Cet article 2 organise le dialogue entre le médecin du travail et l’employeur, lorsque le premier constate la présence d’un risque pour la santé des travailleurs.
En effet, l’article L. 4624-1 du code du travail prévoit que le médecin du travail est habilité à proposer à l’employeur des mesures individuelles, notamment d’adaptation de poste, dès lors que l’activité professionnelle en question peut porter atteinte à la santé du salarié.
Il prévoit également que l’employeur est tenu de prendre en considération ces observations. Cette obligation est toutefois tempérée par la suite du deuxième alinéa de ce même article : bien que tenu de prendre en considération les remarques et propositions formulées par le médecin du travail, l’employeur n’est pas tenu de réaliser les adaptations proposées dès lors qu’il motive son refus.
L’article 2 de cette proposition de loi n’apporte en la matière que peu d’innovations, dans la mesure où il est précisé que les observations du médecin du travail doivent être formulées par écrit, tout comme le refus de l’employeur. Cette exigence de formalisme s’explique sans doute par une volonté de transparence, bien légitime en la matière. Mais celle-ci n’est que partielle puisque ces écrits ne sont pas automatiquement transférés aux CHSCT ou aux inspecteurs du travail, qui sont pourtant des acteurs incontournables s’agissant de la protection de la santé des travailleurs. Le CHSCT joue un rôle particulier dans le domaine de la prévention.
L’inspection du travail joue également un rôle important que l’on ne peut réduire à la phase de sanctions. En effet, si les agents de l’inspection du travail peuvent procéder à des rappels à la loi, ils ont également une mission de conseil importante en matière de prévention. Dans certains cas, les plus graves, dès lors que les travailleurs sont exposés à des dangers graves et imminents, ils peuvent aller jusqu’à saisir le juge des référés pour voir ordonnée toute mesure propre à faire cesser le risque, telle que la mise hors service, l’immobilisation, la saisie des matériels, machines, produits dispositifs ou autres.
Les compétences particulières de ces deux structures, certes différentes, supposent une circulation la plus fluide possible de l’information. Aussi regrettons-nous qu’en vertu de cet article les écrits du médecin du travail et de l’employeur ne soient tenus à disposition que sur demande. Dans une véritable perspective de prévention, il conviendrait, au contraire, d’exiger un transfert automatique.
Par ailleurs, l’alinéa 3 de l’article 2 prévoit, comme c’est déjà le cas, que l’employeur peut ne pas suivre les recommandations du médecin du travail. Or celles-ci reposent sur des compétences médicales et une expertise clinique du salarié. Par conséquent, de par son refus, même exprimé par écrit, l’employeur peut ne pas satisfaire à l’obligation qui lui incombe en vertu de la loi de tout mettre en œuvre pour préserver la santé des salariés.
Par ailleurs, nous regrettons que la loi ne prévoie pas de situations intermédiaires, par exemple la possibilité pour l’employeur de formuler des propositions d’adaptation de postes qui, si elles ne sont pas nécessairement celles qui ont été formulées par le médecin du travail, au moins s’en rapprochent. Cela aurait pourtant permis de tenir compte des exigences de préservation de la santé du salarié et d’éviter que la situation ne se conclue par une déclaration d’inaptitude dont nous connaissons tous les conséquences sociales sur les salariés.
Enfin, nous regrettons que le refus de l’employeur de se conformer aux préconisations du médecin du travail ne puisse pas être opposable à l’employeur dans l’éventualité où le travailleur malade engagerait une action en responsabilité.
Les évolutions intervenues en 2002 à l’occasion de l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation dans l’affaire Sté Everite c/ Gerbaud met en avant l’obligation de sécurité de l’employeur résultant du contrat de travail en matière d’accident ou de maladie professionnelle. Il résulte donc du contrat de travail que l’employeur est tenu à une obligation de résultat au regard de la santé de ses salariés.
Pour autant, bien que, selon la jurisprudence, l’employeur ne puisse pas s’exonérer de sa responsabilité au motif qu’il n’était pas informé du risque, la faute inexcusable de l’employeur ne se présume pas. La charge de la preuve de celle-ci échoit à la victime ou à ses ayants droit.
Nous considérons, pour notre part, que le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions du médecin du travail, qui est compétent en la matière, devrait être opposable à l’employeur, c’est-à-dire constituer la preuve du manquement à ses obligations.