La loi du 9 août 2004, qui transposait des directives européennes, avait prévu la séparation fonctionnelle des entreprises assurant la gestion de réseaux de distribution d'électricité ou de gaz naturel des maisons mères avec lesquelles elles constituaient des entreprises verticalement intégrées.
L'article 6 va plus loin et achève le processus en prévoyant la séparation juridique de ces entreprises et en en définissant les modalités.
Conformément à la logique qui est à l'oeuvre dans les directives européennes, l'article 6 procède à une remise en cause des fondements qui avaient présidé au choix de construire des entreprises intégrées : volonté de répondre aux besoins du pays avec un service public efficace et moderne, capacité des entreprises à réaliser des investissements importants, réduction des coûts de production et péréquation des activités.
C'est d'ailleurs à toutes les entreprises publiques de ce type, construites sur le mode de l'intégration, que s'attaque la Commission européenne, suivie, hélas ! par le Gouvernement et sa majorité parlementaire.
Ainsi, en janvier 2005, on créait la Banque postale pour filialiser les activités bancaires de La Poste. Quant à la SNCF, la Commission lui impose une gestion séparée de ses activités fret et voyageurs.
La volonté de filialisation que traduit ce projet de loi, qui est en réalité la volonté de démanteler les entreprises historiques, ne répond bien entendu à aucune logique industrielle. Elle correspond à la seule logique d'ouverture d'un marché en vue de le libérer pour satisfaire l'appétit des marchés financiers, en faisant fi des enjeux importants, vitaux, en matière d'indépendance énergétique et d'égal accès à l'énergie que recouvrent les activités de ces entreprises.
Cette logique de démantèlement des entreprises publiques intégrées se concrétise dans la séparation en centres de profits des anciens opérateurs historiques pour mieux ouvrir les secteurs concernés aux capitaux privés. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de l'article 12 du projet de loi, qui prévoit la privatisation de la distribution de gaz naturel.
La loi de 2004 avait organisé la filialisation des transports de gaz et d'électricité. En permettant celle de la gestion des réseaux de distribution et en procédant à une définition des missions des gestionnaires concernés, il est évident que le présent projet de loi prépare le terrain pour l'arrivée de nouveaux distributeurs de gaz ou d'électricité. Il y a là, en effet, de nouveaux marchés à conquérir, des marchés qui peuvent se révéler juteux et donc grands pourvoyeurs de profits pour les actionnaires.
Il apparaît pourtant que les directives communautaires n'imposaient pas d'obligation d'ouverture à la concurrence ; elles ne la prévoyaient que pour ce qui concerne la production, la commercialisation et la fourniture de l'énergie.
Ainsi le Gouvernement, appuyé par sa majorité parlementaire, prend l'initiative de livrer un pan supplémentaire du secteur de l'énergie à de nouveaux opérateurs privés.
Cette logique de privatisation, de priorité donnée à la finance, aux actionnaires, ne pourra que remettre en cause l'accès de tous à l'énergie, qui devrait pourtant constituer un droit élémentaire pour l'ensemble des Français. Elle amoindrira les capacités de réponse exigeantes, de haut niveau, à des événements tels que la tempête de 1999 ; l'entreprise publique EDF et ses agents avaient alors fait preuve d'une grande efficacité pour remettre le pays en marche. Il est évident que ce n'est pas ce que nous proposeront des entreprises qui seront avant tout attentives à leurs propres intérêts.