Intervention de Jean-Paul Amoudry

Réunion du 12 octobre 2011 à 14h30
Débat sur la couverture numérique du territoire

Photo de Jean-Paul AmoudryJean-Paul Amoudry :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux à mon tour saluer l’excellent rapport de notre collègue Hervé Maurey et remercier la commission de l’économie d’avoir organisé ce débat.

En raison d’un temps de parole très bref, je me limiterai à pointer les principales problématiques posées de mon point de vue par la mise en œuvre du programme national « très haut débit » et je me permettrai à cette fin de faire référence à l’expérience que je vis dans le département de la Haute-Savoie.

L’extrême diversité des activités de ce territoire a conduit différents bassins de vie et massifs à mener, depuis déjà longtemps, des études très poussées pour déployer la fibre optique, garantie indispensable de la pérennité de nos entreprises et emplois. Ces initiatives localisées ont été rassemblées en 2010 dans une étude de faisabilité à échelle départementale, en vue de la réalisation d’un réseau d’initiative publique très haut débit. Ainsi a été conçu un projet reposant sur des principes d’équité et de péréquation territoriale, garantissant une large ouverture aux opérateurs et aux services, et permettant de limiter la participation publique d’équilibre supportée par les collectivités publiques.

Depuis l’annonce du périmètre des zones d’appel à manifestations d’intentions d’investissement, ces perspectives encourageantes sont lourdement remises en question : vingt-sept communes urbaines représentant près de 40 % du potentiel démographique et économique du département sont couvertes par ce périmètre. Ainsi, malgré les aides annoncées au titre du guichet B du programme national « très haut débit », les effets conjugués de la perte de la péréquation entre zones denses et moins denses et de la disparition des financements des collectivités urbaines situées en zones d’appel à manifestations d’intentions d’investissement, dites zones AMII, compromettent l’équilibre économique du projet global.

Faut-il voir dans cette évolution une lecture trop restrictive du champ de l’intervention économique des collectivités, pourtant reconnue et encadrée par la loi, ou bien une application à la lettre du principe de liberté du commerce et de l’industrie ?

Nous persistons à penser que les principes d’équité territoriale et d’égalité d’accès aux services valent bien ceux de la loi Le Chapelier... Nos aïeuls, au XXe siècle – merci à eux ! –, l’avaient bien compris, eux qui ont instauré des mécanismes sans lesquels nos régions les plus reculées seraient peut-être encore privées d’électricité.

Cette hypothèse n’a d’ailleurs rien d’imaginaire lorsque l’on sait qu’aujourd’hui encore les vallées de montagne sont désespérément oubliées par la téléphonie mobile, dont le déploiement a été confié aux opérateurs privés.

Aujourd’hui, nous regrettons que l’on se refuse à appliquer pour le très haut débit des mécanismes qui ont permis à notre pays de financer son réseau de distribution électrique.

Dans le cadre ainsi tracé, comment aménager nos territoires de façon efficace et équitable ?

La première question soulevée par les élus de zones urbaines concerne les délais d’intervention et de conduite à bonne fin des réseaux par les opérateurs privés. En l’état, une simple déclaration d’intention est réclamée. Autrement dit, nul engagement, nul contrat entre collectivité et opérateur ! Comment des responsables locaux pourraient-ils se satisfaire, face à un enjeu aussi majeur, de garanties qui n’en sont pas ?

En zone frontalière, limitrophe de la métropole genevoise, le territoire et ses habitants ont, plus que partout ailleurs, un besoin urgent de très haut débit. Comment pourraient-ils attendre la fin de 2015 et au-delà pour que commence un déploiement, dont nul ne sait quand il sera achevé ?

Monsieur le ministre, ma deuxième question porte sur l’équilibre financier du réseau d’initiative publique, hors zones classées AMII. Les collectivités locales sont engagées financièrement de manière importante, mais, malgré leurs efforts, l’équilibre financier ne pourra être atteint. Alors, comment compenser ce défaut de péréquation, si ce n’est par le recours à l’Etat, initiateur du dispositif général qui nous préoccupe aujourd’hui ? Pourriez-vous préciser sur ce point les intentions du Gouvernement ?

À court terme, comment adapter le dispositif actuel afin qu’il devienne le catalyseur des déploiements des réseaux d’initiative publique ? Les projets aujourd’hui matures sont le fruit de plusieurs années de gestation. Personne n’ose imaginer qu’ils puissent être abandonnés. À long terme, quand et comment comptez-vous pérenniser les financements servant à abonder le Fonds d’aménagement numérique du territoire ?

Monsieur le ministre, je vous remercie, par avance, des réponses que vous nous apporterez et de bien vouloir prendre en compte et donner suite aux propositions constructives formulées par le Sénat dans le présent débat.

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