Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme qui nous est soumise ne procède pas d’une pensée claire.
Son examen vient dans un ordre inverse à celui qu’eût inspiré la logique. Il eût fallu partir du rôle des collectivités territoriales et de leurs compétences, régler ensuite leur organisation, pourvoir enfin à leurs recettes. C’est le contraire qui a été fait. Certes, le problème des recettes a été traité, mais il n’est pas réglé. Nous ne connaissons pas encore les compétences dans lesquelles seront enfermés les départements et les régions.
L’objectif premier, comme le Président de la République l’a d’ailleurs clairement déclaré, est d’associer les collectivités territoriales à la rigueur budgétaire. Les financements croisés seront interdits, sauf exceptions dont l’article 35 du projet de loi renvoie à un an la définition.
L’élection des conseillers territoriaux appelés à remplacer les conseillers généraux et les conseillers régionaux aura lieu selon un mode de scrutin que nous ne connaissons pas. Elle fera régresser la parité et transformera le problème des cumuls en un véritable casse-tête. Monsieur le ministre, ce projet de loi porte la marque d’une excessive précipitation : qui trop embrasse, mal étreint.
Le Sénat n’entend pas se laisser encore une fois mettre devant le fait accompli et se voir réduire au rôle de simple chambre d’enregistrement.
Pourtant, monsieur le ministre, il y a plus préoccupant encore : le texte qui nous est proposé est gravement attentatoire aux principes de la République.
Aux termes de l’article 1er de la Constitution, en effet, la République est indivisible. Elle respecte le principe d’égalité. Son organisation est décentralisée.
Or le projet de loi de réforme des collectivités territoriales contrevient à ces principes. Il porte en lui l’extinction des communes existantes et des départements. Il saperait ensuite, s’il était adopté, l’unité de la République.
La commune et le département sont tous deux des créations de la Révolution française. Celle-ci a installé les communes dans les limites des anciennes paroisses et les départements aux lieu et place des découpages hérités de l’ancien ordre féodal.