Selon le rapport de M. Pointereau, cet article a pour ambition de sécuriser la pratique des semences de ferme, laquelle ne se décline pas de façon identique selon que l’on se réfère à la convention UPOV, à la réglementation européenne ou à ce qui se dit en France.
On remarquera d’ailleurs l’imprécision à cet égard de la rédaction de la convention UPOV, où l’on peut lire qu’il peut y être recouru « dans des limites raisonnables, et sous réserve de sauvegarde des intérêts légitimes de l’obtenteur ». Ces termes relèvent du « flou » évoqué par M. le rapporteur, à propos d’un amendement qu’il souhaitait repousser pour ce motif. En effet, les termes « raisonnables » et « légitimes » ne peuvent qu’être empreints de subjectivité et dépendent de la posture que l’on adopte.
Nous connaissons une situation de pénurie des semences destinées notamment aux semis de cultures fourragères dérobées, que l’on sème entre deux temps de cultures principales. Le besoin s’en fait particulièrement sentir quand la sécheresse oblige à avancer la date de la récolte des céréales, ou pour les couverts hivernaux des terres destinées à des semis de printemps.
La présente disposition, qui entraîne de facto une limitation du droit des agriculteurs à utiliser leurs semences de ferme, est particulièrement inadéquate dans ces circonstances.
Les semences de ferme sont, depuis toujours, largement utilisées, et ne sont pas interdites en France pour la plupart des cultures agricoles. Puisque le concept de légitimité a été évoqué, les écologistes considèrent que le droit des agriculteurs à ressemer une partie de leurs récoltes est un droit immémorial et fondamental, les graines étant autant le résultat de l’évolution et du travail des sociétés paysannes que de l’obtenteur qui a apporté sa touche finale.
Il semble donc incorrect de renvoyer cette question à un décret, dont nous n’avons même pas l’assurance qu’il ira au-delà des vingt et une espèces aujourd’hui concernées.
L’avenir de l’humanité passe par la satisfaction des besoins alimentaires : concentrer entre les mains de quelques grands sélectionneurs le droit à la reproduction restreint les possibilités d’évolution, fige les génomes, aboutit à une dangereuse homogénéisation des variétés, standardise ce qui est offert.
Après l’année de la biodiversité et la mobilisation de la communication gouvernementale, après un an de réflexion collective sur la stratégie nationale pour la biodiversité avec le groupement national des semences et plants, le GNIS, et le Réseau semences paysannes, il semble étrange de vouloir réduire la biodiversité, qui devrait être cultivée par tous les moyens et ne saurait donc faire l’objet d’un décret.