorer les dispositifs de péréquation et de favoriser une réelle égalité entre les territoires et les citoyens. Or le présent texte tend, au travers de la création des métropoles, à créer une segmentation injuste des territoires d’un même département entre une métropole, qui disposera de l’essentiel des ressources fiscales, et le reste du territoire, souvent rural, pour lequel le département devra combler le manque à gagner comme il le pourra.
Il est inacceptable, selon nous, d’institutionnaliser ainsi une inégalité sur un même territoire ! Nous estimons que ce point mérite, lui aussi, d’être apprécié au regard des normes constitutionnelles et qu’il encourt la censure du Conseil.
Vous l’aurez compris, la majorité des membres de mon groupe s’associe pleinement aux arguments exposés par nos collègues du groupe socialiste ; c’est pourquoi, pour la plus grande partie d’entre nous, nous apporterons notre soutien à cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
En réalité, sans même parler des projets de loi à venir, qui soulèvent des problèmes liés à la parité et, de l’avis même du Conseil d’État, à la sincérité du scrutin, le présent texte est truffé de dispositions inconstitutionnelles. Je me contenterai de relever trois problèmes.
Je traiterai brièvement du premier, qui vient d’être exposé. Si vous évitez l’inconstitutionnalité majeure qui aurait découlé d’une fusion du département et de la région, chacune de ces deux collectivités étant mentionnée dans la Constitution, vous n’avez pas évité une inconstitutionnalité que je qualifierai d’accessoire. En effet, à défaut de fusionner les collectivités, vous fusionnez les élus, et nous sommes curieux de savoir ce que le Conseil constitutionnel en pensera.
Ensuite, comme je l’ai encore indiqué ce matin devant la commission, vous permettez à la métropole, dès l’instant qu’elle les demande, d’avoir les compétences économiques de la région et du département, même si ces deux collectivités s’y opposent. Il y a là une inconstitutionnalité majeure puisque vous offrez la possibilité, non pas à une collectivité territoriale, mais à un établissement public de coopération intercommunale d’imposer son choix et d’obtenir un transfert de compétences de la part d’une collectivité territoriale. Ce n’est évidemment pas acceptable sur le plan juridique.
Enfin, de la même manière, une communauté de communes, c’est-à-dire un EPCI, pourra demain, par l’intermédiaire du préfet, imposer à une commune, c'est-à-dire à une collectivité territoriale, de la rejoindre. Sans porter de jugement sur l’opportunité d’une telle intégration, j’estime qu’elle est contraire à notre Constitution.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je mets aux voix la motion n° 8, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au projet de loi.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je rappelle également que la commission ainsi que le Gouvernement demandent le rejet de la motion.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter «pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre» remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
Je rappelle que, pour solenniser et sécuriser davantage les opérations de vote, le président de séance doit veiller à ce que toute personne non directement concernée par le scrutin se tienne en dehors du demi-cercle situé au pied du plateau, à charge pour les huissiers de faire respecter la « sanctuarisation » de cette zone.
Les opérations de vote se déroulent à la tribune de l’orateur, où sont disposées les trois urnes « pour » « contre » et « abstention ».
Les opérations de vote sont supervisées par deux secrétaires du Sénat, le premier tenant les trois urnes pour recueillir les bulletins de vote et les déposer dans les urnes, le second notant le nom des représentants des groupes, ainsi que celui des sénateurs votant à titre individuel.
Par ailleurs, lors d’une demande de scrutin public, la fiche verte doit être signée non seulement par le président du groupe, mais aussi par l’auteur effectif de la demande, condition à laquelle il a, bien entendu, en l’occurrence, été satisfait.
Pour le reste, les règles du scrutin public ordinaire demeurent inchangées.
Pour sa part, le président de séance précise de manière aussi claire que possible l’enjeu du vote – je l’ai fait –, ainsi que l’avis émis par la commission et le Gouvernement – je l’ai fait.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?
En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 123 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, d’une motion n° 9.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 170, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, auteur de la motion.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la période la plus critique de la crise financière, le Président de la République s’était félicité de la résistance de notre pays face à l’effondrement économique et social généralisé. Selon lui, la raison en était évidente : les services publics, la fonction publique, la protection sociale avaient servi « d’amortisseur social ».
Ces belles paroles étaient seulement circonstancielles puisque vous vous employez, aujourd’hui, à détruire tout ce qui vous paraissait alors indispensable.
Non satisfaits par la casse programmée de ce qui constitue la colonne vertébrale des politiques de solidarité, vous nous proposez également de remettre en cause nos institutions territoriales.
La vie de nos concitoyens ne semble pas être votre principale préoccupation ; celle de nos communes, de nos départements et de nos régions encore moins. Vous n’agissez pas pour répondre aux besoins de la majorité de nos concitoyens, mais n’avez qu’un leitmotiv : confier au secteur marchand tout ce qui peut faire fructifier les comptes de quelques privilégiés. Les services publics sont, de votre point de vue, des secteurs potentiels de profitabilité pour quelques-uns. Vous oubliez qu’ils ont été créés pour satisfaire à l’intérêt général !
Dans votre conception étroite, égoïste, tout doit être soumis aux règles du marché, du libéralisme. Ce dogme vous aveugle à un point tel que vous ignorez ce que vivent nos concitoyens, obnubilés que vous êtes par les seuls intérêts de la classe qui vous a portés au pouvoir.
Tout le monde ne souffre pas de la rigueur ; ainsi vos amis semblent-ils s’en tirer assez bien… L’indice CAC 40 a bondi de 56 % au cours des neuf derniers mois de 2009 et les banques ont largement tiré leur épingle du jeu, faisant un bond de 70 %. Les spéculateurs ont donc de beaux jours devant eux !
La crise a des effets différenciés selon l’échelon social. Les banques reprennent leurs vieilles habitudes. Or, les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut craindre que la crise ne se reproduise, en pire. Nombreux sont d’ailleurs ceux qui pensent que nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle crise. Le Président de la République, lui-même, le reconnaît : « [...] si la crise devait repartir, les États ne seraient plus la digue qu’ils ont été dans la crise que nous venons de connaître. Parce que car nous avons utilisé la plus grande part de nos marges de manœuvre. »
On sait que les solutions envisagées par les libéraux se résument bien souvent à des politiques de rigueur et d’austérité, qu’ils font supporter à la majorité de la population.
Les salaires constituent ainsi une première variable d’ajustement et subissent en conséquence une pression constante. Les salariés payés au SMIC ne vont voir leur revenu mensuel nominal progresser que de 6 euros ! Jamais, en trente ans, le taux d’augmentation des salaires n’a été aussi faible, avec une moyenne inférieure à 3 %, s’établissant autour de 2, 6 % pour les ouvriers et les employés.
Autre variable d’ajustement : l’emploi.
L’INSEE annonce un taux de chômage de plus de 10 % en 2010. La réalité, c’est que le nombre de demandeurs d’emplois a gonflé, en un an, de 661 000 ; ils sont plus de 4 millions aujourd’hui. En 2009, 378 000 emplois ont été détruits, et la tendance ne fait que se confirmer pour 2010.
Derrière ces chiffres, ce sont des vies brisées...
Que peuvent espérer les personnes – près d’un million ! – qui seront en fin de droits dans les mois à venir ? Comment peut-on vivre avec à peu près 450 euros ? C’est indécent !
Que peuvent espérer les jeunes qui subissent de plein fouet la politique menée par votre gouvernement ? Le taux de chômage des jeunes âgés de moins de vingt-cinq ans atteint presque 25 %...
Peut-être, mais si l’on compare ce chiffre à la moyenne européenne, il n’y a pas de quoi être fier !
Mme Jacqueline Panis. C’est hors sujet ! Quel est le rapport avec la réforme des collectivités territoriales ?
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.
J’y viens, madame Panis !
Que peuvent espérer les femmes, qui sont plus de 1 900 000 à rechercher un emploi ? C’est une situation d’injustice que nous refusons, contrairement à vous !
Les élus locaux, dont vous êtes, madame Panis, sont directement concernés par la dégradation des conditions d’existence de millions de nos concitoyens. Or les seules politiques que vous trouvez à mettre en œuvre, et que vous osez qualifier de « réformes », constituent autant de graves reculs sociaux.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Jamais notre pays n’a connu une telle situation de régression sociale, alors que les richesses produites sont en augmentation constante. §Si vous le souhaitez, madame, vous pourrez me répondre tout à l'heure !
En étouffant financièrement les collectivités locales par la suppression de la taxe professionnelle, vous mettez en péril les nombreux services publics locaux qui viennent en aide à nos concitoyens les plus modestes. Vous en profitez pour faire, au passage, un cadeau de 12, 3 milliards d’euros aux entreprises. Après la mise en place du bouclier fiscal, cela confirme que votre générosité est toujours ciblée sur les mêmes couches sociales.
