Intervention de Jean-Claude Peyronnet

Réunion du 20 janvier 2010 à 21h30
Réforme des collectivités territoriales — Exception d'irrecevabilité

Photo de Jean-Claude PeyronnetJean-Claude Peyronnet :

Il est très clair qu’en instituant un scrutin uninominal pour l’élection des membres d’une institution jusqu’ici élue à la proportionnelle, votre projet ne respecte pas les articles 1er et 4 de la Constitution.

La région, grâce à une loi électorale qui fait l’unanimité, a établi une parité parfaite avec laquelle vous allez rompre. Désormais, la représentation des régions sera calquée sur celle des actuels conseils généraux, autrement dit sur la pire des situations au regard de la parité.

Faute d’un temps suffisant, je ne fais que mentionner le risque d’inconstitutionnalité qui pourrait toucher l’élection des sénateurs. Peut-être aurons-nous l’occasion d’y revenir.

J’attire votre attention sur un autre point qui concerne l’outre-mer mais aussi le territoire métropolitain, notamment l’Alsace, même si je ne m’étends pas sur cette dernière, là encore faute de temps.

La création de conseillers territoriaux dans des régions monodépartementales revient de fait à créer une assemblée unique puisque ces conseillers exerceront leur mandat sur le même territoire, après avoir été élus le même jour et de la même façon. La fiction d’une réunion, dans des lieux séparés, du conseil général et du conseil régional ne peut masquer la fusion des deux collectivités que sont le département et la région.

Or cette situation a formellement été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision dite « assemblée unique », en date du 2 décembre 1982. Certes, le fondement de cette décision tenait à l’impossibilité – en l’état passé de la Constitution – d’instituer une assemblée unique élue sur des bases différentes et avec un mode de scrutin différent. Ce n’est plus le cas depuis la révision constitutionnelle de 2003. Il est désormais possible, par l’article 73 de la Constitution, de créer, outre-mer, une collectivité unique ou une assemblée délibérante unique pour les deux collectivités.

Mais j’attire votre attention sur le fait que l’article 73 de la Constitution prévoit expressément que la fusion de deux collectivités « ne peut intervenir sans qu’ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l’article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités », autrement dit sans qu’ait été organisé un référendum.

Vous ne manquerez sans doute pas de me répondre, monsieur le ministre, qu’un référendum est précisément prévu dans ces territoires le 24 janvier. Certes, mais vous m’autoriserez deux observations.

La première concerne l’issue dudit référendum. Que se passera-t-il si les électeurs rejettent le principe d’une assemblée unique, qui constitue la seule question à laquelle ils ont à répondre ?

La deuxième est plus importante encore. Aucun référendum n’est prévu dans l’immédiat en Guadeloupe – je ne sais plus pour quelle raison. Par ailleurs, à la suite de l’adoption d’un amendement d’origine sénatoriale, la Réunion a été sortie du droit commun et la consultation expresse des populations y est exclue.

Je ne sais pas comment vous vous sortirez de cette situation, monsieur le ministre. En tout cas, dans ces conditions, on voit mal comment la réforme projetée pourrait s’appliquer aux territoires ultramarins, et singulièrement à la Réunion.

Je ne vois pas davantage comment vous allez vous en sortir en ce qui en ce qui concerne la loi électorale, et d’abord le découpage.

Nous avons souligné l’incertitude dans laquelle nous sommes quant au nombre de conseillers territoriaux. Cette incertitude est déjà un motif de censure, car nous légiférons sur des collectivités dont nous ne connaissons pas les compétences – elles seront définies dans une loi ultérieure –, dont nous ne connaissons pas davantage les ressources – pas moins de deux clauses de revoyure ont été prévues dans la réforme de la taxe professionnelle – et dont nous ne savons pas si elles seront en état de fonctionner de manière satisfaisante, c’est-à-dire avec un nombre d’élus suffisant pour garantir la diversité politique et le fonctionnement normal des institutions.

En fait, vous allez vous débattre, vous vous débattez déjà dans une contradiction fondamentale. Affirmer que les nouvelles circonscriptions cantonales – cette terminologie pouvant évoluer – compteront environ 20 000 électeurs peut contredire le principe d’une diminution de moitié du nombre cumulé des conseillers généraux et régionaux.

M. Marleix nous a annoncé que, pour tenter de pallier ces difficultés, dans chaque département, au moins quinze conseillers territoriaux siégeraient au conseil général. Dans ce cas, dans les régions où les écarts de population sont très grands entre les départements, le nombre de conseillers siégeant à la région deviendra pléthorique. Il est donc envisagé de limiter leur nombre en prévoyant un plafond pour l’assemblée des conseillers territoriaux de la région.

Si l’institution d’un plafond est parfaitement pertinente pour les départements faiblement peuplés, elle « tasse » considérablement le nombre de conseillers territoriaux pour les départements très peuplés, aboutissant à des circonscriptions beaucoup plus peuplées dans les départements urbains que dans les départements ruraux.

Cette situation était acceptable lorsque les conseillers généraux et les conseillers régionaux étaient élus selon des modalités différentes. Peu importait alors que soit très important l’écart entre le canton le plus peuplé d’un département urbain et le canton le moins peuplé d’un département rural. Ce qui est choquant, ce sont les écarts très importants de population entre les circonscriptions d’un même département, et je suis d’accord avec vous pour considérer qu’il faut apporter les corrections nécessaires.

Désormais, c’est dans le cadre régional que l’affaire va se jouer. L’obligation d’instaurer un plancher pour la simple gestion quotidienne des conseils généraux et la nécessité de fixer un plafond pour limiter le nombre de conseillers territoriaux siégeant à la région vous placent dans l’impossibilité absolue de respecter le principe constitutionnel d’égalité des suffrages.

Telles sont, parmi d’autres, les raisons qui nous font considérer que les textes proposés ne sont pas recevables.

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