Intervention de Bernard Vera

Réunion du 28 novembre 2007 à 22h00
Loi de finances pour 2008 — Débat sur l'évolution de la dette de l'état suite

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme les années précédentes, l'État va émettre un volume de dette publique avoisinant les 145 milliards d'euros de titres, qu'il s'agisse d'obligations comme de bons du Trésor, pour faire face aux contraintes de trésorerie courante et de déficit budgétaire.

La situation n'est pas satisfaisante, car plus de 100 milliards d'euros seront destinés à émettre de nouveaux titres de dette, destinés à amortir les titres existants. On peut d'autant plus s'en inquiéter que l'évolution des taux, à court comme à long terme, est plutôt négative et alourdit le coût du service de la dette.

Comment ne pas noter que la mission « Engagements financiers de l'État » prévoit un accroissement du service de la dette de plus de 1, 6 milliard d'euros, ce qui constitue l'une des progressions les plus importantes de l'ensemble du budget. Mais cette somme sera-t-elle suffisante pour contenir les effets de la hausse des taux d'intérêt, hausse liée à la politique de l'euro fort et aux tensions sur les marchés financiers nées de la crise immobilière américaine ?

Tout cela nous ramène naturellement aux causes de l'accroissement de la dette. En soi, la dette publique n'est pas nécessairement négative, d'autant qu'elle constitue pour l'épargnant un placement rémunérateur et sûr. Encore faut-il qu'elle ait une utilité, permettant par exemple de développer les équipements publics ou de conduire des politiques publiques porteuses de progrès social.

Or il suffit de comparer les 145 milliards d'euros de dette publique aux 10 milliards d'euros de dépenses publiques d'équipement pour comprendre que ce ne sont pas les dépenses d'investissements qui alimentent l'accroissement de la dette. Cela signifie que l'on s'endette toujours plus, pour toujours moins d'équipements mis à la disposition de la population.

En réalité, le fait générateur de la dette publique est plutôt l'abandon de potentiels de recettes fiscales particulièrement significatifs et la poursuite d'un objectif illusoire de croissance par une forme de défiscalisation compétitive.

La baisse de l'impôt sur les sociétés, les réformes successives de la taxe professionnelle, la révision à la baisse du barème et de l'assiette de l'impôt sur le revenu sont autant de sources de moins-values fiscales significatives, sans que nous soyons certains qu'elles aient permis de concourir à la croissance.

La loi TEPA, dont le coût est évalué entre 12 milliards et 15 milliards d'euros par an dans les quatre à cinq années à venir, creuse encore le risque de déficit, sans que nous soyons certains, là non plus, que cela ait le moindre impact sur la croissance et l'activité économique.

Si l'on fait une estimation globale du coût des mesures d'allégements fiscaux et de cotisations sociales intervenues depuis une vingtaine d'années, on relève que le seul montant cumulé de la baisse de l'impôt sur les sociétés, de la réforme de la taxe professionnelle et des exonérations de cotisations sociales dépasse nettement 500 milliards d'euros !

Cette année, la fixation de l'impôt sur les sociétés à 33, 33 % entraîne une moins-value fiscale de 27 milliards d'euros au regard du taux historique de 50 %. Il convient d'y ajouter les 20 milliards d'euros de pertes de ressources liés aux transferts de fiscalité destinés à compenser les exonérations de cotisations sociales, comme la bonne quinzaine de milliards supplémentaires au titre de la taxe professionnelle, dus à l'allégement transitoire des bases et l'intégration de la compensation de la base « salaires » dans la DGF.

Au total, ce sont donc 60 milliards d'euros de pertes de recettes fiscales qui découlent du cheminement « naturel » de décisions fiscales prises par le passé et toujours applicables en 2008.

La même remarque vaut pour la dépense fiscale dont nous avons indiqué qu'elle n'avait fait que croître ces dernières décennies et que nous avons estimée, lors de la discussion générale, à environ 71 milliards d'euros.

Une telle dépense dénature profondément l'impôt sur le revenu, met en cause sa progressivité, affecte de manière très inégale les entreprises et favorise en général les plus importantes d'entre elles, et n'oublions pas l'allégement des droits d'enregistrement ou de l'impôt sur la fortune !

Je citerai quelques chiffres, s'agissant de la dépense fiscale au titre de l'impôt sur le revenu.

Celle-ci est inférieure à 4 milliards d'euros pour les salaires et constituée de manière exclusive par la prime pour l'emploi. En revanche, les revenus de capitaux mobiliers tirent parti d'une dépense fiscale de près de 8 milliards d'euros, alors même que leur poids dans l'assiette de l'impôt n'est que de 16 milliards d'euros.

Les revenus d'activité non salariée tirent parti de dépenses fiscales estimées à près de 5 milliards d'euros, alors qu'ils constituent une assiette fiscale d'environ 60 milliards d'euros.

Enfin, cerise sur le gâteau : l'ISF. Cet impôt, d'un rendement proche de 4 milliards d'euros en 2006 et de 4, 4 milliards d'euros cette année, devrait être minoré de 777 millions d'euros en 2008, soit plus de 17 % de son montant.

Toutes ces options politiques, cette profonde inégalité de traitement entre les revenus catégoriels, toutes ces dépenses fiscales doivent être profondément réévaluées en termes de pertinence économique et d'efficacité sociale.

La brûlante actualité du pouvoir d'achat des salariés et des retraités, comme les vives tensions que connaissent certaines villes depuis quelques jours doivent nous conduire à nous poser la question de la dépense fiscale à travers le prisme de la réduction conjointe des déficits publics et des inégalités sociales.

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