Ces exonérations ne servent ni l’emploi ni le développement économique. Le rapport Cotis l’a confirmé. La suppression de la part salaires de la taxe professionnelle n’a eu aucun effet positif pour les salariés ou pour l’économie : les salaires ont stagné, les investissements sont restés stables et seuls les profits des actionnaires se sont envolés. Tel est le résultat de ces exonérations de toutes sortes, sociales ou fiscales ! Et la situation des PME n’est pas réglée pour autant...
Qu’en serait-il si ces textes étaient votés ?
La suppression de la taxe professionnelle, première étape du processus que vous avez « cogité », risque de bloquer le fonctionnement de nos communes, de nos départements et de nos régions. En paralysant ainsi nos institutions démocratiques de base, vous remettez en cause la démocratie de proximité. Or, si les communes ne vous plaisent pas, elles conviennent à leurs habitants, qui leur font confiance : c’est un échelon essentiel de notre démocratie.
Une enquête récente du CEVIPOF, le centre de recherches politiques de Sciences Po, le confirme : autant la défiance est forte à l’égard des échelons supérieurs du pouvoir, en particulier le Président de la République et le Premier ministre, autant la confiance reste élevée vis-à-vis des élus locaux, qu’il s’agisse des maires, des conseillers généraux ou des conseillers régionaux. C’est pourtant le moment que vous choisissez pour remettre en cause nos institutions locales.
En supprimant nombre de ces élus, vous altérez notre système démocratique. De votre point de vue, pour vous, 500 000 élus locaux, c’est trop, de même d’ailleurs que 36 000 communes !
Notre République est fondée sur des valeurs. Or vous allez, avec ce texte, « marchandiser » le système, le soumettre encore davantage à la loi du marché.
(M. Patrice Gélard manifeste son étonnement.) Ne prévoyez-vous pas, pour cette raison, d’en supprimer la moitié ?
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
C’est une véritable imposture ! Selon vous, et le rapport reprend ces propos, les indemnités des élus régionaux et généraux coûtaient trop cher...
M. Pierre-Yves Collombat. Les élus coûtent moins cher que les vaccins ...
Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Sans doute ! D’où cette astuce !
Pourtant, une étude de France Bénévolat établit ceci : « C’est dans les petites communes que l’on trouve le plus grand nombre de citoyens engagés. En effet, les collectivités comportant moins de 500 habitants représentent près de 60 % des communes de France et affichent 42 % des conseillers non indemnisés. Lorsque l’on étend le regard aux communes comportant jusqu’à 1 500 âmes, soit plus de 80 % des communes, on parvient à 70 % de ces conseillers bénévoles. » Et de conclure : « Les élus rémunérés représenteraient environ 28 % et les élus bénévoles 72 %. »
Paradoxalement, ce sont ces communes que vous voulez supprimer, alors que le coût des élus locaux ne représente qu’une très faible partie des dépenses des collectivités locales.
Vous faites preuve d’une certaine mesquinerie à vouloir aborder la question sous cet angle alors même que vous refusez de privilégier la participation des habitants, de donner aux élus un statut qui leur permette de remplir leurs missions. J’ai d’ailleurs bien peur qu’un tel statut ne soit la dernière de vos préoccupations.
Qui plus est, on ne s’applique pas toujours, au plus haut sommet de l’État, à donner l’exemple ! Ainsi, la Cour des comptes a révélé des dépenses somptuaires : sans m’y attarder, je rappellerai que le budget de l’Élysée a augmenté de 10 %, tandis que les cabinets ministériels ont vu le leur s’accroître de 11, 1 %, les rémunérations de leurs membres ayant connu une progression, vertigineuse, de 57 % entre 2008 et 2009. Dans ces conditions, donner des leçons aux élus locaux semble quelque peu déplacé !
En réalité, la diminution drastique du nombre d’élus a pour objet de réduire l’essentiel des services rendus aux habitants, qui pourtant ont de plus en plus besoin de solidarité. Mais ce mot ne fait peut-être pas partie de votre vocabulaire…
Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales qui nous est présenté reprend pour l’essentiel les propositions de la commission Balladur. Il est dissocié de la loi de finances par laquelle a été supprimée la taxe professionnelle, alors même que ces deux sujets sont intimement liés. Il constitue, en réalité, la deuxième étape du processus. Après avoir organisé leur asphyxie financière, le Gouvernement s’engage dans la voie de la suppression pure et simple des départements et de la réduction du nombre de communes.
Le souci est toujours le même : brouiller le message pour que les élus se perdent dans le labyrinthe de la loi – ou plutôt des lois, devrais-je dire pour être plus précise. Il aurait été beaucoup trop simple de faire voter une seule loi : il y en aura donc quatre ! Comment les citoyens peuvent-ils se retrouver dans cet imbroglio législatif ? Tout est fait pour qu’ils ne puissent appréhender les enjeux de ces textes, tout est exploité pour en rendre la compréhension difficile. De surcroît, la motion référendaire, dont l’adoption aurait permis à nos concitoyens de s’exprimer, a été repoussée.
Vous prétendez dans un premier temps, monsieur le ministre, que votre seul souci serait de favoriser l’intercommunalité, et vous menacez de contraindre les communes qui n’en feraient pas partie, par l’intervention du préfet. Or vous savez fort bien que cette intercommunalité est totalement assumée et assimilée par la quasi-totalité des communes de France. Au fond, votre objectif n’est pas de développer les coopérations entre communes : votre unique finalité est de favoriser des phénomènes d’absorption des petites communes par les plus importantes. Vous suscitez la dilution des communes dans l’intercommunalité, ce qui explique la mise en place des communes nouvelles.
Pour arriver à comprendre ce processus, il faut naviguer dans le présent projet de loi de façon non pas linéaire, mais bien plutôt chaotique, et opérer des retours en arrière. Mais l’objectif est clairement affirmé : les communes qui ne rentreront pas dans le rang seront intégrées par arrêté préfectoral dans un EPCI à fiscalité propre. Ensuite, chaque préfet disposera de deux ans pour mettre en place le schéma départemental. La boucle est bouclée ! L’autoritarisme transpire dans chaque ligne de ce texte.
Le principe sera identique pour les métropoles : il s’agira de faire disparaître les communes périphériques pour les voir se fondre dans une seule entité, sans doute dans une optique européenne, afin de déstabiliser les départements et les communes concernés.
Le phénomène d’absorption sera le même entre les régions et les départements, et les objectifs seront identiques : réduire le nombre d’élus, diminuer le nombre de services offerts à la population pour les faire assurer par le secteur privé. Paiera qui pourra : telle est votre devise. Les départements seront ainsi absorbés par les régions.
Le projet de loi qui nous est soumis remet en cause la libre administration des collectivités territoriales inscrite à l’article 72 de la Constitution. Le préfet voit son rôle nettement renforcé, en particulier pour ce qui concerne la détermination du schéma de l’intercommunalité, des métropoles, ou encore le regroupement des départements.
Après la suppression de la taxe professionnelle, après la mise en place de la révision générale des politiques publiques, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales ne peut qu’aggraver les conditions d’existence de nos services publics. Il affaiblit les compétences des collectivités ; il altère la démocratie locale ; il dégrade les conditions de travail de la fonction publique territoriale, car il entraîne à terme des suppressions de postes et une précarisation accrue des salariés ; il ouvre la porte au secteur privé, qui se substituera à ces politiques d’abandon.
C’est peut-être pour ces raisons que le Gouvernement a décidé de diviser cette réforme en plusieurs parties, de façon totalement incohérente. Le Parlement a déjà adopté la concomitance des mandats locaux sans avoir préalablement débattu de l’instauration des conseillers territoriaux. Nous allons maintenant examiner la création de ces conseillers, mais sans savoir de quelle façon ils seront élus. Nous débattons également du fonctionnement des collectivités locales, sans savoir de quelle manière elles seront financées puisque la taxe professionnelle a été supprimée, mais la taxe carbone censurée par le Conseil constitutionnel…
De quoi parle-t-on ? À quelle base se réfère-t-on ? L’incohérence et l’incertitude qui entourent tous les projets de loi en cause diluent le débat et le rendent pour le moins incompréhensible.
Nous demandons donc que le Gouvernement nous présente une réforme cohérente, respectant une certaine chronologie et ne nous obligeant pas à étudier les conséquences avant d’avoir débattu des causes. §
Les auteurs de la motion tendant à opposer la question préalable ont tout d’abord relevé dans le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis une mise en cause de la démocratie locale et du principe de libre administration des collectivités.
