Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 8 juillet 2011 à 15h00
Certificats d'obtention végétale — Article 15 bis nouveau

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

L’article 15 bis vise à inscrire enfin dans la loi le concept de collection nationale, qui comprend la somme des collections identifiées par des certificats d’obtention végétale et favorise la pérennité des variétés anciennes.

Comme l’a dit Christian Demuynck, ce concept est l’un des fruits du long travail effectué dans le cadre du Grenelle de l’environnement, qu’une heureuse initiative de la commission a permis de valider juridiquement dans ce texte.

J’en profite pour préciser qu’il existe non seulement des variétés anciennes, mais aussi des variétés locales, tout aussi rares, mais d’apparition plus récente. Pour dire les choses plus simplement, ces collections ne sont pas muséales, elles représentent aussi la biodiversité dans tout son dynamisme.

Néanmoins, tant le texte de l’article 15 bis que celui de l’amendement de Christian Demuynck donnent un cadre beaucoup trop étroit aux ressources concernées. Par exemple, le fait de « présenter un intérêt pour la recherche scientifique ou l’innovation » constitue un critère laissant supposer que la société, à un temps t, sait ce qui sera ou non utile pour la recherche. Or il est impossible de le deviner.

Permettez-moi de prendre un exemple dans le règne animal pour vous montrer que tout n’est pas aussi simple : quand l’académicien des sciences Yvan Le Maho se penche, durant des années, sur la vie et les pérégrinations des manchots empereurs, qui peut imaginer qu’il fera une découverte scientifique collatérale très importante, en isolant un peptide présent dans l’estomac des pères manchots privés de nourriture par leur immobilité pendant la garde des œufs, qui empêche la dégradation du dernier bol alimentaire pour en faire la première bouchée du poussin ?

Parions qu’avant lui, s’il y avait eu un registre des animaux pouvant présenter une utilité pour la recherche, le manchot empereur n’en aurait sans doute pas fait partie !

Pourtant, cette substance offre d’ores et déjà de nombreuses possibilités pour la conservation des aliments. C’est donc l’ensemble du patrimoine génétique végétal qui mérite d’être sauvegardé. N’en limitons pas les possibilités par la loi !

Au-delà des imprévus, souhaitables au demeurant, de la démarche scientifique et de la recherche, pouvant conduire à la découverte de substances pharmaceutiques, et au-delà du principe même de patrimoine, qui est moins restrictif que celui qui a été retenu dans le texte de la commission, je souhaite, par ce sous-amendement, que soient mentionnés l’intérêt culturel et l’intérêt gastronomique en tant qu’il justifie la conservation des ressources phytogénétiques.

La notion d’intérêt culturel renvoie, par exemple, au gui des druides ou à la mythique mandragore. Quant à la mention de l’intérêt gastronomique permettra, elle permettra de garantir, notamment, la sauvegarde de la truffe noire, menacée par le défrichement, la monoculture et les engrais.

Cette disposition est, de surcroît, cohérente avec le classement de notre gastronomie au patrimoine immatériel de l’humanité et pourra bénéficier à de célèbres cuisiniers, heureux d’avoir retrouvé des herbes aromatiques oubliées.

Ce que les ouvriers de l’institut Vavilov ont su faire à Saint-Pétersbourg, en plein assaut des armées ennemies, pour sauver leurs collections de céréales, pommes de terre et autres légumes, alors que sévissait la famine, nous devons être capables de le faire en période de paix et d’alerte en matière de biodiversité.

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