L’article 6 prend prétexte d’une situation réellement alarmante pour apporter des réponses qui le sont tout autant.
Nous partageons le constat selon lequel certaines catégories professionnelles sont peu couvertes par la médecine du travail, voire ne le sont pas du tout, du fait de la multiplicité des employeurs ou des conditions d’exercice de leur activité. Quoi qu'il en soit, l’absence ou la quasi-absence d’accès à la médecine du travail peut constituer des facteurs aggravants dans l’apparition de maladies professionnelles.
Je ne prendrai qu’un exemple, celui des VRP – voyageurs représentants et placiers –, qui sont appelés à se déplacer beaucoup, à dormir à l’hôtel, et sont peu présents au siège même de leur entreprise. Ces déplacements, souvent effectués en voiture, provoquent les souffrances physiques consécutives à la posture assise prolongée, mais aussi des souffrances psychiques résultant à la fois des pressions économiques qui pèsent sur les VRP et des phases répétées d’éloignement de leurs proches.
Pour nous, il serait inadmissible que, prenant prétexte de ce que leur suivi médical est trop difficile ou trop espacé, on en vienne à renoncer purement et simplement à l’accès de ces salariés à la médecine du travail. Or c’est précisément ce qui nous est proposé avec l’article 6, celui-ci prévoyant que les médecins généralistes se substituent aux médecins du travail.
Ce n’est pas être désobligeant à l’égard des médecins de ville que de dire que leur formation ne leur donne pas les compétences suffisantes pour diagnostiquer des maladies professionnelles, pour établir le lien entre une pathologie et une activité professionnelle ou encore pour proposer à l’employeur des mesures de protection telles celles qui sont visées à l’article 2 de cette proposition de loi.
Par ailleurs, cet article donne à croire que la médecine du travail pourrait être pratiquée indistinctement par des médecins expressément formés à l’exercice de cette spécialité et par d’autres qui n’auraient pas suivi ce parcours spécifique.
On peut d’ailleurs se demander si cette expérimentation ne porte pas en germe la disparition pure et simple de la médecine du travail : s’opérant progressivement, cette disparition suivrait le rythme de l’extinction programmée du corps des médecins du travail. En effet, il ne faut pas perdre de vue que 55 % d’entre eux ont plus de cinquante-cinq ans et que, du fait d’une revalorisation insuffisante de la profession, les nouvelles vocations sont rares.
D’autres pistes devraient être explorées à l’issue de cette expérimentation. Pourquoi ne pas offrir à ces salariés de dépendre, à titre exceptionnel, de services de santé au travail d’autres entreprises du même secteur professionnel ? Pourquoi ne pas créer, à l’échelle départementale, des unités mobiles qui seraient susceptibles d’accueillir ces professionnels au gré de leurs déplacements ?
En tout état de cause, ces dispositions ne nous satisfont pas et nous voterons contre cet article.
Monsieur le président, cette intervention vaudra défense de notre amendement n° 28.