Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 13 juillet 2005 à 15h00
Sauvegarde des entreprises — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

De même, le risque encouru par les créanciers privés - y compris les banques - est réduit par la possibilité qui leur est désormais offerte de déduire de leur résultat « les abandons de créances [...] consentis ou supportés dans le cadre d'un plan de sauvegarde ou de redressement ».

L'abandon de créances par la collectivité publique est d'autant plus critiquable que les grandes banques nationales dégagent depuis plusieurs années des bénéfices considérables.

Par ailleurs, les administrations fiscales et sociales pâtissent déjà financièrement du manque à gagner résultant des exonérations de charges consenties par le Gouvernement, pour favoriser, prétendument au nom de l'emploi, la compétitivité des entreprises, et donc leur survie.

Sachant que la majorité des entreprises françaises bénéficient de ces exonérations de charges et qu'elles pourront désormais, en plus, se voir consentir des abandons de créances de la part de la collectivité publique, il n'est pas faux de dire que cette dernière est mise deux fois à contribution. Pis, on peut voir dans la possibilité pour les administrations fiscales et sociales de consentir des remises de dettes une nouvelle forme de subvention de l'activité lucrative, ce qui n'est pas acceptable en soi, encore moins alors que le déficit public est abyssal.

Il est également regrettable que la réforme des procédures collectives intervienne sans la réforme des tribunaux de commerce. Celle-ci, qui avait été engagée en 2000, a finalement échoué par manque de volonté politique de la part du Gouvernement.

Il est par ailleurs plus que regrettable que les salariés soient les grands absents de ce texte. Ils sont pourtant les premiers concernés par la sauvegarde de leur entreprise. En cas de faillite en effet, ils seront les victimes des licenciements. Or, à aucun moment le Gouvernement ne leur a reconnu un quelconque droit dans les nouvelles procédures instituées par le projet de loi.

En revanche, la sauvegarde des capitaux est parfaitement bien organisée. La preuve en est que les établissements de crédit bénéficieront désormais, et ce en contradiction totale avec les principes généraux du droit, d'une totale irresponsabilité des préjudices subis du fait des concours garantis.

Non seulement le projet de loi restreint le risque financier encouru par les établissements de crédit, mais, en plus, il limite la responsabilité de ces derniers. De fait, le projet de loi place les établissements de crédit dans la même situation que les actionnaires qui demandent des rendements élevés mais sans en assumer le risque.

Or, en économie, le risque ne disparaît jamais. S'il n'est pas supporté par les apporteurs de capitaux, il l'est nécessairement par les autres parties prenantes à la vie de l'entreprise, en l'occurrence les salariés et la collectivité publique.

Ce texte entérine un déséquilibre qui existait déjà entre les salariés et les créanciers privés. Le maintien de l'emploi n'est pas au coeur des préoccupations du Gouvernement. Ainsi, plusieurs aspects du texte relèguent l'emploi au second plan, au bénéfice des créanciers, singulièrement des banques.

Les salariés et leurs familles seront donc les premiers pénalisés, en termes d'emploi et de pouvoir d'achat, par les difficultés des entreprises.

Or - cela a déjà été dit, mais je le répète avec force -, il faut cesser de considérer les salariés comme de simples variables d'ajustement. Il faut les voir plutôt comme des acteurs à part entière de leur entreprise. C'est loin d'être le cas dans le texte qui nous est aujourd'hui soumis. J'en veux pour preuve la référence faite, dans l'article 12 du projet de loi, à la réorganisation de l'entreprise, là où il était précédemment question de continuation. Il va sans dire que le mot « réorganisation » ouvre la possibilité de licencier.

Et même si le critère retenu pour l'ouverture de la procédure de sauvegarde a été légèrement modifié en commission mixte paritaire - le débiteur doit désormais justifier de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à le conduire à la cessation des paiements -, il demeure tout de même très subjectif, contrairement au constat de la cessation des paiements. La quasi-totalité des entreprises rencontrent en effet des difficultés insurmontables. Elles sont même susceptibles d'éprouver des difficultés dès leur création.

La procédure de sauvegarde risque donc fort d'être utilisée dans le but de réorganiser très rapidement une entreprise. Elle permettra certainement au chef d'entreprise de jouer sur la masse salariale.

Le Gouvernement a choisi de défendre ce texte dans le souci de réduire les faillites d'entreprises. Mais, dans le même temps, il soutient une politique de déstructuration sociale, ne lutte pas contre les délocalisations et le dumping social, n'affiche aucune ambition en matière de relance de la croissance.

La seule initiative du Gouvernement en faveur de l'emploi aura été la création, par ordonnance et donc en passant outre le Parlement, d'un sous-contrat, qui rendra la situation de milliers de salariés encore plus précaire !

Le présent projet de loi préserve, malgré une situation économique déplorable, les intérêts de ceux qui détiennent le pouvoir financier. Banques, actionnaires, tous sont privilégiés. Le projet de loi de sauvegarde des entreprises entérine cet état de fait.

Nous voterons donc contre ce projet de loi.

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