Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les vicissitudes de cette réforme de la médecine du travail. Différents rapports ont révélé, depuis longtemps, les dysfonctionnements du secteur de la médecine du travail.
Nous ne contestons pas la nécessité d’une réforme de fond qui, cependant, ne doit pas organiser la disparition d’un des piliers de notre droit du travail.
Cette réforme doit avoir deux objectifs majeurs : améliorer la santé au travail, notamment la prévention, et remédier au manque crucial de médecins spécialisés dans les années à venir.
Pour nous, les deux problèmes sont liés : comme la médecine du travail n’a pas la place qui lui revient, elle subit la désaffection des étudiants en médecine. Or le texte qui nous est soumis n’améliore pas les choses. La réforme qui est proposée risque même, au contraire, de disqualifier le médecin.
Qui souhaitera devenir médecin du travail si l’exercice de cette profession implique de se référer à un projet de service, ou d’accepter l’intervention des autres membres de l’équipe pluridisciplinaire qui ne présentent pas les mêmes garanties d’indépendance que le médecin lui-même ?
En outre, ces médecins n’auront pas la confiance des salariés, qui considèrent souvent que les médecins du travail sont à la solde des employeurs.
C’est pourquoi les questions de gouvernance de la médecine du travail et d’indépendance des intervenants sont fondamentales.
Lors des débats en première lecture, nous avions amélioré ensemble les dispositions du texte relatives à la gouvernance des services de santé au travail. Nous en étions revenus à la rédaction adoptée très largement par le Sénat lors de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites, grâce à un amendement de la commission des affaires sociales.
Cette rédaction, il faut le rappeler, correspondait aussi aux recommandations de la mission sur le mal-être au travail, qui a estimé qu’il fallait revaloriser la profession de médecin du travail et réaffirmer l’indépendance des services de santé au travail, notamment en les rattachant à une structure paritaire. L’adoption de cet amendement nous avait même permis de nous abstenir lors du vote sur ce texte, en première lecture.
La majorité, à l’Assemblée nationale, a défendu la préférence patronale : le texte prévoit, certes, de créer un conseil d’administration composé à parts égales de représentants des employeurs et des salariés, mais avec une présidence revenant de droit aux employeurs, sous prétexte que les financeurs doivent être les décideurs. Heureusement, ce n’est pas toujours le cas !
Quant à la liberté d’association, elle ne peut pas non plus être invoquée, puisque vous n’hésitez pas à imposer un trésorier issu du collège des représentants des salariés, ce qui est tout à fait contraire à la liberté d’association !
Nous aurons l’occasion de reparler de cette question ; nous avons en effet déposé un amendement tendant à permettre au Sénat de revenir, sur ce point, au texte qu’il a adopté par deux fois. Cependant, nous ne nous faisons guère d’illusions. La commission des affaires sociales du Sénat a fait aujourd’hui profil bas. Encore une fois, nos collègues de droite se rangeront derrière leurs états-majors et derrière la majorité de l’Assemblée nationale !