Monsieur le ministre, lors de la discussion générale, vous avez commencé votre intervention en soulignant le caractère historique de nos débats, déclarant qu’ils portaient sur une vaste réforme institutionnelle réalisée par le biais d’une profonde transformation de nos institutions locales. Ce faisant, vous avez montré, enfin, l’enjeu des réformes que vous nous soumettez.
Considérant que les bases constitutionnelles de ces dernières ne sont pas assurées, nous vous avons proposé que ce soit le peuple qui décide en dernier ressort des transformations devant être mises en œuvre. Vous vous y êtes refusé. Ce refus est la preuve de votre faiblesse et de votre crainte qu’un tel référendum n’aboutisse au rejet de vos propositions.
Ma collègue Josiane Mathon-Poinat vient de défendre excellemment la motion tendant à opposer la question préalable visant au rejet du présent projet de loi, au motif principal que la division artificielle de la réforme en plusieurs projets présentés séparément bien qu’ils soient étroitement liés porte atteinte au droit du Parlement et brouille volontairement les cartes. Vous nous demandez, en fait, de travailler à l’envers. Chacun le reconnaît, à droite comme à gauche : vous auriez dû commencer par le début, à savoir remettre à plat les compétences entre l’État et les collectivités locales, puis en redéfinir la répartition. Nous aurions pu alors, dans un second temps, accorder les structures territoriales aux compétences déléguées.
En refusant cette organisation, vous ne vous êtes pas contenté de brouiller les cartes : vous nous obligez aujourd’hui à travailler en aveugle. Nul ne sait quelles seront demain les compétences, inévitablement réduites, des communes, des départements et des régions. Certes, une future loi est annoncée sur cette question, mais aucun projet n’est encore ébauché.
Alors que vous nous demandez d’organiser des transferts de compétences des communes vers les intercommunalités, ainsi que des communes, des départements et des régions vers les métropoles, le texte qui nous est soumis aujourd’hui ne nous permet pas de savoir si ces compétences transférables relèveront toujours de leurs attributions. Ainsi, vous demandez aux parlementaires de se laisser conduire vers une profonde transformation des institutions locales sans leur indiquer vers quel système, vers quelle nouvelle architecture vous les dirigez, ni quels sont vos objectifs in fine. Ce n’est pas acceptable.
Nul ne conteste la nécessité d’une véritable réforme permettant aux collectivités locales de répondre toujours mieux à leur mission. Mais une telle réforme doit être réalisée dans la clarté, les objectifs affichés doivent être dépourvus d’ambiguïté, il ne doit pas y avoir de faux-fuyant sur l’ensemble des enjeux.
Oui, nos concitoyens souhaitent, comme nous tous, une réforme qui donne aux communes, aux départements et aux régions les moyens de toujours mieux répondre aux besoins et aux attentes de leurs habitants. Ils ne nous demandent pas de réduire nos actions et nos compétences dans tous les domaines de leur vie quotidienne ; au contraire, ils sollicitent plus d’équipements et de services publics, utiles et accessibles à tous. Or le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis, en fixant un objectif de réduction de la dépense publique et, par conséquent, des services publics locaux, va à l’encontre de ces attentes.
Aussi, considérant que ce texte ne répond pas aux attentes de nos concitoyens, considérant que le Gouvernement brouille les cartes en traitant une même réforme dans de multiples projets de loi présentés dans le désordre, considérant que ce procédé traduit la volonté de masquer la globalité des transformations engagées afin d’en dissimuler les enjeux aux parlementaires, considérant enfin que le projet de loi aujourd’hui soumis au législateur ne permet pas à celui-ci d’élaborer une loi en toute connaissance des objectifs et des enjeux et, par conséquent, de lui conférer la lisibilité et l’intelligibilité nécessaires à sa compréhension et à son application, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable présentée par notre collègue Josiane Mathon-Poinat, afin de rejeter le présent projet de loi.