Nous touchons ici au cœur du sujet, la nature du métier d’agriculteur.
Se tourner vers l’avenir, s’adapter à une démographie importante, demandeuse d’aliments en quantité et en qualité, s’appuyer sur la recherche, ne devait pas se traduire obligatoirement par un fractionnement des tâches, privant l’agriculteur de la mission de sélection des semences.
Que certaines firmes en aient fait leur spécialité est une chose. Qu’elles veuillent aujourd’hui empêcher que d’autres le fassent en est une autre.
C’est comme si les fabricants de produits cuisinés ou de pâte à tarte toute faite, qui se sont spécialisés dans ce créneau, venaient maintenant demander au législateur d’empêcher les pères et mères de famille de s’employer à faire de la cuisine !
Cet amendement est une application du TIRPAA, et une protection de pratiques qui ont permis l’existence des sociétés sédentaires.
Les tomates « cœur de bœuf » redécouvertes, les variétés de pommes reinette acides, les courges qui se délitent en spaghettis une fois cuites, ne sont pas le fruit des obtenteurs, mais la redécouverte sur les marchés par des consommateurs avides de produits goûteux, de fruits et légumes préservés par des jardiniers « amateurs » au sens étymologique du terme.
Il en est de même pour les céréales, que redécouvrent certains boulangers et nutritionnistes. Car ce qui est bon pour la commodité de texture souhaitée par l’agroalimentaire ne l’est pas forcément pour la qualité de notre alimentation.
C’est grâce au droit de culture et d’échange que des générations de paysans ont créé, conservé et renouvelé des centaines de milliers de variétés différentes. Les paysans doivent donc être reconnus à juste titre comme les principaux acteurs de la conservation des espèces. En choisissant à chaque génération les plus belles plantes pour les multiplier, le paysan favorise leur adaptation naturelle aux conditions locales non homogénéisées et plus dépendantes des engrais et des pesticides.
Au-delà du métier de paysan, que l’on ne saurait amputer, au-delà de la biodiversité cultivée, qui ne saurait se limiter aux plaquettes de communication, cet amendement ouvre la mise en conformité de la France par rapport à sa signature à Nagoya, en permettant demain la reconnaissance des droits collectifs d’usage de certaines communautés.