Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 20 janvier 2010 à 21h30
Réforme des collectivités territoriales — Exception d'irrecevabilité

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Le président du groupe du RDSE, M. Yvon Collin, aurait souhaité s’exprimer lui-même pour soutenir cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, mais, empêché, il m’a chargé de le suppléer.

Les arguments qui ont précédemment été développés à l’appui de cette motion ont montré combien il était dommageable que cette réforme des collectivités, qui nous a été présentée comme l’un des textes emblématiques de ce quinquennat, s’inscrive dans une insécurité juridique manifeste.

Les questions soulevées par cette réforme sont pourtant au cœur de la vie des Français dans la mesure où nos collectivités territoriales s’attachent, et s’attacheront demain, à répondre à des besoins de proximité.

Encore une fois, nous ne pouvons que regretter l’empressement du Gouvernement à faire examiner ce texte, au détriment de la recherche d’un véritable consensus et de l’acceptation d’une réforme dont, vous l’avez compris, nous ne partageons pas totalement les motivations.

Ce projet de loi souffre, en son cœur même, de griefs d’inconstitutionnalité, monsieur le ministre. Je voudrais en relever trois.

En premier lieu, la création du conseiller territorial ressemble furieusement à l’établissement d’une tutelle d’une collectivité sur d’autres, au travers du cumul des fonctions de ce nouvel élu au conseil général et au conseil régional. La prohibition d’une telle situation, posée par le Conseil constitutionnel en 2001, a pour but de garantir l’effectivité de l’autonomie des collectivités, principe lui-même fixé par l’article 72 de notre Constitution.

Vous vous apprêtez, monsieur le ministre, à faire voter une mesure qui, contrairement à ce qui a été affirmé dans cette enceinte, va rendre plus opaque la prise de décision des organes délibérants.

Au demeurant, je m’interroge également, à l’instar de mes collègues, sur la constitutionnalité de l’article 1er, qui crée une nouvelle catégorie d’élu tout en renvoyant la définition de son mode d’élection à un texte ultérieur. Nous aurons d’ailleurs largement l’occasion de reparler de ce mode de scrutin, et mon collègue et ami Jean-Pierre Chevènement reviendra probablement sur cette question tout à l’heure, lorsqu’il défendra la motion tendant au renvoi du texte en commission.

En deuxième lieu, le parachèvement de la carte de l’intercommunalité pourrait servir de prétexte à la réintroduction du droit de tutelle du préfet sur les maires, en permettant au premier d’obliger les seconds – certes, en ménageant les apparences, avec la consécration de la nouvelle commission départementale de coopération intercommunale, ou CDCI – à intégrer un EPCI quand bien même ils ne le souhaiteraient pas. Historiquement, la conquête des libertés communales a toujours signifié le progrès de la démocratie locale, grâce à un meilleur contrôle des interventions de l’État centralisé, plus éloigné que les collectivités elles-mêmes, force est de l’admettre, des réalités locales.

Comment, dès lors, ne pas s’interroger sur ce qui pourrait bien s’apparenter à une recentralisation, même si vous prétendez le contraire, monsieur le ministre ?

N’est-ce pas aller à l’encontre de toute la logique qui préside à la décentralisation depuis 1982 que d’écarter le libre choix d’une commune de rejoindre ou non un EPCI selon l’intérêt local, qu’elle est pourtant en droit d’apprécier librement. Nous considérons qu’il s’agit d’une remise en cause manifeste de ce qui fait le cœur même de la libre administration des collectivités, remise en cause sur laquelle le Conseil constitutionnel ne manquera pas de revenir.

En troisième lieu, nous nous étonnons que ce texte soit muet sur un grand principe posé par l’article 72-2 de la Constitution : la péréquation. Mon groupe a exprimé avec force son vœu d’améliorer les dispositifs de péréquation et de favoriser une réelle égalité entre les territoires et les citoyens. Or le présent texte tend, au travers de la création des métropoles, à créer une segmentation injuste des territoires d’un même département entre une métropole, qui disposera de l’essentiel des ressources fiscales, et le reste du territoire, souvent rural, pour lequel le département devra combler le manque à gagner comme il le pourra.

Il est inacceptable, selon nous, d’institutionnaliser ainsi une inégalité sur un même territoire ! Nous estimons que ce point mérite, lui aussi, d’être apprécié au regard des normes constitutionnelles et qu’il encourt la censure du Conseil.

Vous l’aurez compris, la majorité des membres de mon groupe s’associe pleinement aux arguments exposés par nos collègues du groupe socialiste ; c’est pourquoi, pour la plus grande partie d’entre nous, nous apporterons notre soutien à cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

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