Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 13 juillet 2005 à 9h30
Petites et moyennes entreprises — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

... sauf à penser que l'ascension sociale n'est désormais possible que par l'héritage et la transmission du patrimoine, et non plus par le travail !

Avec votre proposition de tutorat, vous risquez d'introduire un lien de tutelle propre à tuer dans l'oeuf tout esprit d'entreprise. Nos propositions relatives au parrainage permettaient de sortir de cette vision de la transmission d'entreprise. Sur le plan purement économique, celui de la dynamique économique, offrir le choix entre un tutorat ou un parrainage aurait pourtant tout son sens.

D'ailleurs, à en croire le Gouvernement, seul le social entraverait encore l'esprit d'entreprise, en constituant l'ultime obstacle au bon fonctionnement du marché du travail. A cet égard, le contrat « nouvelles embauches », étape importante dans la remise en cause du salariat et des droits qui lui sont attachés, donnera à l'employeur toute la souplesse qu'il pouvait espérer en matière de gestion de la main-d'oeuvre. Vous avez utilisé la procédure des ordonnances pour imposer des mesures de régression sociale.

Les salariés et les employés des petites et moyennes entreprises sont d'ailleurs les grands oubliés du texte.

Ainsi, le collaborateur principal, notion à laquelle j'étais personnellement très attaché, n'est pas considéré comme repreneur potentiel avec toute l'attention qu'il mériterait. Cela est plus que regrettable : il est pourtant un repreneur plus probable que le conjoint, qui, le plus souvent d'un âge proche de celui du chef d'entreprise, fera valoir ses droits à la retraite en même temps que ce dernier.

En outre, si les petites et moyennes entreprises se battent pour être attractives, la majorité ne concède rien pour les y aider. Elle aurait pu, par exemple, leur ouvrir la possibilité de se regrouper pour proposer des comités d'oeuvres sociales à leurs salariés.

Fidèle à sa méthode, le Gouvernement introduit dans des textes différents, histoire de brouiller les pistes, des mesures qui n'auraient pu être acceptées en bloc. A cet égard, nous évoquions, tout à l'heure, le travail des apprentis mineurs.

C'est aussi au détour de l'examen de ce texte que l'on daigne se pencher sur la situation des intermittents, mais seulement d'un point de vue répressif : l'approche globale, indispensable pour résoudre cette épineuse question, est abandonnée. Nous redoutons que le Gouvernement n'ait le sentiment d'avoir achevé le travail par le biais de l'introduction d'une mesure tout à fait insuffisante pour régler une situation désastreuse.

Quant au titre VI, certaines de ses dispositions constituent de réelles avancées, qu'il s'agisse de la définition de la coopération commerciale, des accords de gamme ou encore des délais de paiement relatifs aux produits alimentaires. Pour autant, nous ne pouvons que regretter le recul opéré par l'Assemblée nationale, qui a assoupli très nettement le dispositif relatif aux abus de puissance de vente. En définitive, le premier point de la rédaction de l'article 32 adoptée au Sénat se trouve pratiquement vidé de son contenu.

La même remarque vaut en ce qui concerne les enchères inversées. La suppression du tiers certificateur est regrettable. Certes, une telle disposition n'est pas facile à mettre en oeuvre, je le reconnais, mais nous devons, devant ces pratiques d'enchères inversées qui prennent chaque jour davantage d'ampleur, réfléchir aux garde-fous et aux régulations qu'il est nécessaire de mettre en place. Je ne doute pas que nous soyons obligés, à l'avenir, de revenir sur ces questions, en particulier pour empêcher l'apparition de véritables comportements de négriers liés à la pratique d'enchères inversées concernant la main-d'oeuvre.

Enfin, la discussion de ce projet de loi fut à maints égards tout à fait exemplaire, relativement aux contradictions qui traversent le Gouvernement et sa majorité, et je ne pense pas ici à la seule épineuse question de l'ISF.

Par exemple, l'idée d'interdire les enchères inversées dans le domaine du placement et du travail temporaire, afin d'éviter que les salariés n'y soient soumis, fut l'une des nombreuses pierres d'achoppement entre vous, monsieur le ministre, et certains des représentants de la majorité.

Une telle exigence, qui relève de l'éthique et de la nécessaire régulation, n'était pourtant pas une aberration. Je reste convaincu que, à terme, nous n'y échapperons pas. Nous avions nous-mêmes déposé un amendement relevant de la même problématique, qui participe de la revalorisation du travail par la reconnaissance des exigences de formation et de la nécessité de salaires dignes.

En effet, aujourd'hui, et c'est là que le bât blesse, la baisse des salaires accompagne la baisse des prix. Autrement dit, il ne suffit pas de réduire les prix à la consommation pour relancer la consommation et la croissance économique. Comme chacun peut le constater, ce sont malheureusement les salaires et l'emploi qui jouent le rôle de variables d'ajustement.

Vous savez que nous ne partageons pas votre point de vue sur la remise en cause du seuil de revente à perte, monsieur le ministre. Nous en avons longuement débattu en commission et lors de la discussion générale sur le projet de loi initial. Vous pensez pouvoir, à partir de là, revenir à un véritable prix économique. Je m'interroge, quant à moi, sur cette notion de « vrai prix économique ». En vérité, de quoi s'agit-il ? D'un prix rémunérateur pour les producteurs, les fournisseurs et l'ensemble des prestataires de services ?

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