Cet argument ne me paraît pas recevable. En effet, nous sommes face à une réforme pragmatique qui tente de tirer les leçons d’une expérience décentralisatrice vieille de près de trente ans. Le projet de loi opère une réorganisation, aujourd’hui nécessaire, qui ne remet pas en cause les principes fondamentaux des réformes qui l’ont précédé. À cette fin, il démocratise les instances intercommunales en prévoyant l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires. Il renforce le rôle et la représentativité des commissions départementales de la coopération intercommunale. Il offre de nouveaux outils aux collectivités pour conduire et pour développer leurs projets : métropoles, pôles métropolitains. Enfin, il facilite les regroupements entre collectivités, permettant ainsi aux départements et régions qui le souhaitent de se regrouper, toujours sur la base du volontariat.
La commission des lois, tout en adhérant au texte proposé par le Gouvernement, l’a modifié pour renforcer la liberté des collectivités territoriales. C’est pourquoi, à titre conservatoire et dans l’attente d’une meilleure solution, elle a privilégié la négociation pour la fixation du nombre de sièges et leur répartition au sein des conseils communautaires. Elle a davantage encadré les pouvoirs du préfet dans la modification de la carte intercommunale. Elle a apporté de nouvelles garanties aux procédures de regroupement des départements et des régions. Enfin, elle a clarifié les principes devant encadrer la répartition des compétences.
Les auteurs de la motion tendant à opposer la question préalable regrettent que la réforme territoriale soit présentée par le biais de différents projets de loi.
En effet, cette réforme fait l’objet de plusieurs textes, qui seront successivement discutés par le Parlement. Mais aujourd’hui, en abordant l’examen du premier d’entre eux, celui qui traite des structures, le législateur connaît les propositions du Gouvernement concernant l’élection des conseillers territoriaux, le renforcement de la démocratie locale et le mode d’élection des conseillers communautaires, puisque l’ensemble de ces textes ont été déposés sur le bureau du Sénat le même jour, le 21 octobre dernier.
Enfin, la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales fera l’objet d’un projet de loi ultérieur, élaboré sur la base des principes que nous déterminerons dans le texte dont nous entamons aujourd’hui la discussion. Il nous revient donc de fixer dès à présent les limites de la clarification à venir des compétences.
En conséquence, mes chers collègues, estimant que le législateur dispose de tous les éléments nécessaires pour délibérer sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, la commission des lois vous demande de rejeter la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le rapporteur vient d’excellemment avancer des arguments que je fais miens ; je ne les reprendrai donc pas. Je voudrais cependant revenir sur un point.
Madame Mathon-Poinat, vous avez affirmé que le Gouvernement veut à tout prix réduire le nombre des élus, notamment celui des élus municipaux bénévoles. Tel n’est absolument pas le cas !
Nous avons besoin de tous les élus municipaux, en particulier pour gérer les relations du couple communes-intercommunalité, que vise le projet de loi. Il n’est pas question de diminuer leur nombre.
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Fischer, je vous aime beaucoup, vous le savez, mais j’aime encore plus la vérité !
Sourires
Nous sommes tous très attachés à ces élus, qui, par leur travail quotidien, participent grandement à la qualité du vivre-ensemble.
Après avoir ajouté cet argument à ceux qu’a exposés M. le rapporteur, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir rejeter la motion tendant à opposer la question préalable.
Monsieur le ministre, lors de la discussion générale, vous avez commencé votre intervention en soulignant le caractère historique de nos débats, déclarant qu’ils portaient sur une vaste réforme institutionnelle réalisée par le biais d’une profonde transformation de nos institutions locales. Ce faisant, vous avez montré, enfin, l’enjeu des réformes que vous nous soumettez.
Considérant que les bases constitutionnelles de ces dernières ne sont pas assurées, nous vous avons proposé que ce soit le peuple qui décide en dernier ressort des transformations devant être mises en œuvre. Vous vous y êtes refusé. Ce refus est la preuve de votre faiblesse et de votre crainte qu’un tel référendum n’aboutisse au rejet de vos propositions.
Ma collègue Josiane Mathon-Poinat vient de défendre excellemment la motion tendant à opposer la question préalable visant au rejet du présent projet de loi, au motif principal que la division artificielle de la réforme en plusieurs projets présentés séparément bien qu’ils soient étroitement liés porte atteinte au droit du Parlement et brouille volontairement les cartes. Vous nous demandez, en fait, de travailler à l’envers. Chacun le reconnaît, à droite comme à gauche : vous auriez dû commencer par le début, à savoir remettre à plat les compétences entre l’État et les collectivités locales, puis en redéfinir la répartition. Nous aurions pu alors, dans un second temps, accorder les structures territoriales aux compétences déléguées.
En refusant cette organisation, vous ne vous êtes pas contenté de brouiller les cartes : vous nous obligez aujourd’hui à travailler en aveugle. Nul ne sait quelles seront demain les compétences, inévitablement réduites, des communes, des départements et des régions. Certes, une future loi est annoncée sur cette question, mais aucun projet n’est encore ébauché.
Alors que vous nous demandez d’organiser des transferts de compétences des communes vers les intercommunalités, ainsi que des communes, des départements et des régions vers les métropoles, le texte qui nous est soumis aujourd’hui ne nous permet pas de savoir si ces compétences transférables relèveront toujours de leurs attributions. Ainsi, vous demandez aux parlementaires de se laisser conduire vers une profonde transformation des institutions locales sans leur indiquer vers quel système, vers quelle nouvelle architecture vous les dirigez, ni quels sont vos objectifs in fine. Ce n’est pas acceptable.
Nul ne conteste la nécessité d’une véritable réforme permettant aux collectivités locales de répondre toujours mieux à leur mission. Mais une telle réforme doit être réalisée dans la clarté, les objectifs affichés doivent être dépourvus d’ambiguïté, il ne doit pas y avoir de faux-fuyant sur l’ensemble des enjeux.
Oui, nos concitoyens souhaitent, comme nous tous, une réforme qui donne aux communes, aux départements et aux régions les moyens de toujours mieux répondre aux besoins et aux attentes de leurs habitants. Ils ne nous demandent pas de réduire nos actions et nos compétences dans tous les domaines de leur vie quotidienne ; au contraire, ils sollicitent plus d’équipements et de services publics, utiles et accessibles à tous. Or le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis, en fixant un objectif de réduction de la dépense publique et, par conséquent, des services publics locaux, va à l’encontre de ces attentes.
Aussi, considérant que ce texte ne répond pas aux attentes de nos concitoyens, considérant que le Gouvernement brouille les cartes en traitant une même réforme dans de multiples projets de loi présentés dans le désordre, considérant que ce procédé traduit la volonté de masquer la globalité des transformations engagées afin d’en dissimuler les enjeux aux parlementaires, considérant enfin que le projet de loi aujourd’hui soumis au législateur ne permet pas à celui-ci d’élaborer une loi en toute connaissance des objectifs et des enjeux et, par conséquent, de lui conférer la lisibilité et l’intelligibilité nécessaires à sa compréhension et à son application, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable présentée par notre collègue Josiane Mathon-Poinat, afin de rejeter le présent projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Nous voterons bien sûr cette motion tendant à opposer la question préalable, et je voudrais développer quelques arguments supplémentaires.
Ce projet de loi repose sur des non-dits et des contradictions.
Sourires
J’évoquerai tout d’abord les non-dits.
Monsieur le ministre, certains de nos éminents collègues parlementaires nous ont dévoilé la vérité : Jean-François Copé a indiqué que cette réforme constituait une première étape vers la fusion des conseils généraux et des conseils régionaux
Marques de lassitude sur les travées de l’UMP.
… ce qui est la vérité. Chers collègues de la majorité, il a dit tout haut ce qu’un grand nombre d’entre vous pensent tout bas !
J’en viens aux contradictions.
Vous affirmez que ceux qui siègent dans les conseils régionaux et dans les conseils généraux doivent être les mêmes. Nous ne comprenons pas pourquoi. Nous n’avons jamais vu deux collectivités de plein exercice avoir les mêmes élus !
La contradiction est ici totale.
Dans le même temps, vous prétendez que les conseils généraux devront continuer à aider les communes. C’est donc que vous n’êtes pas pour la paix des ménages !
Pour durer, un mariage doit être à la fois d’amour et de raison.
Sourires
Or vous nous proposez ici de marier la région et le département, alors que leurs compétences sont différentes puisque la première s’occupe de définir des stratégies générales et que le second est la collectivité de proximité, celle qui fait jouer les solidarités au plus près des besoins !
Ce « détricotage », nous ne pouvons l’accepter. Vous devez revoir votre copie et poser clairement que vous entendez mettre un terme à vingt-cinq ans de décentralisation. En effet, c’est bien à une recentralisation rampante que tend ce projet de loi !
Monsieur le ministre, vous affirmez que deux ou trois départements, s’ils en expriment la volonté, pourront se regrouper. Il s’agira souvent de petits départements disposant de faibles moyens, mais cette fusion vous permettra de faire des économies, car, pour ces collectivités, vous n’aurez plus besoin que d’un seul préfet !
