monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi initial de financement de la sécurité sociale, ou PLFSS, pour 2011 comprenait 60 articles. Il en comporte aujourd’hui 126, soit plus du double ! Il a donné lieu à des débats d’une très grande richesse, notamment au sein de notre assemblée. Comme chaque année, le Sénat a contribué à améliorer significativement le texte en adoptant pas moins de 127 amendements, dont 53 sur l’initiative de notre commission des affaires sociales.
Au total, le déficit prévisionnel du régime général pour 2011 est légèrement amélioré – de 400 millions d’euros –, puisqu’il s’établit désormais à 20, 9 milliards d’euros au lieu de 21, 3 milliards d’euros dans le projet de loi initial. Je pense donc que nous avons fait œuvre utile !
L’annexe B prévoit la réduction progressive de ce déficit au cours des trois années suivantes, mais celui-ci s’établirait tout de même encore à plus de 16 milliards d’euros en 2014. Nous avons suffisamment manifesté, au cours des débats au Sénat, notre inquiétude sur ces montants et leurs conséquences en termes d’accumulation de déficits pour que je n’y revienne pas à cet instant.
L’organisation de nos travaux a été, cette année, particulière et difficile. Nous avons, en effet, dû nous interrompre à deux reprises, d’abord pour la lecture des conclusions et le vote final sur la réforme des collectivités territoriale, puis à l’occasion du changement de Gouvernement. Certes, il s’agissait de circonstances particulières, mais je tiens à renouveler ici notre souhait, exprimé chaque année à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que ce texte puisse être examiné en séance publique pendant une semaine entière et d’un seul bloc, sans des interruptions qui perturbent nos débats.
J’en viens maintenant à nos travaux.
À l’issue de l’examen du PLFSS par le Sénat, plus de 80 articles restaient en discussion. La commission mixte paritaire, réunie la semaine dernière, est parvenue à un accord sur l’ensemble de ces dispositions.
Elle a maintenu la suppression de 5 articles par le Sénat, adopté 51 articles dans le texte du Sénat, 3 articles dans le texte de l’Assemblée nationale, supprimé 8 articles introduits par le Sénat et élaboré un nouveau texte pour 16 articles.
Nous sommes ainsi, je crois, parvenus à un compromis acceptable, dont je me contenterai de mentionner les principaux éléments.
Parmi les trois articles pour lesquels nous sommes revenus à la rédaction de l’Assemblée nationale, je citerai l’article 36, qui complète le dispositif adopté en 2008 sur les quasi-génériques en leur étendant les mesures incitant à la substitution des génériques.
Cette mesure, comme je l’avais dit lors du débat, présente malgré tout un risque. Elle peut servir de prétexte à de nouvelles campagnes de dénigrement des génériques au moment où leur progression, qui marque le pas, doit être relancée pour faciliter le respect de l’ONDAM. Elle peut aussi, nous en étions conscients, permettre de réaliser des économies – leur importance reste à déterminer – et, comme l’a rappelé le rapporteur pour l’Assemblée nationale, de contrer les stratégies de contournement de certains laboratoires. C’est pourquoi nous avons fini par nous rallier à la proposition de l’Assemblée nationale.
S’agissant des points sur lesquels l’Assemblée nationale a rejoint les positions du Sénat, je citerai tout d’abord l’article 9 sur le transfert de déficits à la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale. L’Assemblée nationale nous a suivis pour exclure de cette reprise de dette les déficits de la branche AT-MP de 2009 et de 2010.
À l’article 12 bis, concernant l’affectation définitive à la sécurité sociale du fameux panier de recettes destinées à la compensation des allégements généraux de charges sociales, l’Assemblée nationale a approuvé que nous affections l’excédent de ce panier prioritairement à la branche famille, à hauteur de la perte de recettes qu’elle va subir du fait de la substitution de trois recettes d’une qualité incertaine à 0, 28 point de CSG. Les députés se sont d’ailleurs félicités que les droits de consommation sur les tabacs soient désormais, comme nous le souhaitions depuis longtemps, une recette de la loi de financement de la sécurité sociale.
J’ai relevé que, dans le cadre de la première partie de la loi de finances, la commission des finances a jugé bon de revenir partiellement sur ce point en organisant un rééquilibrage entre la TVA qui alimentait le panier affecté à nos différentes branches et les droits de consommation sur les tabacs. J’en parlerai à nouveau dans un instant mais j’aimerais qu’à l’avenir une meilleure coordination soit mise en place entre la commission des finances et la commission des affaires sociales, au moins pour tout ce qui concerne la partie financière.
