L’article 3 de la présente proposition de loi revêt une grande importance puisqu’il fixe les modalités de la gouvernance des services de santé au travail et qu’il est en grande partie à l’origine du refus des organisations syndicales de signer l’accord national interprofessionnel.
Force est de le constater, en revenant sur l’accord obtenu au Sénat et qui prévoyait une présidence alternée du conseil d’administration des services de santé au travail, vous avez radicalement changé la donne : le paritarisme que nous appelions de nos vœux est aujourd’hui singulièrement rétréci. Certaines organisations syndicales parlent d’ailleurs d’un « paritarisme de façade ».
Certes, on va désormais passer, s’agissant de la composition du conseil d’administration, d’une répartition nettement favorable aux employeurs – deux tiers des sièges pour les représentants du patronat, un tiers pour les représentants des salariés –, à une répartition strictement paritaire, mais on peut légitimement se demander à quoi cette avancée servira en définitive si le président du conseil d’administration, disposant d’une voix prépondérante, doit être toujours un employeur…
Rien ne sert en effet de renforcer la place des salariés dans la gouvernance des services de santé au travail s’il en résulte un usage systématique, par les représentants des employeurs, de leur droit de veto.
Dans la rédaction qui nous en est aujourd’hui soumise, l’article 3 n’est pas très éloigné des souhaits initiaux du MEDEF : que les représentants des salariés soient seulement associés et ne puissent pas voter. Sans doute le pourront-ils, mais la portée de leur vote sera limitée par la faculté donnée aux représentants des employeurs d’avoir le dernier mot : c’est un peu comme si leurs avis devaient être de simples vœux, dont la réalisation dépendrait du bon vouloir des employeurs…
Un tel dispositif ne peut nous satisfaire. Aussi avons-nous déposé plusieurs amendements tendant à rétablir la version de la proposition de loi qui résultait de nos travaux en première lecture.
Une présidence tournante garantirait l’indépendance des médecins du travail et l’adéquation des missions qui leur sont confiées aux besoins réellement constatés sur le terrain. Une alternance pourrait en effet conduire à la remise en cause d’un plan insuffisant ou mal construit.
Je veux enfin répondre, monsieur le ministre, à un argument que j’ai entendu et qui ne me paraît pas fondé. On a prétendu que le principe de l’alternance paritaire à la tête du conseil d’administration des services de santé au travail pourrait être inconstitutionnel. Or, s’il est contraire à la Constitution d’inscrire dans la loi que la présidence du conseil d’administration des services de santé au travail est exercée alternativement par un représentant des employeurs et un représentant des salariés, le schéma inverse, qui réserve la présidence aux seuls employeurs, l’est tout autant !
Pour ces raisons, nous ne pouvons pas voter l’article 3 dans sa forme actuelle, surtout si nous considérons le rôle important joué par le président d’un service de santé au travail dans la définition des priorités de ce service, c’est-à-dire de la politique de santé au travail applicable au sein des entreprises adhérentes.