M. Michel Mercier, ministre. Pas du tout ! D’ailleurs, ce ne sont plus les préfets qui gèrent les départements…
Souriressur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.
Et si deux régions se regroupent – il faut aller au bout de votre logique –, l’économie sera encore plus considérable !
Vous voulez détricoter ce que nous avons mis vingt-cinq ans à réaliser. Ces collectivités répondent aux besoins de nos concitoyens. Naturellement, certaines solutions qui sont adaptées pour une région ne le sont pas pour les autres, car la France est diverse, mais le dispositif que vous nous proposez ne convient pour aucune.
Je prendrai l’exemple de ma région, Midi-Pyrénées. Comment voulez-vous que nous puissions, à terme, la gérer avec seulement 180 conseillers territoriaux, alors qu’elle compte huit départements et qu’elle est plus grande que la Belgique ? Les élus devront parcourir deux cents, voire trois cents kilomètres pour se rendre d’une extrémité de la région à l’autre… Tout cela n’est pas raisonnable !
C’est pourquoi nous voterons cette motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je voterai bien sûr cette motion.
Monsieur le ministre, je ne puis faire mienne l’argumentation que vous avez présentée. Vous affirmez que vous ne souhaitez pas voir le nombre des élus municipaux diminuer. Vous avez même prétendu, dans d’autres circonstances, vouloir renforcer la commune en tant qu’échelon de base de notre organisation territoriale ; vous soulignez d’ailleurs que vous entendez maintenir à son profit la clause de compétence générale.
Monsieur le ministre, connaissez-vous le projet de loi, et plus précisément son article 8, relatif à la création des communes nouvelles ?
J’entends bien vos contre-arguments. Certes, les regroupements prévus dans cet article se feront d’abord sur la base du volontariat. Mais ils pourront aussi être réalisés sur l’initiative du représentant de l’État dans le département !
Vous soutenez que cette disposition n’est pas destinée à être appliquée. Alors, retirez-la du projet de loi, tout simplement, …
M. Yves Daudigny. … ou ayez la franchise de reconnaître que ce texte contient les prémices de la suppression de l’échelon communal en tant qu’élément de base de notre organisation territoriale, et que vous souhaitez que l’intercommunalité soit demain le premier niveau de collectivité territoriale !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je mets aux voix la motion n° 9, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je vous rappelle que l’avis de la commission est défavorable, l’avis du Gouvernement également.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » la motion remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Je ne relirai pas les différentes dispositions dont vous avez maintenant connaissance.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
La parole est à M. Guy Fischer.
Monsieur le président, compte tenu de l’importance des questions traitées, chacun des sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG entend voter personnellement.
Pour ma part, je voterai bien sûr également pour les membres de mon groupe qui ne sont pas présents ce soir.
Sourires sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.
Le scrutin a lieu. – Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste présents en séance votent personnellement.
Personne ne demande plus à voter ?…
Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?…
En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 124 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi, par MM. Collin, Baylet, Alfonsi, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, d’une motion n°24 rectifiée.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 170, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, auteur de la motion.
M. Jacques Mézard applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme qui nous est soumise ne procède pas d’une pensée claire.
Son examen vient dans un ordre inverse à celui qu’eût inspiré la logique. Il eût fallu partir du rôle des collectivités territoriales et de leurs compétences, régler ensuite leur organisation, pourvoir enfin à leurs recettes. C’est le contraire qui a été fait. Certes, le problème des recettes a été traité, mais il n’est pas réglé. Nous ne connaissons pas encore les compétences dans lesquelles seront enfermés les départements et les régions.
L’objectif premier, comme le Président de la République l’a d’ailleurs clairement déclaré, est d’associer les collectivités territoriales à la rigueur budgétaire. Les financements croisés seront interdits, sauf exceptions dont l’article 35 du projet de loi renvoie à un an la définition.
L’élection des conseillers territoriaux appelés à remplacer les conseillers généraux et les conseillers régionaux aura lieu selon un mode de scrutin que nous ne connaissons pas. Elle fera régresser la parité et transformera le problème des cumuls en un véritable casse-tête. Monsieur le ministre, ce projet de loi porte la marque d’une excessive précipitation : qui trop embrasse, mal étreint.
Le Sénat n’entend pas se laisser encore une fois mettre devant le fait accompli et se voir réduire au rôle de simple chambre d’enregistrement.
Pourtant, monsieur le ministre, il y a plus préoccupant encore : le texte qui nous est proposé est gravement attentatoire aux principes de la République.
Aux termes de l’article 1er de la Constitution, en effet, la République est indivisible. Elle respecte le principe d’égalité. Son organisation est décentralisée.
Or le projet de loi de réforme des collectivités territoriales contrevient à ces principes. Il porte en lui l’extinction des communes existantes et des départements. Il saperait ensuite, s’il était adopté, l’unité de la République.
La commune et le département sont tous deux des créations de la Révolution française. Celle-ci a installé les communes dans les limites des anciennes paroisses et les départements aux lieu et place des découpages hérités de l’ancien ordre féodal.
À la fin du XVIIIe siècle, Voltaire écrivait qu’en France on changeait plus souvent de lois que de chevaux. C’est à cela que la Révolution de 1789 a voulu mettre un terme, pour assurer l’égalité des citoyens devant la loi.
Il existe donc un lien entre le couple département-commune et la République une et indivisible. Or c’est ce lien que le projet de loi de réforme des collectivités territoriales entend rompre.
Bien loin de simplifier le mille-feuille, le projet de loi semble d’abord l’épaissir avec la création…
… des métropoles, érigées en nouvelles féodalités. On pourrait l’affirmer d’une autre manière des communes nouvelles – j’y reviendrai dans un instant –, dont M. Daudigny a très bien révélé la véritable nature.
Le Président de la République continue d’agiter l’argument du mille-feuille.
Sourires
Une arrière-pensée se devine. Quelle est la vérité ? Je vais vous la dire.
Comme l’a rappelé hier Brice Hortefeux, le Gouvernement prétend vouloir instaurer deux nouveaux couples : communes-intercommunalité, d’une part, départements-région, d’autre part. Il s’agit là d’une présentation fallacieuse. Dans ces deux binômes, les communes existantes et les départements ont vocation à s’effacer, et je vais le démontrer.
Comment ne pas saisir, en effet, que des communes pourront disparaître sans le consentement ni des conseils municipaux ni de leur population au profit de « communes nouvelles », comme l’a très bien souligné M. Daudigny ?
Aux termes de l’article 8 du projet de loi, ces communes nouvelles pourront être créées à la place d’un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, avec l’accord des deux tiers des communes représentant les deux tiers de la population, sur l’initiative d’un préfet ou de l’EPCI lui-même. En clair, cela signifie que l’opposition du tiers des communes dans le ressort du périmètre de l’EPCI concerné ne suffirait pas à empêcher leur disparition pure et simple. Voilà qui est grave, et ce n’est pas M. Braye qui me démentirait.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, l’article 72 de la Constitution précise que les collectivités territoriales s’administrent librement, dans les conditions prévues par la loi. Mais la loi peut-elle aller jusqu’à faire disparaître des milliers de communes sans leur consentement ? N’est-ce pas là une atteinte fondamentale au principe selon lequel l’organisation de la République est décentralisée ? Vous n’avez pas répondu à cette question, monsieur le ministre !
Or, si elle était poussée à son terme, la logique des communes nouvelles, avec les incitations financières qui ont été évoquées, aboutirait à substituer aux 36 600 communes 2 600 communes nouvelles.
Il suffira des majorités qualifiées que j’ai dites pour réaliser une telle OPA inamicale sur, je le répète, des milliers de communes.
Ce projet de loi est inspiré de la réduction autoritaire et drastique à laquelle ont procédé certains pays voisins, comme la Belgique ou l’Allemagne.
La création desdites « communes nouvelles » apparaît comme le moyen de pallier, quarante ans après, l’échec de la loi Marcellin. Or la réussite de l’intercommunalité de projet – vous le savez bien, puisque nous y avons travaillé ensemble – a permis d’apporter un remède simple à cet émiettement communal, qui est certes une spécificité française, mais qui est aussi un formidable atout pour la démocratie par le formidable réseau de 500 000 élus de proximité, quasi bénévoles pour la plupart, que chacun d’entre nous ne manque jamais de saluer.
Monsieur le ministre, il existe un rapport entre la liberté communale et la démocratie. Les règles de majorité qualifiée peuvent s’appliquer à l’intérieur de l’intercommunalité, mais elles ne le peuvent pas quand il est question de l’existence même des communes, échelons de base de la démocratie.
C’est par la commune que la République et la nation sont partout chez elles. Partout sur le territoire national, le maire et les conseils municipaux sont les échelons avancés de l’État républicain.