Concernant l’article 16 bis sur l’activité de loueur de chambres d’hôtes, la CMP a maintenu le seuil de chiffre d’affaires introduit par le Sénat.
En adoptant des amendements semblables de la commission des affaires sociales et de la commission des finances, le Sénat avait, à l’article 45 qui prévoit les dotations pour 2011 de l’assurance maladie à divers organismes, supprimé la dotation de 20 millions d’euros à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, ou EPRUS. Cette dernière, après la dotation de 170 millions d’euros prévue pour 2010, nous semblait en effet recréer les conditions d’un sur-financement de l’EPRUS au détriment de l’assurance maladie et d’un déséquilibre analogue à celui qui avait été constaté sur la période allant de 2007 à 2009. J’ai dû insister lourdement en CMP pour que nos collègues députés nous suivent. Ils l’ont fait et ont donné raison à la commission des affaires sociales du Sénat, ce dont je me félicite. Le Gouvernement, à l’avenir, pourra savoir à quoi s’en tenir chaque fois qu’il sera tenté de mettre à la charge de l’assurance maladie des dépenses qui ne lui reviennent pas, alors que lui-même ne fait pas l’effort nécessaire pour assurer l’équilibre du fond.
Je citerai également l’article 45 bis A. En confirmant le texte du Sénat, la CMP a prévu que le Parlement devra voter chaque année, en PLFSS, le montant des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, les fameuses MIGAC. C’est une première tout à fait intéressante. Je me permets de saluer la décision du Gouvernement, en particulier celle du nouveau ministre en charge de la santé, M. Xavier Bertrand, de ne pas revenir sur cette disposition, qui va dans le sens d’une meilleure transparence et d’une meilleure information du Parlement. J’en attends d’ailleurs beaucoup, car il existe à mon sens de réelles marges de progrès et d’efficience dans la gestion des crédits destinés aux établissements de santé.
S’agissant de l’article 63, qui concerne l’obligation de déclaration de revenus pour les auto-entrepreneurs – je m’en suis entretenu hier en aparté avec le nouveau ministre en charge de ce dossier, M. Frédéric Lefebvre –, l’Assemblée nationale a suivi l’initiative que Mme Dini, présidente de la commission des affaires sociales, et moi-même avions prise quant à la fixation d’une limite à deux ans au lieu de trois ans de la durée pendant laquelle il est possible de bénéficier du régime de l’auto-entrepreneur sans réaliser de recettes ou de chiffre d’affaires. Il me semble que nous devrons compléter ce dispositif en loi de finances, d’une part, pour en assurer l’effectivité en matière de recouvrement – je porterai un amendement en loi de finances pour améliorer ces modalités de recouvrement, et je me suis entendu sur ce point avec M. Frédéric Lefebvre – et, d’autre part, pour instaurer un mécanisme de formation des auto-entrepreneurs qui serait financé, comme pour les entrepreneurs individuels, par un prélèvement assis sur leur activité – je porterai également un amendement sur ce point.
Parmi les articles ayant fait l’objet d’une nouvelle rédaction par la CMP, cinq méritent d’être mentionnés.
Concernant l’article 10 sur les retraites chapeaux, la CMP est parvenue à un compromis sur les seuils des rentes soumises à la nouvelle contribution sociale : 400 euros pour l’assujettissement à un taux de 7 % et 600 euros pour le taux de 14 %. Ce résultat nous a semblé à tous équilibré et raisonnable, tenant compte en particulier des positions exprimées par le Gouvernement, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Or, pour une raison qui m’échappe, le Gouvernement a changé d’avis au cours des derniers jours. Quand je dis « le Gouvernement », monsieur le ministre, je ne vous vise pas en particulier ; il semble en effet que l’initiative vienne de Bercy, même pas du ministre des comptes publics mais peut-être du ministre de l’économie, Mme Lagarde. Le Gouvernement a ainsi accepté en projet de loi de finances un amendement de la commission des finances du Sénat qui relève très significativement le seuil des rentes soumises à la nouvelle contribution sociale, en le portant à 1 000 euros.
Où est la cohérence du Gouvernement dans le financement de la réforme des retraites à venir ? Veut-il empêcher celle-ci d’aboutir alors qu’elle vient à peine d’être votée ?