Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 13 juillet 2005 à 15h00
Confiance et modernisation de l'économie — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Le groupe socialiste, notamment par la voix de mon collègue et ami François Marc, a été très présent lors de la discussion de ce texte, et il a fait montre, me semble-t-il, d'une opposition constructive.

Ce texte, dont les travaux de la commission mixte paritaire n'ont pas changé le fond, est déséquilibré. Censé renforcer la confiance des investisseurs et des ménages dans l'économie, il ne sert qu'une partie des acteurs de la vie économique : les administrateurs et les sociétés cotées en bourse.

Le groupe socialiste du Sénat a fait valoir sa position en défendant deux séries d'amendements. La première série visait à renforcer les outils de ce qu'il est convenu d'appeler en français « la gouvernance d'entreprise ». Nous voulions augmenter les contre-pouvoirs dans l'entreprise, afin de restaurer le principe de transparence, souvent mis à mal. L'autre série d'amendements tendait à modifier les mécanismes d'incitation et de stimulation des plans d'intéressement des entreprises.

En ce qui concerne la gouvernance d'entreprise, tout reste à faire, aucune disposition n'ayant été prise pour renforcer les outils existants. Aucun de nos amendements à l'article 1er n'a été pris en compte. A l'heure où les retraites des présidents-directeurs généraux atteignent en France des sommes excessives non seulement par rapport à ce qui se passe dans d'autres pays, y compris des pays qui ont la réputation d'être plus libéraux, notamment les Etats-Unis, mais également au regard de la situation de leur entreprise et du traitement des salariés, il fallait prévoir un renforcement du contrôle des décisions du conseil d'administration, notamment en ce qui concerne les rémunérations accessoires.

La rémunération des dirigeants doit par ailleurs être soumise au contrôle réel de l'assemblée générale des actionnaires. Or la procédure qui est prévue à l'article 2 bis n'offre pas de garde-fou efficace.

Nous avons émis un avis favorable sur la création de la société européenne. Quelquefois, nécessité fait loi ! Trente ans après, il était peut-être temps de le faire, même si la procédure laisse à désirer, puisqu'elle a été adoptée au détour d'un amendement, au terme d'une procédure d'urgence.

La commission mixte paritaire n'a pas modifié l'ouverture du crédit hypothécaire rechargeable, lequel est pourtant très dangereux pour les emprunteurs. Le rapporteur et le ministre nous ont appelés à la vigilance, précisant que le Parlement serait associé à la réflexion sur cette question sensible.

Je crois que vous commettez une grave erreur car, dans le même temps, vous simplifiez les procédures civiles d'exécution immobilière : les créanciers bancaires pourront ainsi être payés plus rapidement par les particuliers qui sont en défaut de paiement. Nous retrouvons là le déséquilibre dont je parlais plus tôt.

Par ailleurs, rien n'a été fait pour renforcer l'obligation de transparence boursière. Le Sénat a entériné le recul et les petits épargnants en seront les principales victimes. L'intégrité du marché n'en sort pas renforcée.

Il en va ainsi de l'article 8, qui ne change rien à l'irresponsabilité des émetteurs. Aucune action en responsabilité ne pourra être engagée sur le fondement du résumé ou de sa traduction. Le visa de l'Autorité des marchés financiers n'est pas requis pour les opérations de rachat. Nous sommes évidemment contre cette disposition.

En ce qui concernant l'Agence pour l'innovation industrielle, je ne souhaite pas revenir sur le fond du débat : nous avons dit que nous étions favorables au renouveau d'une politique industrielle.

Depuis, le Gouvernement a sélectionné soixante-sept pôles de compétitivité, dont quinze à vocation internationale. Or, au vu des financements prévus, on ne comprend pas clairement le partage des rôles entre les agences et ces pôles de compétitivité. Il semble que l'Agence pour l'innovation industrielle, comme l'Agence nationale de la recherche, comme le dispositif bancaire OSEO, seront mis à contribution pour financer ces pôles de compétitivité. Mais on ignore à quelle hauteur et on ne sait pas ce qu'il restera à l'Agence pour l'innovation industrielle, qui sera créée par décret pour définir de véritables compétitivités industrielles dans des secteurs déterminés.

Enfin, en ce qui concerne l'épargne salariale, le texte n'apporte qu'une très faible amélioration par rapport à la législation antérieure. C'est le seul point sur lequel le groupe socialiste avait réussi à faire adopter un amendement : il prévoyait la consultation des partenaires sociaux dans l'hypothèse de l'affectation de la réserve spéciale de participation lorsqu'il y a rupture du contrat de travail.

Or l'article 17, tel qu'il ressort des travaux de la commission mixte paritaire, reprend notre amendement, mais en le détournant : c'est non plus une consultation, mais une simple information. ; il ne s'agit plus des partenaires sociaux, mais uniquement des représentants du personnel. Qui connaît le droit du travail et la manière dont s'élabore le dialogue social dans les entreprises comprend la différence !

Le projet de loi ne prend pas la mesure du désarroi des salariés, alors que le chômage augmente et que la croissance est en panne, faute d'investissement productif des entreprises. La lecture de l'exposé des motifs est édifiante : « La situation financière des entreprises françaises a rarement été aussi saine, les liquidités aussi abondantes ».

En réponse, votre texte prévoit, certes, de lever les blocages, mais pas pour la compétitivité de notre pays : pour les chefs d'entreprise, sans aucune considération pour le pouvoir d'achat, dont on connaît l'utilité pour relancer la demande.

En conclusion, le groupe socialiste du Sénat, qui a pris toute sa place dans le débat, sans obtenir de résultat - mais c'est la dure loi de l'opposition ! - continue de s'opposer à ce texte déséquilibré et, à certains égards, contreproductif.

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