J’en viens à l’intercommunalité, dont je ne conteste pas qu’il faille achever la carte. J’attire l’attention du Sénat sur la transformation qualitative qu’impliqueraient les nouvelles modalités de désignation des conseillers communautaires. Sous le régime de la loi de 1999, que je suis bien placé pour connaître, l’intercommunalité est une coopérative de communes mettant en commun leurs compétences stratégiques. Avec ce projet de loi, mes chers collègues, vous allez créer – sans l’avoir véritablement voulu, au demeurant – un quatrième niveau de collectivités.
En effet, dans le régime actuel, les conseillers communautaires sont élus par les conseils municipaux. Avec le projet de loi, ils seront élus au suffrage universel, selon le système du fléchage. Apparemment, c’est démocratique.
Prenez-y garde : cette élection directe sapera considérablement la légitimité des maires, en laquelle résidait l’alchimie qui avait permis la réussite de l’intercommunalité. Les conseillers communautaires, aujourd’hui élus par les conseils municipaux, sont en fait largement choisis par les maires pour les seconder. La réunion des maires structure aujourd’hui la vie du conseil communautaire. Demain, élus au suffrage universel sur plusieurs listes, les conseillers communautaires importeront inévitablement au sein du conseil communautaire les différences politiques et idéologiques qui les auront fait élire. La commune s’effacera ainsi discrètement avec la légitimité des maires.
Par ailleurs, le projet de loi ouvre la porte à des fusions autoritaires d’EPCI auxquelles il suffira, aux termes de l’article 20, que souscrive au moins un tiers des conseils municipaux des communes regroupées dans chaque EPCI. C’est là un très faible barrage contre les regroupements autoritaires d’EPCI ! Comment mieux manifester le peu de cas que fait le Gouvernement de la liberté des communes ?
Monsieur le ministre, il faut y réfléchir à deux fois avant de toucher à l’organisation territoriale de la République.
M. Michel Mercier, ministre. Ce sont de vieux souvenirs !
Sourires
Quelques mesures simples et pratiques auraient suffi. Ainsi, vous auriez pu continuer dans cette voie pragmatique en procédant par petites touches, plutôt que de vouloir tout bouleverser en substituant au couple républicain commune-département un couple postrépublicain composé de l’intercommunalité, érigée en nouvelle catégorie de collectivités, voire de la commune nouvelle, et de la région.
Le projet de loi vise aussi à remettre en cause l’existence des départements. M. Balladur n’a pas fait mystère de ce que la création de conseillers territoriaux avait pour but de permettre l’« évaporation » des départements dans les régions. On admirera la subtilité : à défaut de pouvoir supprimer ouvertement les départements, comme le proposait la commission Attali, on les voue à une progressive évaporation.
Or, depuis la Révolution, le département est l’organisation même de l’État sur le territoire, avec, depuis 1871, une assemblée élue au suffrage universel dans le cadre des cantons. Faut-il rappeler que la loi Tréveneuc, votée en 1872, à l’aube de la IIIe République, avait confié à la réunion de tous les conseillers généraux…
… le soin d’assurer la continuité de l’État en cas de force majeure ? C’est dire si les départements portent en substance la légitimité républicaine ! C’est d’ailleurs souvent à travers eux que nos concitoyens manifestent leur attachement à la nation et à la République. Vouloir les dissoudre, ou plus insidieusement les faire s’évaporer, c’est saper le fondement même de la République !
Ce travail de sape résulte de plusieurs dispositions du projet de loi.
D’abord, la création des métropoles porte une atteinte substantielle à la réalité des départements dont elles sont le chef-lieu, comme d’ailleurs à celle des régions dont elles sont la capitale. Quelle incohérence ! Les transferts de compétences opérés, ne subsisteront plus que des départements moignons et des régions décapitées. Vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le ministre !
Les inégalités se creuseront entre les métropoles et leur environnement. La création des métropoles, concentrant potentiellement toutes les compétences, entraînera l’apparition de nouvelles féodalités.
M. Jean-Pierre Chevènement. Ainsi le projet de loi porte-t-il gravement atteinte à l’organisation républicaine du territoire en voulant faire disparaître, à terme, les communes actuelles et les départements pour reconstituer, à la place du jardin à la française séparant clairement trois niveaux de collectivités – commune, département, région –, un fouillis médiéval dont les métropoles et les communes nouvelles seront les nouveaux donjons.
Rires. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur les travées du RDSE.
Enfin, plusieurs dispositions du projet de loi remettent en cause l’unité de la République et la souveraineté du peuple français exercée légitimement par le Parlement – c’est-à-dire par vous-mêmes, mes chers collègues !
Le projet de loi, tel qu’il a été modifié par la commission des lois, veut étendre à la France métropolitaine le régime de l’outre-mer en prévoyant dans l’article 13 bis la création d’une collectivité à statut particulier se substituant à une région et aux départements qui la composent. Y a-t-on bien réfléchi ?
S’agit-il de refaire le référendum corse du mois de juillet 2003 en fusionnant les deux départements corses avec la collectivité territoriale ? S’agit-il de créer à la place de la région Alsace et des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin une sorte de territoire d’outre-terre entre Vosges et Rhin, une sorte d’eurorégion entre la France et l’Allemagne ? M. Richert en évoquait hier la possibilité !
Ce serait une bonne idée ! Strasbourg deviendrait la capitale de l’Europe !
Portons notre regard sur ce qui se passe en Belgique entre Flamands et Wallons, ou en Espagne avec la Catalogne et le Pays basque ! Veut-on que la France suive le même chemin ?
Prenez garde, mes chers collègues, qu’en ouvrant la boîte de Pandore des fusions et des regroupements départementaux et régionaux vous ne réveilliez les vieux démons des régionalismes et des ethnicismes, contre lesquels la République une et indivisible avait justement institué les départements.
Le Gouvernement a-t-il tiré les leçons des référendums intervenus en Guyane et en Martinique ? Aperçoit-il les ferments de division dont il jette les germes pour l’avenir ?
Certes, le Gouvernement peut décider ou non de donner suite aux demandes formulées par les assemblées délibérantes. Mais en cas de délibérations concordantes, pourra-t-il s’y opposer ? Évidemment non ! Et dans l’hypothèse inverse, pourra-t-il résister longtemps à la demande de consultation formulée par des minorités actives ? La réponse est également non : l’expérience nous enseigne qu’il est pratiquement impossible de s’opposer à ces revendications qui partent d’une conception de la démocratie faussée. Ce ne sera plus le peuple français qui décidera de son organisation territoriale, mais telle ou telle portion du peuple plus ou moins dressée contre l’autre.
L’organisation territoriale de la République ne peut être laissée à des arbitrages locaux. Elle doit procéder du Parlement, c’est-à-dire, mes chers collègues, de vous-mêmes !
Le Sénat, s’il est le représentant des collectivités territoriales, a aussi – en témoignent tous ces grands personnages dont les statues nous surplombent – le souci de l’État, qui a structuré la France dans la longue durée.
Je sais bien que l’article 72-1 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle de 2003, autorisait, en vertu d’une loi, un référendum local. Il s’agissait alors de l’avenir de la Corse. Je ne m’étendrai pas sur la décision de nos concitoyens de Corse, qui ont refusé d’être mis en coupe réglée au sein d’une collectivité à statut particulier par une minorité violente à forte tendance maffieuse. Cette affaire ayant été tranchée, est-il bon d’y revenir ?
La Constitution, telle qu’elle s’applique depuis 2004, prévoit une loi pour autoriser les référendums locaux. Le projet de loi qui nous est soumis ne contient rien de tel, ne pose aucune barrière de cette sorte. Selon son article 13, un décret en Conseil d’État suffit. C’est une grave atteinte aux prérogatives de la Haute Assemblée et, plus généralement, du Parlement, qui devrait avoir le dernier mot sur l’organisation de la France en départements et en régions.
Menacer les communes, mes chers collègues, c’est renier la Révolution ! Menacer le département, c’est renier la République ! Ouvrir la voie à la création, sur le sol même de la métropole, de collectivités à statut particulier et chambouler notre organisation en départements et en régions en vertu de référendums locaux, c’est porter atteinte à l’unité du peuple français !
Ce projet de loi remettrait en cause le principe d’égalité en creusant les différences entre les territoires et les inégalités entre les citoyens. Il serait, je le crois, un mauvais coup porté à l’unité de la République et au couple républicain communes-département. Bref, monsieur le ministre, il doit être profondément repensé. Le Gouvernement doit prendre le temps de s’expliquer davantage et de revoir son texte, qui, en l’état, porte de graves risques d’inconstitutionnalité.
