Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, mon retard est inexcusable, mais je souhaite néanmoins vous donner une explication : à l’instant, je m’entretenais au téléphone avec le P-DG du groupe qui comporte, en son sein, l’enseigne Monoprix, au sujet du salarié dont il est question dans les médias depuis hier. Je tenais à lui faire part de ma position et à entendre ce qui serait décidé, ce matin, dans cette affaire. Voilà pourquoi j’étais encore au téléphone à l’instant, ce qui a causé mon retard. Je vous prie de bien vouloir accepter, sinon mes excuses, du moins cette explication.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que nous allons examiner en deuxième lecture doit nous permettre de faire aboutir la réforme de la médecine du travail.
Je tiens à saluer le travail de votre rapporteur, Anne-Marie Payet, et de la commission. La concertation que vous avez menée avec Guy Lefrand, rapporteur à l’Assemblée nationale, pour rapprocher les positions est, à mon sens, exemplaire et a permis d’améliorer significativement le texte, en prenant en compte le point de vue des deux chambres.
Cette réforme était attendue, et je vais vous en rappeler les différentes étapes.
En 2008, alors ministre du travail, j’ai proposé aux partenaires sociaux d’ouvrir une négociation sur ce thème.
Il y a eu sept séances de négociation. Elles n’ont pas abouti à un accord, mais elles ont permis d’avancer sur des points essentiels, comme la définition des missions de la médecine du travail.
Une longue concertation avec les organisations syndicales et patronales s’est ensuivie. Je tiens à saluer leur travail. Vingt-quatre réunions de concertation ont eu lieu avec Xavier Darcos et Éric Woerth, deux de mes successeurs au ministère du travail, qui ont présenté les grandes orientations de cette réforme au COCT, le conseil d’orientation sur les conditions de travail.
Ces orientations ont été débattues au Parlement, dans le cadre de la loi portant réforme des retraites.
Cette réforme attendue était indispensable, la situation actuelle n’étant plus tenable. J’ai pu vérifier, lors de la dernière réunion du COCT que j’ai présidée, le 29 avril dernier, que ce sentiment était partagé par la très grande majorité des parties prenantes, notamment les partenaires sociaux.
La médecine du travail doit impérativement évoluer et se moderniser, pour répondre à de nouveaux défis.
Ces défis, vous les connaissez. Ce sont notamment la prévention de la pénibilité du travail et de la désinsertion professionnelle, qui ont été au cœur des débats que nous avons eus lors de la réforme des retraites : nous savons que nous vivons plus longtemps ; nous allons travailler un peu plus longtemps ; nous devons donc travailler mieux.
Nous sommes également confrontés aux risques liés à de nouvelles formes d’organisation du travail, comme les risques psychosociaux et les troubles musculo-squelettiques.
Se présentent également à nous les défis de la prévention en milieu de travail, du suivi de la traçabilité des expositions ou de l’éducation à la santé au travail en entreprise.
Voilà pourquoi il est nécessaire, aujourd’hui, d’avoir de vrais services de prévention de proximité, avec des médecins dont la place est réaffirmée au sein d’une équipe pluridisciplinaire. Il faut permettre aux services de santé au travail de mieux couvrir les différentes catégories de travailleurs.
Cette proposition de loi permet d’apporter des réponses concrètes à ces enjeux de santé au travail. Elle a été régulièrement enrichie, lors des débats, sur la définition des missions des services de santé au travail, par exemple, où l’accent a été mis sur la prévention de certaines addictions – notamment grâce à vous, madame le rapporteur – ou sur la prévention de la désinsertion professionnelle, liée plus ou moins directement à des facteurs d’usure au travail, ces derniers conduisant à des restrictions d’aptitude qui empêchent d’occuper certains postes de travail.
Sur la gouvernance des services de santé au travail interentreprises, votre assemblée avait retenu une présidence tournante. Je me souviens que ce point avait fait l’objet de débats. Je voudrais saluer l’équilibre qui a été trouvé, auquel vous avez contribué, madame le rapporteur, grâce à vos échanges avec Guy Lefrand : la présidence revient au représentant des employeurs et la fonction de trésorier est confiée à un représentant des salariés.
C’est un gage de transparence, notamment dans le domaine financier. Le Gouvernement soutient cet équilibre. Je sais que, pour les partenaires sociaux, le plus important, aujourd’hui, est de voir aboutir la réforme dans sa totalité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à cette réforme, nous pourrons améliorer les conditions de travail et la qualité de la vie au travail, promouvoir une véritable culture de la prévention, dont je parlais à l’instant, et développer l’approche collective des risques au plus près des entreprises et des territoires – cela tient au cœur de notre président de séance –, dans le respect de l’indépendance nécessaire et légitime des médecins du travail.
Nous en avons tous conscience, ici, la santé au travail est non pas seulement un sujet de spécialistes, mais également un enjeu pour l’entreprise, les managers et pour notre société dans son ensemble.
En effet, une entreprise qui néglige la santé de ses salariés ne peut pas être compétitive, à court, à moyen et à long terme.
La santé au travail répond également à une attente croissante de la société tout entière. Si la santé au travail tient autant de place aujourd’hui, c’est parce que la valeur travail est prépondérante. Nous devons bien comprendre que travailler plus a du sens, mais que travailler mieux est aussi important.
Voilà pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soutient cette proposition de loi, que je vous invite à voter.