Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 13 juillet 2005 à 15h00
Services à la personne et mesures en faveur de la cohésion sociale — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'objectif affiché de ce projet de loi était de répondre au besoin, de plus en plus important, de développer le secteur des services à la personne, besoin lié en partie au vieillissement de la population, à la dépendance des personnes âgées et à leur volonté, souvent exprimée, de rester à domicile.

Ce texte nous a donc été présenté comme apportant une réponse à ce problème, comme étant une tentative de professionnalisation d'un secteur aux contours souvent flous, qui échappe bien souvent au droit du travail, et « une réelle mine d'emplois à creuser », selon les propres termes de M. le ministre.

A l'issue du débat parlementaire, nous sommes bien obligés d'afficher notre franche déception.

Tout d'abord, ce projet de loi ne définit pas les « services à la personne », créant ainsi volontairement la confusion entre des services purement commerciaux et des services sociaux véritablement indispensables.

Monsieur le ministre, en réalité, vous nous avez présenté un projet de loi fourre-tout, qui mêle dans un même ensemble les besoins médico-sociaux et le reste. Vous n'avez pas pris le soin de faire la différence entre les personnes qui sont dans l'obligation de recourir à un service et celles qui, simplement pour des raisons de convenance personnelle, souhaitent en bénéficier. De plus, avec la menace fondamentale que représente le principe du gré à gré que ce texte encourage, un élan sans précédent est donné à la multiplication des employeurs par salarié, plaçant ce dernier en position de surexploitation.

La demande en services à la personne est pourtant un besoin social. Certes, le problème du vieillissement est réel, mais ce phénomène s'explique également par l'intensification du travail, la flexibilité et la variation des rythmes de production, ainsi que par le désengagement financier des pouvoirs publics dans des secteurs essentiels de la vie, comme la garde des jeunes enfants, le soutien scolaire ou encore l'aide à domicile.

C'est en laissant régner cette confusion que vous pouvez communiquer sur les prétendus 500 000 emplois que vous compteriez créer. C'est là une nouvelle mesure d'affichage du Gouvernement !

Pourtant, si l'on examine un peu ce chiffre faramineux, la vérité est plus sombre : en guise de professionnalisation du secteur des services à la personne, vous allez seulement développer des emplois précaires et partiels et favoriser le recours au gré à gré.

Or nous connaissons tous les caractéristiques de ces métiers : bas voire très bas salaires, temps partiels subis, droits sociaux réduits, journées séquencées et à rallonge, manque de formation initiale et continue.

Alors qu'hier nous débattions de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, il est à noter qu'une fois de plus ce sont les femmes qui vont être visées par vos mesures anti-sociales : le secteur des services à la personne est en effet un secteur très féminisé et, comme nous le rappelions hier, 80 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes.

En somme, d'un coté, vous prétendez lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes, et, de l'autre, vous installez toutes les conditions favorisant la pérennisation et le renforcement de ces inégalités.

Quant aux mesures de cohésion sociale accolées à ce projet de loi, outre le fait qu'elles n'ont rien à voir avec l'objet de ce texte - mais c'est devenu une habitude dans les lois de cohésion sociale -, certaines d'entres elles sont proprement inadmissibles. Je pense particulièrement aux articles 11 et 11 bis qui prévoient le travail des apprentis la nuit, le dimanche et les jours fériés.

Lors de l'examen de ce projet de loi par la Haute Assemblée, nous avions énergiquement protesté contre ces mesures proprement scandaleuses. Le résultat de la commission mixte paritaire, loin de nous satisfaire, laisse envisager le pire puisque le droit de choisir par décret les secteurs concernés par ces mesures est laissé au Conseil d'Etat.

Malgré nos protestations, vous avez donc réalisé un fameux coup de force en étouffant la question du travail de nuit et le dimanche pour des mineurs en formation, en renvoyant au règlement la question du travail des apprentis.

Après la loi d'habilitation à légiférer par ordonnance sur les questions relatives à l'emploi, il s'agit là d'un déni de démocratie supplémentaire qui vise à contourner les droits du Parlement. Cela nous laisse à penser que vous êtes prêt à tout pour faire passer votre projet libéral, qui précarise et appauvrit encore plus le monde du travail, et même à aller à l'encontre de la souveraineté populaire.

En conclusion, mes chers collègues, vous comprendrez que nous ne pouvons que voter contre ce projet de loi.

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