C’est pourquoi je demande à la Haute Assemblée, en vertu de l’article 44 de son règlement, de décider le renvoi à la commission des lois du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. L’organisation territoriale du pays est une chose trop sérieuse, au cœur même des prérogatives du Sénat, pour que celui-ci se laisse bousculer et placer devant le fait accompli !
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Les auteurs de la motion déplorent que le projet de loi dont nous entamons aujourd’hui la discussion ne traite ni du cumul des mandats, ni du statut de l’élu, ni de la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités, ni de l’existence des communes, des métropoles, ou des fusions des départements et des régions.
Ces questions ont été attentivement examinées lors des diverses réunions organisées par le président de la commission des lois avec le président du Sénat, notamment lors des deux réunions qui ont eu lieu au Sénat avec les membres du Gouvernement. Sur un plan juridique, elles seront traitées, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, à l’occasion de l’examen de projets de loi ultérieurs.
Ainsi, le projet de loi n°61, relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, présente plusieurs dispositions visant à améliorer les conditions d’exercice des mandats locaux. C’est donc lorsque nous nous saisirons de ce texte que nous serons amenés à traiter une partie de ces questions, qui n’ont pas leur place dans le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis et concerne les seules structures locales.
De plus, nous fixerons dans l’article 35 du projet de loi dont nous avons entamé la discussion les principes qui présideront à la répartition des compétences, dont nous débattrons, là aussi, dans quelques mois.
Examinons les questions bloc par bloc, le débat en sera beaucoup plus lisible et, surtout, beaucoup plus cohérent. Pour ce qui concerne le premier bloc, la commission des lois a déjà réalisé un grand travail.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission vous demande, compte tenu du travail effectué et de l’intérêt de l’opération, de rejeter cette motion tendant au renvoi à la commission.
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Chevènement, vous avez brossé du projet de loi un tableau que j’ai ressenti comme apocalyptique.
Sourires.
Il n’est cependant probablement pas tout à fait exact ; peut-être même est-il un peu excessif. Néanmoins, vous avez relevé des problèmes graves qui méritent débat.
Selon vous, ce texte n’est pas abouti et doit être renvoyé à la commission : tel est bien le sens de votre motion. Or, monsieur Chevènement, c’est du texte établi par la commission qu’en vertu des nouvelles dispositions constitutionnelles nous allons discuter. Si nous le lui renvoyons, elle nous le rendra inchangé !
Le seul endroit où vous pourrez obtenir que le texte soit modifié, c’est la séance plénière du Sénat. C’est là que doit se dérouler le débat ! Nous avons le texte du Gouvernement, celui de la commission, les amendements et les positions de chacun ; maintenant, le Sénat va délibérer.
Vous avez mentionné des sujets profonds et sérieux, qui touchent à l’essence même de la République. S’il faut en effet en débattre, il est inutile de renvoyer le texte à la commission, qui a déjà fixé sa position. Ces questions doivent être discutées dans cet hémicycle, en séance plénière, avec tous les membres du Sénat. J’y suis prêt.
Telles sont les raisons pour lesquelles je demande au Sénat de rejeter la motion de renvoi à la commission.
Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.
Je mets aux voix la motion n° 24 rectifiée, tendant au renvoi à la commission.
Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.
Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je vous rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?…
En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 125 :
Le Sénat n’a pas adopté.
En conséquence, la motion tendant au renvoi à la commission est rejetée et nous passons à la discussion des articles.
L’amendement n° 346, présenté par MM. Collombat, Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :
Titre préliminaire
Clarification des compétences des collectivités territoriales et coordination des acteurs
Chapitre I : Clarification des compétences des collectivités territoriales
Art. ... - La mission centrale de la région est stratégique et de préparation de l’avenir.
Elle l’assume en partenariat avec l’État et les pôles métropolitains.
La région a en charge la répartition des fonds européens.
Art. ... - Le département a en charge la solidarité sociale et territoriale.
Le département a en charge le développement des territoires ruraux. À ce titre, il apporte son soutien aux petites collectivités et à leurs établissements publics de coopération intercommunale en matière d’ingénierie publique, de conseil juridique, technique ou administratif.
Il veille à l’équité territoriale.
Chapitre II - coordination des acteurs territoriaux
Art. ... - Il est créé dans chaque région un conseil régional des exécutifs constitué du président du conseil régional, des présidents de conseils généraux, des métropoles, des communautés urbaines, d’agglomération ainsi que des communautés de communes de plus de 50 000 habitants et pour les autres communautés de communes d’un représentant par département, élu par les présidents de communautés de communes de moins de 50 000 habitants.
Le conseil régional des exécutifs est présidé par le président de la région.
Il peut, en tant que de besoin constituer une commission permanente.
Il peut associer à ses travaux, en tant que de besoin, le ou les représentants des organismes non représentés.
Il organise la concertation entre ces membres dans un but d’harmonisation de leurs politiques et afin d’organiser les complémentarités entre elles.
Il établit un schéma d’orientation de l’ensemble des politiques intéressant l’ensemble du territoire régional ou plusieurs départements, il coordonne les politiques, définit les « chefs de file » par projet ou ensemble de projets, prépare les accords et les conventions à passer entre les acteurs, veille à la mise en place de « guichets communs » en matière de développement économique, d’aide à l’emploi, de bourses d’études ou d’aide à la formation.
Il constate le désengagement des collectivités dans leur domaine de compétence. Ce constat de carence autorise une autre collectivité qui entendrait se substituer au titulaire de la compétence à l’exercer à sa place.
Il se réunit au moins une fois par trimestre sur un ordre du jour obligatoire pour délibérer sur les questions d’intérêt régional ou interdépartemental, nécessitant une coordination des politiques des acteurs.
Chaque membre du conseil peut faire inscrire à l’ordre du jour de la plus prochaine réunion toute question de sa compétence dont il souhaite débattre.
Art. ... - Il est créé dans chaque département une conférence départementale des exécutifs regroupant le président du Conseil général, le cas échéant, de la métropole et les présidents des intercommunalités.
Elle est chargée d’organiser la coordination locale et la concertation entre ses membres.
Elle a communication des travaux du conseil régional des exécutifs auquel elle peut communiquer des observations et des vœux.
Elle se réunit chaque trimestre sous la présidence du président du Conseil général.
Art. ... - Le pôle métropolitain est un établissement public destiné à assurer la gouvernance d’un réseau de collectivités territoriales et d’EPCI à fiscalité propre, sur un vaste territoire, éventuellement discontinu, pour des compétences de niveau stratégique : transport, développement économique et emploi, enseignement supérieur et recherche, logement, très grands évènements culturels et sportifs.
Le ou les Établissements Public Fonciers existant sur le territoire, sont membres du pôle métropolitain, quand les compétences de celui-ci comprennent le logement ou les équipements stratégiques.
Constitué par accord entre les intéressés, il comprend obligatoirement la ou les Régions concernées, la ou les métropoles quand elles existent. Les départements et les EPCI de plus de 100 000 habitants sont, à leur demande, de droit, membres du pôle métropolitain.
L’initiative de création d’un pôle métropolitain relève des régions et des métropoles.
Sa création peut-être décidée par arrêté du représentant de l’État du département chef lieu de région ou de la région démographiquement la plus importante si le pôle métropolitain s’étend sur plusieurs régions.
Le pôle métropolitain est soumis aux règles applicables aux syndicats mixtes prévus à l’article L. 5711-1 du Code général des collectivités territoriales, sous réserves des dispositions prévues par le présent titre.
L’arrêté constitutif du pôle métropolitain mentionne obligatoirement les compétences qui lui sont confiées par les organismes membres et le niveau d’intervention de celui-ci.
Le pôle métropolitain définit et arrête les axes stratégiques de développement de son territoire pour les compétences qui lui ont été déléguées. Il coordonne et hiérarchise l’action de ses membres. Il peut aussi se voir confier des missions de gestion. Il assume celles-ci directement ou, sous sa surveillance, par voie de délégation.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je sens bien une certaine lassitude s’installer dans notre Haute Assemblée…
Exclamations ironiques à droite.
Cet amendement du groupe socialiste est le premier d’une série visant à dessiner un contre-projet.
À vous en croire, mes chers collègues, nous nous contenterions de nous opposer sans jamais avancer de propositions concrètes. Eh bien, en voici ! Leur discussion nous permettra de constater si vraiment le débat existe et s’il est de meilleure qualité que celui que nous avons connu jusque-là – débat qui au demeurant me convenait parfaitement, mais qui apparemment n’était pas du goût de tous. Aurez-vous des arguments valables à nous opposer ?
L’amendement n° 346 s’inspire des travaux de la mission Belot et du rapport Krattinger-Gourault – il semble d’ailleurs que l’on ait beaucoup oublié ce dernier, à se demander si nous n’avons pas travaillé pour rien ! Il a pour objet d’insérer en tête du projet de loi une division additionnelle destinée à combler certaines lacunes du texte de projet de loi.
