Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 20 janvier 2010 à 21h30
Réforme des collectivités territoriales — Question préalable

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Paradoxalement, ce sont ces communes que vous voulez supprimer, alors que le coût des élus locaux ne représente qu’une très faible partie des dépenses des collectivités locales.

Vous faites preuve d’une certaine mesquinerie à vouloir aborder la question sous cet angle alors même que vous refusez de privilégier la participation des habitants, de donner aux élus un statut qui leur permette de remplir leurs missions. J’ai d’ailleurs bien peur qu’un tel statut ne soit la dernière de vos préoccupations.

Qui plus est, on ne s’applique pas toujours, au plus haut sommet de l’État, à donner l’exemple ! Ainsi, la Cour des comptes a révélé des dépenses somptuaires : sans m’y attarder, je rappellerai que le budget de l’Élysée a augmenté de 10 %, tandis que les cabinets ministériels ont vu le leur s’accroître de 11, 1 %, les rémunérations de leurs membres ayant connu une progression, vertigineuse, de 57 % entre 2008 et 2009. Dans ces conditions, donner des leçons aux élus locaux semble quelque peu déplacé !

En réalité, la diminution drastique du nombre d’élus a pour objet de réduire l’essentiel des services rendus aux habitants, qui pourtant ont de plus en plus besoin de solidarité. Mais ce mot ne fait peut-être pas partie de votre vocabulaire…

Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales qui nous est présenté reprend pour l’essentiel les propositions de la commission Balladur. Il est dissocié de la loi de finances par laquelle a été supprimée la taxe professionnelle, alors même que ces deux sujets sont intimement liés. Il constitue, en réalité, la deuxième étape du processus. Après avoir organisé leur asphyxie financière, le Gouvernement s’engage dans la voie de la suppression pure et simple des départements et de la réduction du nombre de communes.

Le souci est toujours le même : brouiller le message pour que les élus se perdent dans le labyrinthe de la loi – ou plutôt des lois, devrais-je dire pour être plus précise. Il aurait été beaucoup trop simple de faire voter une seule loi : il y en aura donc quatre ! Comment les citoyens peuvent-ils se retrouver dans cet imbroglio législatif ? Tout est fait pour qu’ils ne puissent appréhender les enjeux de ces textes, tout est exploité pour en rendre la compréhension difficile. De surcroît, la motion référendaire, dont l’adoption aurait permis à nos concitoyens de s’exprimer, a été repoussée.

Vous prétendez dans un premier temps, monsieur le ministre, que votre seul souci serait de favoriser l’intercommunalité, et vous menacez de contraindre les communes qui n’en feraient pas partie, par l’intervention du préfet. Or vous savez fort bien que cette intercommunalité est totalement assumée et assimilée par la quasi-totalité des communes de France. Au fond, votre objectif n’est pas de développer les coopérations entre communes : votre unique finalité est de favoriser des phénomènes d’absorption des petites communes par les plus importantes. Vous suscitez la dilution des communes dans l’intercommunalité, ce qui explique la mise en place des communes nouvelles.

Pour arriver à comprendre ce processus, il faut naviguer dans le présent projet de loi de façon non pas linéaire, mais bien plutôt chaotique, et opérer des retours en arrière. Mais l’objectif est clairement affirmé : les communes qui ne rentreront pas dans le rang seront intégrées par arrêté préfectoral dans un EPCI à fiscalité propre. Ensuite, chaque préfet disposera de deux ans pour mettre en place le schéma départemental. La boucle est bouclée ! L’autoritarisme transpire dans chaque ligne de ce texte.

Le principe sera identique pour les métropoles : il s’agira de faire disparaître les communes périphériques pour les voir se fondre dans une seule entité, sans doute dans une optique européenne, afin de déstabiliser les départements et les communes concernés.

Le phénomène d’absorption sera le même entre les régions et les départements, et les objectifs seront identiques : réduire le nombre d’élus, diminuer le nombre de services offerts à la population pour les faire assurer par le secteur privé. Paiera qui pourra : telle est votre devise. Les départements seront ainsi absorbés par les régions.

Le projet de loi qui nous est soumis remet en cause la libre administration des collectivités territoriales inscrite à l’article 72 de la Constitution. Le préfet voit son rôle nettement renforcé, en particulier pour ce qui concerne la détermination du schéma de l’intercommunalité, des métropoles, ou encore le regroupement des départements.

Après la suppression de la taxe professionnelle, après la mise en place de la révision générale des politiques publiques, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales ne peut qu’aggraver les conditions d’existence de nos services publics. Il affaiblit les compétences des collectivités ; il altère la démocratie locale ; il dégrade les conditions de travail de la fonction publique territoriale, car il entraîne à terme des suppressions de postes et une précarisation accrue des salariés ; il ouvre la porte au secteur privé, qui se substituera à ces politiques d’abandon.

C’est peut-être pour ces raisons que le Gouvernement a décidé de diviser cette réforme en plusieurs parties, de façon totalement incohérente. Le Parlement a déjà adopté la concomitance des mandats locaux sans avoir préalablement débattu de l’instauration des conseillers territoriaux. Nous allons maintenant examiner la création de ces conseillers, mais sans savoir de quelle façon ils seront élus. Nous débattons également du fonctionnement des collectivités locales, sans savoir de quelle manière elles seront financées puisque la taxe professionnelle a été supprimée, mais la taxe carbone censurée par le Conseil constitutionnel…

De quoi parle-t-on ? À quelle base se réfère-t-on ? L’incohérence et l’incertitude qui entourent tous les projets de loi en cause diluent le débat et le rendent pour le moins incompréhensible.

Nous demandons donc que le Gouvernement nous présente une réforme cohérente, respectant une certaine chronologie et ne nous obligeant pas à étudier les conséquences avant d’avoir débattu des causes. §

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