Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 20 janvier 2010 à 21h30
Réforme des collectivités territoriales — Exception d'irrecevabilité

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront la motion qui vient d’être présentée.

Sans reprendre les nombreux arguments qui ont été avancés, que ce soit à l’instant ou cet après-midi, lors du débat sur la motion référendaire, je voudrais insister sur deux dispositions manifestement inconstitutionnelles du projet de loi.

Premièrement, la création éventuelle des futurs conseillers territoriaux contredit deux articles de la Constitution.

En effet, depuis l’adoption de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, que l’actuelle majorité a pourtant votée comme un seul homme, l’article 72 dispose : « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer […] Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. »

Cet article précise bien que l’existence d’une collectivité se fonde, notamment, sur l’existence d’un conseil élu, distinct de celui des autres collectivités. Or le projet de loi prévoit la disparition de ce conseil élu spécifique à la région, d’une part, au département, d’autre part. De la confusion créée par votre projet naît donc une inconstitutionnalité grave, monsieur le ministre, car il s’agit de la violation d’un principe démocratique.

Par ailleurs, la création des conseillers territoriaux ne respecte pas les articles 1er et 4 de la Constitution. Le dernier alinéa de l’article 1er pose ce principe fort : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux. » Quant au dernier alinéa de l’article 4, il prévoit que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »

Comme d’aucuns l’ont déjà souligné, le mode de scrutin prévu pour l’instauration de ces conseillers territoriaux réduit à néant les progrès réalisés en matière de parité grâce au mode de scrutin proportionnel pour l’élection des conseillers régionaux. Par ailleurs, il pousse à la bipolarisation de la vie politique.

Vous me rétorquerez que l’article 1er du texte aujourd'hui en discussion n’évoque pas le mode de scrutin. Mais de deux choses l’une : soit vous retirez cet article pour, qu’enfin une discussion sérieuse et cohérente s’organise, qui regrouperait les différents aspects du débat sur les conseillers territoriaux, de leur création à leur mode d’élection, soit vous acceptez que l’on discute dès à présent de l’inconstitutionnalité de leur création, puisque vous avez d’ores et déjà déposé le projet de loi n° 61, qui tend à organiser leur mode d’élection.

Mais l’inconstitutionnalité de votre projet de loi ne porte pas sur son seul article 1er, monsieur le ministre. C’est l’ensemble du texte, son essence même, qui est contraire à la Constitution. En effet, article après article, il institutionnalise la tutelle d’un niveau de collectivité sur un autre.

Contrairement à ce que vous venez de dire, le principe de libre administration, inscrit dans l’article 72 de la Constitution, vole en éclat. Toute analyse sérieuse souligne que cette libre administration est au cœur de l’existence constitutionnelle des communes, des départements et des régions, consacrée par l’article 72. Sa suppression fait donc perdre à ces institutions de la République leur caractère constitutionnel.

Comment imaginer qu’une telle décision puisse être mise en œuvre sans une révision de la Constitution ?

Pour la commune et le département, avec la création des métropoles et des différents regroupements de collectivités prévus, ce n’est plus la libre administration qui est en cause, mais leur administration tout court, puisque compétences, budget et personnels leur seront supprimés.

La compétence générale, corollaire de la libre administration, qui distingue une collectivité d’un simple établissement public défini, lui, par le principe de spécificité, est abandonnée. C’est une remise en cause radicale de la Constitution, dont l’article 72 deviendra un élément virtuel.

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