Il s’agit d’abord de clarifier les compétences des collectivités territoriales. Tel était, paraît-il, l’objectif majeur du projet de loi, puisqu’en France tout le monde fait n’importe quoi, agit comme il l’entend, engage des dépenses inconsidérément. M. le rapporteur – je le connais par cœur !
Sourires
Néanmoins, mes chers collègues, si vous lisez bien notre proposition, vous constaterez qu’elle vise simplement des principes, lesquels ont tout à fait leur place dans le présent projet de loi.
S’agissant de la région, notre amendement est ainsi libellé : « La mission centrale de la région est stratégique et de préparation de l’avenir. Elle l’assume en partenariat avec l’État et les pôles métropolitains. La région a en charge la répartition des fonds européens. »
S’agissant du département, nous proposons la rédaction suivante : « Le département a en charge le développement des territoires ruraux. À ce titre, il apporte son soutien aux petites collectivités et à leurs établissements publics de coopération communale en matière d’ingénierie publique, de conseil juridique, technique ou administratif. Il veille à l’équité territoriale. »
Il ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, que ces dispositions sont tout à fait en rapport avec l’article 35 du projet de loi, qui vise la clarification des compétences des collectivités territoriales et la fin des financements croisés. Ou alors, il ne fallait pas introduire un tel article dans le projet de loi !
Je crois donc fermement que cet amendement permet d’éclairer le débat futur. En outre, il n’a rien de révolutionnaire puisqu’il tend à reprendre des éléments des rapports Belot et Krattinger-Gourault. Aussi, je n’imagine pas qu’il puisse être refusé.
Je reviendrai sur ce point lors de mon explication de vote, monsieur le président, car je n’ai pas l’impression d’avoir convaincu.
Le second élément que je veux souligner concerne la coordination entre les acteurs, qui constitue aussi, me semble-t-il, l’un des objectifs principaux de la réforme.
Le problème, c’est que, d’un côté, vous voulez charger les conseillers territoriaux de la coordination entre la politique de la région et celle des départements et, de l’autre, vous créez les métropoles en leur donnant les mêmes compétences. Encore que j’imagine que, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le développement économique sera assuré par la région, sauf pour Marseille, pour Toulon et pour Nice ! Si c’est ce que vous appelez une clarification, une réforme positive, alors, vous êtes vraiment très forts !
L’objet de notre amendement est précisément d’apporter une réponse à cette lacune du projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, aux termes du règlement du Sénat, le signataire d’un amendement dispose d’un temps de parole de trois minutes pour en exposer les motifs et que les explications de vote sont admises pour une durée n’excédant pas cinq minutes.
Quel est l’avis de la commission ?
Cet amendement vise d’abord à définir à grandes lignes les champs de compétences du département et de la région, puis à évoquer la coordination de l’action des collectivités territoriales, enfin à définir les pôles métropolitains.
Les dispositions concernant les compétences de la région et du département pourront être utilement discutées, comme l’avait souligné M. Collombat, dans le cadre du futur projet de loi sur les compétences. Elles n’ont donc pas leur place dans ce texte.
Quant à la coordination entre les acteurs, notamment entre départements ou régions et EPCI, le présent projet de loi ne supprime pas la conférence des exécutifs ; au contraire, par son article 6, il introduit les métropoles au sein de cet organe de concertation. Par ailleurs, la coordination entre le département et la région sera nettement assurée par la création du conseiller territorial.
Enfin, les dispositions concernant les pôles métropolitains seront discutées de manière plus approfondie lors de l’examen de l’article 7, qui prévoit leur création.
En conséquence, la commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Assurément, monsieur le sénateur, car c’est bien l’objet de notre présence !
Monsieur Collombat, la division additionnelle que vous nous proposez est vraiment très additionnelle puisqu’elle viendrait s’insérer avant même le titre Ier du projet de loi : cela montre clairement qu’elle est en dehors du texte présenté par le Gouvernement aussi bien que du texte établi par la commission.
Quant au fond et au contenu de l’amendement, je fais miennes les remarques qu’a formulées M. le rapporteur. S’agissant des compétences, toutefois, je souhaite apporter quelques précisions.
Monsieur Fischer, si vous m’interrompez continuellement, je ne pourrai pas exposer l’avis du Gouvernement !
Sourires
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Collombat, la disposition indiquant que « la mission centrale de la région est stratégique » ne définit pas une compétence, c’est une pétition de principe.
M. Pierre-Yves Collombat proteste.
C’est votre avis, non le mien !
Je considère que certaines dispositions de l’amendement sont trop floues pour pouvoir constituer une charte des compétences des collectivités les unes par rapport aux autres.
S’agissant par exemple des pôles métropolitains, vous prévoyez expressément qu’ils sont créés par les régions et les métropoles.
M. Pierre-Yves Collombat proteste.
Monsieur Collombat, cela figure en toutes lettres dans votre amendement : « L’initiative de création d’un pôle métropolitain relève des régions et des métropoles. »
Cette disposition est tout à fait contraire au texte de la commission, qui distingue expressément les métropoles et le pôle métropolitain.
Monsieur Sueur, si les métropoles et les pôles métropolitains sont distincts, l’un ne peut pas créer l’autre !
Il convient d’utiliser clairement la langue !
À moins qu’une erreur ne se soit glissée dans la rédaction de l’amendement, nous sommes donc tout à fait hostiles à la disposition qui y est proposée.
Je le répète, monsieur Collombat : pour le Gouvernement comme pour la commission, il convient de distinguer, d’une part, les métropoles et, d’autre part, les pôles métropolitains. Je rappelle d’ailleurs que cette distinction résulte des négociations conduites par le Gouvernement avec les associations d’élus.
Personnellement, je ne m’autorise pas à revenir sur une négociation menée avec des élus, dont certains d’ailleurs étaient membres de votre groupe.
Un seul élu, c’est déjà mieux que point, et vous devriez vous réjouir qu’on en ait trouvé un !
J’indiquerai en conclusion que cet amendement, intéressant à plusieurs égards mais largement inabouti, devrait trouver toute sa place dans le projet de loi à venir sur les compétences et pourra faire alors l’objet d’une discussion approfondie.
En attendant, j’émets, comme la commission, un avis défavorable.
La démonstration est faite que toutes nos propositions, qu’elles soient anodines ou qu’elles méritent un examen approfondi, sont traitées exactement de la même façon. Dans ces conditions, ne venez pas vous plaindre que le débat traîne en longueur !
Sans surestimer nos propositions, je pense tout de même que le présent amendement mériterait de faire l’objet d’une discussion de fond et non d’être renvoyé purement et simplement avec des arguments qui ne tiennent pas debout.
Je veux bien admettre que nous aurons à débattre prochainement d’un projet de loi portant sur les compétences – bien qu’il eût été plus logique de commencer par là –, mais qu’y a-t-il d’extraordinaire à vouloir cadrer le débat ?
En outre, il faudrait vous mettre d’accord entre vous : M. le rapporteur me fait le reproche d’être trop précis et d’anticiper sur le texte à venir, et M. le ministre, celui d’être trop vague !
Cet amendement se borne à poser un certain nombre de principes. Encore une fois, il ne casse pas trois pattes à un canard puisqu’il rejoint les propositions du rapport Krattinger-Gourault ! L’objectif reste d’encadrer le débat.
S’agissant de la partie de l’amendement concernant la coordination des acteurs territoriaux, je ne suis pas persuadé, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que vous l’ayez lue jusqu’au bout : nous ne commettons absolument aucune confusion.
Nous visons les conseils régionaux des exécutifs, reprenant là encore les propositions du rapport Krattinger-Gourault : cela n’a rien à voir avec les conférences des exécutifs ! Nous prenons la peine de décliner leur rôle et d’indiquer comment ils organiseront la coordination entre les différents acteurs.
Nous ne confondons pas non plus les métropoles et les pôles métropolitains. Ces derniers, dans votre texte, sont les métropoles de ceux qui n’ont pas les moyens, les métropoles des petits. Les métropoles acquièrent les compétences des communes et d’une partie des départements sur des territoires continus ; mais en réalité, vous le savez comme moi, les territoires sont très souvent discontinus !
Monsieur le ministre, vous rappeliez les négociations que vous avez menées avec Gérard Collomb. Permettez-moi de souligner que ce dernier reconnaît lui-même que Lyon, qui fait déjà partie de la communauté urbaine de Lyon, la COURLY, devra également nouer des relations avec Saint-Étienne, avec le nord de l’Isère, voire avec Grenoble pour des compétences stratégiques telles que l’enseignement supérieur, la recherche ou encore la recherche et développement, si elle veut pouvoir jouer dans la cour des grands européenne. Or, quelles compétences confiez-vous aux métropoles ? Vous leur transférez la gestion du revenu minimum d’insertion, le RMI, et du revenu de solidarité active, le RSA, celle des routes, celle des collèges, celle des pompiers… Il ne s’agit que de gestion au quotidien !
Est-ce ainsi que vous permettrez aux métropoles de rayonner sur le plan européen ? C’est se moquer du monde, monsieur le ministre ! Vous passez complètement à côté du problème !
Il me semble donc qu’il aurait été opportun que nous discutions de tout cela et qu’ensuite vous intégriez éventuellement une partie de nos propositions, qui, je le souligne, ne sont pas du tout en contradiction avec le reste du projet de loi. Mais vous n’avez même pas pris la peine de les lire ni d’en étudier le contenu, …
… ce qui ne vous empêche pas de nous reprocher de faire de l’obstruction, de causer pour causer, …
… de vouloir ralentir les débats.
Quand il est possible de débattre, vous ne débattez pas, parce que, pour débattre, il faut au moins avoir lu ! Nous, nous avons lu votre projet de loi. Alors, lisez notre amendement et essayez d’en tirer quelque chose !
Après cela, vous allez nous dire que le Gouvernement est à l’écoute, qu’il va déposer des amendements… Oh oui ! Il va sans doute « bidouiller » le cinquième chiffre après la virgule !
Alors que les problèmes sont réels, vous aboutissez à ce paradoxe qu’aucune coordination n’existera entre les politiques des régions et des départements et celles des métropoles, qui de ce fait vampiriseront les départements.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Nous avons l’insigne honneur de travailler sous le regard de Portalis, …
… qui a inspiré une forte tradition juridique en vertu de laquelle, monsieur le président de la commission des lois, on commençait par définir les termes, le cadre et l’objet du débat et de la loi.
Dans les grandes lois de décentralisation de 1982, nous avions commencé par définir l’objet et les grands principes devant être ensuite déclinés. Or il est tout à fait significatif que le présent projet de loi ne comporte aucune position de principe, aucune définition ni de l’objet ni de l’objectif.
L’article 1er, magnifique, commence ainsi :
« Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
« I. – L’article L. 3121-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est composé de conseillers territoriaux. »
Autrement dit, vous modifiez cet article L. 3121-1 pour créer des personnages dont nul n’avait entendu parler, dont on ignore à quoi ils servent, qui ne sont pas définis, mais qui seraient la clef de voûte du dispositif : les conseillers territoriaux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat éclate de rire.
Je comprends la juste colère de M. Collombat. Notre groupe peut en témoigner, il a passé beaucoup de temps à rédiger ce premier amendement, qui est en quelque sorte un amendement-cadre dans lequel il s’est efforcé de suppléer à l’évidente carence du texte en posant les termes du débat. Son objectif, finalement, était que soient définies dans la loi les missions respectives des régions et des départements et que soit précisé le type de coordination à mettre en œuvre entre ces deux collectivités.
M. Collombat a également abordé avec beaucoup de pertinence la question des pôles métropolitains, cette chaîne, ce rassemblement, ce réseau de grandes agglomérations qui forment l’armature du développement d’une région dans les domaines stratégiques. Il souhaite que les pôles métropolitains fonctionnent en liaison avec la région. C’est le bon sens même ! Que serait une région qui ne s’appuierait pas sur une telle armature ?
Notre collègue propose donc un ensemble d’articles introductifs extrêmement clair et cohérent. Vous lui répondez par la négative, en ne trouvant à lui opposer que la création du conseiller territorial.
Monsieur le rapporteur, dans votre intervention très brève – cinquante-huit secondes, a compté M. Frimat –, vous avez indiqué que l’on discuterait de tout cela plus tard. Lors de l’examen de l’important projet de loi au mois de décembre dernier, on nous avait promis un débat en janvier ; en janvier, on constate que finalement ce sera en juin… En définitive, ce n’est jamais le moment d’aborder les sujets stratégiques. Quant à la définition des termes et des objectifs, ce n’est pas la peine de s’y pencher aujourd’hui puisque, de toute façon, on en parlera ultérieurement…
La seule chose qui importe à vos yeux, la lumière électrique, le déclic, ce qui changera tout, ce qui révolutionne la France, ce que personne n’avait demandé, ce que personne n’avait espéré mais qui va surgir, c’est le conseiller territorial. Voilà tout ce que vous nous proposez, mes chers collègues, et c’est bien triste.
Je vous invite donc à considérer l’amendement de M. Collombat comme une base de travail, à le sous-amender – c’est le rôle du débat ! – puis à l’adopter, car il est absolument nécessaire de consacrer cet ensemble d’articles-cadres avant de commencer l’examen du projet de loi proprement dit.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
L’argumentation de Jean-Pierre Sueur est tout à fait lumineuse, comme l’était celle de Jean-Pierre Chevènement lorsqu’il a présenté la motion tendant au renvoi à la commission. Monsieur le ministre, vous y avez répondu de manière très lapidaire, disant que point n’était besoin de renvoyer le texte à la commission puisqu’il y aurait de toute façon un débat en séance publique.
Or, nous y sommes !
M. Collombat présente un amendement tendant à insérer un dispositif qui se justifie pleinement en tête d’un projet de loi, qualifié d’historique, de réforme des collectivités locales : on lui répond simplement qu’il n’a pas sa place à cet endroit du texte, …
Soyons clairs : cet amendement comporte des définitions d’une grande justesse. D’ailleurs, ni la commission ni le Gouvernement n’ont dit qu’elles ne tenaient pas la route ou qu’elles étaient contraires au projet de loi. Tout ce qui y figure est compatible avec l’objet de ce dernier. Voilà donc un amendement explicatif et très simplement compréhensible, ne serait-ce qu’au regard de la clarification des missions dévolues à la région et au département.
Et que dire de la proposition d’insérer un chapitre II relatif à la coordination des acteurs territoriaux, sinon qu’elle est l’illustration parfaite et la continuation logique de ce qui avait été voulu par la mission Belot, et donc par la grande majorité de ses membres ? Sur ce point également, il n’y a aucune incompatibilité de quelque sorte que ce soit avec l’objet du projet de loi.
Par conséquent, mes chers collègues, votre opposition à cet amendement n’est que de principe. Le débat est bien mal parti !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Mes chers collègues, on peut tout utiliser comme argument, surtout quand on se réfère à Portalis ! Une loi doit être normative et non pas fixer de grands principes, lesquels doivent figurer dans l’exposé des motifs du Gouvernement, comme c’est très exactement le cas en l’espèce.
La seule partie de l’amendement susceptible d’être effectivement considérée comme normative est celle qui a trait aux pôles métropolitains. Or ceux-ci font l’objet de l’article 7 du projet de loi : attendons qu’il vienne en discussion pour en débattre ! Pourquoi le faire ab initio ?
Qui plus est, je le rappelle, il s’agit de compléter une législation codifiée : cela, nous n’y pouvons rien ! D’ailleurs, le code général des collectivités territoriales fixe d’ores et déjà les grands principes de la décentralisation aux articles L. 1111-1 et suivants, que nous ne modifions en aucune façon.
Ceux qui invoquent nos grands juristes du passé devraient au moins le faire à bon escient ! L’amendement n° 346 est un ensemble de textes qui ne s’intègrent dans rien du tout. Si nous commençons à voter ce genre de dispositions, mes chers collègues, je vous le dis franchement, nous n’arriverons pas à faire une loi qui tienne la route.
On peut être d’accord ou non sur telle ou telle proposition. De tous les amendements qui ont été déposés, certains ont leur place dans le texte et dans le code général des collectivités territoriales, d’autres justifient un débat. La commission en a d’ailleurs accepté un certain nombre.
Mes chers collègues, je vous en prie, restons dans le cadre de notre législation actuelle. Je fais appel à ceux d’entre vous qui sont de bons juristes.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
On peut s’amuser, mais personne ne peut nous reprocher de ne pas vouloir discuter, notamment des pôles métropolitains. Nous considérons simplement qu’il est préférable de le faire au moment de l’examen de l’article 7. D’ailleurs, monsieur Collombat, votre groupe a déposé des amendements sur cet article !
Lorsque la commission écrit à l’article 35 que « la pratique des financements croisés entre les collectivités territoriales est encadrée », est-ce normatif ?
Oui, c’est normatif, parce que nous fixons les principes que devra mettre en œuvre la future loi sur les compétences.
De toute façon, vous voulez toujours avoir raison ! Bravo ! Continuez donc à philosopher tout seul sur ce sujet !
Mes chers collègues, en raison de l’heure tardive et des nombreuses demandes d’explication de vote dont je suis saisi sur l’amendement n° 346, il me paraît plus sage d’interrompre là nos travaux.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 21 janvier 2010 à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
1. Projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés (n° 207, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 218, 2009-2010).
2. Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 60, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 169, 2009-2010).
Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 198, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 170, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.